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mercredi 15 mai 2013

L'équation du temps de Pierre-Luc Landry

Une femme, Ariane, deux hommes, Émile et Francis, déposés sur la route du temps, vont se mouvoir dans une réalité qui leur échappe. Qui sont-ils ? Difficile à dire; à peine le savent-ils eux-mêmes. Nous plongeons au cœur de leurs actions, l’auteur les filme en train d’exécuter les banalités de la vie ; manger, regarder la télévision, marcher. L’angle absurde de la vie nous est présenté, subtilement, par la bande.

Le prologue Décalage horaire appartient à Ariane. Elle m’a fait penser à une personne dans une salle d’attente chez qui commence à poindre le désir de se rendre quelque part, et possiblement avec Francis qu’elle a connu et quitté. Émile a l’adolescence trouble mais l’état d’adulte assumé. Homosexuel, il gagne sa vie comme photographe. Francis végète dans un entre-deux, l’impression persiste, ce n’est pas lui qui dirige sa vie, c’est elle qui le dirige. Pour l’aider, on pourrait lui suggérer de prendre sa vie en mains, il se sentirait peut-être moins épié! De vraies étrangetés jamais expliquées lui arriveront. Son destin a déjà croisé celui d’Émile, professeur qui a veillé sur lui.

Les chapitres s’articulent autour d’un personnage, mais on ne sait pas toujours lequel, on l’apprend en cours de route. De là, la sensation de ne pas toujours savoir ce que l’on fait, où l’on va. Point commun du trio, tous avancent d’un mètre, reculent d’autant, dans une tergiversation continuelle qui ne semble pas les faire souffrir. Ils sont en mode questionnement et écoute active de la vie. Ils sondent les signes, jusqu’à peut-être en imaginer, qui sait. Une chose est certaine, les trois fréquentent régulièrement l’étrangeté. Il ne peut en être autrement; c’est la matière première du créateur. Il m’est arrivé de confondre Émile avec Francis, leur trouvant une familiarité presque incestueuse, parce que nés du même père, Pierre-Luc Landry.

Abordons maintenant le style, remarquable, de l’auteur. Il va au-delà de la rythmique des phrases, du vocabulaire et de l’agencement des mots, trois caractéristiques que je comparerais à l’habillement. Ici, le style et la manière de le mouvoir ne font qu’un. L’histoire entière possède un style distinctif, que ceux qui fréquentaient son blogue reconnaîtront. Le récit flotte dans un état second, comme si ses personnages étaient dans ce monde, mais pas de ce monde. « Ce pourrait être n’importe quels arbres, des palmiers comme des érables, des sapins même, pourquoi pas. De grands arbres anonymes qui ondulent avec lassitude. Ils en ont assez, peut-être, d’être immobiles, de regarder tant de voitures sans jamais savoir ce vers quoi elles roulent. »

L’étrangeté laissée à elle-même peut parfois égarer un lecteur. Curieusement peut-être, j’ai trouvé à ce récit une équation plus près des lieux que du temps.

Malgré une certaine difficulté à me situer dans le temps, les lieux et la structure, l’enchantement pour le style me remettait toujours dans le bateau. Au fond, pourquoi complexifier autant une histoire quand on possède un style à ce point original ?

1 commentaire:

anne des ocreries a dit...

curiosité....ça m'attire, les objets de ce genre.