Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

dimanche 31 mars 2013

À deux pas de chez elle - François Gravel

Je suis allé à la rencontre d’une nouvelle enquêtrice, encore plus nouvelle que moi dans le milieu du polar : Chloé Perreault, 26 ans. C’est le premier polar de François Gravel qui nous promet plusieurs enquêtes, la deuxième étant d’ailleurs attendue en librairie le 10 avril sous le titre, Nowhere Man.

Chloé P. sort de l’institut de police et choisit d’œuvrer dans un village pour la possibilité d’avancement. Elle aura à rouvrir une enquête vieille de 33 ans, après la découverte de deux squelettes entremêlés aux racines d’un arbre. Les ossements qui nous préoccupent sont ceux d’une jeune femme de 20 ans, Marie-Thérèse Laganière dont on n’avait jamais retrouvé le corps, laissant à sa sœur ainée toutes des questions sans réponse.

Le défi est grand pour une enquêtrice inexpérimentée : deux corps, un dossier classé, des témoins difficiles à retracer après 33 ans, un corps trouvé à 300 k. de l’endroit où la première enquête s’était déroulée. Tout est à refaire. Chloé P. partira en neuf avec du vieux, c'est-à-dire les notes prises par un inspecteur maintenant décédé. Nous retournerons donc dans le passé pour visiter de fond en comble la vie de Marie-Thérèse Laganière, cette femme de 20 ans, belle et brillante qui s’interrogeait sur son avenir. Connaître cette femme est l’enjeu principal pour comprendre ce meurtre d’autant plus intriguant que son corps n’a pas été enterré seul.

François Gravel n’est pas un écrivain né d’hier, il défend ses histoires habilement avec un style détendu, empreint d’humour fin. Il manie l’art de prendre son temps pour installer une histoire et dévoiler progressivement une intrigue. Une enquête prend souvent les couleurs de l’enquêtrice et Chloé P. est une femme douce, réfléchie, réservée, et qui travaille d’arrache pied, jusqu’à atteindre l’obsession. Ambitieuse sans avoir l’air de l’être et, grosse différence avec tous les enquêteurs que j’ai connus jusqu’à date, elle a des habitudes saines : jogging matinal, fume pas, boit pas, sacre pas, ne s’impatiente pas, dort normalement, mange sainement.

Ce qui fait que cette enquête, à plusieurs ramifications et touffue d’intrigues sera menée tenacement et sagement par Chloé P. qui bénéficie en plus d’un patron respectueux et encourageant. Je dois l’avouer, j’ai été habitué jusqu’à date à des enquêtes où le temps presse, les patrons ont le mors aux dents, c’est angoissant, stressant, dangereux.  Rien de tout ça dans cette enquête idéale pour les lecteurs aimant les lectures intrigantes mais pas trop stressantes. Est-ce parce que c’était la première enquête menée par un auteur à son premier polar, mais le rythme m’est apparu assez lent. J’ai eu le temps de voir venir, sans trop chercher à comprendre, ce que je fais rarement du reste, n’aimant pas me casser la tête.

En fait, si je lis du polar, c’est pour admirer une histoire complexe, ses intrigues, son mystère et l’étude de la psychologie humaine dans des personnages crédibles. Il y a également un facteur important, l’attachement à la personne qui mène l’enquête. Avec ce titre, je suis mitigée, j’avoue. Je suis restée assez indifférente à Chloé Perreault qui ne m’a ni attendrie, ni donné de palpitations. J’y ai vu le portrait complet d’une femme moderne, novice, sans trop de vécu, extrêmement travaillante. 

Je ne dis pas non à une prochaine expérience avec Chloé Perreault, à un moment de ma vie où j’aurais besoin de m’abandonner dans une histoire d’enquête détendue avec une intrigue bien menée. De toutes manières, s’il faut donner une chance au coureur, il faut en donner à l’enquêteur !


dimanche 24 mars 2013

Vrac en Mars

Venise se penche sur la BD
  • Vous aimez Michel Rabagliati et ses Paul ? Vous les attendez impatiemment ? Je vais vous servir un hors d’œuvre pour calmer votre appétit ou l’exciter. Le titre : Paul au Lac noir et vous pouvez déjà aller reluquer les huit premières planches « brouillon ». 
  •  Je n’en reviens pas. En bande dessinée, on se plaint du manque d’intérêt pour la bande dessinée populaire. J’appelle ça, le contraire des romans. Pourquoi ? J'en ai en fait aucune idée. 
  • Ça bouge un peu trop à mon goût dans le domaine des maisons d’éditions, surtout qu'il est rare qu'ils indiquent que tout va bien dans le meilleur des mondes. Ce sont trop souvent les difficultés financières qui forcent le changement. Ça me chagrine. Grand coup : Vente des Éditions 400 Coups, l’éditeur québécois qui a le plus grand fond d’albums de bandes dessinées avec plus de 130 titres répartis en huit collections. C’est qu’il ne se passait plus grand-chose, ces dernières années, chez l’éditeur fondé en 1993. Plus de deux ans sans nouveautés dans la collection Rotor, à qui l’on doit la série L’Académie des chasseurs de prime. Ni du côté de Mécanique générale, jadis fleuron de l’entreprise. Heureusement, tout serait loin d'être perdu ... (à suivre) 

Qui dit livres, dit écrivains et photos d’écrivains. 
Un article amusant dans le Nouvel Observateur qui, en effet, ne manque pas de sens d’observation pour avoir repérer huit astuces pour réussir de mauvaises photos d’écrivains. C’est surprenant et rigolo, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que nous arrivons encore à éviter certains de ces pièges. Si vous trouvez que je me trompe, n’hésitez pas à me corriger !

Le livre oublié 
Cette belle initiative des Éditions Hurtubise et de la Société Les Correspondances d’Eastman, ce Prix Hervé Foulon le livre oublié va à Nicole Houde pour La maison du remous paru en 1986. Un jury, composé de Robert Lalonde, Jean Fugère, Manon Trépanier, Françoise Careil et son président, Jacques Allard a opté pour l’œuvre de cette écrivaine qui a traversé le temps. Lauréate de plusieurs prix littéraires, elle poursuit depuis la parution de son premier livre en 1983, une œuvre remarquable. Une bourse de 5 000$ sera remise à l’auteure, et l’aide de la SODEC pour la réimpression (50% du coût) du roman. Nicole Houde sera également à l’honneur lors des Correspondances d’Eastman 2013.

Je suis sincèrement contente pour elle. J’ai connu cette écrivaine alors que je ne m’intéressais pas encore à la littérature québécoise. En fait, j’étais coordonnatrice pour l’agence de soins à domicile Via Domicile. Elle exécutait des mandats à domicile, surtout de l’accompagnement. Elle avait un grand besoin de gagner sa vie, et je lui ai donné en toute justice quelques mandats, parce qu’elle était une personne responsable. En guise de remerciement, elle m’a donné son dernier roman « Lettres à cher Alain » 1990. J’ai fini par le lire et j’ai eu l'agréable surprise d’y prendre un grand intérêt. J’entrevois de lire La maison du remous.

Thérèse Casgrain – La Gauchiste en collier de perle 
Peut-on trouver titre plus accrocheur que celui-là ? J’adore ! Si on y regarde de près, ce titre cerne le propos la biographie de cette grande dame : « Elle aurait pu se contenter de consacrer ses loisirs aux réceptions et aux œuvres pies, comme les femmes de son milieu. Profondément éprise de justice, elle s’investit au contraire dans des batailles de toutes sortes, mettant à profit son temps, son argent, son sens de l’organisation et son vaste réseau de connaissances. » Monique Bégin, extrait de la préface : «  L’auteure s’est ingéniée à découvrir les sources de l’engagement de Thérèse Casgrain, cette incroyable battante, qu’une enfance dorée et une adolescence fleur bleue ne prédisposaient certes pas à courir d’une réforme sociale à une autre. »

mardi 19 mars 2013

SARAH à l'ombre des hommes, Jean-Pierre Wilhelmy et Mylène Wilhelmy

Vous vous souvenez combien j’ai aimé « De père en fille » de Louise Simard et Jean-Pierre Wilhelmy ? Sarah est du même auteur mais, cette fois, la co-auteure est sa fille. Je m’étais alors interrogé, en lisant le billet Balades entres les lignes chez Suzanne, de la différence entre les deux romans. J’ai maintenant la réponse. Avec Sarah, le siècle est plus avancé, nous sommes autour de 1885 et l’histoire nous rappelle que la ville de Montréal a passé à travers un calvaire : la pire épidémie du Québec, la variole. La similitude avec De père en fille serait des thèmes communs : la persistante rivalité entre anglophones et francophones et le défi des femmes à devenir médecin.

Sarah, une femme, Canadienne française de surcroît vise les études en médecine. En partant, plusieurs entraves, et s’y ajoute les réticences de sa propre mère qui refuse la vocation de sa fille, et pas seulement parce que les études en médecine sont hors de leurs moyens. Sarah devra faire preuve d’une grande force de caractère pour quitter la campagne et aller poursuivre ses études en médecine à Montréal. Elle sera accueillie chez les parents anglophones de son amie, Esther qui, elle aussi étudie en médecine. Sarah exige d’être plus que parfaite pour ne pas décevoir sa grand-mère qui a devancé son héritage pour payer ses études.

En même temps que Sarah et Esther, nous suivrons deux frères nés d’un médecin réputé, riche et puissant ; un anglophone. La médecine est pour lui une affaire de pouvoir, c’est un despote, même avec ses fils qu’il élève seul. Un autre médecin, celui-ci francophone, père de famille et tendre époux. C’est le médecin de la pure vocation qui ne vit que pour la guérison même des moins bien nantis. Il est dévoué, humain, compréhensif ; un francophone. De ce fort contraste (noir et blanc) entre le médecin anglophone et francophone, s’en ajoute un autre, cette fois entre les propres fils du médecin anglophone. Un des fils est confiant, généreux, honnête tandis que l’autre est tout son contraire, malhonnête, hypocrite et d’une jalousie maladive vis-à-vis son frère, beaucoup plus apprécié par son père. Les deux deviendront médecins. Un autre personnage de médecin est en jeu, dont je vous révélerai peu, même pas son sexe, pour respecter son mystère qui étonne grandement et qui donne tout son sens au roman. Et n’est même pas encore entré en scène ce que je considère un personnage à part entière, la variole. Nous suivrons l’évolution de la maladie dans ses moindres détails, en même temps que l’implantation du premier bureau de santé de la ville de Montréal. Avec ces personnages typés et une catastrophe imminente, il y a de quoi vivre des rebondissements.

Le côté historique du roman m’a plu. J’ai plongé allègrement dans les aléas de cette épidémie de la variole qui m’est apparue fort bien documentée. Son évolution, parce que bien racontée est passionnante à suivre. L’injustice vis-à-vis les canadiens français, accusés de tous les maux, dont la variole, est on ne peut plus clairement démontrée et à plusieurs égards. Les croyances religieuses enferment les canadiens français dans un carcan d’étroitesse d’esprit lamentable à voir, le spectacle de la pauvreté est insoutenable. Il est captivant de constater jusqu’à quel point les journaux usait de leur pouvoir en cette période de crise où la paix entre Canadiens anglais et Canadiens français se trouble au fur et à mesure que la variole envahit la grande cité.

Cette Histoire avec son grand H contient une histoire d’amour que l’on découvre dès les premiers chapitres. Le scénario de la relation amoureuse ressemble à bien d’autres, avec ses péripéties d’usage : fusion, malentendu, obstacle, perte, éclaircissement. J’embarque facilement dans le genre, quand c’est bien raconté, et c’est le cas. Mais mon vif intérêt m’a joué un tour, l’histoire d’amour se dénouant et se concluant avant la fin, une tension tombe, ce qui a diminué mon intérêt pour les dernières affres de la variole. Vu que l’histoire d’amour de Sarah est forte et intense, il aurait été plus intéressant qu’elle suive de près l’évolution de la variole. Voilà ce qui me fait dire que la variole tient lieu de personnage principal.  

Si vous ne vous formalisez pas devant quelques personnages tout noirs ou tout blancs, vous apprécierez ce pan de notre histoire, tant il contient de rebondissements complexes et dramatiques qui ont certainement déposé leurs marques sur notre peau collective. 

dimanche 10 mars 2013

Un léger désir de rouge - Hélène Lépine

Toulouse n’est pas une ville, dans ce roman, c’est une trapéziste de vingt-huit ans. Malheur : atteinte d’un cancer du sein invasif, elle doit passer sous le bistouri. Horreur : son amoureux et compagnon d’acrobaties l’abandonne après l’ablation. Trois pertes à assimiler : la carrière de trapéziste, la vie de couple, et un corps complet.

Où se réfugier ? Où retourne-t-on quand la vie est trop dure ? Dans la maison de son enfance ? Mais on n’y trouve pas toujours du réconfort, ça dépend de ce qu’a été notre enfance. Toulouse l’écrira avec des mots qui sentent la rancœur à plein nez, son enfance n’a pas été souriante. Elle en veut à ses parents de leur avoir offert, à ses frères et sœurs, l’absence, qu’elle a reçue en plein cœur « vous n’êtes pas assez importants pour que l’on arrête de voyager à travers le monde ».

Écrire un journal est un geste de repli sur soi, presque une nécessité en période intense de deuils. Ces confidences, Toulouse les adressera à Mamboula, un nom qu’elle a inventé, un être qui habiterait Casamance au Sénégal. La jeune femme en traitements de chimiothérapie doit enterrer sa vie de jadis. La grosse question qui sous-tend toutes les autres : a-t-elle encore le désir de vivre ? Pour désirer renaitre, il faut choisir de nouveau la vie. Elle doit se refaire, pas une beauté, une vie, autant physique que psychologique.

Ce journal nous fait suivre un pèlerinage ardu, douloureux, initiatique. Avoir besoin de s’inventer d’autres yeux pour voir la réalité d’une autre manière. Elle renoue avec ses souvenirs, par sa sœur et son frère qui résident encore la maison. Ce dernier est atteint de problèmes psychologiques sévères, et sa sœur et elle, sont en conflit. Rien qui puisse encourager le rebond d’une personne qui se bat pour la vie. Elle fuira les souvenirs qui affluent, partira camper dans le bois, reviendra, toujours aussi mal dans sa peau. Elle aborde la question de sa famille désunie, peu de solidarité, surtout du silence. Bien pire, un frère violent semble lui en vouloir d’habiter la maison des parents. Toulouse écrit ses émotions pour tenter de transcender sa douleur, voir plus clair, elle ira vers la sérénité d’une compagne de traitement, celle-ci pourtant plus amochée qu’elle.

Hélène Lépine aborde une réalité dure, sombre, contraignante, avec un style aux fortes empreintes poétiques qui appellerait normalement la sérénité si les circonstances n’étaient pas si étouffantes et le destin si lourd. J’ai fini par vouloir m’en échapper. Une si jeune femme, vivant trois deuils de cette ampleur qui doit se débrouiller sans compassion, sans appui, et même, tout au contraire, de l'hostilité. La lectrice que je suis avec ses humeurs du moment a éprouvé un vif désir de rouge. Un désir de vie, de lumière. J’étouffais, prête à me rendre les mains liées, détachez-moi, j’en ai assez lu. Un détail, mais qui ne m’a aidée, je me suis lassé de l’interpellation, « Mamboula » revenant inlassablement dans le texte, comme un mantra. À mes oreilles, cette interpellation a fini par frapper comme une plainte sur le mur des lamentations.

J’ai donc vécu une situation inconfortable : admirer cette prose poétique extra lucide, en même temps qu’opposer une résistance au côté affligeant du propos.

Je ne voudrais cependant pas laisser supposer que l’histoire stagne dans la mare du malheur, Toulouse évolue à travers ses cris et ses écrits, mais j’ai eu de la difficulté à m’en sortir, plus que le personnage, semblerait-il.

Danielle Laurin - Le Devoir fait un recensement admirable de ce titre qu'elle a apprécié.

Finaliste du Prix France-Québec

mardi 5 mars 2013

À vous la parole !

Comme je n’ai plus de voix (gros mal de gorge qui s’incruste), je vais vous donner la parole. J’étais allongée et tentais d’écouter « Plus on est de fous, plus on lit ». Même immobilisée, je n’y arrive pas. C’est une émission littéraire, coudonc ! Et je n’arrive pas à m’y intéresser. Probablement que certains segments viendraient me chercher, mais je n’ai pas la patience de tout écouter pour glaner cette potentielle substance. J’aurais dû m’en douter, le jour où l’animatrice a été reçue à Tout le monde en parle et qu’elle a peiné à nommer quelques titres québécois. Peiner, comme avoir chaud, parce que la question est ardue, indue, imprévue. Je comprends très bien que Plus on est de fous, plus on lit, ne se soit pas donné la mission du Passe-Mot, je ne lui demande pas ça non plus, mais de là à me sentir perdue quand je l’écoute. C’est peut-être moi, remarquez. Alors, voici qu’arrive la question, la première :

1. Écoutez-vous Plus on est de fous, plus on lit, à quelle fréquence et sinon, quelle est votre émission littéraire préférée ?

Question ultime : On vous confie la conception d’une émission littéraire à la télévision ou à la radio, qu’est-ce que vous offririez pour qu’elle VOUS plaise ? (ça peut être une petite idée, qui vous semble même banale, pas obligé de grands concepts mais vous pouvez également vous éclater, ça coûte rien !).

J’ai numéroté les questions pour vous donner la possibilité d’en choisir une, deux ou dix. Allez-y avec celle ou celles qui vous interpellent cependant, si vous avez un petit effort à donner, ce serait pour la Question ultime (ci-dessus), je l'apprécierais. Je suis aussi bien de vous dire pourquoi. tiens. MaTV cherche des projets d’émission et je réfléchis depuis longue date à une possibilité d’émission littéraire. Ça rallierait mes forces, car après tout, les micros ne m’ont jamais fait peur avec ma formation de comédienne. Je dis, les micros ne me font pas peur, excepté quand j’ai mal à la gorge !

2. Quel livre avez-vous abandonné dernièrement ?
3. Quel est le titre qui vous a jeté à terre en cette dernière année ?
4. Quel est le titre que vous convoitez ces jours-ci ?
5. Est-ce que votre budget « lecture » augmente ou diminue ?
6. Est-ce qu’il vous arrive de commander un livre à votre bibliothèque ? Sous question : est-ce que ça se passe bien ?
7. Est-ce que vous avez un libraire préféré (pas une librairie ... un libraire !) ?
8. Quelle est votre dédicace la plus précieuse ?
9. Qu’est le livre le plus esthétique qui vous soit passé entre les mains ? Sous-question : l’apparence d’un livre compte-t-elle et compte-t-elle encore plus depuis la venue du numérique ?
10. Aimez-vous donner un livre en cadeau ? Sous question : Si vous l'avez fait dernièrement, est-ce que ça s'est passé ?
11. S’il y avait un mot pour décrire le lecteur ou la lectrice que vous êtes ? D’accord ... une phrase.
12. Est-ce que vous vous arrêtez au nom de la maison d’édition d’un bouquin. Pour vous, ont-elles une individualité ou est-ce du pareil au même ?
13. Est-ce que vous aimez entendre parler un auteur sur le livre d’un autre auteur ?

 M E R C I !

vendredi 1 mars 2013

La fille qui n'existait pas - Denis Thériault

J’ai le trac, bien sûr que j’ai le trac, et si j’en parle c’est pour le traquer, afin qu’il disparaisse, que je puisse vous parler convenablement de ce roman que j’ai tant aimé. Un gros coup de cœur. Ce n’est pas la première fois que je trouve Denis Thériault remarquable ; l’Iguane et Le Facteur émotif, ses deux premiers romans m’ont frappée. Mais, pour moi, ce troisième est le meilleur. Pourtant, le titre me laissait indifférente et l’apparence du roman ne m’attirait pas. Heureusement que je connaissais l’auteur !

Au début de ma lecture, j’étais remplie d’appréhension. D’après le résumé, s’y trouvait quantité de personnages hors norme, « étranges et fascinants » disait-on. Une squeegie, une prostituée muette, un ex-prof alcoolo, un nain exhibitionniste, le naïf, Mollusque, le dur à cuire, Frigon, Matsheshu, l’Indien et le fragile Ozzy que sa sœur, Aude (la squeegie) protège. Déjà, en partant, le lecteur sait qu’il va perdre ses repères. Pas trop... espérais-je, que je m’y retrouve à la fin. Oh que oui, je m’y suis retrouvée ! La fin est géniale, c’est à en pleurer, mais le chemin pour y arriver, tout autant.

Nous partons d’un lieu qui prend beaucoup d’importance tout au long de l’histoire, un immense bunker que des itinérants squattent, les personnages ci-hauts mentionnés en étant. Il y a des personnages plus importants que d’autres, Ozzy et sa sœur, ce que l’on réalise rapidement. Une fête se prépare pour Ozzy, dont c’est l’anniversaire, et l’événement  laisse supposer qu’Ozzy est le personnage central. Il serait le centre de la tribu mais ne la dirige pas. Ce beau monde a conféré à Aude l’autorité, toute l’autorité. C’est une tribu, d’accord, aux liens tissés serrés, d’accord, mais pourquoi Aude en serait-elle la chef, plus que des personnages plus imposants ?  Déjà, ce mystère, en partant.

Les mots « tribu », « bunker », « autorité », suggèrent qu’un danger menace, la vie est précaire pour des itinérants. Une vie quotidienne en apparence réglée au quart de tour se déroule sous nos yeux, chaque membre de la tribu s’acquittant d’un rôle dans ce bâtiment rudimentaire. Une mini société s’est organisée, jusqu’à ce que des éléments extérieurs viennent perturber ce semblant d’harmonie. Des menaces d’expropriation du bunker squatté et l’arrivée d’une femme qui fascine Ozzy. Cette femme commencera sa vie sur les murs du bunker, Ozzy crée des personnages, il est peintre. Ce qui perturbera grandement Aude, sa sœur. Par jalousie ? Par esprit de protection trop fort ? Ou est-ce une réelle menace ?

À partir de là, tout bascule. Je me suis demandé à un moment donné si l’histoire ne s’était pas transformée en haletant suspense policier. D’innombrables questions m’assaillaient mais, fébrile, je ne m’arrêtais pas pour les confronter. L’auteur a fait en sorte qu’il en soit ainsi. Il arrive à entretenir l’attitude que l’on a devant un rêve ; ne pas remettre en questions les personnages créés dans notre tête, les laisser agir selon leur propre logique interne.

Ce n’est pas pour rien que j’avais le trac, comment communiquer ce que j’ai ressenti devant cette histoire «  à la poupée russe » pour ses couches soulevées, une à une, dévoilant une réalité autre que celle que je croyais ? Je conserve intacte l’intrigue qui repose sur des clés, ouvrant des portes, qui elles ouvrent d’autres portes. Vous allez dire que jusqu’à date, vous devez me croire sur parole. C’est vrai, je m’avoue prudente, ne prenant aucun risque d’en dévoiler trop, évitant à tout prix d’arracher le rideau exposant les ficelles.

Ce que je peux dire est que les amateurs de psychiatrie, dans ce qu’elle a de meilleur à donner, seront servis sur un plateau de symbolismes. Qu’une solide et sordide histoire de famille sert de trame de fond. Que les amants de symboles lourds de sens et faisant du sens seront projetés au septième ciel, encore plus s’ils sont ouverts à la mythologie.
 
Le style ? À la hauteur de l’histoire, ce qui n’est pas peu dire.
Un roman qui démontre avec force et imagination l’instinct de survie d’un esprit gravement perturbé et jusqu'où peuvent aller les aberrations d’un cerveau traumatisé. Si vous privilégiez les romans convenus où vous ne vous sentez jamais égarés, passez votre tour pour celui-ci.    

J'ai trouvé une vidéo d'une trentaine de minutes où Denis Thériault est interviewé en profondeur par Caroline Le Gal. Il y parle du travail entourant ce roman. Il est très délicat, aucune intrigue n'est divulguée.