Faites comme chez vous

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c'est recevant !

mercredi 29 avril 2015

Splendeurs et misères de l'homme occidental - Pierre Gobeil

Sur la couverture, il est inscrit « roman » ce qui ne m’a pas empêché, à toutes les lignes, de relier de près la réalité à celui qui maniait la plume. Le narrateur s’interroge, et veut interroger ses semblables, afin de vérifier si une observation qu’il a posée sur le couple contemporain est valable.

Quelle est cette observation ? Il a cru discerner un malaise chez l’homme dans la cinquantaine, père et marié depuis plusieurs années à la même femme. Ces hommes-là seraient en quête d’un territoire qui leur est propre et placeraient le plus gros de leur énergie vitale dans un garage, un sous-sol, un chalet, un atelier. Autrement dit, dans un endroit où la femme au foyer ne fait plus sa loi. Il va jusqu’à avancer que cette réclusion se fait au fur et à mesure que la femme le dépossède progressivement de son autorité. Qu’elle le fasse consciemment, ou non, cette question sera à peine abordée.

Le narrateur part de cette hypothèse de travail et désire la vérifier chez ses congénères. Il est animé d’un esprit simili scientifique, dans le sens qu’il avance à tâtons et ne prend rien pour acquis. Il arrive chez les volontaires avec son enregistreuse afin d’immortaliser ces échanges entre hommes. En plus, il souhaite que chaque volontaire se sente faisant partie intégrante de la recherche.
Tout au long du récit, l’auteur marche sur des œufs, ce qui confère à mon sens un côté assez charmant à l’activité. Cela contraste avec la vague de notre époque où plusieurs avancent la moindre opinion comme une vérité incontestable. Ici, l’intention est louable, la question légitime. Le hic est que les volontaires se font rares. Et de plus en plus rares. Certains acceptent pour ainsi dire à contrecoeur, d’autres commencent et se retirent, mal à l’aise, car la règle veut que l’on se questionne loin de la mainmise de l’épouse. Ou l’entreprise question/réponse n’a jamais lieu. En conséquent, peu d’individus tenant le coup, l’échantillonnage s’en retrouvera si réduit, que la question demeurera aussi entière au début qu'à la fin du livre.

« Ce n’est pas si grave », la lectrice en moi s’est-elle dit, puisque j’y ai tout de même trouvé mon compte. De poser cette question était suffisamment intéressant pour en faire un roman. En plus, j’ai franchement aimé le style de Pierre Gobeil, soignant les descriptions de ce qui l’entoure avec naturel et charme.

Il y a des comportements de femmes qui ont attiré mon attention, assez pour me dire que j’en ai vus des semblables dans notre société. Et pas seulement quelques uns. Il y a certains réflexes chez certaines femmes qui peuvent donner l’impression de vouloir neutraliser l’esprit combattif d’un homme. J’en suis convaincue plus que jamais après cette lecture. Moi-même, je vais me surveiller ! Donc, la question mérite d’être posée : pourquoi tant d’hommes ont besoin de trôner dans un endroit, que l’on peut presque nommer un refuge !

J’ai lu sur la quatrième de couverture : «… dépossédés de leur territoire intime au point d’avoir peur de leur femme ». À la lumière des entrevues proposées dans ce bouquin, je n’ai pas conclu que ces hommes avaient peur de leur femme. Loin de là. Ils donnent leur démission, ce qui est grandement différent. C’est beaucoup d’énergie pour conserver son territoire et comme assez souvent les hommes quinquagénaires en déploient énormément en dehors du foyer, et y sont plus absents que la femme. Ne serait-il alors pas plus facile de laisser couler les décisions entre les mains de celle qui habite plus longuement le nid, s’occupant le plus des oisillons? Les jeunes couples ne vont pas nécessairement tomber dans ce piège. Enfin, je l’espère car c’est un jeu dangereux qui peut progressivement empoisonner une vie de couple.

Avec cette initiative d’entrevues, la question est lâchée mais, à mon sens, elle doit être posée aux deux : l’homme et la femme car, sinon, perdurera le plus gros des malentendus, que la situation fait l’affaire de chacun. Ce qui ne semble pas le cas.

Roman qui lance une question légitime, et pointue par la tranche d’âge, sur le fondement des couples à notre ère contemporaine et qui, sous ses airs anodins, touche une frustration bien voilée.

jeudi 23 avril 2015

Le Passe-Mot - 8 ans en cette JMLDA

Des prescriptions de nos libraires
Dans le cadre de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur (JMLDA), dans plus de 17 villes au Québec, une trentaine de libraires issus des librairies membres de l’Association des libraires du Québec (ALQ) prendront les rues d’assaut afin de prescrire des lectures aux amoureux du livre.
Pas mal plus plaisant qu’une prescription médicale sous le régime Barrette !

20e année de la Journée Mondiale du livre
Vingt auteurs s’adressent à leurs lecteurs par ce recueil intitulé J'ai des p'tites nouvelles pour vous! Cet ouvrage est remis à ceux qui achèteront un livre chez leur libraire indépendant ou sur le site leslibraires.ca. Les librairies sont ouvertes jusqu’à 21 h 00, accourez !

Le Passe-Mot de Venise a 8 ans
Comment va-t-il ce blogue littéraire qui a un jour pris la tangente de lire local, comme on décide d’acheter local ? Il n’est pas essoufflé, le cœur palpite toujours aussi fort, mais il a certainement ralenti la cadence. Je pourrais dire, malgré moi. J’aimerais trouver plus de temps et d’énergie et qu’il n’y ait plus sept romans, comme présentement, qui attendent d’être commentés.

L’envie me prends parfois de commenter le dernier que je viens de lire, ce qui ne m’apparait pas juste pour ma file d’attente (même si les romans ne bousculent pas leur voisin). Peut-être le ferais-je, question de me remettre sur les rails et revenir à date, ce qui signifie pour moi, trois romans en attente exposés dans ma marge droite. Ma dernière lecture est Six degrés de liberté, de Nicolas Dickner. Je ne l’ai pas lu, je l’ai savouré goutte à goutte comme le café que boit, Éric Leclerc, ce bollé en informatique, un des personnages. À force de relire certains paragraphes, j’ai l’impression de l’avoir lu deux fois. J’ai hâte d’en parler, tellement, que j’en parle là, tout de suite !

Suite à une histoire d’amour avec un roman, je trouve difficile de plonger immédiatement dans une autre relation, mais pourtant, il le faut. J’ai entamé hier, L’encre mauve de Florence Meney, un polar. Qui lira, verra.

Comment passer cette journée sans vous parler de Marsi, mon auteur à domicile ? Il a hâte de voir si les ventes ont été bonnes pour son Colis 22, le saviez-vous, c’est en mai que les auteurs reçoivent leurs dividendes. Colis 22 est sorti en France ce mois-ci. Aucune nouvelle depuis mais de toutes manières, on en saura plus l’an prochain.

Marsi a déposé deux projets dans deux maisons d’édition québécoises. On attend des nouvelles avant l’été. On espère. Aussitôt que nous saurons où, je répandrai la bonne nouvelle.

Marsi veut vivre de nouveau l’expérience « site internet ». Il en a pas présentement et ça manque. La carte d’affaires est désuète maintenant si on n’y trouve pas un site Internet, qu’on se le dise. Vous vous rappelez du Pigeonographe qui s’est transformé en Lucarne à Luneau ? Ensuite, Salades d’Amphibie, avec son personnage principal, la salamandre, Sanfroy ? Ce dernier fait ses salamalecs en privé jusqu’au jour où il deviendra public. Cette fois, le site devrait être un tremplin pour l’illustrateur, prêt à relever des défis, des mandats, des contrats, tout ce que sa plume peut et elle peut beaucoup, soyez-en certain. Comme il faut voir, pour le croire, voyez ici l'illustration de la une du Voir à Québec :

Pour ma part, et j’en parle seulement en catimini, pour ne pas raviver les feux de la pression mais j’ai un projet d’écriture et il avance bon train. Et comme il parait que petit train va loin ….

À vous, lecteurs, vous êtes précieux, merci ! Et merci aux auteurs francophones canadiens de persévérer par passion, par mission, plus que par rétribution. Nous vous en sommes infiniment reconnaissants.

mercredi 15 avril 2015

Marjorie Chalifoux de Véronique-Marie Kaye

Ce roman m’a tout d’abord parlé par sa couverture. Je ne connaissais pas l’auteure et à peine la maison d’édition Franco-ontarienne. Quelqu’un en quelque part avait décidé que ce roman était pour moi. Il ou elle a eu raison, j’ai aimé ce roman singulier qui parle principalement des relations entre êtres humains.

Au départ, Marjorie m’est apparue pas loin d’être une autiste, puisque son père la traite comme telle. Elle a 19 ans, elle coud en silence, pendant que son père offre des séances de spiritisme à des clients et clientes à domicile. Aux yeux de son père, elle aurait un tort et c'est celui d’avoir fait mourir sa mère par sa naissance. Il a dû la prendre en charge et il est clair qu’il n’a aucun goût et aucun talent pour le faire. Il la supporte. Je vais aller au bout de ma pensée ; il la supporte comme on supporte un chien. Et encore. Plusieurs sont beaucoup plus affectueux avec leurs animaux de compagnie.

Étant très étonnée qu’un père puisse aborder son enfant sans une trace de sentiment, je m’attachais de plus en plus à la fille, me demandant de quel bois elle se chauffait pour supporter de tels traitements. Sans violence, entendons-nous, mais avec assez d’indifférence et de dénigrements pour tuer toute velléité à s’épanouir. Cependant, cette Marjorie, pas si bête, malgré un physique plutôt ordinaire, se fait un chum et tombe enceinte. Malheureusement, le dit chum meure d’un accident (je ne vous vends aucun punch, c’est sur le quatrième de couverture). Elle n’aura pas le temps d’être malheureuse tant son père l’occupera. En sept jours, il lui ordonne de trouver un mari pour remplacer le défunt père, et rapidement afin que rien n’y paraisse. Et en attendant de se marier et d’accoucher, elle devra trouver un travail payant, lui-même étant lasse de l’avoir à sa charge.

Vous imaginez l’intrigue ; quel genre d’homme est ce père ? Et Marjorie, va-t-elle s’en sortir avec le peu de bagage positif accumulé dans sa vie ? Pour bien répondre à ces questions, sachez au moins que cette auteure surprenante ne poursuit pas le but de nous faire pleurer, loin de là.

Plusieurs personnages se grefferont à l’histoire, des principaux et des secondaires. Les principaux : une chapelière anglaise en âge d’être grand-mère, son fils, gentilhomme intellectuel, habitant l’Angleterre en séjour à Ottawa. Aldonis, un prétendant candide choisi par le père de Marjorie. Des clients du père, de très colorés et intenses personnages, généralement des conjoints.

Des couples inusités sont rapprochés par la loupe folichonne de l’auteure. L’amour et la sexualité sont toujours abordés dans la légèreté, la sensualité et la fantaisie. On ne s’ennuie pas dans ce roman qui bondit d’une action, d’une émotion et d’un personnage à l’autre. Pour l’apprécier, il faut accepter le ton humoristique que l’auteure a voulu donner à cette histoire qui aurait pu être tragique. Reste que je trouve que le père est un personnage facile, pas exploité et bien pire, escamoté. Aussi bien dire qu’il est un pion.

Heureusement, l’accent est placé sur Marjorie et on ne peut que l’aimer. Elle a un franc-parler et une débrouillardise hors du commun. Comme on le dit parfois d’un film ; elle porte le roman sur ses épaules.

À vous de décider si vous vous sentez d’attaque à vous amuser tout en approfondissant le thème du couple.

mercredi 8 avril 2015

Voleurs d'enfants t. 2 - Les chroniques de Gervais d'Anceny - Maryse Rouy

Ayant beaucoup aimé le tome 1, c’est naturellement que j’ai désiré renouer avec Les Chroniques de Gervais D’Anceny. Cette fois, il est question du rapt de son petit-fils chéri, celui-là même avec qui, il s’était promené dans « Meurtre à l’hôtel Despréaux »

Aussitôt qu’il reçoit l’appel de son fils désespéré de la disparition de son seul héritier, le grand-père Gervais quitte le cloître où, rappelons-le, il réside à titre d’oblat. Alors, cette fois, nous n’aurons pas le plaisir de déambuler dans les couloirs du cloître, se familiarisant avec les habitudes des moines et non plus, d’assister aux tête-à-tête avec son ami mourant, puisque toute l’action se déroulera à Paris autour des années 1380.

Un fléau sévit, les vols de jeunes enfants que l'on mutile pour en faire des mendiants lucratifs. Dans ce contexte, le grand-père est peu optimiste de retrouver indemne son petit-fils de 3 ans. Il s’y met courageusement, menant son enquête parallèlement à celle des policiers. Ce qui gruge son énergie est de devoir partager le même toit que la mère éplorée, sa bru qui a un caractère exécrable.

Gervais D’Anceny se donne une autre mission, celle de réconcilier les jeunes époux qui se sont mariés par son intervention (rf. Meurtres à l’hôtel Despréaux). La très jeune fille était une saltimbanque et la voici maintenant bourgeoise. Les serviteurs ne la respectent pas, elle est malheureuse et se languit de son ancienne vie. Ce qui n’aide pas, le couple n’en forme pas un dans tous les sens du terme. L’oncle interviendra d’ingénieuse façon dans cette affaire délicate.

Malgré une bonne intrigue et d’intéressantes découvertes des mœurs de l’époque, il y a des longueurs. Évidemment, la barre était haute, le tome précédent exploitait plus de lieux et d’intrigues, ne serait-ce que par son histoire d’amour torturée (gare aux péchés !) et de celle avec son vieil ami mourant. Le déchirement de l’oblat alimentait alors assidument le flot des émotions du lecteur, tandis qu’ici, je n’ai pas beaucoup perçu la tragédie qu’est un fils ou petit-fils amputé à la merci de brigands. Faut croire qu’à cette époque, la mort ou la disparition d’un enfant est affaire si courante, qu’elle n’empêche pas les parents de rire et de manger.

J’ai eu l’impression de voir dépasser les fils de l’histoire, peut-être n’en aurais-je pas eu le temps si l’auteure les avait tirés plus rapidement. Ne nous méprenons pas, il y a des moments forts, surtout lorsque nous approchons (enfin !) l’univers des enfants. Vers la fin, nos émotions sont à fleur de peau et les frissons d’horreur ne manquent pas.

Les personnages sont toujours aussi attachants, vivants, surprenants. L'histoire permet une découverte captivante du milieu de la mendicité et en ce sens, j’ai particulièrement apprécié Valentin, qui devient ni plus ni moins le héro de cette histoire.

La fin est un peu tirée par les cheveux, mais elle fera plaisir au lecteur optimiste.

Si vous aimez vivre au moyen-âge à Paris, que vous vous êtes attachés aux divers personnages de Meurtre à l’hôtel Despréaux, ne serait-ce que pour le plaisir de les retrouver, vous jouirez de cette enquête qui prend son temps.

mercredi 1 avril 2015

La mesure du monde de Philippe Lavalette

J’avais ce petit bouquin dans ma pile depuis 2011. Est-ce vraiment possible que je sois passé à côté durant quatre années ! Pourtant j’aime le cinéma et j’en visite les coulisses de temps en temps en tant que figurante. Je conçois jusqu’à quel point l’univers du cinéma n’est pas simple, avec une part de mystère pour qui n’y œuvre pas de près.

L’auteur, Philippe Lavalette n’est pas n’importe qui, il se place haut sur notre arbre généalogique cinématographique, dans ses rôles de directeur photo et de réalisateur. Il est aussi membre d’une famille cinématographique, par son épouse, Manon Barbeau et sa fille Anaïs Barbeau Lavalette. Ça doit parler cinéma durant les repas !

Ce carnet nous amène partout sur la planète : Irlande, Brésil, Tunisie, Haïti, Grèce, Pologne, Japon pour ne nommer que ces pays. Il a bien sûr tourné quelques fois au Québec, à l’Ile d’Orléans par exemple.

De ces nombreux tournages, il a relevé les anecdotes les plus remarquables et il les décrit avec l’assurance d’un écrivain mûr. J’imagine qu’il a probablement l’habitude d’écrire pour lui, il a su trouver la voie entre l’intériorité et l’extériorité. Il a transformé ses notes de tournage, qu’elles deviennent intéressantes pour un public lecteur, tout en gardant une écriture près de son souffle.

Attendez-vous à de l’éparse, aucune ligne conductrice d’un chapitre à l’autre, autre que son regard d’être humain et de directeur photo. Cette lecture m’a appris en quoi consiste le rôle crucial d’un directeur photo, que je confondais parfois avec celui de réalisateur.

J’espère qu’un jour, il sera tenté de publier à nouveau. J’ai aimé son style sans détour, élégant mais sans fioriture, son humour discret, sa concision. Son regard tient une distance réfléchie entre son environnement et lui, peut-être est-ce une déformation professionnelle, mais elle lui confère un charme philosophique qui s’apprécie.