Faites comme chez vous

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lundi 30 septembre 2013

man de Kim Thúy

Quel plaisir de lire ce recueil, que je tiens entre mes mains, comme un objet précieux. Je le nomme recueil pour la phonétique qui amène au mot recueilli. Kim Thúy a un style qui appelle le recueillement, probablement pour sa cueillette amoureuse et méticuleuse de chaque mot.

Chacun des mots et des phrases qu’elle pose sous nos yeux ont un poids qui se sent à qui sait sentir. Dans la marge de droite, à presque chaque page, un mot ou une expression sont déposés en vietnamien avec en-dessous son équivalent en français : « rose et parfois rouge, « miroir », « sel », « respirer », « saluer les ancêtres ». Cela m’a fait penser à des titres de poème.

Sa vie de femme mariée, de maman, d’amie et de cuisinière, par sa plume, sonne comme une poésie du quotidien. Son écriture est pesée et posée, ses silences laissent respirer les mots. Ce qu’elle nous livre est concentré et concis, avec un tel style, on s’attendrait à de la retenue et de la pudeur et, surprise, non. Dans man, elle lève le voile sur ses émotions intimes. Je l’entends encore préciser à Josélito Michaud, qui l’interrogeait dans On prend toujours un train pour la vie, que Ru n’était pas un roman qui parle d’elle, tandis que le prochain le serait. C’est le cas.

Là où je l’ai trouvée la plus touchante est dans la relation avec sa mère, qu’elle fera venir au Québec, et un homme qu’elle rencontre en France. Cette dernière histoire lui fera découvrir des émotions inconnues d’elle jusqu’à ce jour. Viendront-elles troubler la quiétude de sa vie familiale, jusqu’où laissera-t-elle cet homme bouleverser sa vie rangée ? Avec son mari, c’est l’entente tacite, le convenu prévaut et les émotions ne sont pas à l’honneur.

Elle nous offre ces filets de confidences, à saisir entre deux fumets de mets vietnamiens, qu’elle cuisine pour gagner plus que honorablement sa vie. Pendant que son cœur est monopolisé, elle remplit son temps en accomplissant des journées de 15 heures de travail, en plus de ses rôles de maman et d’épouse. Avec Julie, sa complice, sa sœur d’adoption, elle est totalement elle-même. Elles iront loin dans leur ambition d’offrir un service de traiteur à la hauteur de toutes les attentes.

Ceux qui aiment la finesse d’esprit et de style, les curieux de la nourriture vietnamienne, les dégustateurs de discrètes histoires d’amour seront avides de lire man, et plus encore s'ils craquent pour la personnalité pétillante de Kim Thùy.

mercredi 25 septembre 2013

La maîtresse de Lynda Dion

Je suis tentée d’immédiatement faire allusion au premier roman, La Dévorante, cette œuvre fondatrice d’un style, celui de Lynda Dion. Des mots qui déboulent, sortent par jets, se figent, repartent de plus bel pour se jeter à corps perdu dans une émotion. Sans accent. À vous de les ajouter, si ça vous tente.

La maîtresse cible une seule et même personne, l’auteure qui ne s’en cache nullement. La dévorante ne s’efface pas devant ce portrait de maîtresse, elle est toujours présente.

Lynda Dion est maitresse d’école, de métier, mais de vocation, elle en doute régulièrement. Je m’attendais à des confidences poussées, non censurées sur cette profession ardue par les temps qui courent. C’est ce que j'ai trouvées mais, ô surprise, s'intercalent des chapitres sur les coulisses de l'écriture de La maîtresse. Y sont relatées les rencontres avec son directeur littéraire, s’y ajoutent des confessions sur le doute ravageur, les tiraillements qui paralysent, des crises d’identité qu'on peut résumer en cette cuisante question ; est-elle une écrivaine, ou non ?

Mes chapitres préférés vont pour ceux traitant de sa tâche de maîtresse. Les profs doivent maintenant mener leur classe avec une autorité sans faille, sans égratigner les susceptibilités des jeunes. Ils avancent sur une corde raide. Cette réalité diffère de ce que j’ai vécue, delà mon intérêt de voir de près comment cela se passe et d'en réaliser les impasses. On y trouve plusieurs anecdotes éloquentes, pas loin d'amusantes (même si ce n'est pas le ton abordé par l'auteure) qui partent de l’étudiant qui exige trop d’attention à celui qui n’en exige pas assez.

Par ma lecture de La Dévorante, je savais Lynda Dion encline à poser un regard sévère vis-à-vis elle. Avec La maîtresse, je vais plus loin, elle semble éprouver du plaisir à creuser les tréfonds de son être, pour repérer et dévoiler ses torts et retors. J’aime les confidences, j’aime l’audace de l’impudeur, pourquoi cette fois-ci, y ai-je pris moins d’intérêt ? Je tenterai d'y répondre.

Les chapitres consacrés aux doutes liés à l’écriture, interposés à ceux de la maîtresse, m’expulsaient des ambiances qui tentaient de s’installer. Quand je commençais à prendre mes aises, j’étais stoppée de l’action par le faisceau fixé sur les coulisses de l’écriture, ce qui diluait ma concentration. J'avais à repartir à zéro dans l'ambiance "maîtresse" à chaque fois.

Viser l'angle dominant de la torture par le doute, les continuelles et lancinantes remises en question, vérifier pourquoi le moteur n’embraye pas, visiter les inhibitions, les réticences, c'est s’attarder sur les freins plus que sur le moteur. Déjà que l’auteure gratte chaque geste qu’elle pose en tant que maîtresse, se remet inlassablement en question, en tant que maîtresse, faisant ressortir des boule-à-mites les affres de son enfance, c'était suffisant comme mouvement introspectif. Les chapitres sur la remise en question de celle qui se remet en question ont fini par donner un son plaintif à mes oreilles. Un peu comme la crème fouettée, c’est délicieux en torsade sur le sommet d’un dessert, mais engloutie par larges cuillères de bois, ça peut lasser les estomacs les plus solides.

À moins que ce soit le manque de recul face à ce doute, émotion torturante pour qui la fait entrer à pleine porte, ce qui est le cas de Lynda Dion. Je prise pourtant l’émotion habituellement, je m’en approche avec plaisir et confiance. Peut-être est-ce un malaise devant l’auteure submergée, optant pour ne rien camoufler de ses démons intérieurs, j'en arrive à éprouver une sensation semblable à celle devant une téléréalité, m'interrogeant sur la part d'exhibitionnisme.

Malgré un excès dans la dose d'introspection, celle-ci étant déjà suffisamment percevable à chaque ligne, je m’empresserai de revisiter les "LA" de Lynda Dion 

jeudi 19 septembre 2013

Le mouvement naturel des choses - Éric Simard

Transparence complète, je connais déjà Éric Simard et j’avais le goût de mieux le connaître. Premier réflexe lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois, qui nous intrigue parce qu’elle nous intéresse, déterrer ses racines. Attente comblée, après cette lecture, j'en ai entrevues quelques unes.

Je n’ai qu’un mot en tête, je vais le cracher tout de suite, puisqu'il obstrue tous les autres : généreux. Une personne qui se donne à son lecteur à ce point-là m’impressionne. Le principal intéressé dirait probablement qu’il a posé des filtres, mais comparativement au commun des mortels, si peu.

Comment Éric Simard se livre-t-il ? Par jour, par mois, par année, au final sept (1989 à 1997), à partir de journaux intimes tenus passionnément en ces années-là. Comment faire tenir huit années dans 400 pages, tout en conservant la forme journal ? On parle de travail de réécriture ici. D’un puissant recul qui pousse la lucidité dans ses derniers retranchements. De don pour donner et tenir un rythme.

J’ai lu comme une boulimique. J’ai dû me taper sur les doigts pour me ralentir. On suit le personnage pas à pas, mais jamais dans des moments d’insignifiance. Je fais ici une différence nette entre la superficialité et l’insignifiance. Si toutes les téléréalités touchaient autant à l’humain dans son désir fondamental d’être aimé tout en restant soi-même, sans concession et marchandage, je serais probablement preneuse.

Dans ces jeunes années, déjà, un besoin vital fait vibrer son être : écrire. C’est son encrage. Il part des projets, les honore ou pas, mais revient inlassablement à l’écriture, ne serait-ce que celle d’un journal. Ses confidences, je l’ai dit, sont généreuses, en plus de directes et honnêtes. Il ne se ment pas à lui-même donc ne nous ment pas. Il ne cache donc pas, sous une fausse humilité, son vif désir d’être publié. On assiste à sa démarche d’auteur qui poste des manuscrits, qui lui reviennent, accompagnés de lettres de refus majoritairement impersonnelles. Et, inlassablement, il revient à la charge.

Cette aspiration à l’édition n’est que le fond du décor de la plongée dans un moi de jeune homosexuel à ses premières aventures assumées. Comment reconnaître le bon partenaire avec qui le plaisir sera à son comble, en même temps que la finesse du sentiment ? Vouloir tout avoir. La terre de la séduction est vastement explorée, jour après jour, heure après heure. Comment reconnaître les mâles non affichés homosexuel, ignorant eux-mêmes leurs élans ? L’ambigüité est un thème récurrent, et captivant, parce que développé, décortiqué, autopsié, pas seulement chez l’auteur également chez les gens qu’il croise. Son amitié fervente avec une femme, ses tentatives matrimoniales, ses relations assidues avec sa famille, ses nombreuses tergiversations avec son métier de libraire nourrissent des paragraphes lancés comme autant de messages à la mer, au cas où un lecteur, un jour, les attraperaient. Et on les attrape, assouvissant une soif qu’on n’ignorait intense à ce point, de voir un être essayer de se trouver, lui, à travers les mirages perçus dans le regard des autres.

Ce que j’ai trouvé de plus ferme, de plus confiant chez ce jeune homme est son sens critique de l’univers culturel. Il nous transmet, avec une brièveté et une acuité hors du commun, ses impressions sur des romans, des films, des spectacles, des disques. Il est avide du geste créateur des autres, il l’engloutit, en retire beaucoup. C’est une planche de salut sur laquelle il monte pour éviter de sombrer durant les moments torturants. 

La fin. Parce que si je suis avec vous pour en parler, c’est qu’il y a eu un point final, quand en fait, ce jeune à qui on s’attache fortement parce qu’il nous a fait entrer dans son intimité, ne meure pas. L’unique raison de l’abandon est que l’année est terminée. Ça m’a ramenée au mouvement continuel des choses, je dis bien « continuel », pas « naturel », car ce ne l’est pas, naturel, et cela ne le sera jamais, d’être abandonné par une personne avec laquelle on a passé de si bons moments.

Et bravo pour l’excellente idée de recenser dans un lexique les œuvres commentées au fil du livre !

mercredi 18 septembre 2013

La constellation du lynx - Louis Hamelin

J’en suis à rédiger un commentaire sur La Constellation du Lynx, ce fameux roman sur la Crise d’Octobre. Je dis « fameux » pour l’appréhension que j’ai éprouvée avant de le lire.

Pour situer l’Histoire dans l’histoire, je résumerai la Crise d’Octobre dans ce style télégraphique. Deux enlèvements : le premier, le 5 octobre, l'attaché commercial du Royaume-Uni, James Richard Cross, par une cellule armée du Front de libération du Québec (FLQ), le deuxième, le 10 octobre, le ministre provincial du travail, Pierre Laporte par une autre cellule du FLQ. Le 15 octobre, la riposte gouvernementale, mise en place de la Loi des mesures de guerre canadiennes. Le 17 octobre, découverte du corps de Pierre Laporte à Saint-Hubert dans le coffre d’une voiture, le 3 décembre, délivrance de James Richard Cross, le 28 décembre, arrestation des meurtriers de Pierre Laporte.

Un journaliste, Samuel Nihilo, s’est mis en tête d’extraire de la vérité entendue, ses faussetés, qui ont traversé quatre décennies : de 1960 à 2000. On se doute bien que le journaliste est l’alter ego d’Hamelin.

Pour se donner la liberté de manier la réalité à sa guise et se tenir loin de toute revendication postérieure à la publication, l’auteur a baptisé la majorité des personnes d’un autre nom, assez souvent farfelu, Chevalier Branlequeue par exemple, tandis que certaines personnes, René Lévesque pour le nommer, ont conservé leur nom. Option qui en fait déjà une lecture exigeante. Mon esprit continuellement en mouvement entre l’histoire de Hamelin et les faits médiatisés, avec les vrais noms, a déjoué ma tentative de m'abandonner. Je ne suis pas arrivée à ce lâcher prise : « J’ai totalement lâché prise sur les faits et ai abordé ma lecture comme un roman, point ». Je n’ai pas su y arriver, la raison en est fort simple, si La Constellation du lynx avait été de la pure fiction, je l’aurais abandonnée avant la fin. À mes yeux, le roman prend sa valeur parce qu’il est basé sur l’actualité de cette période pénible. Avec cet ingrédient essentiel, le recul, Hamelin pointe les dérives, souligne la manipulation des masses par le gouvernement, faisant sortir les couleuvres que l’on nous a fait avalées. Cette minutieuse et consciencieuse tentative mérite la lecture. 

S’il n’y avait de couché sous ses lignes un pan épais de notre histoire, les va-et-vient incessants dans le temps et les événements m’auraient eue à l’usure. J’aurais aimé me nourrir de la motivation du journaliste à soulever la nappe mensongère pour y étaler la vérité, une vérité. Je me serais attendue de Samuel Nihilo qu’il maîtrise un peu plus son enquête. Tandis que la portée lourde des événements pousse le personnage dans le fond du décor. L’histoire prend le pas sur tous les personnages, surtout, le personnage principal. C’est un essai déguisé en roman et il a été démasqué. Par exemple, je n’ai vu aucun critique relever l’histoire d’amour du personnage principal avec Marie-Québec. 

Je passe aux aveux. Une partie de ma difficulté de lecture vient d'une coriace résistance à ces événements que je préfèrerais oublier. J’ai à la limite honte de cette partie de fer du gouvernement et du FLQ. Bien entendu, la tendance va à tirer les flèches sur le plus fort, qui abuse de son autorité, mais les cellules du FLQ ne m’ont pas sourie non plus. 

J’ai trouvé le style d’Hamelin pointilleux, ingénieux avec une signature bien étampé. Ce genre de style qui loin de la simplicité, riche, parsemé d’images savantes et extravagantes. Combien de fois ai-je lu et relu des passages, par admiration, parce qu’il m’arrive, quand je ne comprends pas, d’admirer.

mercredi 4 septembre 2013

Écris-moi, Marie-Jeanne de Ginette Durand-Brault

Qu’est-ce que peut bien donner le premier roman de Ginette Durand-Brault, une juge à la retraite qui a toujours désiré écrire ? La question m’intriguait. 

L’histoire se déroule en 1939, à St-Jérôme, à la veille de la deuxième guerre mondiale. Marie-Jeanne a un frère, Rodrigue qu’elle a élevé et qu’elle chérit comme son fils. Celui-ci tient mordicus à se porter volontaire, avec un ami, au grand dam de sa sœur qui s’inquiète déjà. Le pacte entre les deux : s’écrire le plus souvent possible.

L’histoire de Marie-Jeanne est un roman en soi : un mari mauvais, une ribambelle d’enfants (plusieurs filles, un fils), qu’elle n’a pas désirés plus qu’il ne le faut. Il est facile à parier que si elle vivait aujourd’hui, Marie-Jeanne serait une heureuse divorcée, menant une carrière d’enseignante, sans enfant sorti de ses entrailles. Autre temps, autres mœurs, elle est en ces années, une femme de devoir et, si jamais elle y manque, son bourru de mari la remet dans la voie tracée pour elle : mettre au monde des enfants, cuisiner et torcher. Une échappatoire pour elle ; les lettres à son frère, que son mari lui reproche d’aimer plus que leur fils, et une amitié particulière avec un homme. J’ai beaucoup aimé cette partie de l'histoire, au Québec, malgré la couleur uniformément noire de l’homme de la maison. J’ai de la difficulté avec l’absence de nuance d’un personnage. C’est moins crédible et, en plus, on prédit sans peine ses réactions.

Dans la première partie de l’histoire de Rodrigue, on suivra son entrainement intensif et l'interminable attente d’un appel : où, quand, sera-t-il envoyé se battre. Deuxième partie, les péripéties de celui qui se lève pour aller tuer le plus d’hommes possible. Dans ce contexte, j’ai apprécié que l’ennemi ait un visage humain. Avant d’être envoyé au combat, il rencontrera l'amour.

Je me suis foncièrement attachée à cette Marie-Jeanne, facile d’approche. On compatit avec sa condition de femme instruite confinée au foyer par le mâle ignare. Celle de Rodrigue est toute aussi captivante, c’est la première fois que je lis un roman me faisant à ce point comprendre la vie des soldats québécois. Les situations sont décrites avec précision et satisfont les réponses aux questions les plus pointues.

Là où le bât blesse, c’est au niveau de la correspondance. Ceux qui me connaissent savent pourtant que j’apprécie les romans épistoliers mais, ici, je l’ai remise en question. Au détour d’un chapitre, la parole est donnée au frère ou à la sœur avec, parsemées ici et là, leurs lettres. Par souci de réalisme j’imagine, l’auteure prend soin de nous situer dans le temps, dévoilant les décalages, parfois de quelques mois, pouvant survenir entre l’écriture et l’arrivée d’une lettre. En optant pour cette technique, le risque était grand de se répéter, et ce fut le cas. Il arrive que nous apprenions des parts d’intrigue en lisant une lettre, mais certaines fois, l’histoire que l’on a apprise de la bouche du frère ou de la soeur se trouve répétée, en d’autres mots, dans la lettre.

La rumeur court que Ginette Durand-Brault récidive avec un deuxième tome. J’aime Rodrigue et Marie-Jeanne et l’auteure nous laisse devant une porte grande ouverte sur leur destin. Si l’auteure opte pour un roman, sans le marbrer de courants de lettres, nous risquons d’être devant un excellent deuxième roman.

Histoire à suivre...

mardi 3 septembre 2013

Retour d'outre-mer de Julia Pawlowicz : Québec en septembre

C'est officiellement ma première lecture dans le cadre du deuxième défi passionné "Québec en septembre", défi que se donnent une cinquantaine de participants. Pour moi, le défi consiste essentiellement à ne pas oublier de mentionner mes lectures sur la page Facebook aménagée à cet effet par très dynamique Karine:), celle avec un sourire au bout de son prénom. Autre défi que je me donne, lire plus et commenter plus rapidement afin de me donner un gros chiffre à la fin de mois. Pourquoi pas ? On se stimule comme on veut, comme on peut, et ce qui compte est que notre littérature sorte de certain carcan de préjugés. Et que de nouveaux auteurs émergent à nos yeux, même si eux, ont déjà émergé depuis belle lurette.

Retour d'outre-mer est la Recrue du mois jusqu'au 15 septembre avec quatre opinions assez différentes, merci. Je ne l'avais pas fait apparaitre ici, ce que je fais habituellement, en me basant que les lecteurs diffèrent d'un site à l'autre, comme d'une librairie à l'autre. 


Quand l’émotion intime rejoint l’universel

Lorsqu’un récit commence par « Leur père est mort » et que la suite dégage une odeur de règlement de compte avec le passé, la lectrice en moi tremble; vais-je aimer cet autre roman introspectif à la quête d’identité? Mais rapidement, le style m’a happée et je n’ai plus eu le choix de suivre Maria, passant par son père, son frère, son ex-amoureux, sa mère, pour tenter de se comprendre.

La beauté de ce roman réside d’abord dans le style concentré qui génère continuellement des images fortes. L’auteure part de l’intimité pour aller rejoindre la collectivité. Même si nous n’avons pas été déracinés deux fois comme Maria (Pologne, Algérie pour aboutir à Pointe-aux-Trembles), qui ne s’est pas demandé si l’ailleurs n’était pas la solution au bonheur.

La dualité de Maria est incarnée dans le caractère de son père et celui de sa mère. Son père représente la stabilité, l’enracinement reconnaissant et conscient. Sa mère est l’oiseau volage, en quête d’un jardin plus fleuri, toujours dans le pays qu’elle n’habite pas. Son mal de vivre est sa seule racine. Elle vit à travers sa fille, elle l’aime comme un bien dont on dispose. Le fils, arrivé par surprise, n’est pas le bienvenu mais sera un palliatif pour apaiser l’anxiété de sa sœur.

Ce roman aurait pu prendre des allures dramatiques, le propos n’est pas léger, mais le style décalé de l’auteure nous évite d’aborder la douleur de plein fouet. Est-ce parce que le passé est servi au temps présent, ou parce que Maria se présente par un pronom indéfini (il ou elle), ou la constellation d’effluves poétiques, le cri de la douleur s’entend en sourdine. Cette approche particulière m’a conquise.