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mardi 28 juin 2016

VI de Kim Thùy

J’approche les écrits de Kim Thùy avec un respect teinté de délicatesse. Il me semble que je dois bien ça à celle qui nous présente sa vision du monde avec plusieurs égards. Lire Kim Thùy entraine de se placer au diapason du recueillement. Elle va cueillir les mots pour nous, un à un, et nous les présente à la hauteur du cœur. Pas à la hauteur de nos yeux mais du cœur. On doit donc pencher un peu la tête pour respirer chaque fleur avant l’effluve du bouquet final.

Que signifie ce titre VI, sonnant comme « vie » à nos oreilles francophones ? En Vietnamien, Vi penche vers l'inVIsible, puisque cette syllabe signifie littéralement précieuse minuscule microscopique. Veut-on une telle condition pour son enfant ? La discrétion jusqu’à l’invisibilité, c’est fort comme image ! Pourtant, c’est le prénom que Kim Thùy a reçu à sa naissance.  Vous demandez à comprendre pourquoi un tel prénom ? Cela tombe bien, car l’auteure nous le raconte.

La réponse se présentera d’une manière indirecte, elle n’a pas l’habitude de parler d’elle au « JE majuscule ». Elle nous entretiendra de ses parents, du couple qu’ils ont formé (pardon, je ne suis pas arrivé à savoir s’ils en forment encore un !). Quand elle parle de ses parents, je l’ai trouvée passionnante, probablement parce qu’ils restent encore un mystère pour elle. Voici d’ailleurs, à mon avis, tout le charme de l’écriture de cette auteure ; elle donne l’impression de nous en dire beaucoup, tout en gardant l’ensemble suspendu dans des auras de mystère.

Bien entendu, le lecteur en veut toujours plus. Le mot « fin » ne s’écrit jamais chez Kim Thùy remplacé, plutôt par son homonyme « faim ». Nous terminons nos lectures de chacun des chapitres (certains sont micros mais toujours coiffés d’un titre), éprouvant une lancinante faim d'en connaitre un peu plus sur elle : son pays, son origine, sa parenté, ses frères, ses amours, son exil, son arrivée, son travail …

Fait remarquable (pour moi en tout cas !), elle nous parle d’un amour dévorant. Facile peut-être d’être dévoré quand on correspond à la définition de son prénom « minuscule ». J'ai été très émue lorsqu'elle nous a raconté cette histoire. Lors d’une entrevue, j’ai bien aimé son expression « on doit apprendre à être présent dans sa propre vie ». Ce sont les origines de cet apprentissage que nous observons dans ce roman à chapitres morcelés.

Je lance le mot « morcelé » car oui, au départ, j’ai été secouée par le morcellement. L’amoureuse des liens que je suis étais avide. Il me manquait ces liens que l’on fait habituellement pour moi, cette lecture un peu paresseuse d’un chapitre qui se relie automatiquement à l’autre et ainsi de suite. C’est oublier qu’avec Kim Thùy, le lecteur doit travailler un peu, entre chaque ligne et entre chaque chapitre, il a son mot à imaginer, et possiblement à écrire, si ça lui chante.

Voilà pourquoi j’ai hâte d’avoir le temps de le relire. Je crois avoir laissé des espaces vides. Peut-être y a-t-il des liens que j’ai échappés, peut-être n’ai-je pas soupesé chaque mot de ces chapitres qui se présentent comme autant de cartes postales destinées aux lecteurs. 

C’est à lire, c’est à relire, car je suis sur ma faim.

8 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Tu es sur ta faim, mais tu donnes faim aussi ! je le lirais volontiers, ce livre, du coup.

Nomadesse a dit...

Je suis passée à la librairie Vaugeois avec un certificat cadeau et c'est ce que je me suis achetée. :) Je vais le savourer bientôt. :)

Venise a dit...

Anne : Bien oui, nous qui aimons se rassasier ! J'ai l'impression que tu le lirais le temps de te retourner quelques crêpes !

Venise a dit...

Eh bien, Valérie (Nomadesse), je suis vraiment contente pour toi. C'est un coup sûr, comme au baseball...

Marion a dit...

Ah, mais là je suis très très très déçue Venise (c'est pour rire, hein! Aucune rancune ici), je la voulais en vidéo moi cette critique !!! :) Allez, allez, hop, hop, hop, on technologise, on technologise. Le prochain billet sera-t-il multimédia ? (demande à prendre pour ce qu'elle est venant d'une fille qui a totalement délaissé son blogue depuis... ouf... si longtemps. Honte, mais bon...).

Ciao

Venise a dit...

Marion : Il est possible que j'y revienne finalement mais peut-être pas pour présenter une critique mais à tout le moins une lecture. Faut dire que j'ai entre les mains un recueil qui s'y prête merveilleusement bien. Ce sont des chroniques d'une page, avec de l'humour subtil comme je l'aime. C'est écrit par un auteur que j'aime vraiment beaucoup : Hugo Léger et ça s'appelle Bobos - chronique de la petite douleur.

Alors, tout n'est pas perdu et merci du fond du coeur de tes encouragements (sourire).

Réjean a dit...

Bonjour Venise,

Je vais être très honnête avec vous et vous dire que Kim Thuy, si sympathique et médiatique soit-elle, me déçoit. J'avais aimé son premier roman, surtout qu'il nous racontait une expérience de migrante. J'avais moins aimé son deuxième en raison d'une histoire d'amour un peu ennuyeuse et je n'ai pas apprécié son plus récent parce qu'il joue dans les mêmes ornières. Voyez-vous, j'ai l'impression que la trame narrative de ses romans repose sur un canevas quelque peu répétitif. Bien sûr, vous me direz que les auteurs écrivent toujours le même livre, ce à quoi je souscris plus ou moins, et je n'irai pas jusqu'à dire que Thuy a trouvé la «recette», mais je trouve quand même que l'univers qu'elle propose devient pour moi quelque peu redondant. Bien sûr, elle ne peut pas se renouveler après trois romans, quoique... Enfin, je ne veux pas paraître sévère outre mesure. Par contre, je ne suis pas sûr que je vais continuer de la lire.
Bon été à vous.

Venise a dit...

Un grand merci, Réjean de votre mot qui va au fond des choses. Vous êtes toujours honnête et respectez vos limites, j'aime ça.

Vous avez raison, et je ne sais pas pourquoi je l'ai tenu sous silence, le fond de l'histoire de Vi est redondant. Par contre, je suis ainsi, quand j'aime une manière de me présenter une histoire, on dirait vraiment que le fond de l'histoire devient plus secondaire. Ça me fait penser aux chansons, qui reviennent assez souvent au même (exploitation des mêmes thèmes) et dont on continue à aimer les nouvelles. J'aime le rythme que Kim Thùy me fait prendre en lisant et notre amour des mots, le sien, le mien transcende les pages.

Mais peut-être qu'un jour, elle sortira de cette histoire d'exilée, et qu'elle nous surprendra. Je dis bien "peut-être". J'espère que vous vous ouvrirez alors pour la visiter de nouveau.

Merci d'être là, Réjean.