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lundi 30 mai 2011

Rivière Tremblante - Andrée A. Michaud

Mon premier roman de cette auteure qui en a déjà écrit dix. Il est dédié à « Tous les enfants qui ne sont pas rentrés pour souper ». Ça donne froid dans le dos, dans le mien en tout cas. Sujet extrêmement sensible ; la disparition d’un enfant, alors que dire de deux, et même trois.

Première disparition, celle de Billie, fillette de 8 ans adorée de son papa. En sortant de l’école, où elle tenait à se rendre seule à un cours de ballet imposée par sa mère, elle disparait. Une enquête se met en branle à la face de parents, bien sûr anéantis.

En parallèle, l’auteure nous mène droit à une autre disparition, cette fois d'un garçon de 12 ans, en pleine forêt, pendant un orage et sous les yeux de sa meilleure amie, Marnie. Cette inexplicable disparition a lieu à la campagne, autour d’un cours d’eau. La troisième disparition unira les deux premières, si je peux m’exprimer ainsi, afin de ménager l'intrigue.

Évidemment, c’est un roman qui se veut à suspense. Un roman à ambiance teintée, ne prenez surtout pas peur, d'un zeste d’horreur déposé sur l'ensemble, juste ce qu'il faut pour nous garder inconfortable. J’ai trouvé cette approche de l’auteure non dénuée d’habileté, un efficace amplificateur de la détresse, de l’angoisse, du désespoir qu'entraîne inévitablement la disparition d'enfants.

L’auteure sait y faire, l’expérience se sent, se voit, elle nous mène là où elle veut. Elle a su grandement m’attendrir devant la petite Billie décrite par son père. Une relation unique, un enfant incomparable, attachante, tout pour qu’on sente monter la rage de l’impuissance devant l’incompétence crasse des policiers. Ils n’ont pas le beau rôle, ces messieurs les détectives. Et dans les deux cas. Ils arrivent à traiter le père, somme toute une pauvre victime de l’enlèvement de sa fille, en coupable. On le soupçonne et on le soupçonnera. Même chose pour Marnie, l’enfant témoin de la disparition de son ami dans la forêt. À force de la confronter, soupçonner, harceler, le village finit par l’ostraciser, assez pour que le père l’emmène loin du village.

L’auteure nous fait suivre avec art les sentiments intimes du père et ceux de Marnie (qui vieillira de trente ans sous nos yeux), ces personnes se présentent comme les plus souffrantes face à l’infernale situation. Elles sont acculées à la culpabilité avec son C majuscule, cependant cette culpabilité ne vient pas de leur intérieur comme de l’extérieur. Le regard accusateur des gens et l’attitude brusque des enquêteurs me sont apparus aberrants. L’étau se referme, et ce n’est pas étouffant, comme révoltant, pour le côté peu plausible.

Quoi faire avec sa révolte quand on est confiné, impuissant, derrière les pages d'un roman ?!

On réécrit l’histoire ! Chose certaine, je ne l’aurais pas écrit de cette façon. Je n’aurais sûrement pas abordé la culpabilité sous cet angle. Je n'en vois toujours pas le sens. Suis-je ignare, mais je n’ai jamais entendu de cas où on bousculait les émotions des parents éplorés devant ce qui peut leur arriver de pire ; ne pas savoir si leur enfant vit encore. La troisième disparition, vers la fin, m’est apparue plus « normale », parce qu'on assiste à l’enquête sans nous présenter les parents, le regard des autres sur eux est resté absent.

Je pense que je n’ai pas besoin de souligner que j’ai été entrainée par le mystère, même si je fus quelque peu déçue. Déconvenue, puisque j’attendais un dénouement à de la matière qui n'a existé que dans ma tête. Ça arrive que voulez-vous !

Chose certaine, je salue l’audace d’Andrée A. Michaud, d'aborder un sujet aussi délicat, aussi noir, aussi révoltant. Et elle y va à fond, je vous l’assure.

Rivière Tremblante, Andrée A. Michaud, Québec Amérique, 368 pages, 30 mars 2011.

19 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Oh ! alors là, j'en trépigne de curiosité ! tu m'as donné drôlement faim de le lire !

gaétan a dit...

Je ne connais pas toute l'oeuvre de Andrée A. Michaud mais je me rappelle d'avoir lu d'elle un roman avec le même thème: Le ravissement. Ce livre m'avait bouleversé.

ClaudeL a dit...

Dix livres et on ne la connaît pas encore? Qu'est-ce qu'on a avec nos auteurs québécois à toujours médiatiser les mêmes. Heureusement que tu es là.

Venise a dit...

Ah oui Anne ? Je n'étais pas certaine que tu serais attirée. Finalement, je commence presque à croire que tu es gloutonne ;-). J'ai bien dit "presque".

Venise a dit...

Gaétan : Des affinités alors. Je commence à croire qu'elle se spécialise en thèmes bouleversants. Elle trempe sa plume dans le drame avec élégance.

Venise a dit...

ClaudeL : Tu as raison. Il y en a pas mal à l'ombre. J'essaie de les dénicher, je suis une collectionneuse d'écrivains !

anne des ocreries a dit...

en lecture au moins, j'ai toujours eu les yeux plus gros que le ventre....si j'avais pu voir se matérialiser illico chacun des livres qui me donnent envie de fourrer le nez dedans, ma P.A.L. serait impressionnante....j'aurais pas assez d'une vie pour dévorer toutes ces histoires fascinantes.....:)

Suzanne a dit...

J'attendais tes mots avant de le lire à mon tour car ton opinion me guide beaucoup ,-) Superbe billet (comme toujours)!

Allie a dit...

C'est drôle j'ai aussi lu il y a peu un roman qui parlait de disparitions...
Andrée A. Michaud est une auteure qui m'attire beaucoup. J'avais lu Le ravissement il y a des années, un roman qui m'avait beaucoup plu.

Venise a dit...

Anne : Toute une vie à lire ... hum, j'essaie de m'imaginer. Je pense qu'on pourrait finir par devenir mélangé !

Venise a dit...

J'espère, Suzanne, que mon billet t'incite à le lire :-)

Venise a dit...

Allie : Deux personnes qui disent ici avoir été ravies par Le ravissement ! Il faudra que je le lise, c'est indéniable et, toi, celui-ci. J'aimerais énormément savoir qu'est-ce que tu en penses, surtout en ce qui a trait à la manière de traiter les parents, là où j'ai accroché finalement.

Richard a dit...

Comme toi, je n'ai jamais lu de roman de cette auteure; et comme toi, je vais me lancer dans la lecture de son dernier roman. J'ai très hâte de la découvrir.
J'ai l'impression, après avoir lu tq chronique, que quelques-uns de ses livres vont apparaître sur ma table de chevet.
Merci beaucoup !

PG Luneau a dit...

Je suis d'accord avec tout le monde: tu parles si efficacement de ce livre, malgré tes réticences, que tu me donnes aussi le goût de le lire... presque!!
(Dommage que j'aie une pile de 1400 BD qui m'interpellent inlassablement!)

Richard a dit...

Merci !
Un superbe roman que je viens juste de terminer.
Je suis encore tout bouleversé ...
Un très bon moment de lecture !
Au plaisir !
Amicalement !

Venise a dit...

@ Richard, ce qui veut sûrement dire que tu vas aller fouiller les autres titres de cette auteure ! Vive les blogues de littérature où nous nous donnons tellement de bonnes idées de lecture entre nous.

Paul-André Proulx a dit...

Pour moi, c'est le meilleur roman de cette auteure. J'ai tout lu d'elle. Lire mes commentaires :
http://www.litterature-quebecoise.com/auteurs-commentaires/lettre-m.html

Danielle a dit...

Quel parent n’a jamais ressenti cette appréhension viscérale, cette effroyable peur de perdre un jour son enfant ? C’est plutôt trois fois qu’une, qu’Andrée A. Michaud nous immerge dans cette angoisse sourde, déplaisante et dérangeante qui nous broie le cœur. Aussi habile à manier les phrases à rallonge qu’à évoquer l’exquise candeur de l’enfance, elle accole les réminiscences de 2 victimes, dans un magma où la mémoire, comme un écho sans fin, hurle sa détresse. Le manque atroce - abyssal - y chevauche des moments aussi lumineux, clairs et cristallins que des rires d’enfants. J’ignore s’il est vrai qu’on accable ainsi certains parents ou rescapés, mais chose certaine, c’est un fléau additionnel qu’on ne souhaiterait à personne.

Venise a dit...

Danielle : J'espère que ton suivi de commentaires fonctionne maintenant, avec l'aide de Maxime.

Ce roman s'est incrusté en moi. J'ai par la suite regretté d'avoir fait autant de cas de ce qui me semblait peu plausible, que l'on s'acharne sur les parents. Ça se peut, mais ce doit être exceptionnel. Le roman est excellent. Tu l'as apprécié à sa juste valeur.

Attendons le prochain avec impatience.