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vendredi 5 août 2011

Dany Laferrière dans une baignoire au Théâtre La Marjolaine

Sur la scène du Théâtre La Marjolaine, Dany Laferrière est arrivé dans un noir. Et il y est resté suffisamment longtemps pour que je commence à me demander, va-t-on voir que sa chemise blanche tout au long de cette mise en lecture ? Nous ne l’entendions pas, il semblait remuer les lèvres, mais je n’en étais pas certaine... Et tout à coup, la lumière fut ! Et tout à coup, le son fusa !

Peut-on imaginer une meilleure manière de capter l’attention !? Ce que j’imagine des ennuis techniques ont servi à ramener notre attention vers l’avant. Tout sert toujours à tout ... Y compris une baignoire sur scène !

Il a commencé par tourner autour de la baignoire, comme on tourne autour d’un pot. Il l’a approché avec hésitation (pas vraiment l’idée qu’on se fait de lui, un être hésitant !), se demandant, qui sait, comment il allait – avec élégance ! – embarquer dans ce bateau de scène qu’il avait lui-même désiré ! Et puis, majestueusement, il l'a enjambé. S’y est assis et, pour qu’on n’observe pas chacun de ses mouvements (permettez-moi de lui prêter ces intentions), il nous a demandé d’entendre avec lui le clapotis de l’eau.

L’image était belle, imaginez le long homme brun en chemise immaculée dans un bain blanc qui nous jette un regard de défi. Autour du bain, montent des piles de livres jusqu’à sa main, des livres annotés, adorés, lus et relus. Il en attrape un, une bouée, l'ouvre. Il le tient, comme on tient la main d’un ami, et s'adresse à nous de sa voix chantante et puis, commence à le lire amoureusement. Je dis « amoureusement » et ce n’est pas pour faire du style, son lien intime avec chacun de ses livres embaume une huile essentielle. Nous étions devant un moment d’intimité de lui et de ses livres dans un bain. Il lisait devant une mer de monde.

Pour être tout à fait juste, il a surtout lu avec nous, plus que devant nous. J’ai vu sa conscience de notre présence, à l’affût de notre écoute, attentive ou vagabonde. À un certain moment, en lisant un long extrait de Jorge Luis Borges, j'ai eu l'impression qu'il s'est oublié dans son bain !

Je ne peux vous donner le nom de tous les auteurs qu’il a lus. Je n’ai pris aucune note mais je me souviens qu’il a commencé par Diderot, ensuite il a visité longuement Victor Hugo (qui parlait de Balsac), Hubert Aquin, Réjean Ducharme, Beaudelaire, Rousan Camil, Le Clézio pour ne nommer que ceux-là.

Ah oui, j’oubliais ! Il avait une compagne, debout par terre, une bouteille de vin. Elle n’est pas restée un accessoire de scène. Effrontément (!) il en a pris des gorgés, rigolant un peu de boire à notre nez et à notre barbe !

J’ai particulièrement aimé les moments entre les livres, ces points suspendus où il nous préparait à son mets de mots. Son esprit fluide suit le courant de ses idées qui voguent dans un va et vient d’inspirations, saisis au vol des bulles d’idées qui dansent autour de lui. Et l’appréciable est que ce ballet arrive à le surprendre lui-même !

Mon attention a parfois vacillé. Imaginez-vous bien au chaud, avec une voix qui caresse les mots et les phrases qu’il aime d’amour tendre. La lecture en baignoire s’est transformée en douce berceuse pour âme somnolente. L’idée de cette mise en scène est excellente, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’on aurait gagné à ce qu’elle soit mieux rodée. Par exemple, du point de vue technique, où nous sommes plusieurs à avoir manqué des pans de mots. Il m’a semblé, et à Catherine Voyer-Léger qui m’accompagnait même chose, qu’il y a manqué de qui rend à un spectacle de lettres, sa noblesse, un peu plus de préparation...

Mais je n'aurais jamais manqué pour autant ce moment privilégié où Dany Laferrière nous a présenté ses amis les plus chers.

5 commentaires:

PG Luneau a dit...

Ça semblait très original, cette mise en scène!

Sylvie a dit...

Quand la lecture se fait théâtre...
J'aurais aimé y être.

Unknown a dit...

comme je suis jalouse :)

Yvan a dit...

Plus de rodage aurait peut-être
nui à la spontanéité de l'affaire,
je l'ignore.Un problème de prise
de son ou de microphone peut-être?

Je n'y ai pas assisté
mais ce devait être assez
tripant merci.
:)

anne des ocreries a dit...

Oh, que j'aurais voulu y être ! c'est bien, d'avoir ainsi recréé ce moment d'intimité que vit le lecteur avec"ses" livres préférés.

Moi, j'aurai lu sur mon lit, rencognée contre le mur, sous la lampe jaune, au soir tombé.... (j'imagine mon lit, un lit typiquement berrichon du 19ème siècle,un lit "de famille", s'il-te-plaît ! démonté et voyageant jusque chez vous ! ☺)