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lundi 26 mai 2014

Crimes à la librairie - collectif polar

Enfin, je commente ce recueil de nouvelles policières signées par nos experts québécois en polar. À la suite de cette lecture, je suis convaincue plus que jamais que le genre n’a rien à envier aux grands noms hors Québec.

Seize polars, seize auteurs. Ceux que je connaissais de nom : Sylvain Meunier, Geneviève Lefebvre, Johanne Seymour, André Jacques, Patrick Sénécal, Robert Soulières, Chrystine Brouillet, Jacques Côté, Camille Bouchard. Les moins connus de moi mais peut-être pas de vous : Mario Bolduc, Benoit Bouthillette, Ariane Gélinas, Martine Latulippe, Florence Meney.

Un recueil de nouvelles, c’est un peu comme un disque, tu aimes rarement toutes les tunes, mais il y a une ambiance dégagé par l'ensemble qui fait qu’on apprécie ou pas. Le défi lancé par Richard Migneault qu’il se passe au moins un crime dans une librairie donne l’air d’ensemble, et fait remarquable, chacun joue différemment.

On y découvre des styles finement humoristiques, celui de Robert Soulières en est avec Un cadavre au crépuscule. Camille Bouchard s’amuse et m’a amusé avec « Rouge tranchant » et finalement, Sylvain Meunier, dont j’ai adoré la savoureuse nouvelle « L’homme qui détestait les livres ». Elle fait d’ailleurs partie de mon palmarès « à souffle coupé ». Parmi les valeurs sûres, Patrick Sénécal. J’aurais aimé être originale et ne pas m’exclamer mais son Public cible, première en lice m'a envoûtée. Geneviève Lefebvre ferme le recueil et m’a également entrainée dans son mystérieux sillage. Quel aplomb dans leur manière de raconter ces deux-là ! Le souffle court ne semble pas beaucoup convenir à Martin Michaud qui, avec Une longue vie tranquille s’en sort bien, sans plus.

Le concept de l'initiateur, Richard Migneault, auteur du blog noir et blanc, de donner une contrainte s'avère une excellente idée car elle nous convainc à quel point les imaginaires des auteurs de polar sont débridés car, croyez-le ou non, il n’y en a pas une qui se ressemble ! Chacun des auteurs a su exploiter le lieu, et le milieu, et certains l’ont fait plus que d’autres. Je pense à Jacques Côté qui a pondu une satire des librairies à vocation fourre-tout, le titre mets sur la piste « Jungle Jungle ». Certaines sont douces et sentimentales, comme 233°C de Johanne Seymour, d’autres sanguinaires, je vise ici « Demi-deuil » signée Ariane Gélinas. Elle est si frappante qu’elle me reste collée à la peau du souvenir. Très fort. André Jacques nous présente une nouvelle noire, Perinde ac cadaver, froide et racée, de son plus pur style qui ne laisse aucun détail au hasard. Je ne parle même plus de nouvelle pour Florence Meney, son texte « Dernier chapitre au Bookpalace » est assez complexe et assez long pour être traité de mini histoire. « Mon combat » de Mario Bolduc punche avec sa fin retentissante, de celle qu’on ne voit pas venir. Le libraire et l’enfant de Martine Latulippe également. Elle manie habilement l’art de la nouvelle par le côté bref, intense avec un rebondissement qui jette à terre. Le palmarès de Richard Ste-Marie se présente comme une nouvelle qui ménage son assassin, peut-être la moins originale à mon avis pour son « déjà lu ». Je l’ai tout de même lue avec intérêt, ce qui ne fut pas le cas pour « Le psaume du psoque » de Benoit Bouthillette que j'ai abandonnée. 

Si vous ne connaissez pas ces auteurs, c’est le moment ou jamais de faire connaissance avec ce tout-inclus. En plus des 16 histoires, vous jouirez d’une fiche de parcours rédigée par le maître d’œuvre, Richard Migneault. Nous y découvrons son regard posé sur chacun d’eux, j’ai beaucoup apprécié.

Il y en a pour tous les goûts, on plonge dans cette mer imaginative emportant un pince-nez, un casque de bain, une bouée et même un radeau, car du tumulte il y en a. Et n'est-ce pas ce que l'on cherche en lisant du polar ?!

mardi 13 mai 2014

Vrac en mai

Le grand gagnant du Prix des libraires

L’Orangeraie de Larry Tremblay a gagné. Je me doutais qu’il gagnerait, même si j’ai au préalable annoncé Pomme S d'Éric Plamondon, je sentais que le vent avait tourné. Après avoir terminé Maggie de Daniel Lessard, je m'empresserai de l'entamer.

Je n’étais pas à la cérémonie de lundi 12 mai - et ce n’est pas parce qu’elle avait lieu en même temps qu’un match des Canadiens ! - mais ces mots du lauréat m’ont été transmis. A l’entendre parler de cette profession, c’est à croire qu’il a déjà été lui-même libraire:
« Où, quand, comment trouvez-vous le temps de lire? Je sais, c’est paradoxal. C’est pourtant une question légitime à poser. Parce que vous êtes vraiment très occupés. Vous devez sortir les livres des cartons, former des piles de livres, préparer des vitrines, mettre en évidence les nouveautés, rencontrer les représentants, retourner les invendus, faire des commandes, préparer des tables thématiques, organiser des lancements, des séances de signature, préparer la rentrée, ranger, être aux écoutes, être aux abois. Dans le meilleur des mondes, vous devriez être payés pour lire ! »
Il a aussi remercié une personne, un jardinier ?, sans qui L’Orangeraie n'aurait pas offert ses fruits et il l’a nommé, monsieur Alto : Antoine Tanguay.

Une libraire récompensée

L’Association des libraires du Québec (ALQ) a remis pour la deuxième fois le Prix d'excellence qui honore un libraire en soulignant ses réalisations exceptionnelles. Cette année, c’est Marie-Hélène Vaugeois qui l’a reçu.

Voici un extrait de la lettre d’un client, au fil du temps devenu un employé à temps partiel à la librairie Vaugeois :  "Vous l’aurez compris, je suis un très grand fan de Marie-Hélène(Vaugeois)*. Comme client je lui dois de m’avoir fait découvrir la littérature québécoise et d’avoir redonné de la vigueur à ma passion pour les livres. Comme employé j’apprends énormément à ses côtés dans une ambiance faite de rires et d’échanges.
J’espère donc que ma lettre contribuera à vous persuader de lui attribuer cette année le Prix d’excellence de l’ALQ".
Edouard Delaplace

VLB ... pour survivre

Ce point du vrac est triste, déplorable, il va droit au cœur de toute personne qui reconnait la passion d'un grand du monde littéraire. Victor-Lévy Beaulieu doit vendre une partie de sa collection personnelle de livres, et de manuscrits, pour garder sa maison. Pas sa maison d’édition, sa maison tout court. Son toit. Je l’ai entendu en parler à la radio, il a un ton calme, serein, presque détaché qui fait froid dans le dos. Ce ton est d’autant plus poignant qu’il n'est pas teinté de résignation, il accepte la situation, comme 1 plus 1 = 2. Sa décision doit être mûrie de longue date pour arriver à ce détachement.

Colis 22, Marsi et Venise

Si vous voulez vous faire une petite idée de la couverture de Colis 22, un résumé et la date de sortie, vous avez beau, elle est offerte aux yeux de tous sous la rubrique « À paraître » de La Pastèque. Je l'ai d'ailleurs ajouté à ma marge de droite. Vous comprendrez que Marsi est mon auteur chou-chou.

Dans un billet précédent, je vous parlais de cette opportunité offerte à Marsi de donner un atelier « Vis, Vis ma créature » à la jeunesse de 12 à 17 ans dans le cadre du Festival Métropolis Bleu. Finalement, le groupe était plus jeune et plus restreint que prévu, mais qu’à cela ne tienne, c’est une vraie de vraie rencontre qui a eu lieu à la Bibliothèque du boisé à Ville St-Laurent. À cœur ouvert et à dessin ouvert. Confier ses rêves de publier un manga, demander conseil pour y arriver, exige une part de confiance en l’avenir et au dessinateur devant soi. N’importe quel enfant concentré qui se penche sur une de ses œuvres me touche. Il se dévoile, s’abandonne, s’ouvre à qui il est.

J’ai reçu un très beau cadeau fait de reconnaissance. Une des bibliothécaires est venue expressément me dire qu’elle suivait assidument Le Passe-Mot et qu’il lui arrivait même de se fier sur mes recommandations pour commander certains romans québécois. Pas besoin de dire que j’en ai été aussi surprise que touchée.

mercredi 7 mai 2014

Les blondes de Emily Schultz

Suite à l’écoute de Danielle Laurin lors d'une entrevue à Radio-Canada, une forte envie me prit de lire ce roman. Son ton enthousiaste y a été pour quelque chose mais aussi l’inépuisable sujet de l’apparence chez les femmes.

Abandonnée dans un chalet, l’étudiante Hazel à son 8e mois de grossesse se regarde le nombril et raconte à son bébé l’histoire abracadabrante de son avant conception. Le récit, sur un ton franc et sans détour, nous parle du père du bébé à naître, d’un séjour à New York pour rencontrer un mentorat pour sa thèse et son intention de se faire avorter. « Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? » est un des clous de l’histoire de la jeune femme qui, comme par hasard, mène sa maîtrise en esthétologie.

Déjà, la description serait suffisante pour nourrir un roman ordinaire quant en fait le principal est encore sous silence ; l’apparition soudaine d’un virus attaquant uniquement les blondes, les transformant en femmes hystériques et agressives. Ce mystérieux virus frappe n’importe quelle blonde et n’importe quand. Comme tout bon virus, il est contagieux et un pic de la contagion est à New York où se trouve justement Hazel. Elle est rousse, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit saine et sauve. Son séjour à New York sera entravé de différentes manières, au point d’avoir à subir une quarantaine parmi une bande de femmes surveillées par ni plus ni moins que l’armée. Comme je l’ai laissé entendre, même sans le virus, l’histoire a de l’étoffe par la subtilité des relations : la maîtresse et la femme légitime, le professeur et ses élèves de sexe féminin, l’étudiante et le mentorat et deux amies très près une de l’autre.

Le fabuleux virus et la crise sociale disjonctée qu’il entraine crée nombre de situations abracadabrantes. Sur la quatrième de couverture, on parle de roman horriblement drôle, je mets la pédale douce car, pour moi, ce n’a pas été aussi drôle. Bien entendu, les sens de l’humour sont aussi indiscutables que les goûts mais à mes yeux, les scènes de femmes hystériques qui mordent, griffent, crient ne me font pas rire. J’aime la satire mais quand ça tire trop sur l’exagération, ça tiédit mes ardeurs. Devant les premières crises de paranoïa sociales aigües, j’ai réagi mais arrivé à la vingtième, pas mal moins. Un peu comme du caramel brûlé, quand on commence à en manger, le goût est succulent mais après vingt rôties inondées, on se lasse. L’idée de se moquer de nos paranoïas sociales est excellente, et stimulante, en autant qu’on ne perde pas de vue le message soulevé ; l’apparence de la femme, surface mince et craquante.

Il y a de belles montées dramatiques, du rythme, le roman est touffu de personnages, de lieux, d’émotions extrêmes, le ton est jeune, disjoncté, audacieux, avec des rebondissements hauts en émotions. Alors, si vous ne faites pas d’allergies aux excès et exagérations et qu’au contraire, vous les savourez, vous ne vous ennuierez certainement pas. Personnellement, j’aurais plutôt opté pour une couche supplémentaire de profondeur.

Quitte à me répéter, je l'affirme, malgré la présence de quelques sauces qui s’étirent, le roman vaut sa lecture, ne serait-ce que pour la saveur des relations entre personnages.

vendredi 2 mai 2014

Les moitiés d'Alice de Judith Itzi

Avant de vous faire part de cette critique rédigée dans le cadre de La Recrue, que je n'avais pas encore mise en ligne ici, je fais de nouveau le point. J'espère toujours revenir à plus de régularité dans mon antre littéraire mais je rencontre plusieurs obstacles. Par exemple, des problèmes d'ordinateur. C'est large, me direz-vous, pour en nommer un : un routeur déficient. Nous ne savions pas qu'à sept ans, ces engins-là sont des vieillards au rythme lent et aux articulations cassantes. Nous le changerons dimanche pour un flambant neuf.

Demain, Marsi donne un atelier sur la bande dessinée à des jeunes de 12 à 17 ans dans le cadre du Festival Métropolis bleu. Je deviens alors sa collaboratrice attitrée. Bien hâte de voir à quelle jeunesse nous aurons affaire, c'est toujours intriguant.

VIS, VIS, MA CRÉATURE !
ATELIER – 12-17 ANS
Créer une bande dessinée, c’est faire
vivre des personnages et, à travers
eux, une histoire. Avec « Vis, vis, ma
créature ! », Marsi propose au participant,
petit ou grand, d’apprendre
à rassembler les morceaux qui
constituent son personnage.
Par l’entremise d’exercices simples,
il le découvrira et lui donnera vie !

La jeunesse, c'est surprenant et ceux qui font parler la jeunesse peuvent l'être parfois. C'est le cas pour l'auteure du roman Les moitiés d'Alice que j'ai eu de la difficulté à situer.


Art naïf ou roman pour enfants ?

Dans la vie, on croise un être humain, on s’en fait une idée d’après ce qu’il dégage et il arrive que l’on soit déjoué. C’est ce qui m’est arrivé pour Les moitiés d’Alice. Je m’attendais à y trouver du symbolisme, de la profondeur, du mystère; j’y ai trouvé une histoire simple, claire, à prendre au pied de la lettre.

J’ai donc dû faire appel à mon sens de l’adaptation mais jamais autant qu’Alice. Celle-ci n’a aucun problème dans la vie, c’est une enfant délurée, allumée, obéissante; ce sont ses parents qui en ont de graves. Sa tante est la complice parfaite, une oreille compatissante pour toute la famille, celle qui sauve Alice de toutes les situations difficiles, mais voilà qu’elle part à l’extérieur du pays en pleine crise familiale.

Il faut comprendre que ce personnage devait partir, sinon les situations se seraient réglées un peu trop facilement pour en faire une histoire de 180 pages. Tandis qu’à cause de sa désertion, Alice vivra plusieurs épreuves propres aux enfants dont les parents ont de graves lacunes. Je faisais allusion au peu de subtilité; on peut donc imaginer un père monstrueux tout d’un bloc, une mère au paroxysme de la crise existentielle et un secret familial lourd qui se dévoile sans nuance.

Je me suis souvent posé la question suivante : ce roman s’adresse-t-il aux enfants ? L’approche en teintes franches et sans détour aurait apporté un plus, tandis l’adulte que je suis s’attendait à plus de matière à réflexion.

On peut avancer sans se tromper que ce roman plaira aux lecteurs qui préfèrent les approches simples et rafraichissantes aux histoires tortueuses à la psychologie dense.