Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

mercredi 13 février 2013

Point d'équilibre - Mélissa Verreault

Je l’ai lu deux fois. Comme pour le film que l’on reconnait avoir vu mais dont on ne se souvient pas suffisamment, l’on tente d’attraper des petits bouts pour finir par le regarder au complet. À la différence près que dans Point d’équilibre, il y a onze histoires. Ce n’est pas la première fois que le souvenir de nouvelles d’un recueil s’estompe, une nouvelle effaçant l’autre. Pourtant, j’ai trouvé la plupart de celles-ci excellentes.

On entre directement dans chaque histoire, sans passer par le moindre portique*. Mélissa Verreault nous fait monter dans un train en marche, l’action est en cours, le personnage vit au sommet de ses émotions, lesquelles l’on voit par la suite se déployer, descendre ou monter. Les propos de l’auteure sont contemporains et s’y glissent des flèches visant adroitement nos travers de société. J’ai beaucoup apprécié le naturel avec lequel les personnages décochent des pointes acérées de sarcasme à point nommé : « De toute façon, l’espoir, c’est pour les gens qui croient que la vie a un sens et qu’en suivant la recette à la lettre, le succès est dans la poche. Ceux-là, ils n’ont jamais lu la théorie du chaos, trop concentrés qu’ils étaient sur les pages de leurs magazines de mode ».
Le titre avec ses deux sens est tout simplement ingénieux. Dans certaines nouvelles, c’est le premier sens ou le sens premier : (il n’y a) Point d’équilibre et dans certaines autres, (où est le) Point d’équilibre ? Cela décrit bien les réalités déstabilisantes que l'auteure a désiré aborder chez ses personnages en mouvance. Presque chacune des nouvelles contient deux histoires imbriquées, tout en conservant la concision propre à une nouvelle et c'est, à mon avis, assez méritoire. En plus, les onze s’imbriquent entre elles, ne serait-ce que par un détail, lequel je n’ai pas toujours repéré à ma première lecture. Si je peux me permettre un conseil, à lire d’un bout à l’autre sans interruption !
Je reviens à ce que j’ai déjà écrit, j’attends toujours la fin d’une histoire, les sens aux aguets, et même, parfois, avec une brique et un fanal. J’assène l’auteur de mes recommandations : tu as besoin d’avoir une fin qui ramasse tous les éléments mis en place sinon j’aurai la sensation d’avoir été menée en bateau. Autrement dit, une fin non gratuite. C'est avoué, je suis particulièrement exigeante pour les fins d’histoire et dans Point d’équilibre, il y en a onze ! Bien entendu, il y en a qui m’ont fait un peu maugréer. Disons que j’y ai moins détecté le point d’équilibre.
Quand la fin est tragique à outrance, je me passe la remarque que j’aurais compris sans que l'on en mette autant. Ça fait un peu sensationnaliste. Mais comment leur (à la fin ou à l’auteure !) en vouloir, Madeleine, et Les Épaules d’Atlas ont le mérite de faire réagir. D’autres fins m’ont déçue sur le coup, mais en relisant la phrase finale qui ferme la parenthèse avec élégance et poésie, je me réconciliais. Mais, ce genre de fin s'estompe plus facilement : Over, 37½, Un grain de sel dans la mer morte.
Étoiles de papier est celle dont je me souvenais le plus avant ma deuxième lecture. Peut-être parce que j’ai lu que Mélissa Verreault avait accouché de triplées et qu’on dit ce recueil empreint de son vécu : [...] peut-être à cause du fait que Anne trimbale une vie complète dans son abdomen, tandis que lui, tout ce qu’il peut transporter, ce sont leurs manteaux. Un père patère. La nouvelle, L’inconnu porte un thème fort, bien mené, la peur des inconnus est tangible, le style haletant, cependant la fin pourrait être le milieu.
Dans l'ensemble de ces nouvelles réussies, au style dégourdi et critique, plusieurs personnages partent ou arrivent dans une ville, un pays ou une situation corsée. Ils sont passagers, l’on s’assoit à leur côté le temps de l'arrêt du train dans la gare, l’on décide ensuite de descendre ou de rester avec eux.
Me voilà curieuse maintenant de lire Voyage Léger, le premier roman de l'auteure.
Pour les amateurs de nouvelles, dont je ne suis pas vraiment, ne laissez pas échapper ce recueil.
 *portique : québécisme équivalant à vestibule.

10 commentaires:

Venise a dit...

Je vous prie d'excuser les marges aléatoires de ce texte, Blogger a fait des manières. Pour les rétablir, je devrais effacer et republier le texte au complet et je perdrais la comptabilité des lecteurs ou passants. Ces chères statistiques qui m'encouragent même si, parfois, aucun commentaire n'apparait dans le fil de discussion.

anne des ocreries a dit...

Ah, quel dommage, ma valise est pleine....:/

Lucie a dit...

J'ai bien failli l'acheter au Salon du livre de Montréal. Tu me fais regretter de ne pas l'avoir fait! (Mais je peux encore me rattraper, bien sûr!)

Topinambulle a dit...

J'aimerais bien découvrir cette auteure. Comme j'aime bien lire des nouvelles, je crois que je vais commencer par celui-ci :)

Venise a dit...

Anne : Ce n'est pas parce qu'elle rouge qu'elle est extensible !

Venise a dit...

Lucie : Cela aurait été sympathique avec une signature de l'auteure qui semble des plus charmantes (elle m'a écrit pour me remercier !)

Venise a dit...

Topinambule : Je suis contente de t'entendre dire que tu aimes les nouvelles. Suite à la publication du lien de ce billet sur facebook, une petite discussion sur la nouvelle a suivi. Peu aime les nouvelles, j'ai fait valoir pourquoi j'aimais moins que le roman. Ça serait long à expliquer en commentaire mais ça me donne envie d'en faire le thème d'un billet. Que l'on s'exprime là-dessus.

Topinambulle a dit...

C'est en effet un beau sujet de discussion. Pour ma part, j'aime bien lire un recueil de nouvelles, entre deux romans, pour varier mon expérience de lecture. J'y retrouve un autre souffle, un autre rythme.

Unknown a dit...

Les onze nouvelles « renfermées » dans ce livre pourraient toutes s’abréger en quelques synonymes : isolement, réclusion, rejet, incommunicabilité. En revanche, et c’est assez étonnant, la lecture n’en est pas lourde. Sans doute parce que l’auteure manie bien l’art d’installer l’impression sans s’attarder, pour ensuite passer discrètement à l’histoire suivante, sans jamais tomber dans le pathos. Intention louable, mais qui explique peut-être que sa prégnance soit si éphémère.

Venise a dit...

Danielle ! Tu m'impressionneras bien toujours. Oui, cette légèreté qui effleure le drame est assez magique. Mais comme tu dis, nous avons remarqué qu'il y a un effet secondaire à cette potion magique.