Faites comme chez vous

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c'est recevant !

dimanche 30 août 2009

Le fils du Che - Louise Desjardins

Le sujet de l’heure ; les enfants qui vivent cruellement le divorce de leurs parents. Je m’avoue un peu saturée du thème. Ça part mal une lecture. Je me suis rabattue sur mon désir sincère de découvrir cette auteure.

C’est l’histoire d’Alex, ado de 14 ans, dont le père est absent depuis la naissance, la mère aussi, puisqu’elle a confié son éducation aux grands-parents. Cette famille en est une d’intellos bourgeois, ardents militants de gauche. L’enfant s’est complètement replié sur lui-même depuis que récemment il vit avec sa mère. Il broie sa rage, et s’il est muet de l’extérieur, son discours intérieur est extraordinairement violent à l’égard de sa mère. Disons qu’entre les deux comportements, le contraste est grand, ce qui fait qu’en partant, j’ai trouvé que le tableau manquait de nuances. L’enfant se défoule en courriellant à une fille qu’il courtise, des yeux seulement. Encore là, les fils sont cousus grossièrement, on sent que l’auteure veut absolument attirer l’attention sur ces pauvres enfants abandonnés devant leur écran, ce mal du siècle.

Pour vraiment m’attacher à cette histoire, j’aurais aimé moins entendre, derrière toutes ces mises en situation, la voix moralisatrice de l’auteure. Une voix qui explique. Je préfère que l’on me démontre, en me faisant ressentir des émotions par exemple. Je préfère. J’imagine que ça dépend des goûts et les miens, je commence à les connaître.

Le style est d’une grande simplicité, naturel, fluide, avec quelques trouvailles intéressantes. C’est efficace, ça se lit vite et bien. Sur le quatrième de couverture, on parle « d’économie de moyens ». La structure du roman, un moyen de plus en plus commun : donner la parole aux personnages, à tour de rôle, à chacun son chapitre.

Au final, ce sont les pères qui ont le beau rôle, ne serait-ce que pour ça, je suppose qu’on pourrait dire que l’œuvre se distingue.

Le fils du Che de Louise Desjardins, Boréal, 173 p.

vendredi 28 août 2009

Les Filles - Lori Lansens

Je commence par un coup de cœur (je commente celui-ci avant l’enfant du Che). Je suis dû. Le cœur, c’est un moteur de lecture. Les Filles ... ah, les filles. Je les aime. J’ai appris à les aimer. L’auteure, on pourrait quasiment dire, leur mère littéraire a eu l’art de nous amener à les regarder vivre. Sans que l’on se sente aucunement voyeur. Le récit se déroule trop dans un esprit d’amour pour cela. Il faut qu’une auteure aime ses personnages en pas pour rire. Voyez, je dis « personnage » et j’ai quasi l’impression de profaner leur mémoire. Elles sont vivantes, je vous le dis, elles sont vivantes ! Dans ma tête, bien sûr dans ma tête. Et dans combien d’autres, dont celle de Marc (il m’a confié que c’est le livre le plus intéressant que je lui ai lu à voix haute jusqu’à date).

C’est l’histoire d’une vie mitoyenne. Et plus. Beaucoup plus difficile pour moi d’exposer les faits quand j’ai un coup de cœur. Je suis un peu émotive, voyez-vous. Bon, je vais faire un effort pour vous situer un peu quand même, des fois que ça vous donnerait le goût de les adopter à votre tour, ces jumelles craniopages (reliées par la tête). C’est leur histoire de vie qui n’exploite en rien le côté spectaculaire, plutôt le contraire. Je dirais même qu’un des messages serait celui-ci : qu’importe la différence physique qui nous distingue, on a un quotidien « quotidien ». La vie de tous les jours a ses gestes remplis d’habitudes, de câlins, d’embêtements, de réalisations, de déceptions.

Elles sont jumelles, mais ô combien différentes ! Comment vivre sa différence quand ses jambes sont les jambes de l’autre aussi ? Elles ont chacune une tête, une âme, des goûts et des besoins différents. Ça exige de la concession tout ça ! Tout couple symbiotique en fusion amoureuse pourrait puiser dans cet exemple. Elles, elles n’ont pas le choix de le vivre, aussi bien s’aimer une et l'autre !

L’auteure ne s’est pas contentée d’avoir le talent de raconter la vie ordinaire de jumelles extraordinaires, elle a osé un procédé. Rose,une des jumelles a le vif désir d’écrire sa vie. Et elle l’écrit, avec acharnement. Et on la lit page après page. Ruby, quant à elle, s’intéresse plus aux artéfacts amérindiens avec cet art de ne pas se casser la tête ! Ces jumelles ont des parents adoptifs, un couple âgé, oncle Stash et tante Lovey, attendrissants dans leurs imperfections. Aucun héros dans cette histoire, juste des êtres humains tout ce qu’il y a d’humain, avec des tares et des torts.

Extrêmement présent est le regard des autres. Cela a quelque chose de passionnant qui nous ramène aux malaises ressenties devant les anomalies. Et la solitude que ça entraîne chez ceux que l’on peut regarder comme des bêtes de cirque.

Ruby, qui se moquait un peu de la soif d’écrire de sa sœur, finit par s’y mettre elle aussi et rédige son journal sur un ton léger. Quelle bonne idée, qui fait comprendre que, même soudées par la peau du crâne, la vision d’une personne à une autre diffère totalement. Est-ce le fait que l’auteure a donné la parole à Rosy et Ruby mais je garantis presque de s'attacher à ces filles !

Une leçon humaine. À lire.

Les Filles de Lori Lansens - traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, ALTO, 576 p.

mardi 25 août 2009

Le jour est noir - Marie-Claire Blais

J’ai attendu un jour clair pour apporter cette lecture à votre attention. Cette fois, je passe mon tour de critique, le laisse aux autres. Je tente une expérience et c’est l’édition « Roman 10/10 » qui me le permet. Le jour est noir terminé en 1961 et paru en 1962 offrait à la fin de l’épilogue un échantillonnage de critiques de journalistes. Je dois avouer que c’est ce qui m’a le plus intéressé dans le livre ! J’imagine mal aujourd’hui qu’on rajoute à la fin d’une œuvre des critiques aussi sévères. L’abondance aussi m’a frappée. On a maintenant de la difficulté à en trouver quatre ou cinq, tandis qu’il s’en trouve une douzaine. Comme j’aime partager ce qui me frappe, j’ai pensé vous les transcrire, en supposant que l’expérience vous intéresse. Si ce n’est pas le cas, je vous laisse mon commentaire qui est plus une réaction de lecture, ce qui est différent d’une critique.

Dans mon billet précédent, j’ai laissé entendre combien cette lecture m’a troublée, dans le sens de perturbation d’humeur. C’est qu’elle est forte, cette M.C. Blais pour nous emmener dans son monde. Le problème est que je ne voulais pas l’accompagner. Même quand elle me tirait par la peau de sa prose poétique, je me braquais. Cette histoire a des allures de rêverie sans étiquette autocollante super adhésive. Vous savez ces rêves noirs de nuit, ces cauchemars où il est impossible de hurler et où l’on erre, convaincu que c’est vrai ce pire du pire et où, au réveil, il faut se secouer pour se convaincre qu’il fait clair, se pincer encore et encore pour accepter que tout n’était que pure invention. C’est l’essentiel de l’impression que m’a laissée ma lecture, sans le prix de consolation de mes « vrais » rêves qui est celle de croire que je viens de m’offrir un nettoyage en règle de ma psyché. J’en mets hein ? Elle aussi, que voulez-vous, elle aussi.

Pour ceux qui veulent vivre l’expérience des critiques de journalistes de l’époque :

Un roman qui veut creuser en profondeur le sens de l’amour et de la jeunesse, de la mort et de la vie, et qui ne réussit qu’à donner une impression d’artificiel. Marie-Claire Blais a un talent fou. De toute la jeune génération de romancières québécoises, elle est peut-être la seule qui sache éviter l’eau de rose et le noir mélodrame, et qui soit vraiment capable de poésie intense, instinctive et profonde. Ces qualités, on les sent, malgré tout, dans ce dernier roman, à l’arrière-plan, au-delà des artifices et des incohérences.
Signé : Lysiane Gagnon

La substance romanesque est mince dans ce très bref roman mais les thèmes de l’amour et de la mort y sont prétextes à la plus subtile des analyses. Comment la passion, dès la prime jeunesse, s’insinue aux cœurs et aux corps des êtres et les possède, comment la vie lie et délie, l’enfantement et la mort. M.-C. Blais le dit avec une sensibilité ouverte aux plus petits mouvements de l’âme et de la chair.
Signé : Eugène Fabre

Les sentiments y sont exprimés d’une façon très poétique et certaines pages sur l’amour et la maternité sont émouvantes de vérité. M.C. Blais y révèle une grande intuition et une extrême sensibilité.
Signé : Suzanne Blouin

Celle-ci est aussi mal adaptée au roman que ses personnages le sont à la vie [...] La romancière semble se complaire dans le noir qui prête à toutes les confusions et qui peut laisser croire, parce qu’il est insondable, à toutes profondeurs. Avec cette jeune romancière nous avons le vertige du vide, celui qui donne le noir trop savamment entretenu.
Signé : Gilles Boyer

Plus prosaïquement « Le Jour est noir » pourrait se définir comment étant, à la fois, le roman de nulle part et le roman de personne [...] Ressusciter dans un roman l’artifice symboliste est un anachronisme de taille [...] M.C. Blais nous rappelle les pires défauts de Maeterlinck par l’inconsistance de la forme et le maniérisme du style.
Signé : Victor Barbeau

Nous ne faisons preuve d’aucune sévérité indue en nous demandant si elle ne cède pas exagérément à ce qui est devenu chez elle un procédé [...] Il y a de l’incantation verbale dans ce récit que j’ai peine à qualifier de roman. Tout concourt au dépaysement [...] M.-C. Blais doit encore apprendre à discipliner ses richesses intérieures.
Signé : Roger Duhamel

Un songe fantasmagorique de l’ordre de ceux que l’on peut faire lors d’une anesthésie au pentothal. Tout dans ce récit est flou et immatériel comme le rêve [...] Le style de ce livre est d’une originalité voulue, indécis entre la prose et la posée et partant irritant pour le lecteur qui perd pied.
Signé : Bulletin du Cercle Juif

Le jour est noir n’exprime aucune beauté de sentiments, malgré la quasi-mise en scène poétique où baigne l’œuvre. M.-C. Blais continue d’être séduite par certaines circonstances exceptionnelles de son enfance et ne réussit pas à s’en affranchir.
Signé : Jacques Parent

On retrouve dans ce roman certains des thèmes qui affligent notre littérature, mais sans substance et exploités à l’excès par quelqu’un qui les a appris par cœur, et qui passe vite sur ce qu’il connait pour arriver au plus tôt à parler de qu’il ignore. Ce livre-là, comme le prototype I et le prototype II, n’a aucune épaisseur, aucun contact avec la réalité, aucune relation non plus avec le fantastique ou le symbolisme. Et sa « noirceur » vient moins de la profondeur que de la négligence à ouvrir une fenêtre sur le monde. Il est à craindre qu’à répéter trop souvent ses trucs, M.-C. Blais ne les évente. Le jour est noir n’est ni meilleur ni pire que La belle bête ou Tête blanche. Le seul progrès accompli l’est chez le lecteur, qui ne prend plus l’indécision et les fautes pour des astuces de style ou d’innocence.
Signé : Jean Paré

Un roman si factice qu’il ressemble au produit d’une élève à qui on a dit qu’elle faisait de « belles compositions ». Rien ne tient sinon le vague ennui que ressent le lecteur dès la dixième page, malgré, ici et là, quelques sursauts d’intérêt. M.-C. Blais a du talent ! Personne ne le nie ! Notre exigence même vient de cette certitude. Mais ce n’est pas à publier son petit roman ou son petit poème ou sa petite pièce de théâtre, sous les six ou dix ou douze mois qu’elle donnera sa vraie mesure. Dans son cas, la multiplicité des œuvres engendre l’appauvrissement de l’inspiration, de l’humain, du senti.
Signé : Julia Richer

Dans toute la littérature canadienne-française pourtant généralement gaie, je ne crois pas qu’on ait jamais écrit un livre aussi noir. Il fallait sans doute beaucoup de courage pour l’écrire. Mais il aurait fallu plus que du courage pour le réussir. M.-C. Blais n’a pu maîtriser les songes affreux qu’elle a évoqués. De vives lumières éclairent parfois son récit, mais il demeure, dans l’ensemble, maladroit, imprécis, un peu puéril. Le jour est noir n’est que l’ébauche du grand, du terrible roman qu’appelait son sujet.
Signé : Gilles Marcotte

Avec M.-C. Blais, nous sommes incontestablement devant un talent original sur lequel il est impossible de faire la moindre conjoncture. La jeune romancière n’est pas encore sortie d’un monde chimérique dont elle semble être la seule à détenir les clefs. Mais je serais fort surpris que quelque jour prochain ou lointain, peu importe, elle ne nous apporte une œuvre qui nous étonnera tous. Car il semble que sommeillent en elle des forces inconnues qui ne font qu’émerger à peine à la surface. Le jour où tout cela passera d’un rêve imprécis à la vie vraie, toute cette poésie sommeillante, encore trop peu sûre d’elle-même, pourra alors produire quelque chose de très beau.
Signé : Jean Hamelin

* * *
Cette dernière critique résonne maintenant comme un présage puisqu’un an plus tard, Marie-Claire Blais sortait « Une saison dans la vie d’Emmanuel » qui a connu un vif succès.

jeudi 20 août 2009

De retour ...

... avec bien entendu plus d’agates (dont deux ont été transformées en boucles d’oreille pour moi), des rencontres en veux-tu en v’là, de l’air de mer plein le poumon, de la morue fraîche et de la crevette jusqu’à dire, "plutôt une galvaude s’il vous plaît". Grisée d’horizons bleutés, de rivières, de chutes et de barachois. De casse-croûte, de vent, d’accent chantant. Et de photos.
Mais ici, c’est un carnet littéraire, alors je vais vous parler de mes lectures de plage. J’ai eu de la misère à me brancher autant qu’un cormoran à l’aile cassée essayant de plonger le bec pour se refiler un poisson dans l’estomac. C’est que j’avais avec moi plusieurs livres, peut-être trop. La vue était si belle, l’appareil photo si tentant, il m'aurait fallu des auteures aguerries ou bien en adéquation avec mon humeur poreuse à l’environnement de terre, de mer, de sable, de roche, de lichen. Tout un défi qu’elles ne savaient même qu’elles auraient à relever (j’ai réalisé que je n’avais apporté que des auteurs féminins !).
J’ai commencé par Les années de Annie Ernaux, cette Française encensée par la critique et qui a fait perdre la tête à la blogoboule. J'ai accosté à la page 43, concluant que c’était bon et extrêmement bien écrit même si je n’ai jamais traversé la page jusqu’à elle. Elle nous renvoie dans le passé, le sien je crois bien, avec plein d’images, de judicieuses et savoureuses réflexions. Je vais la reprendre n’ayez crainte, je vais lui laisser le dernier mot. Je me suis ensuite rabattue sur Marie-Claire Blais que je me devais de connaître avant que la honte me fasse changer de couleur. J’ai lu Le jour est noir. Déjà que c’est une auteure sombre, si elle opte en plus pour le noir, on fonce dans du noir foncé. Quand sur une plage, les orteils recroquevillées dans le sable, le corps tiédi par un vent doux qui tourne ta page, tu te sèches l’âme jusqu’à broyer du gris, tu conclus que ce n’est pas une lecture de vacances mais tu continues quand même parce que même si tu ne voulais pas changer de couleur, tu en changes, et tu t’entêtes puisque de toutes manières, l’abandon te grisonnerait le teint. Et tu finis laborieusement ce bouquin mince pourtant. Et tu réalises qu’il a été écrit avant Une saison dans la vie d’Emmanuel et tu entends M.-C.. Blais répondre pendant les Correspondances d’Eastman : « J’étais jeune alors, je suis moins noire maintenant ». Et tu trouves une vingtaine de critiques signées par des journalistes qui défilent après le point final et tu es terriblement surprise de réaliser qu’en 1962 les critiques savaient encore ce que ce mot veut dire. Et toi, tu l’as bel et bien terminé, tu auras donc le droit de le critiquer mais plus important encore ; tu t’es mérité de commencer un autre livre qui sera « L’enfant du Che » de Louise Desjardins. Il est temps que tu la rencontres elle aussi. Tu l'auras fermé à la page 67 en sachant déjà que ce n’est pas une lecture de vacances mais comme tu n’es plus en vacances, tu lui laisseras sous peu elle aussi avoir le dernier mot.

* * *
À toutes les minutes où j’ai déposé mon livre, je décapsulais l’objectif pour capturer un moment dans ma boite noire qui les avalait, me les renvoyant dans l’instant plus aisément que le meilleur Polaroïd de mon enfance (vous vous rappelez que c’est nouveau pour moi un appareil numérique).

Normalement, c’est au Pigeonographe que je devrais faire défiler ces clichés mais le site est encore en exploration et je ne sais pas combien je peux lui en refiler sans faire éclater la mise en forme préprogrammée. Alors, je ne prends pas de chance, mon webmestre est loin de tout ordinateur présentement.

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Pas facile d'installer des photos ! Elles se glissent partout n'importe comment, sans ordre ni logique. Et qui plus est, certaines belles, blogger prend un malin plaisir à les rendre floues, alors je les ai éliminées. Bah ... ça donne une petite idée quand même. Je vais aussi en installer au Pigeonographe, sans trop m'emporter. Par exemple, ma chronique qui parle de ma jasette avec la marmotte, eh bien, je vais y rajouter cette fameuse photogénique marmotte. Bon, je m'en vais peser sur le piton, voir si blogger me fait l'honneur de toutes les prendre (elles sont lourdes je crois).

samedi 15 août 2009

Matamore no 29 - Alain Farah

Il y a de ces écrivains qui désirent lancer le lecteur sur des voies jamais empruntées, le faire vivre du jamais lu, le déranger aussi bien sûr, Alain Farah fait tout ça, mais le désire-t-il ou si c’est incontournable, si près de son être, unique à ce point ?

Quand on m’indique une lecture bizarre, spéciale, avec promesses d’égarement, mon élan spontané est « oui », ça m’attire. Et puis, lorsque je commence ma lecture, j’éprouve du malaise comme si de me jouer de mon cerveau habitué à certaines règles de lecture me dérangeait au point d’en éprouver de la difficulté à me concentrer.

Dieu, ou le maître du temps s’il existe, sait combien j’ai eu de la difficulté à me concentrer, mon esprit voulant sans cesse se sauver. Combien de fois ai-je dû le rattraper et le remettre à sa page. Comme les sujets s’enlignent avec des liens ténus et subtils, je perdais souvent le fil. Si au moins je l'avais lu d’une traite, j’aurais mieux vu ces liens, donc mieux lu. Mais encore là, même si certains passages m’ont amusés, d’autres impressionnés, je manquais de motivation pour reprendre le livre, donc ce fameux fil devenait trop cassé. Comment dire, je pourrais bien sûr déclarer que ce roman n’avait qu’à m’intéresser, mais il y aurait une part de malhonnêteté. Cette expérience m’a fait réaliser plus que jamais que la lecture est une question de relation entre l’écrivain et lecteur. J’avoue avoir été une bien piètre lectrice, je n’ai pas offert la qualité d’écoute que mérite un roman que l’on s’est promis de commenter.

Le chapitre « Joyce n’est pas Shakespeare n’est pas Homère (fantôme, mémoire, onanisme) lu le plus attentivement possible m’a semblé une réflexion profonde, une étude unique en son genre, mais plusieurs références m’ont échappées, faute de connaissance du, ou plutôt des sujets.

Il est beaucoup question de questions dans ce livre, et de poissons servis à toutes les sauces :
"Quand je déguste un poisson succulent, est-ce que le bon goût arrive sur ma langue avant que l’idée du bon goût ne se forme dans ma langue. N’y a-t-il pas là preuve de cet irréparable retard dont souffrent les mots ?"

Je vous laisse sur un dialogue insolite qui fait du sens :

"- Mais vous vous considérez quand même comme un écrivain expérimental ?
- Comme un fabricant d’expériences, plutôt.
- Malgré toute cette souffrance, parvenez-vous à définir l’essence de votre folie ?
- Mademoiselle, la folie, c’est la raison quand elle en a marre de feindre que tout est en ordre.
- Et qui considérez-vous comme fou ?
- Tous ceux qui se croient à l’abri de le devenir."

La clôture

J’aurais aimé vous parler de la cérémonie de clôture, à partir de Eastman mais la vie étant ce qu’elle est avec ses heures qui s’égrènent trop vite, me voilà à la Vieille Usine, toujours à L’Anse à Beaufils, fuyant le soleil qui me fait renne au nez rouge, même avec de la crème solaire force 60 et un chapeau !

Il y avait aussi l’option de laisser tomber et ne pas en parler du tout. J’aurais trouvé ça dommage, parce que c’est l’heure de la reconnaissance et je crois tellement à cette valeur. Ne serait-ce que pour la reconnaissance à ces bénévoles qui se dévouent dans l’ombre pour mettre l’événement en lumière. Sans eux, bien sûr, les Correspondances d’Eastman n’aurait pas lieu. J’en ai croisé combien, aussi concentrés que consciencieux à placer les (trop) nombreux visiteurs pour le nombre de sièges à la Terrasse et dans le théâtre même La Marjolaine. Ils irradiaient de cette beauté propre à la dévotion silencieuse. Je nomme le poste de placier, mais chaque jardin a ses fées – et quelques lutins – vous offrant la panoplie du parfait épistolier. Et que dire des propriétaires qui ouvrent la porte de leur emplacement privé pour nous faire bénéficier des plus coins de la région. Je ne nommerai pas toutes les fonctions qui exigent des bénévoles, mais avec un régiment de 125 bénévoles et 12 espaces d’écriture, ça vous donne une bonne idée. Même les quelques personnes engagées dans le sens lucratif du terme, inévitablement, font du bénévolat. Un merci particulier à Line Richer, la joyeuse chef d’orchestre depuis sept ans qui, une première cette année, a présenté les écrivains, brièvement à sa manière simple et naturelle qui donne le ton. C’est de la passion ça mes amis, de la passion qui se rétribue par l’amour du partage !

La cérémonie récompense les participants au concours de la Poste restante, organisé par Denise Neveu. Je ne vous ai même pas dit quel était le thème cette année. Inspiré du très beau livre Confessions animales - Bestiaire et son CD, lu par l’auteur, Serge Bouchard, on invitait les participants à mettre des mots dans la bouche (gueule !) du colibri ou de l’ours blanc. On donnait des pistes inspirantes et en plus, cette année, on misait sur la brièveté (pas si facile la brièveté !), suggérant d’y aller par le genre télégramme ou courriel, mais pas à prendre au pied de la lettre ! Quatre des cinq lauréats étant sur place, ils ont reçu leur Prix (des livres !) des mains des très fidèles, Francine Ruel et Dany Laferrière qui en ont fait des lectures senties. Un seul homme sur cinq, je le mentionne car, ai-je besoin de préciser que l’homme épistolier est un oiseau rare. J’ai remarqué cependant que plusieurs hommes accompagnent leur épouse et se laissent prendre au jeu de la littérature, ce que j’ai eu le plaisir d’entendre de la bouche de certains.

Si vous désirez quelques chiffres, des informations officielles, le journal la Tribune vous en donne ici.

Aussitôt que les dates de la prochaine édition seront connues, je vous en fais part. Je pense à ceux qui ont le goût de se planifier cette expérience palpitante.

Ah ... mission accomplie !

P.S. : Je brûle sous le soleil et je brûle aussi de babiller sur mon voyage vacances, alors rendez-vous bientôt pour le reste des vacances à la Babillarde du Pigeonographe.

N.B. : Mes photos sont plutôt floues, elles sont prises du balcon. À noter que le décor de la pièce qui joue à La Marjolaine cette été Les Premières classes étaient de nouveau en place.

mardi 11 août 2009

Une dramaturge et un libraire

Connaissez-vous 84, Charing Cross Road, ce livre de Helene Hanff, dont on a tiré un film charmant ? Cette correspondance d’une vingtaine d’années entre une fougueuse dramaturge New Yorkaise passionnée par la littérature classique et un libraire londonien tout aussi passionné mais un peu collet monté est tout simplement passionnante. Dans le cadre des Correspondances, j’ai assisté au spectacle littéraire d’une adaptation libre de Marc-Antoine Cyr. J’ai eu le plaisir de voir le film voici quelques année et j’en suis restée marquée. N’importe qui aimant la littérature, les livres, les librairies et le charme londonien risque d'être impressionné. Et, paraîtrait-il, par le livre encore plus !

J’avais hâte d’entendre cette mise en lecture par Jennifer Alleyn, voir surtout la New-Yorkaise au caractère fort incarnée par Pascale Buissières, et ne plus seulement imaginer le libraire légèrement empesé dans la peau d’un Daniel Gabouas. Merveilleuse distribution des rôles !

J’étais dans la première rangée, tout près de l’hôtel de ce théâtre improvisé dans l’église du village. Les éléments du décor, pourtant sommaires, donnaient tout à fait le ton.
L’interprétation de Pascale Buissières était exceptionnelle, elle campait la verve et le bagou de Helene Hanff avec un aplomb assez comique. Attablée derrière un petit secrétaire, elle lisait des lettres et bien sûr, on oubliait qu’elle lisait, elle incarnait. Le libraire londonien est un être réservé et derrière son lutrin, c’était peut-être un peu moins évident pour Daniel Gadouas. Son interprétation n’était pas en cause mais je me rattachais aux images du film pour compléter le personnage. Faut dire que ses lettres étaient nettement plus courtes, un caractère introverti se saisit moins rapidement. Sa femme, incarnée par Jennifer Alleyn, était très crédible, une interprétation sensible et toute en nuances.

Et il aurait été inimaginable de se priver des accords du contrebassiste, Mathieu Désy, qui a donné à cette prestation vivante la note juste.

Malgré tout, la dernière ligne lue, j’avoue que si je n’avais pas vu le film, je serai restée sur ma faim.


“Je ne vous vois pas !” - Marc Levy

Presque deux heures d’entretien avec cet homme. Une heure et demie en tête à tête avec Francine Ruel, suivie de questions de l’assistance. Remarquez, je parle de « tête à tête » et pourtant Marc Levy était sur une scène ! Je suis admirative et reconnaissante de ce que Francine Ruel a réussi ; lui faire oublier la scène. J’ai assisté à son entretien sur la Terrasse de la Marjolaine et il regardait et aimait s’adresser à l’assistance. Il en avait une conscience aigüe, alors quand il est arrivé sur la scène du Théâtre La Marjolaine, il s’est exclamé « Je ne vous vois pas ! ». Doucement, judicieusement, madame Ruel l’a amené à s’épancher comme dans son salon. Il nous a raconté plein de savoureuses anecdotes mais en pleine noirceur, adieu le carnet de notes !

Je m’en souviens particulièrement d’une qui a un rapport avec son père. Avec des parents comme les siens, impossible pour sa sœur et lui de se prendre au sérieux. Pas de gonflement d’égo possible. Il nous en a fait la démonstration. Pour Les enfants de la liberté, il n’arrivait pas à avouer à son père qu’il voulait aborder le sujet de la résistance, se doutant que celui-ci qui avait fait partie de la résistance serait récalcitrant, le passé étant le passé. Il s’est donc débrouillé seul, effectuant des recherches, puisant dans la vie de son père. Ce dernier prenait couramment des nouvelles de la prochaine histoire, alors le fils a dû en inventer une. Pendant l’année qu’a duré l’écriture, son père s’informait et le fils répondait aux questions, s’embrouillant dans son histoire imaginaire. Le père confiait à la mère son inquiétude, jugeant que cette fois-ci fiston faisait fausse route avec cette histoire complexe. De son côté ML utilisait sa mère comme agente très spéciale pour cuisiner le père qui a fini par confier à son fils « Ta mère est bizarre ces temps-ci, elle est obsédée par la guerre ». Le jour où Marc Levy lui a remis le manuscrit pour une lecture urgente, il s’est sauvé, la peur au ventre. Quand il est revenu, le seul commentaire a été « Je ne me souvenais pas que ça avait été aussi dur ». Je réalise en la racontant qu’il y manque la saveur. Ai-je vraiment besoin de dire qu’il est un remarquable conteur ?!

Il a parlé de ses parents, ensemble depuis 50 ans et qui se tiennent encore par la main et se bécotent ! Francine Ruel lui a fait remarqué qu’il parle beaucoup des relations de couple, oui et il croit au couple, aimer rend l’homme vulnérable et c’est ce qu’il y a de plus beau, un homme vulnérable. Nous avons appris que sa femme est canadienne et était dans la salle.

J’ai été conquise par sa simplicité, sa générosité aussi. Je regrette de ne pas avoir eu l’idée de lui poser cette simple question : qu’est-ce que la rencontre avec vos lecteurs vous apporte ? Avouons que plusieurs écrivains resteraient à leur table de travail si ce n’était du côté promotionnel de ces rencontres, aussi j’aurais aimé entendre la réponse d’un romancier qui a vendu 17 millions d'exemplaires traduits dans 41 langues. Cela ne doit pas être pour vendre encore plus de copies, non ?

Son petit (gros) dernier, Le premier jour met en scène un couple ; il est astrophysicien, elle est archéologue. Pour Marc Levy, il en ressort qu’il est exigeant de faire parler des personnes plus savantes que lui !

Et quant à y être, j’ai un autre regret ; ne pas avoir eu le temps d’acheter et de faire dédicacer un exemplaire pour Marc, pour notre prochaine lecture à voix haute. Faut dire que Marc a déjà fait de la fouille archéologique et se passionne pour l’astronomie.

Je me considère privilégiée d'avoir assisté à cette rencontre, je ne vois plus cet écrivain de la même manière, en fait, je le vois maintenant plus comme un homme que comme un écrivain. Et de ça, je crois qu'il serait heureux.

Je réclame votre indulgence pour les photos, elles sont prises du balcon ... J'ai fait le mieux que je pouvais !

lundi 10 août 2009

Mettre le cap sur l'espoir (Catherine Mavrikakis - Marie-Claire Blais)

Six, sept pages de cahier pour ces deux grandes dames de la littérature ; Catherine Mavrikakis et Marie-Claire Blais. Celle-ci se présente rarement en public mais quand elle le fait, elle est d’une remarquable générosité. Je vais tenter de vous transmettre le plus d’informations possibles, quitte à ce qu’elles manquent de liens entre elles. Voilà ce qui est le plus difficile à rendre, le coulant de ces confidences qui se déversent naturellement sur nous quand on y assiste.

J’ai été fortement impressionnée par l’éloquence de madame Blais. Si j’osais, je dirais « elle parle comme un livre ! » mais ce serait péjoratif par égard à sa simplicité et son désir évident d’être comprise.

Elle a commencé par nous lire des extraits de ses chroniques des années 63, nous renvoyant dans le passé, pour faire un lien entre Luther King et Obama, et le regain d’espoir qui l’accompagne. L’animatrice, Danielle Bombardier (excellente animation, le jour de son anniversaire en plus !) a passé la remarque qu’elle parlait de la politique comme si elle en faisait. Elle lui a accolé le mot compassion l’écrivaine a ajusté le tir, elle parlerait plutôt de solidarité. C. Mavrikakis est une admiratrice de l’œuvre de MCB, et s’est d’ailleurs dit honorée d’être interviewée à ses côtés, par contre elle est aussi capable de lire ce qu’elle nomme les écrivains de l’oubli qui mettent de côté un temps, ou même toujours, leur devoir de mémoire.

À la question de la part du cheminement depuis « Une saison dans la vie d’Emmanuelle », madame Blais a laissé échapper un léger rire, nous laissant présumer combien il est important. Elle avait alors 24 ans, elle a résumé le chemin parcouru depuis par cette phrase : « Je porte un regard plus vaste sur le monde ».

Si madame Mavrikakis a de la difficulté à trouver des points de repères solides sur la Terre (trop sable mouvant), elle trouve que le regard vers le ciel unit plus sûrement l’humanité. Elle avoue poser un regard pessimiste dans son oeuvre, hantée par les fantômes de son histoire, par contre, elle n’a pas légué la colère à sa fille, mais la mémoire du passé, oui. Elle est presque prête à promettre qu’à la suite de son troisième roman consécutif portant sur les États-Unis, (elle y travaille présentement), elle va passer à autre chose. Elle l’a bel et bien dit mais j’ai remarqué, par sa gestuelle, une légère difficulté à se croire !!!

MCB accolent aux Américains les mêmes défauts de racisme qu'à toute l'humanité, il faut se révolter des exemples flagrants, elle joint sa signature à des lettres expédiées à Sarah Palin, terminé par un bien senti « Shame on you », ceci dit, un sourire en coin. C. Mavrikakis, en réponse à une question, assure qu’il faut maintenir le cap de l’espoir et qu’elle n’est pas gênée de préserver une part de naïveté en elle. Rien ne se construit sur le chaos, rajoute MCB.

Madame Blais a parlé d’un de ses personnages « Petite cendre », il existe, elle le côtoie et puise dans sa détresse. Elle voue une véritable tendresse à ses personnages. Madame Louise Portal, qui était dans l’assistance, la abordé la question d'une certaine pudeur (elles parlaient de timidité) à aller puiser à même son entourage pour nourrir ses personnages. MCB se tiendrait à proximité au point tel qu’elle s’en éloigne (je vous en prie, ne me demandez pas de préciser, c’est ce dont je me souviens, et j’avoue que c’est un peu hermétique !). Elle s’est aussi fait demander si, à partir des États-Unis où elle réside (aucune idée d’où !), elle avait accès à des oeuvres québécoises. Comme elle participe avec un grand bonheur à différents concours en tant que jury, et il n’y a rien d’ailleurs qu’elle aime mieux que de proposer un titre québécois, obligatoirement elle en lit, et pour son plaisir aussi. Elle n’a nommé aucun écrivain, et je soupçonne que plusieurs brûlaient de savoir si elle lisait Catherine Mavrikakis ! La cinéaste Mireille Dansereau, elle aussi parmi le public et identifiée par madame Blais, a demandé si si sa créativité aurait été la même si elle vivait au Québec. La réponse est clairement non. Elle a donné quelques exemples d’écrivaines mues par le même désir de s’éloigner pour mieux saisir la vue d’ensemble d’une société ; Anne Hébert, Gabrielle Roy ... Et les écrivains de demain vont faire de même, d'après elle.

Cette rencontre avec ses auteures est pour moi un moment fort des Correspondances. J'ai pris plusieurs photos, fascinée par la gestuelle. Madame Mavrikakis, aussitôt qu’elle ne parle pas a l’air assez tourmenté. Madame Blais semble fragile et sereine.

dimanche 9 août 2009

Parfaite connivence

Retour en arrière : vendredi 16 h, Terrasse du Théâtre la Marjolaine, une discussion sous le thème « Les grands négligés d’Amérique » avec Bernard Andrès, Serge Bouchard et Dany Laferrière. Animateur Stanley Péan.

Une remarque laissée en commentaire par Claudel, ainsi qu’une autre cueillie sur place par un participant m’a fait réaliser qu’il serait bon de toucher un mot sur le déroulement de ces Cafés littéraires. Avant tout, disons-le sans gêne, c’est ce qui attire le plus de visiteurs. La Terrasse se remplit rapidement et il arrive que l'on refuse des personnes. Ce sont des rencontres d’environ une heure et demie sous forme d’entrevue détendue. Habituellement, il y a trois participants, cela peut être deux, celle de Catherine Mavrikakis et Marie-Claire Blais en est un exemple. À chaque fois, c’est le même phénomène. La rencontre commence par des questions qui ont rapport avec le thème de la rencontre, les réponses sont réservées, posées. Et puis, progressivement, est-ce le fait d’être à l’extérieur, respirant bon l’oxygène d’une montagne, d’entendre les oiseaux, de sentir le vent, le soleil, ou tout simplement de contempler le sourire, la joie palpable de l’assistance et leur réaction ouverte, vivante, eh bien - et ça se produit à chaque fois à divers degrés - l’écrivain se détend et se met à parler librement de lui en tant qu’écrivain, et aussi en tant qu’humain. Il s’épanche, il s’ouvre grand. Et on en sort grandi.

Les premières fois que tu assistes à ce phénomène, tu te dis justement que c’est de l’ordre de l’exception. Après quelques Cafés, tu commences à en faire une règle, assez pour le mentionner dans un blogue ! Ces Cafés ne sont pas comparables à ces rencontres d'écrivains dans les Salons du livre, c'est un avis, mon avis, et je vous invite à venir vérifier si c'est parce que je prêche pour mon village !

Pour ce dernier Café de la journée, je regrette ne pas avoir eu de magnétophone, j’aurais été en mesure de mieux partager le propos, je devais être fatiguée, j’en ai retenu peu.

L’inoubliable est la verve de monsieur Serge Bouchard qui est expansif et captivant à froid, alors imaginez quand il se réchauffe ! Car il faut rajouter ici de franches affinités avec Dany Laferrière. Ces deux là se relayaient et renchérissaient un sur l’autre jusqu’à atteindre des sommets d’éloquence sur plusieurs sujets dont l’environnement et la technologie. Ils ont aussi beaucoup parlé de la situation en Haïti, et encore beaucoup du territoire. Du confinement au folklore qui étouffe des peuples, comme les amérindiens. Une information m’a particulièrement frappée, aucun roman encore n’a été publié chez eux. De la poésie, des contes mais pas de roman, ce qui voudrait beaucoup dire, d’après ces messieurs. Bernard Andrès, quand il y arrivait, amenait de l’eau au moulin ... de paroles ! Aucun débat, que de la complémentarité et de la connivence.

L’animateur Stanley Péan ? Extrêmement détendu, ces personnes s’animant eux-mêmes ! Son écoute était grande cependant, il parsemait le tout de mots d’esprit très à propos.

Malgré tout, trois Cafés littéraires en une seule journée, c’est peut-être un peu beaucoup pour moi. Mais monsieur Dany Laferrière me dirait de ne pas m’inquiéter, le silence est un bon signe, on assimile.

samedi 8 août 2009

Une terrasse d'écrivains

Je me pose une question de passeuse ; est-ce que ça vaut vraiment la peine de remplir ce petit carnet placé sur mes genoux ? Je l’ai fait pour la première fois cette année et je ne suis plus sûre. Je commence à penser de, soit prendre les grands moyens comme le magnétophone, ou soit me fier à ma mémoire et ses prismes, ses distorsions, ses absences. J’ai gribouillé des mots-clés qui ne résonnent plus en moi à cette rencontre d’hier avec Marc Lévy, Nicolas Dickner et Annick Charlebois. J'y lis « Pérou ...honteux » et ça ne me dit absolument rien !

Ce que j’ai photographié de près, ce sont mes émotions. J’admire les journalistes qui rendent consciencieusement les faits et je bénis de ne pas en être une ! Je peux donc me laisser aller à vous dire que lorsque Nicolas Dickner et Marc Lévy sont arrivés sur la terrasse, ils me semblaient partager la même humeur contrainte : « qu’est-ce que je fais sur cette avant-scène, qu’ai-je tant à dire pour contenter ces regards avides rivés sur moi ? » Leurs yeux visaient plutôt les planches de la terrasse, tandis que dans ceux d’Annick Charlebois se reflétait une fierté assez contrastante. Et puis, progressivement, sous les questions pertinentes de l’animatrice, Nicole Fontaine, les regards ont montés, la parole s’est réchauffée, puis emballée.

Nicolas Dickner m’est apparu plus fermé que je ne l’imaginais, je dis bien « apparu », c’est l'apparence que donne souvent les personnes chez qui foisonne un monde intérieur fort. Non pas qu’il ne soit pas gentil, encore moins hautain, c’est qu’il semble exécrer qu’on veuille l’entrer dans un moule étroit. Il déteste tout ce qui ressemble à un carcan, il a besoin d’espace, je crois. Il a déclaré à un moment donné qu’il n’aimait pas écrire des descriptions, donc il fait de l’anti-description. Il a 37 ans et d’après moi, jusque sur son lit de mort, il ne pensera pas comme la majorité. Il adore l’informatique dans ses détails les plus techniques, rappelez-vous Joyce, cette pirate informatique de Nikolski et il se serait retenu de ne pas trop pousser sur sa bosse de l’informatique, convaincu qu’il aurait perdu des lecteurs. À cette étape, Nikolski était une vraie épopée, du mille feuilles et dans le cadre de (...pardon, je ne me souviens plus du contexte !), il aurait eu à passer à travers le test ultime : raconter son histoire devant des pairs. C’est à ce moment qu’il en aurait réalisé la complexité puisque incapable d'en faire le résumé. C’est à partir de là qu’il a commencé un travail important d'épuration. Il n’a pas réfuté le commentaire de madame Fontaine qui a trouvé que Joyce ressemblait à la Hope de Tarmac. Il aimait beaucoup le personnage de Joyce et lors de l’épuration, elle aurait perdu de la substance et Hope s'en serait appropriée.

Marc Lévy a renchéri qu’un résumé d’histoire devrait être compréhensible pour un enfant de six ans. Quant à lui, le test qu’il fait passer à ses synopsis est celui-ci : il le raconte, par exemple à sa femme dans un Café et il stoppe à un moment donné et demande « Prendrais-tu un café » et si elle réponds oui, au lieu d’exiger la suite ... il doit améliorer ou changer d’histoire !

Pour Annick Charlebois, son parcours vers une première œuvre a été long et a mis à rude épreuve sa motivation. Avec la contrainte de gagner sa vie, huit années pour écrire « Peut-être que je connais l’exil ». Elle a abondamment évoqué ses personnages : Justine est Québécoise, Miguel est Salvadorien et ils sont amoureux. Ils vivent à Montréal, où Miguel a immigré pour échapper à la guerre. Ils sont donc sur son territoire à elle. Pourtant, au sein de ce couple, c'est probablement elle la plus déracinée et la moins adaptée des deux (tiré du quatrième de couverture). C’est une première œuvre et je ne l’ai pas lue ... qu’est-ce que vous pensez que je vais faire ? De l'avoir rencontrer est la meilleure des incitations.

En parlant d’incitation, c’est de toute beauté de voir ici les gens chérir leurs romans comme des récompenses. Je jetais un coup d’œil à la dame âgée à mes côtés, elle feuilletait ses livres flambant neufs avec convoitise, en plein milieu de l’entretien !

Mes premières photos sur le web :
Première intitulée "mêmes pensées, même pose ?" - Marc Lévy, Nicolas Dickner
Deuxième : "blanc sur noir" - Nicole Fontaine
, Annick Charlebois, .

vendredi 7 août 2009

Des voix conscientes : Serge Bouchard, Louis Hamelin, J.F. Létourneau

Trois “Café littéraire” dans la même journée veut dire tendre l’oreille et ouvrir son cœur pour comprendre neuf écrivains (trois à chaque Café, interrogés par un animateur).
Au premier, à 10 h, un peu endormie, j’étais étonnée d’être sur une terrasse sans café de si bonne heure ! Je n’avais pas mon appareil photo et je le regrette. Aux Cafés suivants, j’ai eu un plaisir fou à essayer de saisir les mimiques expressives (je suis encore peu habituée à mon appareil mais j’y arrive).

Je vous l’avoue, je bénis ces quelques pages de carnet auxquelles je peux me référer afin de ne pas confondre les Cafés entre eux, surtout les deux où j’ai entendu le très intense, volubile, conteur et coloré Serge Bouchard. Il prend de la place le monsieur ... celle qu’il lui revient ! Quelle réflexion, quelle pertinence, et quelle manière de nous propager son savoir avec l’allégresse de la satire rouge, le rire jaune et l’humour noir. Très coloré, que je vous dis !

Disons d’emblée que ça a mal commencé. Je ne le connais pas beaucoup et je me demande encore jusqu’à quel point il a été offusqué par la bévue de l’animateur Jean Sioui. Celui-ci a pris l’initiative de lire un extrait de préface signé monsieur Bouchard. Quelle ne fut pas la surprise, suivie d’un malsain malaise, d’apprendre de la bouche de l’intéressé qu’il n’était pas l’auteur de ces lignes, le Bouchard en question étant Gérard Bouchard, un historien. Vous imaginez ? Pendant que Serge Bouchard s'offusquait, je regardais celui qui m’a semblé être un être sensible (pas émotif, sensible), je parle du grand et rare Louis Hamelin et j'ai eu l'impression qu’il s’est demandé qu’est-ce qu’il faisait dans cette galère ! Mais en hommes intelligents qu’ils étaient tous, le propos s’est dilaté, a pris de l’ampleur par le souffle de chacun. C’était même remarquable combien un s’inspirait de l’autre. S’y trouvait aussi un jeune, Jean-François Létourneau, d’un calme réconfortant qui a fait un séjour de 4 ans au Nunavit et qui prépare un mémoire critique sur trois poètes amérindiens.

Je suis sortie de là sonnée. Y paraît que c’est un bon signe d’être sonnée assez pour entrer dans une période de silence. Ça voudrait dire que l’information fait son chemin. Ils m’ont ouvert à de nouvelles considérations sur l’identité et le territoire. Je vais macérer le tout, j’y reviendrai un jour que je serai moins « cruche pleine ». Ce que je peux cependant dire, c’est qu’en revenant à la maison, je pensais très fort à vous qui avez manqué ces moments uniques. Je me sens privilégiée mais malgré tout, cette fois, incapable de passer le mot, par fatigue aussi j’imagine.

Je découvre jusqu’à quel point la gestuelle me parle autant que les mots, j’y suis très sensible. Serge Bouchard, ce puits sans fin d’informations sur nos sources est un redoutable conteur et il utilise l’humour comme une arme. Louis Hamelin est d’une intelligence sensible, fait preuve d’une économie de moyens pour faire retentir un propos extrêmement percutant. Jean-François Létourneau, calme et concentré ou concentré parce que calme, à votre guise apporte une expérience de terrain.Un moment d’élévation de conscience pour moi.

Et fait cocasse, j’entends encore Serge Bouchard déclarer qu’il nourrit l’ambition de mourir de vieillesse. Je lui souhaite, très vieux et toujours lucide. Des voix aussi conscientes ne devraient jamais se taire.

Cruche pleine

C’est à peu près ainsi que je me sens ! Hier soir, un spectacle qui m’a nourrit dans des sphères inconnues de moi et aujourd’hui, pas moins de trois Café littéraire de presque deux heures chacun. Et dans une demi-heure, un autre spectacle.

Commençons par celui de Chloé Ste-Marie. Elle m’a étonnée. Déjà fan de ses albums, ces fêtes du poète, de son amour du mot, de son implication sociale, et même des couleurs vives qu’elle ose comme une seconde peau. Cela en fait un être paradoxal, de la douceur et de vulnérabilité mixé avec du flamboiement.

Pourquoi m’a-t-elle étonnée ? Pour le courage de son audace. Se planter debout devant une assistance, avec à ses côtés un seul musicien, et attaquer ce rituel qui durera jusqu’à la fin ; un poème, ensuite une chanson. Pas l’inverse, c’est le poème qui passait en premier, annonçant la chanson. Chloé Ste-Marie place le mot devant la musique, elle place même le mot devant elle ; sa voix, son corps sont des instruments complètement à son service.

Sa performance est impressionnante justement parce qu’elle s’oublie, l’art de la parole est beaucoup plus grand qu’elle. Quand elle chante en Innu, toute un peuple s’exprime. On l’entend distinctement. Où va-t-elle chercher ces sons qui troublent l’air ? Du creux d’elle-même, sort ces sons viscéraux, surprenants, et comme la trapéziste qui reprend sa barre de fer, elle revient à son souffle sûr qui pousse doucement le mot hors de sa bouche.

Je l’ai un jour entendu parler en entrevue du respect infini qu’elle porte au mot. J’avais aussi lu une critique de son spectacle et avais surtout retenu qu'on en sortait impressionné, presque dépassé. Je comprends maintenant, c’est qu’elle se rend bien au-delà de ses albums. La scène lui va à ravir et je ne pensais pas qu’une chanteuse à la voix aussi douce et chantant de la poésie, pouvait nous en mettre plein les oreilles et la vue.

Elle a mentionné à deux reprises son bonheur d'être accompagnée par Gilles Carle, l'a remercié du texte Brûle, Brûle, la dernière chanson qu'il lui a écrite pendant qu'il en avait encore la capacité.

Je suis sortie comblée, et je ne devais pas être la seule, elle a vendu tous ses coffrets (3 albums) et tous ses albums individuels. Ceux qui n’avaient rien à dédicacer lui refilaient le programme souvenir, la file était donc longue jusqu’à ... minuit !

Je suis partie mais pas avant de lui avoir remis la lettre que je lui destinais depuis cinq ans, en mains propres. Me voilà aussi soulagée que comblée.

* * *
Rajout :
Je découvre que Lucie qui a assisté à mon atelier a elle aussi écrit un billet très intéressant sur l'atelier et le spectacle de Chloé. Vous y trouverez une photo de nous après l'atelier et de Chloé sur la scène du Théâtre La Marjolaine.

jeudi 6 août 2009

Qui ils sont

Je me demandais Qui serez-vous ?, je sais un peu mieux maintenant Qui ils sont ces gens attirés par le mot blogue. Avec moi, nous étions dix autour d’une table avec au bout un écran Passe-Mot. La connaissance du blogue en général allait de « pas du tout » à « rédactrice de blogue ». En une heure, comment rassembler ces vécus, ces passions, satisfaire ces yeux désireux d’apprendre ? J’ai beaucoup parlé, je n’ai absolument pas suivi mon plan, plutôt mon senti, je cueillais les intérêts et les questions sur le bord des yeux ou des lèvres.

Nous avons abordé la question du « laisser un commentaire » techniquement parlant, mais aussi sa pertinence. Deux personnes fréquentant assidûment les blogues n’aimaient pas laisser des commentaires. J’ai défendu le commentaire, pour tout ce que j’aime de cet écho de vous qui dit « je suis là » ou « j’aime ou pas ». Est-ce parce que je reviens d’un spectacle (Chloé Ste-Marie = billet demain), mais il me semble qu’il est plus facile de bien performer quand on distingue un peu les spectateurs au lieu d’être debout devant une immense masse noire.

Les échanges se sont déroulés dans la légèreté et l’humour, je crois qu’une des Danielle osera maintenant laisser des commentaires sans un sac de papier brun sur la tête (on l’a bien rigolé celle-là) !

J’ai été frappée d’entendre qu’à chaque année, une des participante s’offre une semaine de vacances à Eastman pour jouir de l’événement Les Correspondances. Elle en profite pour donner cette denrée précieuse, son temps, pendait à son cou une badge de bénévole. Un charmant couple de personnes âgées nous a tous émus. La dame nous a révélé, avec passion, lire des trilogies à voix haute à son mari. La lecture est centrale dans leur vie, la pensée de cette activité les stimule à accomplir les tâches quotidiennes. Une autre, consciente de la situation précaire de nos écrivains a partagé ce principe avec nous ; elle achète les romans québécois, tandis qu’elle emprunte les autres.

J’ai été contente de retrouver deux des lecteurs des premiers temps du Passe-Mot, où ils entraient en passant par le site des Correspondances. Ils croyaient Le Passe-Mot fermé.

Pas toujours facile de rendre l’atmosphère quand on est si étroitement impliquée, mais d’après certains commentaires laissés à la fin, les personnes semblaient heureuses de ce qu’elles avaient appris mais surtout, je crois, d’avoir eu l’occasion de partager une passion ; la lecture.

Qui serez-vous ?

C’est la question que je me pose moins de deux heures avant cette initiation aux blogues que je donne à la Bibliothèque à 15 h 00 aujourd’hui dans le cadre des Correspondances d’Eastman. Quelques jardins d’écriture sont déjà ouverts, et cet atelier se donne avant l’ouverture officielle à 17 h 00 qui aura lieu sur le perron de l’église ou sous le chapiteau. À ciel ouvert ou à ciel couvert ! Je vous laisse deviner quel élément de la nature déterminera l’emplacement. À celui qui ne devine pas, je donne un parapluie !

J’ai bien entendu très hâte de voir qui assistera à cet atelier, en comptant que quelqu’un y assistera ! Tout est possible. Le premier chapitre de cette histoire est écrit, c’est moi le personnage principal qui l’ait écrit, mais sans personnage secondaire qui suis-je !? C’est certain que l’histoire serait plus intéressante à vous raconter s’il y en a plusieurs.

En attendant ce moment, mon long chemin que l’on appelle 5e rue est bloqué par des travaux que j’entends de ma fenêtre ouverte. Les pluies diluviennes des derniers jours l’ont dangereusement « magané » (le danger étant pour les autos !), alors je me sens un peu coupée du village. De cette fébrilité si typique des préparatifs où l’on revêt ses plus beaux atours et où il est permis de rêver aux plus beaux scénarios.

Ce matin, j’entendais Marc Lévy, notre invité d'honneur cette année, discuter avec Dominique Poirier qui remplace Christiane Charrette à la radio de Radio-Canada. J’ai aimé ses réponses, son équilibre, il ne semble pas du tout se prendre au sérieux et déclare sans l’ombre d’un doute qu’à 20 ans, il aurait été incapable d’écrire par son manque de vécu. Il va jusqu’à se demander comment font ces écrivains de 20 ans qui ont l’imaginaire assez délié pour le faire. Il est admiratif comme on l’est souvent devant ce que l’on est soi-même incapable d’accomplir. D’après lui, une bonne critique parle 75% de ce qu’elle a aimé et 25% de ce qu’elle n'a pas aimé.

Ce soir, c’est le spectacle d’ouverture avec cette chère Chloé Ste-Marie, vous savez celle à qui j’ai dédiée une lettre de bienvenue. Quant à être dans le sujet des lettres de bienvenue, un gros merci à tous ceux qui en ont expédiées. Elles vont être remises en main propre à leur arrivée, soyez-en certains. Personnellement, j’en ai reçu une (la personne se reconnaîtra sûrement :0) ... j’ai eu la patience, la discipline, ou tout ce que vous voulez qui s'appelle un frein, de ne pas l’ouvrir tout de suite. Je me suis dit, j’attends l’ouverture officielle, comme les autres !

Je la lirai au retour de l’atelier ... comme une récompense.

lundi 3 août 2009

Fébrilité dans l'air d'Eastman

Je suis allée à La Place des lettres aujourd'hui, le centre névralgique, le poste de commande des Correspondances d'Eastman. Il y avait de la fébrilité dans l'air. Il paraît qu'avec la première édition anglophone à Knowlton, qui a eu lieu en fin de semaine, ça démarre en grand cette année. Notre grande visite arrive jeudi à Eastman et dès 10 h 00 certains jardins du Circuit des lettres seront ouverts pour les plumes au vent inspiré. Des prières, des chapelets sur les cordes à linge, tout est mis en oeuvre, foi et superstition confondues pour qu'il ne pleuve pas. Sinon, les parasols, les tonnelles, les vérandas couvertes, les terrasses sont prévues mais quand même, nous réclamons le dieu de l'été, sieur soleil.

Circuit no 1 - à pied, en trottinette ou à vélo ...
1 Le jardin anglais
2 La chambre de la rivière*
3 La chambre des poètes*
4 Le sentier des lettres
5 La chambre du temps qui passe
6 Le paradis des grenouilles
7 La chambre sylvestre
8 Le jardin d’inspiration

Circuit No 2 - service de navettes, aux
demi-heures, à partir du chapiteau.
9 La planète Nymphes* (réservée
à la Poste restante le samedi)
10 La chambre des arômes*
11 La chambre bucolique
12 Le Sakushukan*

* Lieux d’écriture ayant un abri couvert
** Une centaine de livres à lire ou consulter

7. La chambre Sylvestre
Les écrivains lisent pour vous :
Vendredi 7 août, 14 h : Yves Dallaire, Lise Blouin, July Giguère
Samedi 8 août, 14 h : Gaétane Daudelin, Michèle Plomer, André Poulin
Dimanche 9 août, 14 h : Jean-Sébastien Huot, Patrick Nicol, Véronique Suzanne

Pour la programmation très diversifiée de spectacles et de Cafés littéraires, le mieux est encore de consulter le très complet site des Correspondances d'Eastman. J'apporte cependant à votre attention ce changement : pour le Café littéraire "Territoire créateur, paysages et états d'âme" vendredi à 10 h 00 sur la Terrasse de La Marjolaine, Robert Lalonde est remplacé par Louis Hamelin. Avis à ses nombreux admirateurs ...

Des chiffres et des heures :

Bouquinerie Archambault
Vendredi et samedi, 10 h à 21 h
Dimanche, 10 h à 15 h

Salon des artisans
Samedi, 10 h à 18 h
Dimanche, 10 h à 16 h

Concours de la Poste restante
Vendredi et samedi, 10 h à 16 h

Cantine des épistoliers
Vendredi au dimanche, 11 h à 13 h 45

Pour acheter votre super stylo éco qui vous donne accès aux jardins d'écriture (tout l'attirail du parfait épistolier est fourni, excepté bien entendu votre carnet d'adresses !) :

Sous le Chapiteau au coeur du village ... donc à côté de l'Église !
Jeudi, 13 h à 15 h
Vendredi et samedi, 9 h 30 à 15 h
Dimanche, 9 h 30 à 14 h 30

En dehors de ces heures, la billetterie officielle des Correspondances à La Place des Lettres :
338 rue Principale (pas très loin de l'Église, bâtiment longeant la rivière Missiquoi.
Lundi au Vendredi, 9 h à 17 h

Bon, bon, bon, j'espère que de votre côté vous êtes prêts à venir fêter la lettre dans son sens noble et large. En tout cas, de mon côté, je suis prête à vous accueillir ... et j'ai hâte !

dimanche 2 août 2009

Grande plaine IV - Alexandre Bourbaki

"Je m’aventure", avais-je annoncé. Je ne croyais pas si bien dire ! Si je n’étais pas à lire Matamore 29, je parlerais pour Grande Plaine IV d’écriture expérimentale mais, par comparaison, non, c’est autre chose mais tout aussi particulier.

J’ai tout simplement adoré les premières pages, je me suis spontanément liée avec Alexandre Bourbaki, le personnage du roman, écrivain qui déguerpit de Montréal pour une raison de surface : il découvre que son auto est largement égratignée. Sa vie aussi, probablement. Il part à l’aventure, ne sachant pas où il va déposer sa valise. J'ai aimé ce vrai de vrai regard d’écrivain qui remarque chaque détail. Il choisit de s’arrêter, lui et son chien, à Mailloux. On va vite savoir pourquoi, un village que l’on croirait directement sorti de l’imaginaire de l’écrivain, un village rêvé peut-être, je ne sais pas et accepte de ne jamais le savoir. L’aventure, c’est de ne pas savoir « avant » et parfois aussi « après » !

On soupçonne le narrateur, le personnage Alexandre Bourbaki, d’être un écrivain peu connu, si on compte sur son agréable surprise de rencontrer Petit, un fan de son petit dernier roman Traité de Balistique. Petit, le copain de Béatrice, la buandière chez qui, il s’installe devant son écran :
« Je me connecte à l’interface d’écriture du blogue et pendant une demi-heure, je fixe l’écran. Ce n’est pas l’angoisse de la page blanche, mais plutôt une totale désaffection de mon désir de sociabiliser. Je n’ai plus envie de partager avec des curieux, des inconnus, des senteux (et au travers de cette masse, trois ou quatre amis et une douzaine de connaissances), des réflexions banales sur ma vie quotidienne. Ces versions plus ou moins remaniées de notre monologue intérieur ne sont pas destinées à être partagées, et encore moins multipliées. On voudrait partager nos pensées quotidiennes comme si c’était un exploit, comme si nous étions seuls à analyser tout ce qui nous entoure ».
Petit, qui progressivement sombre dans la folie, lui remettra des cahiers de son manuscrit et Bourbaki nous les fera lira un à un. C’est ici que ça se gâte pour moi, déjà entourée d’un village bizarre dirigé par des leaders étranges qui tiennent des commerces de peinture à numéros de Molinari, ou d'autres qui fomentent une réorganisation de la nature, un propriétaire de motel au comportement étrange, une mystérieuse usine de chaises Solar tout me semblait déjà tellement baigner dans l’onirique, les manuscrits m’ont fait perdre complètement pied de la réalité. Malgré mon effort, j’ai été incapable d’entretenir de l’intérêt pour ces manuscrits écrits par une personne sur le bord de la folie. Entre la réalité et le fictif, la folie ou la raison, j’y ai laissé la mienne. Je me doute que cette ambiguïté aigüe était désirée par Alexandre Bourbaki l’auteur du personnage narrateur, Alexandre Bourbaki.

Mais finalement, c’est en m’arrêtant au mot dopplegänger (mot d’origine allemande signifiant sosie employé dans le domaine du paranormal pour désigner le double fantomatique d’une personne vivante, le plus souvent un jumeau maléfique) qu’il m’a semblé m'être un peu approché de l’idée derrière cette histoire.

Mais la sensation d’embrouillement perdure, celle de n’avoir pas vraiment compris, ou même d’avoir été bernée, ce qui me laisse somme toute une sensation plutôt désagréable.

* * *
Grâce à Réjean, je rajoute un lien vers une entrevue qui en dit long sur l'auteur. J'ai recopié le lien en espérant qu'il fonctionne.

Grande Plaine IV - Alexandre Bourbaki, Alto, 269 pages.