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mardi 9 décembre 2014

Le silence du banlieusard de Hugo Léger

C’est un grand jour pour moi lorsque j’ai un coup de cœur, par contre, il y a un inconvénient à ce plaisir du « pendant », le « après » est dur. Le prochain livre est compliqué à choisir, je dois m’en aller vers du complètement différent, encore en état de choc.

Le silence du banlieusard est mon coup de cœur 2014 et avec le peu de jours qu’il reste à écouler, il devrait rester en tête. C’est la première fois que je ferme une couverture en me disant, que l’on aime ou non le sujet, nous sommes en présence d’un petit chef d’œuvre. Aucun chatouillement de doute.

Au premier abord, tout semble anodin ; titre, premiers chapitres, style. Nous sommes en présence d’un père, d’une mère et d’une ado habitant un plain-pied (bungalow) dans une banlieue quelconque. On apprendra à connaître le personnage central, le père, par l’absence. Il est ce genre d’homme en apparence tellement effacé, tellement commun qu’il pourrait ne pas exister que la vie ne s’en porterait pas plus mal.

Hyper méticuleux, son énergie se canalise dans le matériel, c’est par celui-ci qu’il prend forme dans l’existence. Sa maison est une carte postale, il passe ses week-end à l’entretenir, sa messe est de déambuler entre les rangées du quincailler qui devient son ami à force de le côtoyer. Un exemple d’événement crucial dans leur vie serait l’achat d’un SPA hyper sophistiqué. Leur vie est meublée de ces décisions qui nous incombent pour réussir une routine de plus en plus confortable. Pourquoi sortir ou voyager, prendre des risques quand son chez soi offre tout, est le leitmotiv de Luc qui, une fois sa femme choisie, a casé une fois pour toutes la relation. Une vie sous verre, sous contrôle, où même les émotions sont mesurées et rangées à leur place. Le temps est réglé au quart de tour, la perte de trois minutes dans son horaire le bouleverse plus que les émotions de son adolescente.

Vous voyez un peu le portrait ? C’est ce côté lisse des apparences qui va aller en s'effritant peu à peu, pas à pas, et qui m’a fait penser à un effeuillement (strip-tease) en règle. Luc va finir par se dénuder pour nous présenter son corps, son cœur et son âme à nus.

Du jour au lendemain, lui, aussi prévisible qu’un métronome, disparait. C’est par l’absence que la présence de cet homme va devenir intense, que nous découvrirons l’envers du décor d'une bourgeoisie parfaite en tout point.

L'attitude « banlieusard » est un état d’esprit, que l'on peut retrouver en plein centre-ville, ce que Hugo Léger a su démontrer d’une manière exemplaire. Le portrait de cette famille m’a permis de saisir ce que les gens puisent dans la matérialité où leur sens de la vie rime avec la possession du matériel. L’être se confond avec l’avoir. 

Voici qui était pour le banlieusard mais il y a également le silence qu’on entend entre chaque ligne et chapitre de cette histoire. Le silence se remplit peu à peu. Les chapitres défilent et révèlent la réalité avec une progression maîtrisée. Autant le portrait du banlieusard est précis et rangé, autant la structure du roman l’est. Le style se décline sans jamais un mot de trop ce qui m’apparait renforcer le portrait familial bien rangé. L’effeuillement se fait pièce par pièce, chapitre après chapitre jusqu'à ce que l'on découvre, qu'au cœur des apparences, nichent des émotions et donc, des frustrations. Plus on tait une frustration, plus elle prend d'ampleur.

On constate également les répercussions graves de ce genre de silence qui rime de près avec indifférence, laquelle peut apparaitre cruelle aux yeux d'un enfant en bas âge. La relation parentale se dévoile être plus importante qu’on n’ose le croire et le voir. Cette démonstration sera poussée loin par l'auteur.

Ces êtres silencieux, on finit un jour ou l'autre par les entendre crier.
En tout cas, c'est à souhaiter.

Et pour bonifier le tout, l'intrigue s’apparente au suspense des polars ; où est volatilisé Luc, cet être qu’on pouvait prévoir à une parole et à un geste près ? Où a disparu ce robot de père/mari ? Le suspense nous tient captifs jusqu’à la fin.

13 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Bin là,tu me chatouilles. On le retrouve, à la fin, ce bonhomme-silence pendulaire ?

Claude Lamarche a dit...

Je l'ai justement aimé parce que suspens est un bien grand mot et pas vraiment un polar du genre action américaine et gros cliché. Non, une petite histoire tout en douceur, tout en psychologie. L'humain plus important que l'action.

Ginette a dit...

Bien moi, j'ai commencé le livre. Je n'accrochais pas. Et mon temps de lecture emprunté s'est fini. Peut-être que je devrais essayer de nouveau.

Aucun auteur ne capte mon attention présentement...

J'aurais envie de dire: Que faire docteur...

Venise a dit...

Anne : Question un peu trop curieuse, non ? Gourmande va !

Venise a dit...

Claude : J'ai aimé cette épargne de mots, chacun étant bien pesé. Je réalise que j'aime de plus en plus les styles concis, concentré, ordonné.

Venise a dit...

Ginette : Dommage. Si jamais tu as une chance de te reprendre, n'hésite pas.

Marie-Claude a dit...

J'ai été agréablement surprise par cette découverte. Seule la fin m'a un peu déçue.
http://hopsouslacouette.blogspot.ca/2014/09/vie-de-banlieue.html
Pas toi?!

Nomadesse a dit...

Intéressant!
J'aime les livres qui mettent l'accent sur l'être plutôt que l'avoir. :)

Venise a dit...

Marie-Claude : J'ai été lire ton commentaire de lecture et j'ai laissé un message.

J'étais réellement curieuse de savoir jusqu'à quel point tu n'avais pas apprécié la fin.

Ce que je trouve embêtant est que nous sommes muselées d'en parler (sourire).

Venise a dit...

Nomadesse : Je vais prolonger ton commentaire ... en faisant le contraire. Autrement dit, comme Yvon Deschamps qui faisait la démonstration du contraire pour nous convaincre. Par exemple, des Unions, qu'est-ce que ça donne ? parce qu'il croyait à l'union fait la force.

Avec ce titre, c'est le même procédé. Une description qui met en valeur la vie de banlieue, si on la prend au premier degré (dieu m'en garde !), la banlieue est mise de l'avant d'une manière intéressante. Si c'est le cas, et qu'on y voit une apologie de la vie de banlieue, aussi bien dire que l'amour rend aveugle !

Lucie a dit...

Il est dans la liste des 25 meilleurs livres de La Presse... On peut être fier de notre ancienne Recrue! :)

Topinambulle a dit...

Oh ! Que j'avais hâte de lire ton billet, après avoir entendu ton enthousiasme de vive voix :) Tu me donnes envie, surtout lorsque tu parles de ce silence. C'est vrai que le silence peut être révélateur. Merci Venise pour ton observation fine.

gaétan a dit...

Je note.