Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

dimanche 30 décembre 2012

Autoportrait au Revolver de Marie-Christine Bernard

Voici un roman particulièrement construit, pour ainsi dire comme un recueil de nouvelles où les personnages auraient des liens par leur état d’âme, ou de lieu, ou de sang. Je vais nommer un à un les personnages, en espérant qu’ils répondent « présent ». Es-tu là, June ? Présente dans la tête de Ringo, je serai toujours là. Toujours.

Es-tu là, Jude ? « Oui, je suis là, surtout là quand je m’installe devant une toile en écoutant de la musique. Je ressemble à un adulte accompli quand je peins, sinon, je ne sais pas trop quoi faire de mon corps. Il ne m’écoute pas. 

Es-tu là, Ringo ? Mon corps est là mais mon esprit envolé dans les tréfonds de ma mémoire qui me torture de ses souvenirs. Mon esprit est plus usé que mon vieux corps.

Es-tu là, June ? Présente dans la tête de Ringo, je serai toujours là. Toujours.

Es-tu là, Nathalie ? Ma mère, June disparue, est-ce mon devoir de disparaitre aussi ? Dans cette famille, on se lèguerait les absences de mère en fille. C’est Jude, mon fils, qui en souffre. Il s’invente des voix.

Es-tu là, Angélique ? Oui ! Avec joie en plus. Mon corps prend tant de place que mon esprit s’efface. Je ne sais pas m’affirmer autrement qu’en donnant. Trop. Comme je donne trop de chair sur mes os.

Es-tu là, Keith ? Oui, il le faut bien, si je veux manipuler les esprits les plus absents, comme celui d’Angélique avec qui je m’amuse comme un diable.

Es-tu là, Joseph ? Oui, je suis la sentinelle de la sagesse. Je ne parle pas, je vois et j’écoute.

* * *
Excusez cette mystérieuse entrée en matière, elle devait sortir de moi, faut-il croire.

Plusieurs de ces personnages vivent dans une résidence de personnes en perte d’autonomie. Ringo y est pour son absence au présent, et trop de présence au passé. Officiellement, ça s’appelle de l’alzheimer. Tandis qu’Angélique, affublée d’une sévère obésité, donne son temps, probablement parce qu’elle juge qu’il ne vaut pas un salaire. Keith y est infirmier et s’ennuie. Pour s’occuper, il joue méchamment avec la crédulité, et celle d’Angélique le comble. Jude, l’enfant fou, y vient régulièrement pour visiter son grand-père. Jude est beau, Angélique l’a remarqué plus que les autres. Joseph est un fantôme de concierge. Il n’est pas très ancré dans le physique, il a le don d’entendre ce qui ne se prononce pas. C’est un vieil Amérindien.

June et Nathalie, les mères absentes entrent dans cette résidence en passant par les têtes de ceux qui pensent à elles.

* * *
Je prends beaucoup d’espace et de temps avant d’aboutir à mon opinion sur ce roman, peut-être parce que j’ai raté plusieurs rencontres. Comment expliquer pourquoi je n’ai pas accroché à Ringo et à son histoire qui enferme celles de June et de Nathalie.  Les péripéties de cette équipée de chanteurs western m’ont laissée indifférente, je n’avais de cesse de réclamer à l’auteure qu’elle revienne à Angélique.

Angélique vaut un roman à elle toute seule. Ce personnage prend de la place et mérite cette place. À mes yeux, elle est devenue trop captivante, comparativement aux autres. Tout ce qu’Angélique approchait, touchait, me captivait au plus haut point. Elle ne s’aime pas du tout, dans le sens de ne même pas s'accorder le respect, et dans quels bas fonds une personne peut descendre pour recevoir de l’amour ? Devenir une bête consentante entre les mains de bêtes malfaisantes ? L'intensité de cette histoire a volé la vedette à toutes les autres, c’est tout ce que je peux dire. Il faut peut-être rajouter que cette histoire se vit dans le moment présent.

Je me suis rabattue, et repue, du style de Marie-Christine Bernard, avec ses courants d'accents poétiques, pendant les moments où je peinais à me concentrer sur les aléas de certains personnages. L’entrée en matière de quelques pages, en italique, est fabuleuse. L’auteur met la table pour l’histoire, comme le conteur aguiche son assistance, en nous aiguillant sur une possible histoire d'amour. 

jeudi 27 décembre 2012

Magasin Général - Les femmes t.8 - Loisel & Tripp

L’on m’aurait dit qu’un jour j’en serais au tome 8 d’une série BD, je ne l’aurais pas cru. On aurait rajouté que cette série, portant sur le Québec profond des années 20, serait née de deux Français nouvellement arrivés au Québec, j’aurais sursauté.

Je me souviens être entrée dans cette série un peu méfiante en égard à mon œil peu averti à suivre un dessin effiloché, surtout dans les cases sombres assez nombreuses. J’en profite pour mentionner que les cases de cet album me sont apparues plus éclairées et la ligne du dessin moins hachurée. La neige éclaire l’album en entier. Ce petit coin de pays est vite enseveli lors des tempêtes et l’ambiance feutrée se prêtait drôlement bien aux secrets entre femmes et à la solidarité venant d'un rapprochement. Rappelons-nous qu'en ces années-là la majorité des hommes partait dans le bois l’hiver.

Il y sera donc question de préoccupations essentiellement féminines : grossesses, enfants, robes, couture, amour et... bigoterie. Le curé a une crise de foi, Marie est enceinte, ne peut identifier le père, et l’envie prend aux femmes de danser le charleston. Et, pour danser le charleston, il faut la robe en conséquence, de là une expédition hors du nid. Pourtant, un curé qui ne veut plus dire la messe dans un village pieux, des bigotes qui occupent l’église par contestation, une veuve qui tombe en famille en se fichant du père, sont autant d’événement qui pourraient ébranler un village, même en 2012.

Mais Notre-Dame-des-Lacs est une alcôve où règnent d’exceptionnelles valeurs de solidarité et d’ouverture d’esprit. Ces habitants sont marginaux, et le lecteur attaché aux personnages au fil des tomes joue le jeu avec plaisir. Même les mégères du village deviennent amusantes sous les traits d’humour des auteurs. J’ai entendu à la radio à Medium Large une entrevue avec Loisel &Tripp qui s’insurgeaient de ce commentaire généralisé sur leur petit dernier : il n’y a pas d’action. Ils se défendaient, disant qu’il n’y en avait jamais eue ! J’y ai réfléchi et je vais le dire autrement ; on y retrouve moins d’intensité dramatique que certains autres et, quoiqu'en penseront les auteurs, je l’affirme avec aplomb.

Plus que jamais, la vie de ce patelin apparait comme un paradis sur terre, ce genre d’endroit qui existerait peut-être, si ce n'était de la nature humaine étant ce qu’elle est, assez souvent basse et faible. Tout le monde se respecte, se comprend et je dirais même plus, se materne.

Est-ce qu’il en serait ainsi si le monde était dirigé par des femmes, rien que des femmes, y ajoutant quelques hommes, hors du circuit, plus détendus et moins compétitifs ? En tous les cas, la maturité règne et ce volume peut se prendre comme un remède à déposer sur nos plaies vives de voir la misère humaine engendrée par nos travers humains. Certains diront, ça ne se peut pas, mais n’a-t-on pas besoin parfois de voir qu’est-ce qui pourrait être si, oui si, on arrivait à ne jamais juger l’autre ?

Un baume oui, mais qui ne sent à aucun moment l’eau de rose. Lecture idéale dans le temps des Fêtes, cet espace d’accalmie où la neige éclaire les figures les plus sombres.

vendredi 21 décembre 2012

Newton - La science du complot de Matthew Farmsworth

L’auteur s’est lancé dans une entreprise audacieuse, déposer le « vrai » personnage d’Isaac Newton au cœur d’un complot contre le roi Charles II d’Angleterre. Défi de taille, surtout parce que la personnalité légendaire de cet homme, dite peu sociale, ne le laisse pas présager. Avec la complicité de deux amis et des événements, on amène un quasi ermite à sortir de son antre pour jouer un rôle actif sur la scène agitée de cette fin du XVIIe siècle.

Le grand homme a peu d’amis mais ceux-ci veillent sur son génie. Un premier l’introduira à une société secrète ; son adaptation se fera tant bien que mal. Il faut dire que l’homme nourrit des hypothèses audacieuses et la jalousie n’est pas une invention de notre siècle. Il s’y fera un jeune ami, Edmond Halley avec lequel il fera plus que sympathiser ; ils en viendront à travailler de concert à une invention à grand fracas.

L’histoire dans l’Histoire est prenante parce que Farnsworth l’a poussée jusqu’au bout. Il connait et respecte le caractère de celui qui a découvert la loi de la gravité et le fait voyager sur des « si ». Et si Newton avait été placé dans telle situation, et si Newton s’était fait prendre, et si Newton avait été amené à … J’ai trouvé l’astuce intéressante et crédible. Jusqu’où une personne confrontée peut-elle poussé ses limites ? De plus, la proposition faite dans ce roman pourrait être arrivée pour vrai, et la petite histoire avoir été occultée par la grande.

Parlons du style maintenant ; j’ai dû m’y habituer. Je ne m’attendais pas, pour un roman qualifié de thriller, à un style aussi pointilleux. Ce qui fait que, particulièrement au début, l’action avance à pas de tortue. Cela lui confère néanmoins une réelle crédibilité ; nous sommes  loin d’un processus bâclé. J’ai fini par ajuster mon rythme de lecture à celui de l’auteur, l’intérêt du propos m’y incitant. L’ambiance, les mœurs de cette époque, l’alchimie, la fréquentation d’autres scientifiques, les sectes secrètes, la vie de laboratoire, les sujets sont riches et bien nourris. Et, quand on y pense, un style pointilleux quand on aborde un sujet pointu comme la science, c’est loin d’être inapproprié !

Complot il y a, sans l’ombre d’un doute, et ce complot est aussi original qu’intrigant à moins qu’il soit intrigant parce qu’original.

lundi 17 décembre 2012

Des bilans mais pas le mien !

Vivre et écrire
Hé là ! Jamais je n’aurais cru, avant que Rue des libraires en fasse pour moi le recensement, que l’année 2012 avait été aussi inspirante pour les auteurs de science non fictive ! Ce n’est pas l’encens de rose qui les inspire, ni la vue d’une aurore boréale, plutôt l’humain et sa planète Terre dans tous ses états.

cinq livres sous chaque catégorie, en italique, mes indices  :

Le Printemps Érable : 3 fois le mot rouge, 3 fois le mot printemps pour l’ensemble des 5 titres
Le Parti Québécois au Pouvoir : 3 fois le mot indépendance et ses dérivés et 2 fois québécois rimant avec Marois
Les Élections Américaines : 2 fois Obama et un Haine froide
Le Scandale De La Corruption : 3 fois mafia, 2 fois corruption
La Grève Au Hockey : Aucun titre avec le mot grève (pas vendeur) et des couvertures bleu-blanc-rouge
La Crise En Europe : Les économistes atterrés, l’Europe maltraité
Le Plan Nord : Paradis sous terre, 2 minier, 1 minière, 1 gaz de schiste
Les Jeux Olympiques De Londres : 5 fois jeux olympiques, une BD
L’ouragan Sandy : 2 fois climatique, 1 fois ouragan (album enfant) et 1 Mal de terre
L’affaire Luko Magnotta : 3 fois tueurs, 2 fois meurtriers, une seule fois sexuel

50 livres de l’année
La Presse se serait casser la tête. Les livres sont si remarquables en 2012 que d’en sélectionner 50 fut une activité intense. Ça fait toujours plaisir à lire, tout en n’oubliant pas que cette sélection de top 50 découle d’une première sélection basée sur des critères … qu’on ignore !

20 livres sur 50 – publiés par des maisons d’édition québécoise :
Boréal (3) – Leméac (3) – Alto (2) – Peuplade (1) – Hamac (1) – Marchand de feuilles (1) – Quartanier (1) – XYZ (1) – La Pastèque (1) – Soulières (1) 400 Coups (1) – Glénat Qc (1) – La Goélette (1) – VLB (1) – La Presse (1).
Parmi ces 20 :
3 documentaires – 2 bandes dessinées – 2 Jeunesse – 13 romans pour adulte.
Vous retrouverez des descriptions de chaque livre succinctes et percutantes sur le site.

L’avenir du livre au Québec  – Le Mouton noir
Un bilan en mots réfléchis, des personnalités du milieu se prononcent (pas de droite, pas de gauche, du milieu).
- Martin Robitaille, auteur et professeur de lettres à l’UQAR
- Rodney Saint-Éloi, auteur et éditeur chez Mémoire d’encrier
- Stéphanie Pelletier, auteure
- David Nadeau, bibliothécaire et responsable des bibliothèques de Rimouski
- Lysiane Drewitt, libraire à la Librairie Boutique Vénus

Bilan du webzine La Recrue
Bilan mensuel (qui a pensé que je présenterais que des bilans annuels, hein, qui l’a pensé ?). Le dernier numéro de l’an 2012 m’a frappée par son contenu riche. Les rédacteurs et rédactrices ont tout donné, comme si c’était le dernier. Et la bonne nouvelle est que ce n’est pas le dernier !

13 commentaires de lecture pour 10 romans, une entrevue, un questionnaire, des extraits lus par l’auteure Stéphanie Pelletier, + le mot de la rédactrice en chef. Imaginez-le entre vos mains, comme il est volumineux ! Vous en avez pour votre argent, n’est-ce pas ? Et quand on pense qu’il est gratuit. Quand on pense que la paye des 17 rédacteurs rédactrices est la reconnaissance ! Et pour le webmestre, pas de chicane, exactement la même paye.

La Recrue du mois : Stéphanie Pelletier : Quand les guêpes se taisent

Mon bilan
Je vais le rédiger en janvier, et c'est la tradition, je vais offrir un Top 10 de mes lectures, desquelles j’ai déjà commencées à réfléchir. Pourquoi janvier ? Pas seulement pour le recul après la frénésie des Fêtes, mais pour pouvoir y inclure mes lectures du 31 décembre !

mardi 11 décembre 2012

Martine à la plage - Simon Boulerice

Je viens de goûter à un roman graphique et la saveur laissée sur moi en est une de drôlerie aux contours un peu cruels.

Martine à la plage était pour moi, jusqu’à date, un album sage pour enfants sages qui apprenaient à lire. Maintenant, sous l’imaginaire de Simon Boulerice, la Martine plaquée de mon enfance est disparue. Elle s’articule. Après avoir pris naissance dans la tête de l’auteur, Martine à la plage est allée vivre sur une scène de théâtre et, avec ce roman, elle revient se coucher sur des feuilles de papier.

La Martine de Boulerice dégage un prosaïsme contemporain. Elle ne se baigne pas à la mer mais dans une piscine, celle du voisin. Elle n'est plus une bambine, elle a 15 ans, mais l’enfance colle encore à son maillot de bain. Elle voit, désire, convoite avec un regard d’enfant, surtout quand elle ne porte pas ses lunettes. Et quand elle ne les porte pas, c'est pour séduire son voisin et optométriste. Quand on est ado, que l’on est en vacances et que l’on s’ennuie, et surtout que l’on manque d’attention, la tentation de tester son pouvoir de séduction aussi naissant que ses seins, s’impose.

Dès les premières lignes de son journal, Martine existe. Elle est toute là et, en plus, elle est drôle. Son esprit est vif, incisif et elle ne s’en fait pas avec les affres de la morale, ce partage consensuel entre le bien et le mal. Ce qui n’en fait pas un être spontané pour autant ; elle planifie, réfléchit, se torture, toujours dans l’ultime but d’arriver à ses fins ; conquérir un homme mûr et marié. Cette partie de séduction se jouera comme une partie d’échecs, qu’importent les pions qui tomberont au combat. 

Simon Boulerice traite l’adolescence avec originalité, et je repense au roman Les Jérémiades pour l’avancer. Il sort l’adolescence de son carcan d’enfilade de stéréotypes et l’habille d’imaginaire. Et qui dit, imaginaire, dit en même temps, originalité. 

Un roman graphique qui se lit aussi rapidement qu’une bande dessinée. Il s’impose donc de le relire. Ce que j’ai fait. Quand le ton est léger, l’humour fin et caustique, les images (littéraires) savoureuses, on avale vite, et on oublie vite. Trop vite. J’ai souri à la lecture et à la relecture presque ri.

Mise en garde : à prendre avec la même attitude que lorsque vous rêvez, en mettant de côté votre morale. 

Je suis peu encline à me lancer dans le commentaire de dessin, mais je ne peux tout de même pas faire comme s’il y en n’avait pas. Les dessins de Luc Paradis sont griffonnés au crayon à mine, certaines fois appliqués d’autres moins.... est-ce voulu ainsi ? Le genre de dessins confère au propos une aura des années 60. Les sujets visités égarent un peu, ce qui va dans le sens du récit.

mercredi 5 décembre 2012

Le Passe-Mot prend position

L’encre coule à flot, comme le sang dans nos veines. Philippe Beha, illustrateur jeunesse de 150 œuvres et Blaise Renaud, propriétaire de 28 librairies (Renaud-Bray) en font couler ces jours-ci. À la 35e édition du Salon du livre de Montréal, Philippe Beha, prenant la parole en recevant le Prix Marcel-Couture, a déploré le manque d’espace accordé à la littérature jeunesse québécoise, mentionnant l’exemple d’une librairie Renaud-Bray. Blaise Renaud était dans l’assistance. Cela aurait pu être une anecdote, c’est devenu une cause, car monsieur Renaud ne l’a pas pris. Cette observation lui a retiré le goût de faire une place de choix aux œuvres de Philippe Beha dans sa (longue) chaîne de librairies.

Le but que je poursuis en le mentionnant n’est pas de repartir le débat. Si vous désirez en savoir plus (et combien je vous comprends de le vouloir !), l'encre a coulé : Le magazine Actualitte, les journalistes Daniel Lemay et Chantal Guy de La Presse, Marc Cassivi également, l’écrivain, Claude Champagne et l’écrivaine, Marie-Christine Bernard. Pour ne nommer que ceux-là. Mon but est de prendre position. J’ai régulièrement fait savoir que je prône les achats dans les librairies indépendantes, celles-là qui oeuvrent par passion de la lecture, du livre et des lecteurs. Et ceci sans insinuer qu’il n’y ait aucun bon libraire hors des librairies indépendantes.

Aujourd’hui, par un geste, je prends position pour ces librairies indépendantes qui me sont chères. Le Passe-Mot s’affilie avec le portail des librairies indépendantes du Québec : Rue des libraires sur la Toile depuis août 2011. S’est présenté une correspondance que je ne pouvais ignorer. Au moment où la chaîne Renaud-Bray réagissait d’une manière qu'on peut traiter de tout, sauf celle d’une entreprise éprise du livre et de ses auteurs québécois, je découvrais la possibilité d'une affiliation entre Le Passe-Mot et Rue des libraires. Cette offre d’affiliation date de peu de jours, elle a été annoncée le 23 novembre. Pour moi, c'est une continuité puisque depuis plus d’un an, je faisais converger les liens des livres vers la Rue des libraires. Vous vous êtes donc probablement déjà promené sur cette rue. Mais se promener ne veut pas toujours dire s’y arrêter !

Je vais tenter de résumer, et les plus curieux iront fouiner en profondeur sur ce site. La coopérative sans but lucratif des librairies indépendantes a été fondée en 2007, elle rassemble 92 librairies. C’est d’ailleurs grâce à eux que nous disposons gratuitement du magazine bimestriel que je chéris (pas capable d’en jeter un !) Le Libraire. Et, finalement, a vu le jour en août 2011, Rue des Libraires, ce site transactionnel des Librairies indépendantes.

Maintenant, comment se présente ce système d’affiliation entre eux et moi et qu’est-ce que ça changera au Passe-Mot ? À la fin de mes recensements, vous trouverez un bouton avec la couverture du livre qui vous mènera sur la Rue des Libraires. Et ce livre, vous pourrez l’acheter, les pieds dans vos pantoufles ! Pour ma part, je recevrai un pourcentage, on pourrait dire un genre de récompense pour mon bénévolat.

Pas plus fous que les autres, puisque plusieurs sites font des liens similaires vers Amazon ! Par ce bouton, je vous rappellerai à cette possibilité que vous avez de soutenir l’économie locale. Quand on y pense bien, est-ce que les gens d’Amazon s’intéressent réellement à la culture québécoise ? Ils vendraient des mitaines de four que ça serait le même service !

J’en profite pour dire qu’à chaque achat sur Rue des libraires, vous favorisez une des librairies indépendantes participantes, laquelle recevra une part de la vente. Il vous sera suggéré les trois le plus près de votre domicile. Vous avez l’option de cueillir votre achat en cette librairie ou le recevoir par la poste.

J’ai toujours à cœur de poursuivre le Passe-Mot, premièrement parce que j’y trouve du plaisir et, qu’en plus, bonus (!), je suis appréciée et on me le fait savoir. Le milieu l’exprime de diverses façons : éditeurs, attachés de presse, auteurs, libraires et, bien sûr, les plus importants de la chaîne, les lecteurs. Les visiteurs au Passe-Mot augmentent considérablement, je suis donc stimulée à soutenir mes efforts de promotion via Google +, Facebook, Twitter, prendre part à des défis littéraires, ou la fréquentation des blogues littéraires. Plus je suis lue, plus il y a de chance que les auteurs soient lus ! 

Remarque : Si vous voulez voir de quoi à l’air le bouton avant que je l’installe, le site Sophielit est déjà affilié à Rue des Libraires. Ce sera une occasion de découvrir un site qui déborde de consciencieux recensements de livres jeunesse, adolescence comprise et même ciblée. Sophie a d'ailleurs mené une entrevue captivante avec Dominique Lemieux, directeur général des Librairies indépendantes du Québec.

jeudi 29 novembre 2012

Chez Alto : Pont entre le numérique et le livre

C’est innovateur. Quand j’ai pris connaissance de cette idée de la maison d’édition Alto, la fervente du livre sous forme de livre a été ébranlée. Et je le suis encore maintenant que la nouvelle sort.

Il s’agit de cartes/clés USB contenant 3 à 5 livres et ces clés se détaillent pour la plupart 29.95 $. Ça ne revient pas à bien cher le roman ! Il y a présentement cinq cartes/clés disponibles pour le temps des fêtes – en quantité limitée, dit-on. Mais j’imagine qu'il y a des possibilités que le produit continue son bout de chemin après les fêtes, ça dépendra de l’enthousiasme de la réception. Encore là, j'imagine.

En attendant, avez-vous pensé au beau cadeau de Noël que cela peut faire ? À glisser dans un bas de Noël par exemple ! Sous forme de jolie carte, quatre ou cinq livres voyagent léger jusqu'à vos amis résidant sur d’autres continents. Éviter des frais postaux exorbitants ! Je pense à tous les blogueurs, autrement dit, les clubs de lectures virtuels qui s’échangent couramment des colis qui contiennent un minimum de 4 à 5 livres. Bienvenue à la petite caisse de livres qui tient dans une poche !

Et rien ne se perd, Alto a pensé à tout, la clé peut également être utilisée pour stocker jusqu’à 250 fichiers lisibles sur à peu près tout : tablettes numériques, téléphones intelligents ou ordinateurs (Mac et PC). Et, bien sûr, pour qui connaît la maison d’édition et leur souci de l’image sauront que cette clé a pris l’apparence d’une carte qui est esthétique. Allez-y voir sur le site Rue des Libraires, ils exposent les 5 accompagnés des oeuvres et leurs prix respectifs. 

Facile, il s'agissait juste d'y penser ! C’est ce que l’on dit après qu’un individu ait eu une bonne idée avant nous. Avoir l’idée est une chose mais bellement la concrétiser est une autre. Bravo à Alto pour cette idée, et la prophète de bonheur que je suis, déclare qu’elle va faire du chemin !
Illustrateur chouchou des éditions Alto
Cet illustrateur est nul autre que Matte Stephens. C’est cet Américain, paraitrait-il sympathique, qui a illustré chaque couverture des romans de Lori Larsen traduits chez Alto. Si je vous en parle, c’est que de ses œuvres convoitées et à tirage limitée sont offertes à la Librairie Phylactère, spécialisée en bande dessinée.

Une exposition organisée conjointement avec les Éditions Alto agrémente les murs de cette libraire sise au 685, rue St-Joseph Est à Québec du 25 novembre au 23 décembre. Et là, ce n’est pas moi qui le dit mais des admirateurs de son œuvre : «Son univers graphique unique, parfumé de nostalgie, de surréalisme et de modernisme, saura séduire l’enfant qui sommeille en nous et l’adulte qui sommeille en nos enfants. Si vous ne pouvez pas vous déplacer, un album d'extraits de son oeuvre vient de sortir. Devinez chez qui ? Je vous le donne en mille : Alto.

Tenez, voici qui donne une idée de son style :






Propriété des photos : Librairie Phylactère à Québec. 

lundi 26 novembre 2012

Une belle famille d'Annie Cloutier

Le titre est à double sens, fait allusion également à la belle-famille. C’est l’histoire d’importants et ambitieux entrepreneurs, six frères tous mariés. Les belles-sœurs y joueront un rôle aussi important que les frères. Une entreprise de biscuits si florissante, si réputée, que les médias ont la famille dans leur mire. Leurs moindres gestes publics sont épiés. Une douzaine d’enfants, majoritairement en bas âge, agrémentent le tableau. Il est rare que les auteures s’attardent à ce point aux caractères des enfants, point que j’ai apprécié.

À la suite du premier chapitre, décrivant une conférence de presse, Annie Cloutier nous fait pénétrer l’histoire par une visite en règle d’une galerie où sont exposés les personnages. On s’arrêtera devant le portrait de chaque conjointe. Annie Cloutier nous les présente avec force détails et semble nager dans le bonheur de nous en faire le portrait. Au départ, j’y ai pris un certain plaisir, puis, le procédé m’a lassé. Faut dire que les personnages féminins partageaient toutes des problèmes psychologiques et, par là, se dessine certaines lignes de l’histoire. Le destin est en quelque sorte jeté, retirant ce que j’aime d’une histoire : qu’elle me fasse vivre de l’imprévisible. Comme dans la vie.

À un moment donné, bien évidemment, les personnages se mettront en action. Le terrain choisi, un luxueux domaine, patrimoine familial, qui abrite annuellement chaque famille durant une fin de semaine. Les relations des couples sont complexes, bien décrites, les enfants, pas que des figurants.

Même durant cette fin de semaine, l’entreprise de biscuits restera le centre névralgique. Il est temps de mentionner que la compagnie se voit attribuer la production exclusive de biscuits vaccinaux par le gouvernement de « Jacques Chauvet ». Vous remarquez l’allusion, le nom du premier ministre sonne comme « Jean Charest ». Nous assisterons à certaines tractations discutables.

Est-ce que la famille restera unie ? Lesquels de ses membres resteront, lesquels partiront ? J’ai embarqué dans la majorité des histoires de couple, une fois que j’ai réussi à les démêler assez pour m’y pencher. Il y en a six, c’est de la matière ! J’ai cependant dû faire appel à beaucoup de bonne volonté pour croire à l’histoire emberlificotée des vaccins dans des biscuits, pour prémunir la population d’un virus, faisant allusion à une certaine actualité récente au Québec.

C’est un roman qui décortique la vie terre à terre, règles de vie, mœurs, actualité, politique, ambitions, habitudes de consommation. Donc, ça dépend de nos attentes vis-à-vis un roman. On y retrouve une intrigue, mais pas de mystère.

Une belle famille peut s’assimiler à une étude sociologique bien menée, agréablement déguisée, d’une famille nantie qui baigne – et certains fois se noient - dans les affaires.

vendredi 23 novembre 2012

À la quête du VRAC

Si je gagnais du temps

Si je gagnais du temps, je lirais plus, bien sûr. Et si je lisais plus, je lirais certainement « C’est faux ! » de Guillaume Lamy qui vient de sortir chez Septentrion :

C'est faux!
50 idées déconstruites par des spécialistes : On investit moins au Québec? La prostitution est le plus vieux métier du monde? On utilise 10% de son cerveau? La mondialisation est un phénomène nouveau? Les terroristes musulmans veulent tout détruire? Il n'existe aucune solution au conflit israélo-palestinien? J’aime apprendre en butinant. Me semble que ça entre mieux dans mon cerveau et, en plus, ça me permet de me demander si j’ai le goût d'approfondir un sujet. Parce qu’on ne peut pas tout savoir !
ET des Éditions Fides :
Chronique d’un photographe de François BraultMémoire d’images entre le sacré et le profane
Ce livre m’a fait grande impression quand j’ai reçu le communiqué de presse : « recueil d’anecdotes savoureuses, tant personnelles, familiales que professionnelles, souvent empreintes d’humour, qui nous entraînent dans l’univers d’un grand artisan du cinéma québécois, dans un va-et-vient entre le Québec des années 1960 et aujourd’hui. «  Le mot « anecdote » a tout de suite accroché mon attention et galerie de 100 photos. Il se classe dans les beaux livres, vous savez cette catégorie que l’on donne à Noël, parce qu'on aimerait le recevoir !
222 pages, en librairie depuis le 12 novembre 2012

Les droits d’auteur ne sont pas une récompense
(Lettre authentique que j’ai eu la permission de publier): 
Bonjour,
Je suis l’auteure des livres que vous avez numérisés et rendus disponibles gratuitement sur Internet. Je comprends que si vous avez agi de la sorte, c’est que vous avez tellement apprécié mes livres que vous avez eu envie de les partager avec le reste du monde. Savez-vous, cependant, que chaque fois qu’une personne copie illégalement mon livre au lieu de l’acheter, elle me prive d'un revenu qui me permettrait d’écrire de nouveaux romans? Les droits d’auteur ne sont pas une récompense, ils sont le salaire de l'artiste. Cela dit, il est de plus illégal de copier une oeuvre dont vous n’êtes pas l’auteure et de l’offrir au public. C'est pourquoi je suis obligée de vous demander de retirer mes livres du site qui les héberge.
Veuillez recevoir, madame, mes meilleures salutations,

Mylène Gilbert-Dumas
Les libraires ont sorti leur liste 
(Association des libraires ont dévoilé leur liste préliminaire au Salon du livre de Montréal)

* Anima, Wajdi Mouawad (Leméac)• Annabel, Kathleen Winter (Boréal)
• Chaque automne j'ai envie de mourir, Véronique Coté et Steve Gagnon (Septentrion)
• Le Christ obèse, Larry Tremblay (Alto)
• Comme des sentinelles, Jean-Philippe Martel (La Mèche) - premier roman
• Document 1, François Blais (L'Instant même)
• Et au pire on se mariera, Sophie Bienvenu (La Mèche)
• La Fiancée américaine, Éric Dupont (Marchand de feuilles)
• Hollywood, Marc Séguin (Leméac)
• Malgré tout on rit à Saint-Henri, Daniel Grenier (Le Quartanier) - premier roman
• Mayonnaise, Éric Plamondon (Le Quartanier)
• Quand les guêpes se taisent, Stéphanie Pelletier (Leméac)
• Rapide-Danseur, Louise Desjardins (Boréal)

Parmi les 13 titres, 2 premiers romans couverts par le webzine La Recrue, 2 romans d'une nouvelle maison d'édition (La Mèche)
23 janvier 2013 = liste des cinq finalistes
13 mai 2013 = Lauréat dévoilé au Lion d’Or - Les 20 ans du Prix seront soulignés par une fête.
Nouvelle porte-parole : Fanny Mallette.

Ma marge droite
Ouvrez bien les yeux (elle est mini) : une nouvelle bannière ! Si vous cliquez sur son intriguant « Cousins de personne », vous y découvrirez un webzine lancé le 17 novembre. "Fondée fin août 2012 par l’auteure Mélikah Abdelmoumen et par Marie Noëlle Blais de la Librairie du Québec à Paris, Cousins de personne est une association à but non-lucratif, dont l’objet est la promotion en France de la littérature québécoise, contemporaine comme classique".

Hé Hé ! Ça fait plaisir non ? Je trouve le look du webzine moderne, clair, invitant quoi ! Plusieurs chroniques, dont Bertrand LaverdureTristan Malavoy Racine, Michel Vézina, Samuel Archibald, Pierre Szalowski ... et plein d'autres !

Une voix, un visage
Pour terminer, ceux et celles qui veulent entendre ma voix, vous avez bien beau, me voir la figure en action, vous avez bien beau aussi, c’est à la même place (ma première vidéo à vie, sur YouTube en plus !).

vendredi 16 novembre 2012

Lettres crues de Bertrand Laverdure et Pierre Samson

Deux écrivains qui s’écrivent, déjà, l’attente d’une vivacité du verbe y est. Alors imaginez deux pittoresques écrivains, Pierre Samson et Bertrand Laverdure, abhorrant l’ennui, qui s’écrivent, on s’attend à l’exaltation. Je le fus, exaltée, sans l’ombre d’un doute. Effort de concentration aidant, mon esprit est monté vers les sphères vertigineuses des mots, lancés haut par des acrobates de la langue, pour que je les regarde tomber en plein dans le mil.

Ils se sont donnés comme mission, guidé par l'éditrice, d'échanger sur le milieu littéraire. Ce fameux milieu, d’où s’élance la gauche et la droite sera arpenté par ces funambules, de long en large et de haut en bas.

Lettres crues est de l’épistolaire dans son sens de correspondance. Parce qu'on classe également dans le genre épistolaire, les lettres à sens unique où l'on devine les réponses. Déjà que c’est ardu de lire entre les lignes que dire de lire entre les lettres ! Je préfère, ô combien, la correspondance de ces escrimeurs qui prennent des poses, ma foi, assez dramatiques. Une joute oratoire où les épées cliquettent, s’échappent, s’élancent, visent à côté, pointent la carapace, et l’atteint. Chaque lettre vaut son pesant d’élocution mais c’est encore l’échange qui m’a tenue captive.

Le ton est grandiloquent, enfin, c’est celui que je leur ai prêté, surtout pour les quatre cinquième du livre. Les lettres du cinquième prennent un ton différent, plus naturel, plus confidentiel. On baisse un peu les armes. Ce qui pourra être perçu comme un essoufflement, je l’ai abordé bien autrement. Ça m’a même fait penser à ce lieu commun, après avoir sorti le méchant dans une rixe de bon aloi, l’étreinte vient sans qu’on la réclame.

Tout au long de la correspondance, Pierre Samson est en résidence d’écriture à Tokyo, ville dont il nous parle, comme toujours, avec un sens critique aiguisé, la correspondance s’étendant sur quelques mois, vers la fin, son séjour en résidence s’achève. Il se pose des questions sur son avenir. Est-ce cette préoccupation, mais j’ai retrouvé un être humain derrière ce pamphlétaire à tout crin. Malgré sa faconde jamais démentie, un visage se découvre sous le masque grimaçant. Si j’avais une critique, malgré le plaisir que j’ai pris à ma lecture principalement pour l'admiration de ces virtuoses de la langue, c’est ma lassitude devant le convenu des répliques de Pierre Samson. À force d’arroser tout aliment d’épices piquantes, la saveur du mets s’en trouve noyée. S’use l’ironie à force d’en user. Samson a une intelligence rare pour manier cette substance corrosive : l’ironie. Il en a abusé.

Bertrand Laverdure, sans lui retirer de son esprit corrosif et imaginatif, m’a semblé jouer un rôle de modérateur en égard aux excès de son correspondant. Il a un franc-parler, les infimes nuances sont sa spécialité. Il se pose tellement de questions sur ce métier qu’il a choisi très jeune, il a pris le temps de réfléchir à sa vocation, ce que l'on constate avec bonheur. Il y aurait de quoi ouvrir un séminaire sur le sens du travail de l’écrivain dans notre monde d’aujourd’hui, pré-requis : la lecture de Lettres crues. Les questions sont soulevées, des réponses sont proposées, la discussion s’ouvrirait, sur un ton moins plaintif, c'est à espérer. Car tous n'ont pas la verve pour le porter !

Un essai épistolaire de haut calibre, comme il s’en fait peu. Il aurait pu s’écrire avec la plume, pour le bec acérée qui pointe, jusqu’à trouer le papier.

Bilan en chiffres :
243 auteurs sont nommés (la majorité critiqués !) - index à la fin
54 lettres titrées (assez loufoques !)
Période d'avril à novembre 2011
379 pages en petit caractère

mercredi 7 novembre 2012

L'Homme du jeudi de Jean Lemieux

Au départ, je croyais que Jean Lemieux était un nouvel auteur de polar, d’apprendre qu’il en est à sa troisième enquête m’a incitée à le choisir. Les deux premiers romans, On finit toujours par payer" (porté à l’écran sous le titre La peur de l'eau) et "La mort du chemin des Arsène"  se déroulaient aux Iles de la Madeleine, tandis que celui-ci à Québec.

Je lis peu de polar mais l’envie revient régulièrement. Comme je n’aime pas tout, je suis un peu inquiète en commençant. Une personne m’a inscrite dans un groupe passionné de « polar » sur facebook, lequel comprend 201 membres et pas un jour ne se passe sans que je sois avisée de nouvelles critiques de romans. C’est si dynamique que j’en ai conclu que les lecteurs du genre lisent en abondance. Ils peuvent jongler avec les comparatifs, eux. La nuance que je voulais apporter est que ma règle de référence est plus courte que la leur, voilà pourquoi j'ai rajouté deux liens menant à des critiques pour cet ouvrage.

Premier lien, L’homme du jeudi, est commenté sur le blogue Polar Noir et blanc où Richard a préféré la deuxième partie à la première, tandis que pour ma part, c’est l’inverse ! J’ai trouvé la première partie assez lente en effet, mais plus mystérieuse que la deuxième. Dans la première, par intérêt pour la mère, l’agent Surprenant ouvre à nouveau le dossier du décès accidentel de son fils de 12 ans, mort à vélo, disparu puis retrouvé dans la rivière 3 jours plus tard. Le chauffard, lui, n'a pas laissé de trace ... en apparence ! L'ambiance est diffuse, brumeuse, jusqu’à la motivation de l’agent de rouvrir ce dossier. J’ai aimé regarder travailler l’inspecteur, tirant sur une ficelle et sur l’autre, tout en apprenant à le connaître, lui et sa nouvelle conjointe et vie de famille. Si je compare avec ce que j’ai déjà lu, je pourrais qualifier cette première partie de polar ponctué d’un accent grave de psychologie humaine.

À partir de la deuxième partie, c'est-à-dire à partir du moment où l’on connaît pour ainsi dire le nom du responsable de l'accident, le ton et le rythme changent. Je me suis demandé si je devais croire aux indices que l’auteur donnait pour pointer le meurtrier, me disant que de le connaître, me retirerait le plaisir de jouer au détective. En fait, nous jouerons au détective, non plus pour l’identifier, mais pour trouver sa cachette et ses motifs.

Il y a une chorégraphe de rôles de victime et de bourreau, de jeu de chat et de souris, de jeu  haine/amour qui pourra captiver ceux et celles qui n’ont pas la sensibilité à fleur de peau .... comme moi ! Les événements ont pris un moment une allure de film d’horreur, très peu pour moi ! On peut parler d’une nette surprise devant cet important changement de ton, passant de celui débonnaire du début, à un ton exalté et profondément perturbé. D’ailleurs, l’agent Surprenant et son calme rassurant se retire de la sellette durant ces passages. Pour amateurs de vives émotions, c’est idéal j’imagine, puisque nous brûlons sur les charbons ardents sur une longue période. Nous sommes particulièrement devant une question de goût et de dosage ici.

La deuxième critique divergeant de la mienne est sur Carnet noir, et il y est dit s’être lassé d’errer dans les quartiers de la ville de Québec, alors que moi ça a rajouté au charme.

Roman scindé en deux par le ton et la motivation (pour plaire à tous les goûts ?), personnellement, j’ai apprécié la partie où l’auteur prend le temps de fouiller les émotions humaines. La deuxième partie a heurté ma sensibilité tout en me donnant la sensation de jouer dans le sensationnalisme des émotions fortes.

jeudi 1 novembre 2012

De père en fille - Louise Simard et Jean-Pierre Wilhelmy

Ce roman historique réédité (première édition : 1989) est une valeur sûre, tellement il aborde de sujets sans s’y perdre, grâce à l’habileté des auteurs. Peut-être pourrais-je ajouter, grâce à l’expérience de ce couple d’auteurs qui n’en est pas à leur première parution.

C’est un roman qui plonge dans notre histoire, au 18e siècle, abordant la médecine au Québec. On y découvre, dans l’œuf, la suprématie des anglophones sur les francophones et celle de l’homme sur la femme à l'époque des premiers balbutiements de la médecine, ce qui implique la première école officielle qui l'enseigne.

Si le roman est si réussi, c’est qu'il y prévaut un thème : la ségrégation. La ségrégation mène l’intrigue ou, autrement dit, la mise à part sans trop de questionnement, des femmes, des immigrés, des indiens (sic) et, le bouquet ... des Canadiens français ! Le propos pourrait être dur à avaler s’il se présentait comme un long billet éditorial, mais il n’en est rien. Le style et le doigté des auteurs font en sorte que les injustices passent par de passionnantes intrigues familiales ou amoureuses.

Évidemment, la révolte du lecteur peut atteindre des apogées, le poids lourd des injustices à répétition ébranlent, mais ce qui rend la lecture confortable, et par le fait même assimilable, c’est ce subtil dosage des passages heureux à dramatiques.

J’y ai trouvé des portraits de femmes admirables et d’hommes également, bien sûr, mais ceux-ci ont quelques atouts de plus dans leur manche à leur naissance. J’ai été renversée par la détermination d’Éva, la fille de son père médecin d'origine allemande, qui doit se cacher pour pratiquer la médecine. C’est une féministe avant son temps, bien sûr, mais sa sœur, une femme à la maison qui fait du bénévolat est tout aussi admirable. Pourtant, un des "méchants" de l’histoire est leur frère, un être faible à l’intérieur et fort à l’extérieur. Il est sous le joug terrorisant de sa mère, ce personnage de sorcière civilisée.

La bataille menée par les Canadiens français pour entrer sur un pied d'égalité dans l’antre sacrée de la médecine, au même titre que les anglophones, en est une épique. On assiste, le souffle court, à des moments stratégiques qui expliquent notre passé pas si lointain où les rôles de subalterne étaient généralement dévolus aux Canadiens français. 

Une seule bavure dans toute ma lecture : la fin. Bien entendu que l'on ne peut pas toujours adoucir les dénouements de l'Histoire avec son grand H, mais il y aurait eu moyen qu'elle soit moins abrupte, il me semble. C'est le rythme effrénée des événements qui m'a dérangée. J'étais mal préparée à cette bousculade quand, tout au long du roman, le temps avait pris son temps.

Je ne saurai trop recommander ce roman aux personnes qui aiment les voyages vers le passé avec en mains un passeport qui permet de s’amuser en apprenant et, sans conteste, dans une émotion pleine et entière. Et ceux et celles qui aiment entendre parler de la médecine vont être comblés au-delà de toute attente.

samedi 27 octobre 2012

Vrac en points d'exclamation !

XYZ : Deux bonnes nouvelles !

1 . Jocelyne Saucier, auteure de Il pleuvait des oiseaux :
«Ce prix est une grande joie : « Je suis ravie que mon roman ait traversé l’imaginaire de lecteurs français et qu’ils aient trouvé à s’en nourrir» vient de gagner le Prix France-Québec !!!! Pourquoi 4 points d’exclamation ? Ça fait 4 années que le choix des 38 associations régionales coïncide avec un de mes cœurs de cœur (2e de mon top 10 de 2012). Il n’y a que l’an passé que le titre n’était pas parmi mes choix. Une bonne raison ? Je n’ai pas lu Riviève Mékiskan de Lucie Lachapelle !

Cette modeste dame Saucier (ayant bavardé avec elle, je me permets le "modeste") accumule les prix et l’honneur rejaillit sur la maison d’édition XYZ. Voyez d’ici :
# Prix des cinq continents de la francophonie
# Prix littéraire des collégiens et le Prix
# Prix Ringuet décerné par l’Académie des lettres du Québec
# Prix France-Québec 2012

2 .  Tristan Malavoy Racine fera ses premiers pas ...
Malgré sa carrière de poète, chanteur, chroniqueur, il restait vraisemblablement du temps à Tristan Malavoy-Racine, habitué qu’il était à de grosses journées en tant que rédacteur en chef du Voir Montréal, j'imagine. Il vient d'être recruté par XYZ.... Ce serait ses premiers pas, malgré l'impression qu’il marche depuis longtemps (!), premiers pas dans une maison d'édition. Il sera responsable d’une collection qui privilégiera le roman, la nouvelle et le récit. Une nouvelle collection ? Le communiqué ne le dit pas ! .....
..... Ah mais, vive Facebook, j’ai pu le demander au principal intéressé et c'est "un gros oui", ce sera une nouvelle collection. À suivre de près ...

Le Torrent
Le 24 août, Le Torrent d’Anne Hébert sortait à la maison d’édition La Bibliothèque Québécoise au prix abordable de 10.95 $. Après combien de versions dans d’autres maisons, dont HMH, je ne sais pas, par contre j’ai appris qu’en 1950 ce recueil de nouvelles a été publié à compte d’auteure ! Un des éditeurs avait dit de son manuscrit : dangereux, délétère, noir et qu’il ne fallait pas mettre ce texte entre toutes les mains. Anne Hébert aurait la surprise de sa vie de voir le titre de cette nouvelle de 60 pages affiché sur les marquises de nos cinémas !! Je n’avais pas réalisé que c’est son troisième roman qui est porté à l’écran après Kamouraska de Claude Jutras, je m’en souvenais mais pas Les Fous de Bassan d'Yves Simoneau.

L’univers de Sunflo
Avez-vous remarqué, à droite, j’ai placé une nouvelle mini-bannière « À la découverte du Québec » ?
La vague déferlante de Québec en septembre chez Karine de Mon coin lecture a donné la mesure du grand appétit de mieux connaître la culture québécoise, dont principalement la littérature. Sunflo a saisi la balle au bond et a repris le flambeau sur une période plus longue : 18 mois avec une cadence ajustée à nos routines de lecture. Je « cré ben » que je vais faire un petit effort pour lire plus de québécois....:-) bien entendu, le défi n’en est pas un pour moi, mais comment pouvais-je passer à côté de cette satisfaction, cette stimulation aussi, de côtoyer des découvreurs ?!

Chez Venise, il y a Alphée des Étoiles
J’ai été voir un documentaire, Alphée des Étoiles me rendant pour la première fois au cinéma de ma ville (à pied !) et quelle surprise ce fut pour moi, pour nous ! Ça part bien le bal quand des images, une réflexion viennent s’étamper sur soi pour ne plus jamais nous quitter. Pour des détails de mes impressions, si vous n'êtes pas encore passer me visiter, ça mérite un clic en ligne directe Chez Venise !

vendredi 19 octobre 2012

Attaquer gratuitement une librairie

La librairie, un lieu qui se veut plus qu’un lieu où l’on vend des livres. Des endroits où l’on vend des livres, il en pullule, à la pharmacie, au dépanneur de la gare, chez Loblaws, Wal-Mart, Costco. La libraire, la vraie, celle née par vocation me donne une émotion peu commune quand je pénètre en son antre.

Hier, Marsi a eu un coup de foudre pour la librairie Le Port de Tête. J’en étais toute heureuse car c’est moi qui la lui ai présentée. Je n’y avais jamais mis les pieds et j’étais curieuse de la visiter. À chaque fois que j’en entendais parler, j’y sentais, même de loin, de l’effervescence. Plusieurs lancements y ont cours et je comprends maintenant pourquoi, elle m’a fait sentir ce quelque chose qui ressemble à s’y sentir chez soi, par affinité. Deux grandes pièces éclairées, rayonnantes de rayonnages, des planchers de bois blond qui craquent, des libraires qui déballent les livres devant nous, balaient les feuilles d’automne qui entrent en même temps que le client devant nous. Mais surtout une énergie qui ressemblent à « on est heureux d’être là, on croit à ce que l’on fait ». Le neuf côtoie le déjà lu, ce dernier à l’apparence si soignée que l’on distingue difficilement un de l’autre. J’ai aimé cette confrérie.  

Dans ma région (l’Estrie), il a été instauré récemment les Cafés de village, pour souligner ces établissements où le client se sent chez lui. Il y aurait pour moi des librairies de village. Pareil au journal qui a son identité, une maison d’édition, son éditorial, la librairie a sa couleur. Elle porte un message par sa sélection de livres. La bouquinerie n’est pas là pour offrir le plus de titres possibles dans le plus d’espace possible. Le libraire n’est pas qu’un vendeur de livres, il cause en connaissance de cause, avec cœur et passion, guide le lecteur qui arrive avec un sujet, parfois sans titre et sans auteur. C’est un lieu commercial, mais on l’oublie. On s’y sent libre de feuilleter, d’hésiter et de repartir avec aucun livre sous l’aisselle. Hum .... l’aisselle, ceux qui ont lu récemment Pierre Flogia me voient venir.

C’est connu dans le milieu, si Foglia dit d’un livre « C’est bon », une vague du succès déferle. Les libraires commandent le titre, la maison d’édition est heureuse, l’écrivain exulte. L’éditeur va même jusqu’à faire imprimer un bandeau rouge pour y inscrire une exclamation de monsieur Foglia. Quelle responsabilité, que dis-je, quel pouvoir donne-t-on à cet homme parmi tous les hommes !

En est-il conscient ? Je me le demande le plus sérieusement du monde. Il est facile d’en arriver à rouler sur le pilote automatique, c’est pas mal moins exigeant que se poser à chaque fois des questions sur la portée de nos écrits ou nos humeurs. Facile de revêtir son rôle de chroniqueur sans plus réfléchir à l’effet que nos écrits peuvent avoir sur les institutions, les gens, les événements, les mentalités, les livres ... les librairies.

Dans une récente chronique, monsieur Foglia a encensé «La fiancée américaine » d’Éric Dupont Marchand de feuilles, roman qu’il a reçu en service de presse avec ce mot de l’éditrice, Mélanie Vincelette : «Monsieur, voici un roman dans lequel une jeune fille tue son frère avec une tarte au sirop. Si vous ne l'aimez pas, déchirez-le en mille miettes et donnez-le à bouffer à vos ratons.» Tant mieux si en fine mouche qu’elle est, l’éditrice a su amadouer l’ours avec du sirop. Ce roman sera lu par plus de personnes. Mais ce qui m’a jeté à terre (j’y suis encore) est qu’en plein cœur de sa critique élogieuse, il a décoché une baffe à la librairie Le Port de tête. Y avait-il un lien avec sa critique ? Aucun. Absolument rien, pantoute ne justifiait cette sortie. Un geste gratuit, juste parce que ça lui tentait.

Il est déplorable, lamentable même, qu’un chroniqueur n’ait plus le temps, ni l’énergie, ni la motivation de se poser des questions sur la portée de ses humeurs, de ses paroles, de son pouvoir. Et s’il a du pouvoir ce Foglia, c’est parce qu’on en lui donne.

J’espère que son geste mesquin aura l’effet contraire ; attirer l’attention sur cette librairie qui se dévoue pour la littérature, et je fais tout pour ça. Sur la Toile, ils ont été quelques uns à s’offusquer, ressort du lot, Michel Vézina, un fidèle lecteur* des textes du « puissant » chroniqueur. Il l’a amicalement traité de vieux con pour le 10 % de ses chroniques qui sont du « n’importe quoi ». Perso, aucune envie ne me vient de le traiter de vieux con, mais j’ai énormément de difficulté à continuer à gober le 90% de sa substance qui ne serait pas conne. En fait, Foglia m’a retirée toute envie de lui donner du pouvoir. Dans mon livre à moi (je vous jure que je n’abuse pas de cette expression !), quand on commence à abuser du pouvoir, notre règne devrait s’achever.

= @ =
* Pourquoi donc t’en prendre au Port de tête, Pierre? Une librairie? Que tu l’aimes ou non, ça reste une petite librairie qui fait son travail de librairie en assumant ses choix et en entretenant avec ses lecteurs une vraie relation littéraire, non? Ce n’est peut-être pas TA librairie, mais ça reste UNE librairie, une vraie. Et une bonne. Tes 450 exemplaires d’un livre en vitrine, c’est peut-être justement qu’il y était lancé le soir même, le livre. Et c’est bien qu’une librairie fasse des lancements, tu ne crois pas?
Michel Vézina, Avec le temps va ...

dimanche 14 octobre 2012

Mayonnaise d'Éric Plamondon

Ah, ce Mayonnaise laissé sur la tablette trop longtemps à attendre que je le commente. J’aurais dû le savoir que ce n’est pas sain de laisser attendre un(e) Mayonnaise. Lu voici environ trois mois, qui m’apparaisse maintenant trois ans, tellement je suis amnésique. Je me souviens d’avoir souri, d’avoir admiré certaines acrobaties humoristiques, apprécié des traits d’esprit finement ciselés, mais de l’histoire, je me souviens si peu que j’ai dû me résoudre à en relire des parties, et même papillonner sur le net.

Ce petit bouquin, volume 2 d'une trilogie,  se présente en 113 brefs chapitres reliés d’une manière volontairement désordonnée sous un sujet qui s’adonne à être l’écrivain américain culte Richard Brautigan. Les libraires s’enchantent de cette trilogie qui rebondit sur l’année tremplin 1984. Pourquoi 1984 ? Parce que le nageur et acteur Johnny Weismuller, le «héros» de Hongrie-Hollywood Express , volume 1, meurt cette année-là, c’est également celle du suicide de l’écrivain Richard Brautigan, le héros de Mayonnaise et l’invention du Macintosh. Éric Plamondon prévoit mettre en scène Steve Jobs dans Pomme S (à paraître).

Vous conviendrez que c’est astucieusement concept.

Quand les libraires s’exclament, je tends l’oreille. Je devrais peut-être commencer à me méfier de moi. Un peu. Premièrement, est-ce que me réjouis autant qu’eux d’un concept, même intelligemment mené ? Non. En plus, je n’ai pas leur culture littéraire, je ne connaissais ce Richard Brautigan ni d’Ève ni d’Adam. Ce qui fait que je n’ai pas tout saisi des liens du destin du personnage Gabriel Rivages mêlé à celui de l’auteur de La pêche à la truite en Amérique. Les balles rebondissent vite entre les deux destins et je n’avais pas le goût de m’informer pour comprendre chaque référence.

Je soupçonne Plamondon d’être un joyeux luron aux traits ludiques qui aime installer des références, certaines fois claires, et d’en rajouter des bidons le plus loufoques possible. « Comment mélanger deux substances qui ne se mélangent pas ? Arrive enfin le moment magique de la mayonnaise. Parfois elle prend, parfois elle ne prend pas ».

Ma lecture m’a laissée une impression d’exercice de style, de défi littéraire que ce serait donné l’auteur. J’ai tenté de me mettre sur le mode, savourer l’esprit de l’auteur le plus possible et essayer de m’amuser, mais cette question ne m’a jamais abandonnée : ai-je compris tout ce qu'il y avait à comprendre ? En fait, et je le réalise tout en vous écrivant, je ne me suis pas abandonnée. Et je dois aimer m’abandonner quand je lis, puisque j’ai aimé plus ou moins.

Même si ma lecture s’est avérée moins palpitante que prévu, je la recommande aux lecteurs qui apprécient les habiles jongleurs qui écrivent un concept, maniant l’humour fin dans un style réfléchi, précis, copieusement arrosé d'humour pince-sans-rire. Facultatif mais appréciable, connaître ou aimer une des trois importantes figures américaines abordées. 

mercredi 10 octobre 2012

Quelques braises et du vent - Serge Bruneau

Je suis entrée dans cette famille de vieux père alcoolique, de sœur rebelle (Marie), de frère homosexuel instable (Karl), par une voix, celle du fils et frère, Marc, un homme dans la quarantaine. Je le dis d’entrée de jeu, car la voix narrative de Marc imprime au roman toute sa saveur.

Cette voix résonne en écho calme et posé, celui propre au recul de l'homme qui s’est retiré de la circulation. Marc ne travaille pas et est sans femme ni enfants. Depuis son accident de moto, il vit de simplicité involontaire, se demandant le plus calmement du monde, qu’est-ce que l’avenir lui réserve. Coupé d’une vie affective, se basant sur le fait que l’homme estropié qu’il est devenu, n’a pas grand chose à apporter à une femme, son énergie se canalise plutôt sur sa famille et la nature.

Marc et Marie, des jumeaux sont comme les doigts d’une seule main, si l’on en croit le narrateur, Marc. Cette étroite complicité ne m’est pas apparue si évidente, Marie ayant peu de temps à passer avec son frère dans l’histoire qui nous est proposée. J’ai cependant constaté un jumelage de dévolu qu’ils jettent chacun de leur côté ; Marc, à son père, Marie, à son frère. Et aussi intensément un que l’autre. Marc porte un infini respect à son père soûlon, au point de payer de sa poche pour ses frasques, lui dont l’avenir monétaire est précaire depuis son accident. Marie, elle, a le cœur attendri par son jeune frère à qui elle donne chance après chance. Marie déteste son père tandis que Marc est excédé par son frère. Un genre de chassé-croisé.

Une des intrigues est de s’interroger sur ce que Marie est à tramer pour venger les habitants du village qui n’ont plus droit à leur rivière à cause des riches qui s’en sont accaparés en érigeant un barrage. Cette intrigue m’a peu intriguée, un peu plus cependant sa relation amoureuse ambigüe avec son conjoint. Le fait qu’elle soit une écrivaine délinquante m’a peu convaincue. 

Ce qui m’a attachée à ma lecture est le mystère qui émanait des personnages, les non-dits, je réclamais qu’une psychologue se lève dans la salle et m’explique ces comportements surprenants. Par exemple, l’attachement de Marc pour sa sœur est excessif, l’attachement à son père aussi, pourtant le regard qu’il pose sur les gens et événements en général me semble celui d’un sage qui en a vu d’autres. Personnage difficile à cerner, ce Marc et difficile pour moi, au début, de m’y attacher. Et puis, au cours des pages, je me suis laissé gagner par ce pilier tranquille reflété par le style de Serge Bruneau.

En tous les cas, rarement ai-je senti une ambiance aussi simple et calme se dégager d’un roman. Jamais question de s’énerver, même quand c’est la débâcle. Un roman dédié à des lecteurs appréciant le calme où l’expression, laissez le temps faire son œuvre, prend tout son sens.

dimanche 7 octobre 2012

La gueule des dictionnaires

Il y a une journée des dictionnaires et c'était le 4 octobre ***. Je m’étais promise de prendre cette journée pour honorer mes dictionnaires, ces alliés, ces amis. Je leur accorde si souvent la parole, ouvrant leur gueule largement, même quand je n'ai pas de questions à leur poser. Il y a de grands gueules, de plus petites et, de certaines, sortent des images. À ma famille de dictionnaires s’est récemment ajouté quatre membres :

1) Multi-conjugueur : nouveau membre de la famille des Multidictionnaires qui fête ses 20 ans cette année. En plus, à l’achat de ce conjugueur (14.95 $), vous est fourni un code qui permet d’accéder sur le net à la conjugaison complète, à tous les modes et à tous les temps, des 5 000 verbes du répertoire de verbes + 111 exercices.
J’avoue le faible que j'ai toujours eu pour le Multidictionnaire pour son auteure Marie-Èva de Villers, dont se sent la passion de la langue. Son essai « Le vif désir de durer » en est une belle démonstration. Le Multi, plus qu’une encyclopédie énumérative, se veut un mode d’emploi de la langue française.

2) Le Mini Visuel français-anglais : Pour celui-là, je craque pour l’aspect visuel, efficace et économique (19.95$). Il est petit et lourd de sens : 13,500 entrées dans chaque langue, 5000 illustrations, 500 sujets. J’aime le tenir dans ma main pour tourner les pages épaisses et glacées, c'est sensuel ! C’est un petit prodige de condensé, d’un seul coup d’œil, le regard englobe une illustration claire et sa description dans les deux langues. Je m’amuse à mémoriser de nouveaux mots anglais, l'apprentissage devient plus aisé pour les personnes visuelles plus qu’auditives.


3) Le dictionnaire visuel + : Version du Visuel version 2011 mais avec un +.
Ce + est l’ajout de définitions et de notices encyclopédiques. Plus je le feuillète et plus je réalise qu’il est une encyclopédie bénie en ce sens que tu trouve un mot, sans le connaître, contrairement au dictionnaire « ordinaire » où il faut absolument connaître le mot pour trouver sa définition. C’est là l’atout majeur d’un dictionnaire visuel, et maintenant avec le +, les définitions sont bonifiées au point de ressembler à une encyclopédie. Nous avions acheté une édition en 2006 mais des images, ça devient désuètes plus rapidement que des définitions. Le look est maintenant modernisé et ça lui donne encore plus de gueule. J’aime le choix d’un volcan comme illustration frontispice, ça change des fleurs déjà abondamment utilisées. Le papier est maintenant glacé et les couleurs en général plus éclatantes et celles utilisées pour identifier les thèmes mieux définies (sur la tranche). Et je ne sais pas comment Québec-Amérique est arrivé à ce qu'il contienne + , en étant plus compact qu'en 2006.

4) Le Grand druide des cooccurrences : Alors là, ce volumineux membre de la famille est un ami intime ! Il couche à côté de mon clavier et je le dérange souvent. Pour trouver les compagnons d’un mot, merveilleux outil pour préciser une pensée floue ou un peu paresseuse. J’avais reçu Le Grand dictionnaire des cooccurrences de Guérin en cadeau, jolie brique verte et attrayante, le début de notre relation fut émoustillant, c’est à la longue qu’elle s’est gâtée. J’ai tout d’abord pensé que c’était moi qui lui demandais l’impossible et puis, j’ai fini par comprendre que son contenu était limité, que je m'étais laissé séduire par son apparence (typo grossie, pages épaisses et glacées).

Maintenant que j’ai ce grand Druide des cooccurrences, je ne pourrais plus m’en passer. Son couvercle bleu et l'illustration d'engrenage du mot "passion" s’ouvre sur 450,000 cooccurrences. Lorsque je cherche, je trouve, sauf en de rares exceptions où le mot est absent parce que rare. Tout à l’heure, j’ai cherché feuille (partie d’une plante), on m’a donné des compagnons épithètes, noms, sujets, compléments de verbe. Feuille (de papier) est une entrée distincte, pour plus de clarté. C’est imprimé en petites lettres, le papier est mince et mat, mais notre relation est riche, parce que ce grand Druide a du contenu (1,448 p) !

Druide est une toute nouvelle maison d’édition qui offre également des romans. Auparavant, seul Druide informatique existait (créateur du logiciel Antidote), ils ont donc mis le paquet pour cette arrivée sur le marché imprimé de la cooccurrence ! On sait combien la première impression est déterminante, c’est pleinement réussi et Livresquement boulimique, une des premières à le découvrir, est d'accord avec moi.

* * *

Puisque c’est la première fois que l'on cause « dictionnaire », j’aimerais vous connaître sur ce volumineux chapitre :
Quand jetez-vous ou donnez-vous votre dictionnaire, autrement dit, le sacrez-vous un jour désuet ? En avez-vous plus qu’un ?
Est-ce que celui que vous possédez est le meilleur d’après vous ?
Est-ce un cadeau que vous aimeriez recevoir ?
Que pensez-vous des dictionnaires électroniques ?

*** Clavier tempéré (Lucie) a rédigé un sympathique compte-rendu du colloque.

mardi 2 octobre 2012

Avant d'oublier : un vrac

Au cas où cela vous aurait sorti de la tête, c’est aujourd’hui, le 2 octobre, que sont sortis les noms des finalistes des Prix GG, c'est-à-dire ceux qui vont se faire du mouron (un peu plus riche, un plus glorieux ... ou non) jusqu’au 13 novembre.

Romans et nouvelles
  • Ryad Assani-Razaki, Montréal, La main d’Iman - Éditions de l’Hexagone
  • Charles Bolduc, Montréal, Les truites à mains nues -Leméac Éditeur
  • France Daigle, Moncton (N.-B.), Pour sûr -Éditions du Boréal
  • Catherine Mavrikakis, Montréal, Les derniers jours de Smokey Nelson -Héliotrope
  • Audrée Wilhelmy, Montréal, Oss - Leméac Éditeur
Poésie
  • Corinne Chevarier, Montréal, Anatomie de l’objet -Éditions Les Herbes rouges
  • Fredric Gary Comeau, Montréal, Souffles - Écrits des Forges
  • Hélène Dorion, Sherbrooke, Cœurs, comme livres d’amour -Éditions de l’Hexagone,
  • Christian Saint-Germain, Montréal, Tomahawk - Éditions du Noroît
  • Maude Smith Gagnon, Montréal, Un drap. Une place. -Éditions Triptyque
Littérature jeunessetexte
  • Aline Apostolska, Montréal, Un été d’amour et de cendres - Leméac Éditeur
  • Biz, Montréal, La chute de Sparte Leméac Éditeur
  • Louise Bombardier, Montréal, Quand j’étais chien, illustrations de Katty Maurey - Éditions de la courte échelle
  • Camille Bouchard, Québec, Le coup de la girafe -Soulières éditeur
  • François Gravel, Montréal, Hò - Éditions Québec Amérique
Littérature jeunesse – illustrations
  • Marion Arbona, Montréal, Lapin-Chagrin et les jours d’Elko,  texte de Sylvie Nicolas - Éditions Trampoline, aujourd’hui Éditions du Phœnix
  • Manon Gauthier, Montréal, Giroflée Pois-Cassé,  texte de Marie-Danielle Croteau - Dominique et compagnie
  • Élise Gravel, Montréal, La clé à molette, texte d’Élise Gravel - Éditions de la courte échelle
  • Émilie Leduc, Montréal, La ronde des mois, texte d’Émilie Leduc - Éditions de la courte échelle
  • Katty Maurey, Montréal, Quand j’étais chien, texte de Louise Bombardier - Éditions de la courte échelle
Traduction de l’anglais vers le français
  • Sophie Cardinal-Corriveau, Montréal, Un adieu à la musique - Leméac Éditeur - ( Carolan’s Farewell de Charles Foran)
  • Dominique Fortier, Montréal, Une maison dans les nuages - Éditions Alto (The Prophet’s Camel Bell  de Margaret Laurence) 
  •  Alain Roy, Montréal, Glenn Gould - Éditions du Boréal - (Glenn Gould de Mark Kingwell
  • Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Montréal, Irma Voth - Éditions du Boréal - (Irma Voth de Miriam Toews)
  • Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Montréal, La petite cousine de Freud - Éditions Hurtubise(Distantly Related to Freud d’Ann Charney )
Si vous désirez vérifier la liste complète des finalistes.

En défilant les noms, j’ai hâte de voir si vous avez remarqué la même chose que moi « où sont les petites maisons d’édition ? » J’entends d’ici la maison Leméac applaudir, vous remarquerez qu’elle s’en tire avec une majorité de titres, La Courte Échelle également.

Faillite des éditions Les Allusifs
En mai 2011, cette maison d’édition fêtait son dixième anniversaire. Et puis voilà, la nouvelle est tombée dans les journaux :
  • La Presse (Chantal Guy) : Pour une petite maison d'édition québécoise - la seule à date à s'être fait un nom à Paris -, ce parcours du combattant ne mène qu'à la gloire, pas vraiment à la fortune. Article complet
  • Le Devoir : (Jean-François Nadeau) :  Selon Lise Bergeron de Leméac : Il est certain que, dans cette faillite, des auteurs et des traducteurs perdent de l’argent. Mais je me suis fait un devoir de payer tous les auteurs canadiens. » Leméac affirme avoir investi plus de 500 000 $ pour sauver des eaux Les Allusifs. « Brigitte Bouchard n’a pas respecté ses engagements en continuant de signer des contrats seule et en engageant de nouvelles dépenses ». = « Les Allusifs vont continuer de publier, mais il me faudra au moins 10 ou 15 ans pour récupérer mes billes ! Article complet.
Québec en septembre : terminé

Le bilan est impressionnant. En plus, l’organisatrice a pris soin de relever sur son blogue « Mon coin lecture » chaque roman commenté, il y en a qui ont été lu plus de trois fois, pour ne nommer qu’un exemple : Les Carnets de Douglas. C’est Chroniques au pays des mères qui gagne la palme du nombre de fois lu, mais l’auteur est assurément Jacques Poulin.

Allez jeter un p’tit coup d’œil, ça vaut la peine ! Et la bonne nouvelle est que l’enthousiasme fut si délirant qu’on nous souhaite « À l’année prochaine ! ».

dimanche 30 septembre 2012

La tendresse attendra - Matthieu Simard

Quel charmant titre ! me suis-je dit. Et en plus, c’est un cadeau de bons amis. J’avais hâte de le lire, je l’ai commencé en vacances. Excellent choix pour des vacances, c’est un roman léger et humoristique. Heureusement que je ne l’ai pas su à l’avance, je m’en méfie ! Je me méfie de la propension de certains à vouloir plaire à tout prix, en exploitant le rire. Faire rire, une recette assez gagnante ces temps-ci.

Eh bien, la bonne nouvelle est que Matthieu Simard sait doser son humour qui ne m’est pas apparu gratuit. J’ai gobé avec contentement ce personnage en peine d’amour dont l’esprit retournait la réalisé pour l’exposer sous l’angle absurde. C’est finalement la peine d’amour la plus amusante jamais lue de ma vie.

Je ne sais pas si vous écoutez Tu m’aimes-tu à Radio-Canada ? C’est à peu près sur le même ton dramatico-comique et l’histoire est assez semblable. Après la période d’inertie propre aux peines d’amour, un homme entreprend un processus de guérison et ses pensées et actions peuvent apparaitre saugrenus aux yeux de l’entourage ... parce qu'elles le sont !

Le personnage en peine d'amour est un écrivain qui croit que sa blonde l'a abandonné parce qu'il vivait mal avec sa vocation. Qu'à cela ne tienne, il abandonnera cette vie d'écrivain pour reconquérir sa blonde. Matthieu Simard s’est donc ménagé un espace dans son roman pour débouler des anecdotes cocasses de Salon du livre dans le cas d'un auteur peu connu. L'humour grinçant invite aux rires jaunes ou sonores, j’ai quand même moins souri à cette partie. Peut-être parce que sous le soleil littéraire, chaque écrivain en vient un jour à puiser dans ses anecdotes de Salon du livre pour se défouler, je finis par trouver cela moins amusant à la longue.

Je continue à aimer les surprises quand je lis, et pour La tendresse attendra, j’en ai eu une et même deux, si on compte celle que j’ai vue venir dans le brouillard. La dernière surprise est bonne et elle tient la route.

Arriver à ne pas rire (à moins que vous viviez une dépression amoureuse, encore que ...) est assez difficile si vous vous ouvrez à votre lecture. Il y a des traits d’esprit bien tournés, je dirai surtout dans le premier tiers du roman. La suite continue d’être distrayante, sans prétention, conservant un style naturel qui, je suppose, a son exigence... mine de rien !