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jeudi 24 mars 2016

Travaux manuels - Collectif de nouvelles érotiques

Je n’aime pas particulièrement les nouvelles, pourtant, je devais absolument lire ce collectif de nouvelles érotiques. Pourquoi ? Pour saluer l’ingéniosité de la présentation : le titre et la couverture. Le titre : pouvez-vous plus subtil, plus amusant, plus vrai ? La couverture ? Des nervures de bois et si vous y regardez de près, un certain nœud suggère le sexe féminin.

Le contenant était assez attirant pour que j’aie le goût d’aller à la découverte du contenu, suivant le principe même de l’univers sexuel.

Seize nouvelles, seize couleurs, seize sexualités. Commençons par le point commun, je suis tenté de parler de point G, parce que c’est presque ça. Sur la place publique, lorsqu’on parle de sexualité, elle rime plus souvent qu’autrement avec la sexualité masculine. Ces fois-ci, c’est la sexualité féminine qui prend le dessus ce qui, ma foi, m’a beaucoup plu.

Quand il s’agit de nouvelles sur un même thème, j’ai tendance à me lasser, trouvant les synopsis redondants, c’est ce qui est d’ailleurs survenu avec le recueil « Crimes à la bibliothèque », que je n’ai pas pu terminer. Avec Travaux manuels, mon désir est resté intact jusqu’à la toute dernière (et non la moindre !). En érotisme, on le sait, le désir prévaut sur la consommation ou en tout cas compte énormément. Sans désir, point d’érotisme, seulement une consommation nommée crument « sexe ».

La majorité des nouvelles nous amène visiter des fantasmes ou vers une réalité personnelle empreinte d’imagination élevée au carré. Globalement, j’ai été interloqué de la définition de l’érotisme de chacun. Vraiment. Je m’explique. Peut-être que le mot s’est modernisé sans que je le réalise mais, pour moi, érotisme signifiait suggéré plus que proposé. J’y voyais des voiles, des devinettes, des transparences, des effeuillements lents, des hors d’œuvres, sans que l’on aboutisse nécessairement à une consommation pure et dure. On m’a vite détourné de cette définition et cela dès la première nouvelle qui donne le ton. Suite à ces lectures, je conclus que érotisme est un synonyme de sexualité.

Certaines sont plus chargées de sensualité, trois seulement avaient un côté préfabriqué. Qu’est-ce que j’entends par là ? Je veux dire, qui ne semble pas venir de l’intime, qui ne sonne pas personnel, qui m’apparaissait tirer d’un magazine ou d’un film. Bref, d’un déjà-vu d’un quelque part chez quelqu’un. En fait, je les bénis car elles étaient certainement là pour me faire apprécier les autres.

On dit souvent que le rire est personnel (on ne rit pas tous aussi fort des mêmes blagues), ce n’est jamais aussi vrai qu’en ce qui a trait aux fantasmes érotiques. Les fantasmes sont des empreintes aussi personnelles que les empreintes digitales. 

D'avoir rapatrier ces nouvelles sous le mot « érotisme » au lieu de « sexe » a comme bénéfice de nous tenir loin des nouvelles qui auraient pu sonner : « travaux forcés ». Dieu soit loué ... ou le directeur littéraire, Stéphane Dompierre, c’est selon.

Ceci dit, je n’ai jamais autant entendu parler de fluides et de sécrétions féminines de toute ma vie ! Pendant ces lectures, j’en ai même oublié qu’un homme éjaculait et cru que ce privilège restait essentiellement féminin. Et j’exagère à peine ! Soyez curieuses, mesdames et messieurs ; allez vérifier.

Ce recueil est un parfait exemple d'une sphère plus que privée qui rejoint la plus que publique.

mercredi 16 mars 2016

Des Papillons pis de la gravité d'Alexandra Larochelle

L’auteure a 22 ans, l’héroïne, 17, et celle-ci s’appelle Frédégonde Hautcoeur. Son nom donne le ton humoristique tiré par les cheveux. Oui, oui, vous avez bien lu, déjà je me compromets et ne reste pas sur le quai à décrire l’action de loin.

Ce roman n’aurait peut-être pas dû me tomber entre les mains car il n’est pas pour moi. Non seulement parce que j’ai dépassé depuis longue date l’adolescence et l’excitation à dénicher le bon prétendant mais parce que j’exècre l’humour cru « fait exprès » pour rire absolument, d'autant plus quand on répète une blague comme un leitmotiv (référence la blague sur l'attraction de la gravité quand on tombe).

Cela ne veut pas dire que certains n’aimeront pas. Si vous aimez ce type d’humour (d’ailleurs, l’auteur rêve d’écrire pour des humoristes et pour la télévision), vous serez enchanté, comme l’a été Shirley Noël d’Info Culture qui l’a dégusté à petites doses comme du bonbon. Elle en a tiré un extrait :
«T’avais peut-être envie de te faire raconter une histoire à l’eau de rose? Sorry, t’as pas pigé le bon numéro. Ma vie amoureuse, c’est pas particulièrement cute. C’est plein d’épines et ça fait un peu mal. Une histoire à l’eau de cactus, ça se dit ? Whatever, moi, je le dis. Alors si t’as le goût de chialer et d’entendre chialer, amène-toi, ma chum, sors le vino et on va se brailler ça ensemble. T’es prête ? Je pense pas que tu le sois, mais c’est correct. »
Cet extrait en dit plus long que le résumé que je pourrais m’évertuer à pondre.

Alexandra Larochelle interpelle la lectrice* à répétition, j’ai dû m’y habituer. J’ai beau avoir conservé mon cœur jeune, cette manière de toujours m’inviter à boire un verre de vin, comme si une grande chum allait m’annoncer les pires catastrophes m’a quelque peu tapé sur les nerfs. Après tout, il est toujours question du même nombril et ce ton sensationnel amplifie le côté égocentrique de l’héroïne.
*le lecteur sera probablement en minorité

Ce que j’ai apprécié du fond de l’histoire est l’apprivoisement de l'ado à la nouvelle conjointe de son père, écartant progressivement ses préjugés à son égard. Ses relations avec les hommes sont édifiantes car elles partent d’emblée d'une bonne disposition d'esprit. Elle s’entend merveilleusement bien avec son père et adore son meilleur ami masculin. Elle ne prend pas pour acquis que les premiers baisers sont les plus exaltants, ce qui fait un peu changement du cliché. En étant patient et en s’infiltrant sous le ton, on réalise que l’héroïne, surnommée amicalement Fred, a une tête bien plantée sur les épaules.

Pour tous ceux qui ont aimé, il y a une bonne nouvelle ; une suite des déboires amoureux de Fred est attendue.

dimanche 6 mars 2016

Le coeur bleu de Aline Apostolska

Le titre, la couverture m’ont été droit au cœur. J’étais d’autant plus curieuse que je n’avais jamais lu Aline Apostolska.

Je n’ai pas été déçue, ni par le livre, ni par l’auteure. Je fais une séparation entre les deux (livre et auteure) mais à peine s’il y en a une. Et c’est d’ailleurs à ce moment-là que l’on ressent le plus fortement le besoin d’en tirer une.

C’est une histoire d’amour. Par ces quelques mots, tout pourrait avoir été dit. Une vraie de vraie qui torture les cœurs à ses premiers balbutiements parce que « normalement », elle ne devrait pas naître, cette histoire.

Les deux cœurs sont situés aux confins un de l’autre, chacun sur son île : l'Île de Montréal et l'Île bleue des Caraïbes. Les corps sont aussi situés aux confins un de l’autre : l’homme est plutôt au début de sa vie et la femme est plus mûre, disons. Qui se torturera le plus pour cet aspect ? La femme, bien sûr. Celle-là même qui a peur de faner, comme toutes les fleurs qui ont été fraiches. La femme sait mieux que l’homme ce qu’est de faner, ne serait-ce que parce que son système reproducteur meurt aux orées de la cinquantaine. L’homme, non, la maturité lui va même bien, le moindrement qu’il prenne soin de lui. Les langues maintenant. Elles devraient s’entremêler dans une même salive eh bien, elles sont différentes : l’espagnol chez un, le français chez l’autre.

Il y a rapidement une terre mitoyenne qui sera jetée entre les deux. Il y aura une recherche des mots mais pas des silences. C’est l’espagnol qui gagne la palme. Des poèmes en langue espagnole jonchent la terre fertile de leur amour. Je ne les ai pas lus, aucun en fait, car j’ai réalisé à la fin seulement qu’il y avait une traduction offerte par l’auteure elle-même.

Ah oui, j’ai complètement oublié de vous dire qu’il s’agit de Roméo et de Juliette. Je me suis retenu de ne pas dire de Juliette et de Roméo car, après tout, c’est Juliette qui s’adresse à nous. De Roméo, on entend parler. Est-il déformé par Juliette ? Nous ne le saurons pas. C’est une histoire de confiance aux perceptions de l’auteure qui vire son cœur à l’envers, comme une poche, le retourne de tous les côtés, essayant de comprendre s’il y a du contenu. Quoi, un amour de vacances à son âge ! Quelle idée bête et dangereuse. Mais Roméo est si convainquant et les corps exultent et elle est tout à coup si jeune sous son regard ; comment résister à cette eau de jouvence ?

C’est une histoire d’amour décortiquée où la moindre graine est fouillée dans les sols fertiles et mouillées. Je ne fais pas de dessin, je vous confie le soin de trouver vos images.

Accrochée à cette écriture franche et directe, tout en pause et en prose, j’ai passé un bon « quart d’heure ». J’ai essayé autant que l'auteure de démystifier les cœurs bleus de ce monde. C’est une histoire intime, si intime que l’on ne voit plus de différence entre le « je » d’un journal et le « je » romancé. Et peut-être, y en a-t-il pas, par tout le savoir-dire et le savoir-faire d’une romancière aguerrie.

Pour les amoureux des cœurs bleus, habitant des îles, qui se rapprochent par mers et ponts.