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dimanche 15 juillet 2007

La correction d'un texte


Mes lectures sur les blogues littéraires, et dernièrement sur celui de Soleil d'encrier, m'ont propulsé au coeur d'une réflexion sur les étapes de l'écriture. Je réalise jusqu'à quel point c'est personnel. Tellement personnel. Serait-ce comme la sauce à spaghetti (!) avec à peu près les mêmes ingrédients mais un goût différent selon chaque cuisinier ? Les ingrédients de l'écrivain sont certainement les mots mais comment les mélanger ? Ça commence par une recette trouvée sur papier ou dans sa tête, une histoire qui mijote à gros bouillons et puis tout à coup émerge l'audace de lalancer sur papier ou sur clavier.

Certaines personnes écrivent rapidement courant derrière le fil de leur histoire et par peur de s'essouffler par cette course de longue haleine, les mots déboulent rapidement. Les canaux sont ouverts, les mots les traversent et deviennent maîtres absolus du chantier. L'auteur les suit et pour les suivre, il ne s'arrête pas pour jeter derrière un regard sévère qui juge. Ne pas censurer, laisser couler de source, de cette précieuse source dont il ne faut pas perdre la veine. Et si elle se tarissait ? Et si elle nous trahissait ?

C'est ainsi que je m'imagine la manière idéale de sortir le premier jet. C'est la suite qui m'interroge : Comment réviser? Comment une fois l'histoire jetée sur papier procède-t-on pour l'améliorer ? Comment obtenir ce recul salutaire pour jeter ce regard de bon parent qui guide son enfant vers une croissance heureuse et épanouie ?

Plusieurs voies s'ouvrent à l'écrivain :

+ S'en tenir à sa propre voix et lui permettre d'évaluer et juger
+ S'ouvrir aux voix de l'entourage immédiat en exigeant la franchise
+ À celle d'un correcteur plus neutre pour l'assurance qu'il ne ménage pas votre susceptibilité ... ou amitié !
+ Faire appel au service de parrainage de la Fédération québécoise du Loisir Littéraire
+ La proposer à l'éditeur comptant sur les bons conseils d'un directeur littéraire

Je me suis efforcé d'énumérer ces voies afin de mieux comprendre la meilleure à prendre et puis voilà que je les relis et me dit : pourquoi pas TOUTES ces voies ? Surtout que pour la dernière option, le risque est grand de ne jamais entendre la voix du directeur littéraire si on n'ouvre pas l'oreille aux voix subséquentes. Plusieurs écrivains chevronnés clament qu'il y a et aura encore et encore des révisions et corrections jusqu'à la (première) impression.

Cette réflexion m'a menée à une grande question : jusqu'à quel point aime-t-on l'étape de Correction avec un grand C, autrement dit, l'étape de remaniement ? Est-ce une étape que l'on aime ? J'ai presque l'impression que poser la question, c'est y répondre ! Qui aime se faire corriger ? Cela implique reprendre et recommencer pour faire mieux. À mon sens personne n'aime vraiment ça. Je me trompe peut-être, d'ailleurs j'espère me tromper. Je pense à certains comédiens qui disent préférer les répétitions au jour de représentation devant public. Je les admire ces êtres-là, j'avoue. Leur amour du labeur dans l'ombre m'impressionne.

Même si je suis encore en réflexion, j'ose une conclusion "question" sur le mode temporaire (dans l'attente d'une autre !) : Est-ce que les écrivains qui aiment bûcher sur le remaniement de leur texte seraient meilleurs ou en tout cas les plus "publiables" ?

Comme la question se pose, je vous la pose !

5 commentaires:

Lucie a dit...

Je pense que les écrivains les plus grands et les plus humbles sont ceux qui n'ont pas peur de « remettre 20 fois sur le métier leur ouvrage ». Pour moi, l'écriture, avant d'être un art, reste un artisanat. On gosse les mots comme d'autres gossent le bois et, à force d'acharnement, quand on n'y croit plus trop, apparaît quelque chose de plus grand, de plus beau, que ce qui avait été pressenti au début. Se surprendre soi-même...

Anonyme a dit...

Amos Oz, ce « magicien de l’enfance et des mots » comme, le décrit le critique littéraire Christian Desmeules, est peut-être l’auteur qui m’émeut le plus. J’ai terminé cette nuit son lumineux roman autobiographique Histoire d’amour et de ténèbres. Il y est beaucoup question d’écriture et de réécriture, de ceux qui l’ont guidé, accompagné… à commencer par Zelda, sa jeune maîtresse adorée dont il se souvient encore des conseils qu’elle lui prodiguait quand il avait 8 ans.

« Si tu veux dessiner un arbre, tu peux te contenter de quelques feuilles. Inutile de les représenter une à une. Et si c’est un personnage, tu n’as pas besoin de tous les cheveux. Là-dessus, elle était inconséquente : un jour, elle m’assurait que j’en avais fait trop, et une autre fois, elle déclarait que je n’en avais pas fait assez. »

« Comment savoir ? », s’interroge soixante ans plus tard Amos Oz. « La question demeure sans réponse », affirme aujourd’hui l’auteur d’une œuvre considérable.
Comme quoi…

Anonyme a dit...

Réflexion autour de l’écriture en gestation

Un conte d’Andersen, Les cygnes sauvages. Élisa doit tisser, avec des orties, des chemises pour ses douze frères devenus (à cause d’elle) des cygnes sauvages. Le travail est long et pénible –et elle ne peut le mener à bien que si, depuis l’instant où elle l’a commencé jusqu’au jour où la dernière chemise sera terminée, elle ne prononce pas une seule parole. Ce conte est une image symbolique de l’écrivain.

Les cygnes qui volent dans les airs –et qui sont en réalité des frères, et des frères qu’il est nécessaire de sauver en leur redonnant forme humaine. Et le mutisme obstiné, désespéré d’Élisa, qui se laisse accuser, jeter en prison, condamner à mort, sans arrêter un instant de tisser les chemises d’ortie avec ses doigts brûlés et enflés. Le mutisme terrible du cœur, pendant la période –plus ou moins longue- où l’on écrit un roman (on peut le porter en soi pendant des années, le vrai travail commence quand on se met à table –le papier, la plume et les mots; les mots guère plus précieux ni plus beaux que l’ortie des vieux cimetières, et dont il faut arriver à tisser douze chemises; pas belles non plus –les frères, eux, seront beaux). Élisa ne put terminer son travail –onze chemises étaient prêtes, à la douzième, il manquait une manche; et amenée devant le bûcher, elle voit voler vers elle ses frères-cygnes et leur jette les chemises; les cygnes redeviennent des hommes, seulement le douzième a une aile à la place d’un bras : la part de l’inachevé, du hâtif, de l’indécis qui subsiste dans l’œuvre la plus parfaite, comme un témoignage de la faiblesse humaine de créateur, et comme une porte ouverte sur un monde autre et mal apprivoisé.

Car il s’en faut beaucoup que le travail soit toujours mené à bien, et la plupart des Élisa gardent le sentiment de n’avoir tissé que trois, quatre ou, au mieux, six chemises, et d’avoir à jamais laissé s’envoler les autres cygnes sauvages. Beaucoup ne supportent pas l’épreuve du mutisme; d’autres n’en peuvent plus et abandonnent à cause de leurs mains blessées; d’autres manquent de temps. Une longue patience. Rien n’est plus difficile.

Zoé Oldenbourg. Visages d’un autoportrait. Éditions Gallimard, 1977 Folio, p.260

(1) Les Cygnes sauvages : www.chez.com/feeclochette/andersen.htm

Adeline a dit...

Quelle réflexion intéressante. Puisque j'ai un chapeau de directrice littéraire, je peux vous dire que du point de vue de l'éditeur, un auteur qui a l'humilité et la lucidité de prendre l'étape de la correction comme un cap enrichissant est beaucoup plus agréable et qu'un auteur qui se rebiffe contre toute éventuelle suggestion. C'est aussi étonnant de voir à quel point les auteurs aguerris et talentueux sont plus prêts à remettre leurs écrits en question que certains auteurs novices. Je crois sincèrement pour l'avoir vécu que l'étape de correction et de révision peut être un moment passionnant, et pour l'auteur, et pour le correcteur, et pour l'éditeur.
Les cygnes sauvages, ce conte m'a toujours fascinée... merci de le rappeler à ma mémoire, pideno.

Adeline a dit...

Je me permets de vous revenir pour vous suggérer le blogue d'une réviseure et auteure, Ginette Lachance, qui lève le voile sur certains aspects mystèrieux de cette profession.
http://www.septentrion.qc.ca/ginettelachance/