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lundi 28 décembre 2015

Ma vie rouge Kubrick - Simon Roy

Il me le fallait ce titre. Pour le titre, si joli, si intriguant, presque poétique. Ensuite, il gagne le Prix des Libraires du Québec 2015 et est reçu aux Correspondances d’Eastman à un Café littéraire auquel j’assiste. Mon exemplaire se trouve donc dédicacé : À Venise, Puissiez-vous ne jamais vous égarer dans les méandres sinueux du labyrinthe de l’existence. – Simon Roy.

Je suis très fière de moi d’avoir pris des notes car c’est le genre d’histoire que j’oublie. Alors, je lis mes notes et je ne me souviens guère plus de ma lecture. Ce roman m’a laissé de très légères empreintes, facilement effaçables, ce qui ne veut nullement dire que je n’ai pas aimé. C’est autre chose.

C’est l’histoire tortueuse et torturante de la famille de Simon Roy et ce dernier passe par un film pour s’exprimer. Voilà le problème en moi et pour moi : je n’ai pas vu ce film phare (chef d’œuvre, dit-on) dont il est question : « The Shinning" de Stanley Kubrick. Après ma lecture, j’ai à peine le goût de le voir.

L’auteur nourrit une attention obsessive vis-à-vis cette œuvre cinématographique. Ses drames familiaux personnels y trouvent un exutoire. Je crois énormément à une chose dans la vie : où l’on place son attention équivaut à l’eau et la lumière qui font pousser les fleurs de son jardin. Et l’engrais aussi. Simon Roy a cultivé ce film comme un jardinier obsessif, sous tous ses aspects, pas uniquement sous l’angle œuvre mais sous l’angle maître d’œuvre. Pourquoi je mets l’emphase sur ce point ? C’est que suite à cette étude maniaque, Roy débusque une multitude de synchronismes entre l’œuvre de sa vie et celle de Kubrick. Je rajoute, rien de plus normal d’après le principe du pouvoir de l’attention.

Quoiqu'il en soit, le parallèle entre les deux, sa vie et le film, est bien fait, bien exposé, littérairement bien ordonné et bien rédigé. J’imagine un instant l’intérêt du lecteur qui a adoré ce film, s’exaltant, même si The Shinning n’est pas son film fétiche. Je ne suis pas loin de penser que c’est un genre de pré-requis pour adorer ce récit, avoir vu « The Shinning », sinon, on l’aime, ce qui est déjà quelque chose en soi.

Moi qui n’ai pas vu le film vous dirai que j’ai trouvé l’auteur obsessionnel par son approche. Il place son attention sur le tragique, c’est l’angle avec lequel il aborde ses antécédents. Ce sont les racines de sa famille qui poussent en lui, il n’arrive pas à les annihiler, il porte un genre de responsabilité. Vous me trouverez peut-être catégorique car, je n’ai pas moi une famille et des secrets violents, alors c'est facile à déclarer. Il est vrai que je ne porte pas un arbre généalogique en ramifications catastrophiques.

Ce récit est plus qu’une réflexion, c’est une exploration des labyrinthes noirs de la psyché humaine, des voies impénétrables du macabre que l’on tente de pénétrer. De mes notes, je relève un extrait, p. 142 « Et je me suis demandé à quoi auraient ressemblé nos vies, si je n’avais pas été chichement pourvu d’un cœur ingrat ». J’imagine que j’ai voulu démontrer jusqu’à quel point ce récit n’est pas complaisant.

Simon Roy prétend que c’est un livre circonstanciel, un exutoire dont il a eu besoin pour retirer un poids de ses épaules. Quant à moi, je ne le crois pas, il va revenir en forme et en force. Il est clair qu’il est tissé de cette fibre qui fait que l’on prend goût à se dévoiler par l’écriture. Je suis très curieuse du prochain, sans le support d'un film : qui est Simon Roy ?

vendredi 18 décembre 2015

Une nuit, je dormirai seule dans la forêt de Pascale Wilhelmy

Voici un roman qui pourrait facilement se classer dans la section croissance personnelle. À ranger dans l’ordre du roman optimiste, réconfortant et guérisseur. C’est une histoire conjuguée au « Je majuscule » où un défi est lancé : combattre ses peurs en prenant le taureau par les cornes. Dans le milieu thérapeutique, on parle de thérapie comportementale et cognitive, avouons que l’expression est plus savante.

Je crois à l’efficacité de cette thérapie, en autant que l’on en ait le courage, que l’on soit très motivé et, encore mieux, avec de l'encadrement. Ce roman de Pascale Wilhelmy en fait le constat : on peut vaincre ses peurs. En solitaire, par la seule force de sa volonté. On a certainement affaire à une super femme. Il faut se laisser imaginer qu’il existe de ces supers femmes fortes de l’Évangile. Qui plus est, cette femme en question, la forte Emma a l’embarras du choix puisque depuis l’âge de cinq ans, elle a peur de tout : des chiens, des éclairs, de grimper aux arbres, du noir, des clowns … et des mains poilus. Cette dernière peur sera particulièrement placée sous la loupe et le « pourquoi » se dévoilera aussi progressivement qu’habilement.

Au départ, le ton est si insouciant, si léger et humoristique que j’ai été surprise de voir apparaitre le spectre des « mains poilues ». Peut-être est-ce une bonne manière d’amener cette problématique, en tout cas, ce fut la manière toute en subtilité de l’auteure. Après réflexion, je me suis dit que ce récit de vécu (fictif ou réel ou le mixte des deux) pourrait servir à amorcer des conversations de « secrets » de famille, de ceux sous les couvertures, si vous voyez ce que je veux dire.

Les chapitres où le ton est badin et où Emma s’attaque à des peurs anodines, je dois avouer m’être un peu ennuyé par la répétition et la trop grande simplicité du remède : passer une nuit sous les étoiles seule en forêt. Et y tenir mordicus. Je ne dévoile pas une grosse intrique puisque c’est le titre. Lorsque nous tombons dans la profondeur de LA peur principale, les révélations se corsent et ma lecture s’est avérée beaucoup plus captive devant la complexité de la situation.

En conclusion, une lecture beaucoup plus profonde qu’il n’y parait à prime abord, pour la souffrance le sourire aux lèvres. Et, assurément, un roman qui commence en brebis et finit en lionne.

mercredi 9 décembre 2015

LA BELLE MÉLANCOLIE de Michel Jean

Si vous vous fiez aux titres et aux couvertures pour choisir vos romans, gare à vous ! Les deux nous amènent à croire à une histoire à l’eau de rose. Ce l’est oui, un peu, mais si peu.

L’homme dont il est question, Arnaud est un contrôleur d’images et de situations de crises. Il est grassement payé pour cela. Cette fois, la crise sera particulièrement éprouvante et le scandale à étouffer particulièrement répugnant. Et, qui plus est, ce scandale se déroulera loin de sa zone de confort puisque c’est dans une mine du Nunavik que la douzaine de meurtres a lieu. Si encore, il n’y avait que cette affaire dérangeante qui ravage l’esprit de l’homme au cœur de la quarantaine, il y a également une très jeune femme, une avocate qui le trouble par sa pureté. En plus, cette femme, par une ressemblance frappante avec une autre qu’il a beaucoup aimée, le ramène continuellement à son passé.

Nous suivrons donc Arnaud à ce moment charnière de sa vie où il est confronté à des choix de vie qui reposent sur des valeurs d’honnêteté. Il aurait pu s’acquitter de sa tâche et contrôler les dégâts médiatiques (la surface) sans se poser de questions sur la violence dans le Grand Nord, sans observer, sans voir, sans sentir les malaises. Il finira par décrocher de la futilité de sa tâche pour aller plus en profondeur. On le verra, entre autres, entrer en relation avec une Inuit très jeune et aux prises avec de gros problèmes.

Somme toute, cet homme qui joue avec les images part tout à coup à la quête d’une certaine vérité, et le déclencheur est cette jeune avocate, Amélie Roy, une femme qui conduit sa propre vie dans une droiture qui le surprend.

Malgré un intérêt assez soutenu, l’intrigue m’a laissé plutôt tiède et je me suis longuement interrogé pourquoi. Arnaud est le personnage principal, celui par qui tout passe, il vit au cœur d’une crise existentielle majeure qui traverse sa vie sentimentale et son travail et, pourtant, son trouble se vit tout en douceur delà, j’imagine, le titre « La belle mélancolie » qui charrie une certaine langueur. Les évènements sont certainement en crise, plus qu’il ne l’est lui-même. Il conserve une maîtrise qui, à mes yeux, a fini par s’apparenter à de la tiédeur. Ceci dit, là où j’ai senti le plus de fougue au cours de cette histoire et ceci, chez plusieurs personnages, c’est dans toutes les scènes se rapportant à la sexualité.

C’est le roman des entre-deux : la surface et la profondeur, la fabrication ou l’authenticité de l’image, le présent ou le passé sentimental, l’espace (le Grand Nord) ou la densité (Montréal) et pour cela, je me serais attendu d’y trouver plus de tiraillements du protagoniste principal et assister à des déchirements.

Je ne nie pas que le sentiment d’amour soit tangible mais on dirait qu’il arrive au personnage «malgré lui ». Personnellement, j’aurais aimé voir un Arnaud Delagrave plus énergique. Voilà c’est dit « énergique ». C’est certainement une question de perceptions, car tout est une question de perceptions, et s’il y a une chose qu’Arnaud Delagrave pourrait confirmer, c’est bien cela !