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vendredi 22 mai 2009

Un après-midi de septembre - Gilles Archambault

Bizarre un peu, j’ai commencé par rencontrer l’homme avant l’auteur. Ce qui est plutôt rare, notons-le, et involontaire, notons-le aussi. C’est que je pensais que cette mince plaquette était un roman. C’est un cadeau, à prendre dans les deux sens ; un cadeau que j’ai reçu et un cadeau pour les assidus lecteurs de cet écrivain.

Il s’y révèle beaucoup. Il se confie avec pudeur mais sans censure. Avec une lucidité qui abasourdit, surtout quand il en pointe le couteau acéré vers lui. Lucidité ou dureté, je vous laisse en juger...

[...] la Bibliothèque nationale m’a réclamé quelques manuscrits. Il s’en est fallu de peu que je refuse de donner suite à la demande. Je ne crois pas tellement aux papiers que laisse un écrivain. À moins qu’il ne s’agisse de très grands. Ce qui m’exclut.

Sur un ton tranquille, il nous fait le récit de la disparition lente de sa mère. Demandez à un homme de parler de sa mère, et vous le connaitrez mieux (vous voyez mon sourire ?). Il se juge sans se condamner : Je n’ai pas été un fils dévoué. Parler une fois par semaine à sa mère au téléphone, la voir toutes les trois semaines ne fait pas de vous un être particulièrement généreux. Il renchérit: Elle aurait sûrement aimé que je lui propose un séjour commun en Europe. Je n’ai pas cette générosité qui aurait consisté à participer à un de ces voyages organisés ... Cet homme est marqué par sa mère : Ma mère m’a laissé plus que des souvenirs. Elle est inscrite en moi à tout jamais.

Je lui ai trouvé une habileté de conteur détendu. Il vogue d’un souvenir à l’autre avec une logique que lui seul connaît. Je me suis totalement abandonnée, suivant le courant de sa pensée glissant sur une eau calme. Même son ressentiment contre son père prend un ton apaisant ! À force d’y faire allusion, vous allez croire que je me suis ennuyé mais justement, non. Est-ce parce que le sujet de l’accompagnement d’une mère amoindrie, et ensuite amèrement regrettée, m’était si familier que j’avais l’impression d’en faire partie ? Il décrivait des émotions si semblables à celles que j’ai éprouvées que je me suis passé la remarque, voilà peut-être la définition d’un bon écrivain, celui qui décrit dans un langage tel que tout le monde s’y reconnait.

Mais attention, Gilles Archambault ne pose pas le même regard que moi sur les écrivains :
Ma mère a tenu pendant quelques années son journal. À ce jour je ne l’ai pas lu et n’en ressens pas le besoin. [...] L’écriture n’a pas dû lui permettre d’aller au-delà des confidences qu’elle me faisait. Seuls les écrivains sont des profanateurs.

Le refus de lire le journal de sa mère dévoile beaucoup sur lui. J'en ai été grandement surprise. Un écrivain qui décide de consacrer un livre complet sur le seul sujet de sa mère et qui refuse de lire son journal parce qu’elle n’aurait pas la fibre d’un écrivain me plonge dans la perplexité. J'ai toujours pensé que lorsque l’on aime quelqu’un pour qui il est, et non pas soi à travers lui, de vivre ses émotions à travers son écriture devient précieux.

J’en suis venue à la conclusion, et finalement tout ce récit la corrobore, cet homme a été aimé de sa mère. Et ce n'est pas tant sa mère qui lui manque que l’amour de celle-ci. Bon, je m’éloigne de la littérature et patauge dans la psychologie. C’est le risque inhérent des récits, surtout quand il porte sur la mort d’une mère ce qui nous arrive(ra) tous un jour.

Vous voulez connaître l’homme derrière l’auteur, ce récit ouvre une porte. Personnellement, j’y suis entré avec plaisir et maintenant je désire connaître l’écrivain. Par où commencer ?

En quarante années de carrière littéraire, marquée notamment par le Prix du Gouverneur général (1987) et le prix David (1981), Gilles Archambault a publié une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, des chroniques, du théâtre, qui forment aujourd’hui une œuvre considérée comme l’une des plus riches et des plus personnelles de la littérature québécoise.

3 commentaires:

Lucie a dit...

Décidément, le deuil de la mère est dans l'air du temps, si l'on peut dire. Le dernier Beauchemin en traite, le Journal de deuil de Barthes est arrivé récemment chez les libraires... Une source d'inspiration (et/ou une tristesse) sans fond, semble-t-il.

Venise a dit...

Lucie, presque incontournable, ne serait-ce que pour le principe que le malheur inspire pas mal plus les écrivains que le bonheur.

Par contre, et je l'ai réalisé moi-même presque à la fin de ma lecture, ce récit est daté de 1993 (c'est que j'ai pris pour acquis que ce cadeau de fête ne pouvait être qu'une nouveauté !)

Le deuil de la mère est donc dans l'air de TOUS les temps !

Danielle a dit...

Les quelques pages précédemment parues de ce tout petit livre résumaient déjà toute sa pensée. Le reste n’est que de la redite. L’auteur y apparaît mou, terne et égocentrique. Rien pour me le rendre sympathique.