J’ai pensé vous parler des six romans lus dernièrement ... oups, sept, avec Roman familial de Maxime Olivier Moutier qui s’est faufilé sous la pile. Il se faufile facilement, c’est une plaquette. D’ailleurs, je vais bientôt en attaquer le recensement, service de presse oblige.
Je n’ai pas que des services de presse dans cette récolte, il a aussi des cadeaux de Noël et des romans achetés à 2$ durant la liquidation offerte par la Bibliothèque Memphrémagog. Cette vente se déroule en juillet, un évènement à ne pas manquer. N’importe qui peut se présenter à l’école La Ruche, au jour et à l’heure dite. Vous verrez des personnes sortir avec des chariots d’épicerie débordants de livres, leur provision de lectures pour l’année. C’est d’ailleurs entre les rangées de ces multiples tables, qui croulent sous des briques de romans (tomes par-dessus tomes) que j’ai réalisé jusqu’à quel point la lectrice québécoise a la dent longue pour les séries. Je me suis demandé pourquoi ? Est-ce le fait que notre horizon télévisuel se décline en téléromans ? Le téléroman est un genre typiquement québécois, doit-on conclure qu'il forme notre cerveau aux suites ? Tant qu’à s’attacher à des personnages, aussi bien vivre avec eux quelques semaines !
Revenons à ma récolte qui se tient loin des tomes par-dessus tomes, car je ne cours pas après les séries, elles me foutent plutôt la trouille. J’appréhende le style lâche et facile, imputable aux longueurs à réviser. Peur des redites aussi. Au fil des années, a grandi en moi cette foi au travail de direction littéraire. J'espère toujours que ce travail s'exécute auprès de l'écrivain afin de bonifier son oeuvre. Ceci dit, je gage que la majorité des auteurs de séries me répliqueraient que c’est de la foutaise, que les oeuvres qui se déclinent sous plusieurs tomes peuvent se présenter en écriture serrée, dosée, sobre. J’ai peut-être à déboulonner ce préjugé.
Bon, commençons par « La chambre verte » de Martine Desjardins acheté à la bouquinerie Éco-Livres à Granby (charmante bouquinerie qui privilégie le livre québécois). Oh, que je n’ai pas regretté mon choix ! Ça fait presque deux ans que je l’ai lu et si aucune critique n’a vu le jour, c’est que j’étais en pause. Cependant, il m’a suffisamment frappée pour que je puisse en parler malgré le temps écoulé. Ensuite, j’ai reçu à Noël le tout récent : « Un lien familial » de Nadine Bismuth. Mes attentes étaient élevées et vous savez qu’est-ce qui arrive quand on a des attentes élevées ? On risque la déception. Je m’attendais à aimer beaucoup et j’ai aimé moyen. L’odyssée d’Yval de Stéphane Libertad est un service de presse et j’ai hâte de faire étalage de mes émotions devant ce ième roman sur les aléas d’une randonnée sur le chemin de Compostelle. Un autre cadeau sous le sapin : « Les écrivements » de Matthieu Simard. Roman surprenant. « La Communiante » de Louise Simard (tiens, tiens, deux Simard dans mon lot 😛) que j’ai pigé le jour de la liquidation. J’avais aimé les tomes de Louise Simard « La malédiction », je me suis dit, impossible de me tromper. Eh bien oui, c’est possible de se tromper ! Je me suis félicité de l’avoir terminé, cela me donne la permission d’en parler. Je termine par mon petit-dernier, un autre achat à 2$, un Chrystine Brouillet « Louise est de retour ». Ce polar m’a donné le plaisir de voir à l’œuvre une très compétente meurtrière en série qui exécute proprement, sans éclaboussure de sang ni de haine.
Le titre qui m’attend sur ma table de chevet ? Les chars meurent aussi de Marie-Renée Lavoie. Une auteure que je ne suis pas prête d’abandonner. Il ne figure pas parmi mes 7, ma lecture n’est pas terminée.
Comme vous voyez, aujourd’hui, je suis sortie de mon carcan « critique ». Il fait bon de s’aventurer sur le ton de la conversation qui, d’ailleurs, m’amène à vous parler du magazine « Les Radieuses ». Radieuses rime tellement bien avec Volumineuse, n’est-ce pas, que je me suis laissé tenter à y chroniquer. Toujours sous les atours de la littérature, tout en me permettant de batifoler ailleurs quand l’envie m’en prend.
Les Radieuses est un webzine à la page, et au lieu de me croire sur parole, le mieux est d’aller vérifier de quoi il en retourne. C'est ici et elles sont très accueillantes. Je suis heureuse d’en faire partie et ma première chronique paraitra le 15 mars (oui, oui, mars s’en vient …).
Et vous, que lisez-vous ? ...
mardi 29 janvier 2019
mercredi 16 janvier 2019
Harakiri de Maryse Latendresse
Un roman couleur peau. Sa couverture m’a fait de l’oeil, j’ai plongé et puis voilà j’en suis ressorti avec la conviction que pour sauver un enfant du désespoir, on se sauve soi-même. Un père et une mère ne s’aiment pas et cela, depuis trop longtemps. Un enfant est né de ce « non-amour », une fillette de six ans, vive d’esprit qui, elle, aime également ses parents.
Une histoire comme il y en a trop, de parents enchaînés, mais ce qui est distinctif sont les problèmes mentaux de la mère, suffisamment importants pour sauter sur le père et lui ouvrir le ventre et, par la suite, retourner le couteau vers son propre ventre. Écrire cette atrocité noir sur blanc m’apparait si tragique que je me demande, après coup, comment j’ai fait pour lire ce roman le cœur léger. C’est bien simple, j’y suis arrivé parce que là n’est pas le propos. Si on s’arrête à ce début, on s’arrête au déclencheur, et on laisse tomber l’essence même de cette histoire qui est toute en douceur et en subtilité.
L’homme, ou le papa repose dans un profond coma, tandis que la maman, moins affectée physiquement (à ce qu’il m’a semblé) est enfermée dans une aile psychiatrique. La petite fille se retrouve donc sans parents fonctionnels. Elle a une grand-maman qui fait son possible, mais la fillette est clairement attirée par la grande amie adulte. Elle l’a même choisie pour s’occuper d’elle, puisqu’après avoir assisté à la scène Harakiri, la petite part à pied pour retrouver cette amie adulte chez elle. Ce qu’elle ne sait pas du haut de ses six ans, c’est que cette amie est la maîtresse de son père depuis six ans, et qu’elle a trahi sa mère dont elle est l’amie. La maîtresse est donc le trait d’union entre ses parents, ce que la petite doit percevoir. Bien entendu, la relation extra-maritale était sous le couvert du secret.
Le roman relate cette relation improbable entre la maitresse du papa et sa petite fille. Nous suivons les aléas de ce duo de traumatisées, deux cœurs aimants, secouées par un choc monumental. Chez l’enfant, un signe tangible de choc : elle ne peut plus prononcer un seul mot. Muette. Reparlera-t-elle un jour ? La maîtresse du père veille sur elle et tente de lui offrir assez de sécurité pour qu’elle s’abandonne de nouveau à la Vie.
La situation pour l’amoureuse du père est très inconvenante. Posture inconfortable, la culpabilité la tient à la gorge mais l’urgence de la situation l’oblige à continuer de parler, de penser, d’écrire. On entre dans l’intimité de cette femme placée dans une situation des plus stressantes. Ses pensées se déposent par courts paragraphes qui s’enchaînent même s’ils sont interdépendants. Des touches douces, empreintes de tendresse et de réalisme avancent sur un champ miné. La situation est étouffante, mais l'aération des paragraphes de diverses tailles contribue à apaiser. Comment réagir dans une situation aussi incongrue où l’on doit garder le silence pour ne pas pousser le traumatisme de l’enfant dans ses derniers retranchements ? Aucun mode d’emploi.
C’est l’amour pour le père transféré sur la petite fille qui agira comme catharsis. Oublier son égo pour l’amour d’un enfant, pour qu’il s’épanouisse malgré l’injustice qu’il vient de vivre. Transcender sa douleur pour sauver un enfant du marasme. Ces paragraphes ont œuvré sur moi comme par magie. Je me suis laissé amadouer par ce style souple, juste et franc. J’ai vécu quelques frustrations face aux hauts et bas du bilan de santé du père comateux mais, sinon, je me suis laissé absorbée par la générosité du geste d’une femme forte et la résilience d’une enfant en bas âge.
Une fois la scène violente derrière moi, j’ai laissé le style de Maryse Latendresse magnifier les maux et j’en suis sortie apaisée.
Une histoire comme il y en a trop, de parents enchaînés, mais ce qui est distinctif sont les problèmes mentaux de la mère, suffisamment importants pour sauter sur le père et lui ouvrir le ventre et, par la suite, retourner le couteau vers son propre ventre. Écrire cette atrocité noir sur blanc m’apparait si tragique que je me demande, après coup, comment j’ai fait pour lire ce roman le cœur léger. C’est bien simple, j’y suis arrivé parce que là n’est pas le propos. Si on s’arrête à ce début, on s’arrête au déclencheur, et on laisse tomber l’essence même de cette histoire qui est toute en douceur et en subtilité.
L’homme, ou le papa repose dans un profond coma, tandis que la maman, moins affectée physiquement (à ce qu’il m’a semblé) est enfermée dans une aile psychiatrique. La petite fille se retrouve donc sans parents fonctionnels. Elle a une grand-maman qui fait son possible, mais la fillette est clairement attirée par la grande amie adulte. Elle l’a même choisie pour s’occuper d’elle, puisqu’après avoir assisté à la scène Harakiri, la petite part à pied pour retrouver cette amie adulte chez elle. Ce qu’elle ne sait pas du haut de ses six ans, c’est que cette amie est la maîtresse de son père depuis six ans, et qu’elle a trahi sa mère dont elle est l’amie. La maîtresse est donc le trait d’union entre ses parents, ce que la petite doit percevoir. Bien entendu, la relation extra-maritale était sous le couvert du secret.
Le roman relate cette relation improbable entre la maitresse du papa et sa petite fille. Nous suivons les aléas de ce duo de traumatisées, deux cœurs aimants, secouées par un choc monumental. Chez l’enfant, un signe tangible de choc : elle ne peut plus prononcer un seul mot. Muette. Reparlera-t-elle un jour ? La maîtresse du père veille sur elle et tente de lui offrir assez de sécurité pour qu’elle s’abandonne de nouveau à la Vie.
La situation pour l’amoureuse du père est très inconvenante. Posture inconfortable, la culpabilité la tient à la gorge mais l’urgence de la situation l’oblige à continuer de parler, de penser, d’écrire. On entre dans l’intimité de cette femme placée dans une situation des plus stressantes. Ses pensées se déposent par courts paragraphes qui s’enchaînent même s’ils sont interdépendants. Des touches douces, empreintes de tendresse et de réalisme avancent sur un champ miné. La situation est étouffante, mais l'aération des paragraphes de diverses tailles contribue à apaiser. Comment réagir dans une situation aussi incongrue où l’on doit garder le silence pour ne pas pousser le traumatisme de l’enfant dans ses derniers retranchements ? Aucun mode d’emploi.
C’est l’amour pour le père transféré sur la petite fille qui agira comme catharsis. Oublier son égo pour l’amour d’un enfant, pour qu’il s’épanouisse malgré l’injustice qu’il vient de vivre. Transcender sa douleur pour sauver un enfant du marasme. Ces paragraphes ont œuvré sur moi comme par magie. Je me suis laissé amadouer par ce style souple, juste et franc. J’ai vécu quelques frustrations face aux hauts et bas du bilan de santé du père comateux mais, sinon, je me suis laissé absorbée par la générosité du geste d’une femme forte et la résilience d’une enfant en bas âge.
Une fois la scène violente derrière moi, j’ai laissé le style de Maryse Latendresse magnifier les maux et j’en suis sortie apaisée.
samedi 29 décembre 2018
Le corps des bêtes de Audrée Wilhelmy
Je suis fière d’être arrivée à lire ce bouquin, à prendre avec des pincettes, tellement il est d’une classe à part. J’avoue même avoir vécu deux départs ; le premier, le faux, puisque j'ai abandonné dès les premières pages. Mais je n’avais pas dit mon dernier mot de lectrice, je tenais à le reprendre. Ce qui fut fait.
Il est à peu près impossible, à mon avis, de lire cette histoire en conservant son indifférence, celle-ci ne tiendrait pas la route, trop d’actions étonnantes, sorties du banal quotidien, nous amènent et ramènent à des réactions émotives. Moi, ce sont particulièrement les scènes de désir organique de la mère par les garçons qui créaient chez moi un malaise certain. J’ai eu à me battre avec mon auto censure. Je suis finalement arrivé à la dompter, et j’ai pu laisser venir les mots d’Audrée Wilhelmy qui avait un tableau de vie à me dessiner.
Parlons des personnages et du lieu car il est difficile de résumer l’histoire par des actions. Vous l’aurez déjà pressenti ; ce n’est pas un livre d’action, c’en est un d’ambiance.
Un projecteur est braqué sur ce qui semble une île, tellement la civilisation est loin. Une famille autosuffisante y vit, à huit heures de distance du village le plus près. Les mâles occupent une place prépondérante, en l’occurrence, deux frères très différents un de l’autre. Un des frères est sédentaire, il fait le guet à partir d’un phare qui regarde au loin, l’autre est voyageur, se laisse avaler par les bois et reviens avec des bêtes pour nourrir la famille. C’est celui qui va au village, s’il y a une nécessité. C’est « La vieille », la grand-mère qui veille à faire rouler le ménage de cette famille de quatre jeunes enfants : Mie l’ainée, un bambin et deux frères d’une dizaine d’années. Où est la mère ? Elle n’habite pas le phare comme le reste de la famille, plutôt une piaule sur le terrain. Elle est sauvage, ce qui n’empêche pas d’être une femme vivement désirée par les deux frères. En traitant la mère de « sauvage », j’ai presque l’impression de blasphémer en le disant, mais c’est ainsi que je l’ai perçue.
En soulevant la question des perceptions, j’arrive à l’essence du roman. Aucune voix narrative ou autre ne vient interpréter ce que l’on voit. Nous sommes laissés seuls avec notre conscience, ou notre morale, si on en a une. Le lecteur a à se démerder avec ce qu’il voit. La mère Noé est un personnage très fort. Elle vit un peu comme une bête, elle est instinctive mais ne prend pas soin de ses enfants (les confie à la Vieille). Elle récite des histoires, chante, ne demande rien, laisse sa demeure se détériorer, très inspirée, elle peint sur ses murs. Elle n’a aucune réaction quand les frères la prenne d’assaut, chacun à leur manière : l’un avec de l’affection (le guetteur du phare), l’autre bestialement.
L’intimité avec le lecteur passe par Mie, l’ainée féminine du clan. En Mie, on reconnait des besoins enfantins : un appel d’affection, de sécurité (les couvertures les plus chaudes et douces dans le dortoir à enfants). Elle semble fascinée par sa mère, mais en retour, elle reçoit la balance du temps que du silence. Vu que cette règle du silence prévaut : comment la jeune fille apprendra-t-elle la sexualité ? Mie a douze ans et est tourmentée par cette question. L’auteure lui a donné le pouvoir de s’incarner dans différents animaux, ce qui lui donne une acuité des ébats sexuels. Elle a choisi son oncle (le veilleur) pour la dépuceler.
C’est un roman que j’ai trouvé difficile à vivre pour le côté aride de l’absence. Dans ce lieu isolé, le vent balaie tout : les mots, la tendresse, et surtout, les autres, les personnes hors du clan.
Par exemple, un mammifère s’échoue, la mère le dépèce dans un rituel festif. Cette célébration, je m’en souviens, car elle fut un baume sur l’isolement. Je me suis sentie tout à coup moins seule avec cette famille autosuffisante.
L’écriture est organique, chirurgicale, toujours précise. Ce qui veut être dit, l’est d’une manière poétique et parfaite. Je suis consciente d’avoir déjà oublié certaines scènes, mais d’autres restent à jamais imprimées en moi.
À partir du moment où j’ai abordé cette histoire, plus comme un conte ou, à tout le moins, une fresque comme celle que la mère étends sur les murs de sa chaumière, je me suis rangé du côté de la beauté animale. J’ai accepté de perdre mes points de repère sociaux pour vivre avec une famille si près des animaux qu’ils en deviennent imprégnés.
Une lecture à prescrire à toute personne qui exige de la littérature d’être projeté dans des sphères vierges de tout jugement.
Il est à peu près impossible, à mon avis, de lire cette histoire en conservant son indifférence, celle-ci ne tiendrait pas la route, trop d’actions étonnantes, sorties du banal quotidien, nous amènent et ramènent à des réactions émotives. Moi, ce sont particulièrement les scènes de désir organique de la mère par les garçons qui créaient chez moi un malaise certain. J’ai eu à me battre avec mon auto censure. Je suis finalement arrivé à la dompter, et j’ai pu laisser venir les mots d’Audrée Wilhelmy qui avait un tableau de vie à me dessiner.
Parlons des personnages et du lieu car il est difficile de résumer l’histoire par des actions. Vous l’aurez déjà pressenti ; ce n’est pas un livre d’action, c’en est un d’ambiance.
Un projecteur est braqué sur ce qui semble une île, tellement la civilisation est loin. Une famille autosuffisante y vit, à huit heures de distance du village le plus près. Les mâles occupent une place prépondérante, en l’occurrence, deux frères très différents un de l’autre. Un des frères est sédentaire, il fait le guet à partir d’un phare qui regarde au loin, l’autre est voyageur, se laisse avaler par les bois et reviens avec des bêtes pour nourrir la famille. C’est celui qui va au village, s’il y a une nécessité. C’est « La vieille », la grand-mère qui veille à faire rouler le ménage de cette famille de quatre jeunes enfants : Mie l’ainée, un bambin et deux frères d’une dizaine d’années. Où est la mère ? Elle n’habite pas le phare comme le reste de la famille, plutôt une piaule sur le terrain. Elle est sauvage, ce qui n’empêche pas d’être une femme vivement désirée par les deux frères. En traitant la mère de « sauvage », j’ai presque l’impression de blasphémer en le disant, mais c’est ainsi que je l’ai perçue.
En soulevant la question des perceptions, j’arrive à l’essence du roman. Aucune voix narrative ou autre ne vient interpréter ce que l’on voit. Nous sommes laissés seuls avec notre conscience, ou notre morale, si on en a une. Le lecteur a à se démerder avec ce qu’il voit. La mère Noé est un personnage très fort. Elle vit un peu comme une bête, elle est instinctive mais ne prend pas soin de ses enfants (les confie à la Vieille). Elle récite des histoires, chante, ne demande rien, laisse sa demeure se détériorer, très inspirée, elle peint sur ses murs. Elle n’a aucune réaction quand les frères la prenne d’assaut, chacun à leur manière : l’un avec de l’affection (le guetteur du phare), l’autre bestialement.
L’intimité avec le lecteur passe par Mie, l’ainée féminine du clan. En Mie, on reconnait des besoins enfantins : un appel d’affection, de sécurité (les couvertures les plus chaudes et douces dans le dortoir à enfants). Elle semble fascinée par sa mère, mais en retour, elle reçoit la balance du temps que du silence. Vu que cette règle du silence prévaut : comment la jeune fille apprendra-t-elle la sexualité ? Mie a douze ans et est tourmentée par cette question. L’auteure lui a donné le pouvoir de s’incarner dans différents animaux, ce qui lui donne une acuité des ébats sexuels. Elle a choisi son oncle (le veilleur) pour la dépuceler.
C’est un roman que j’ai trouvé difficile à vivre pour le côté aride de l’absence. Dans ce lieu isolé, le vent balaie tout : les mots, la tendresse, et surtout, les autres, les personnes hors du clan.
Par exemple, un mammifère s’échoue, la mère le dépèce dans un rituel festif. Cette célébration, je m’en souviens, car elle fut un baume sur l’isolement. Je me suis sentie tout à coup moins seule avec cette famille autosuffisante.
L’écriture est organique, chirurgicale, toujours précise. Ce qui veut être dit, l’est d’une manière poétique et parfaite. Je suis consciente d’avoir déjà oublié certaines scènes, mais d’autres restent à jamais imprimées en moi.
À partir du moment où j’ai abordé cette histoire, plus comme un conte ou, à tout le moins, une fresque comme celle que la mère étends sur les murs de sa chaumière, je me suis rangé du côté de la beauté animale. J’ai accepté de perdre mes points de repère sociaux pour vivre avec une famille si près des animaux qu’ils en deviennent imprégnés.
Une lecture à prescrire à toute personne qui exige de la littérature d’être projeté dans des sphères vierges de tout jugement.
- Le Corps des bêtes, Montréal, éd. Leméac, 2017, 160 p.
- Le Corps des bêtes, Paris, éd. Grasset, 2018, 200 p.
mercredi 12 décembre 2018
160 rue Saint-Viateur ouest - Magali Sauves
Roman pour lequel j’éprouvais d’intenses attentes, tellement j’ai aimé Yiosh! de Magali Sauves. Dangereux, les attentes.
Nous avons droit à un autre personnage tiraillé par la religion ultra-orthodoxe et j’ai nommé le lieutenant de la Sureté du Québec, Mathis Blaustein. Celui-ci est homosexuel, il a donc été éjecté de sa famille hassidique dès que son inclination s’est affirmée. Heureusement pour lui, son histoire d’amour avec un professeur de vocation a tenu son cœur au chaud. On retrouve donc un être assez équilibré pour tenir la fonction exigeante et prestigieuse de lieutenant de la Sureté du Québec. Peut-être que son équilibre tient de cette relation secrète avec sa mère qui, elle, ne l’a pas renié.
Mathis Blaustein est accaparé par une enquête assez spéciale; un ingénieur est retrouvé sans vie avec maintes pustules dégoulinantes sur la peau. La question demeure entière : a-t-il été empoisonné ou est-ce la conséquence de recherches sur les pesticides ? L’enquête est laborieuse et se mène simultanément à la quête d’une femme, Marion, notaire de profession qui tente d’échapper à certaines conséquences de ses actes. Assez rapidement, on verra que des ramifications de l’histoire de Marion s’étendent jusqu’à l’histoire de famille du lieutenant. Plusieurs chassés croisés, plusieurs relations, un aller-retour en Allemagne pour débusquer des vérités, l’histoire est touffue et, parfois, un peu brouillonne.
Il est clair que l’auteure prend soin de son lecteur, qu’il ne s’ennuie jamais et qu’il en ait pour sa grosse dent. L’histoire est originale et ancrée dans la réalité des Juifs hassidiques, donc ma curiosité a été assouvie une fois de plus. La pluralité de personnages forts dilue le caractère de Mathis dont j’ai eu peine à saisir la profondeur. J’aurais apprécié un peu plus d’intimité avec lui, pour une fois qu’un être aussi hors norme se présente à moi. Il m’a un peu échappé, n’ayant cesse de me demander comment il a pu être rejeté comme un vieux chiffon, baigné dans une religion aussi rigide et en garder si peu de séquelles. Je pense que j’ai attendu jusqu’à la fin de sentir les effluves de sa vulnérabilité.
Un roman qui nous tient en haleine mais qui me semble aurait gagné en clarté par un resserrement de l’intrigue principale afin que cette ligne conductrice ne se dilue pas les nombreuses ramifications de l’histoire. Ceci dit, le mystère entourant l’adresse « 160 rue St-Viateur ouest » est des plus singuliers et renforce la pertinence du titre.
Si vous aimez les romans généreux qui mènent plusieurs intrigues dans le milieu hassidique en plein cœur du Mile-End, n’hésitez pas une seconde ; soyez preneur.
160 rue Saint-Viateur ouest
Magali Sauves
Éditions Mémoire d'Encrier
312 pages - Sorti avril 2018
Nous avons droit à un autre personnage tiraillé par la religion ultra-orthodoxe et j’ai nommé le lieutenant de la Sureté du Québec, Mathis Blaustein. Celui-ci est homosexuel, il a donc été éjecté de sa famille hassidique dès que son inclination s’est affirmée. Heureusement pour lui, son histoire d’amour avec un professeur de vocation a tenu son cœur au chaud. On retrouve donc un être assez équilibré pour tenir la fonction exigeante et prestigieuse de lieutenant de la Sureté du Québec. Peut-être que son équilibre tient de cette relation secrète avec sa mère qui, elle, ne l’a pas renié.
Mathis Blaustein est accaparé par une enquête assez spéciale; un ingénieur est retrouvé sans vie avec maintes pustules dégoulinantes sur la peau. La question demeure entière : a-t-il été empoisonné ou est-ce la conséquence de recherches sur les pesticides ? L’enquête est laborieuse et se mène simultanément à la quête d’une femme, Marion, notaire de profession qui tente d’échapper à certaines conséquences de ses actes. Assez rapidement, on verra que des ramifications de l’histoire de Marion s’étendent jusqu’à l’histoire de famille du lieutenant. Plusieurs chassés croisés, plusieurs relations, un aller-retour en Allemagne pour débusquer des vérités, l’histoire est touffue et, parfois, un peu brouillonne.
Il est clair que l’auteure prend soin de son lecteur, qu’il ne s’ennuie jamais et qu’il en ait pour sa grosse dent. L’histoire est originale et ancrée dans la réalité des Juifs hassidiques, donc ma curiosité a été assouvie une fois de plus. La pluralité de personnages forts dilue le caractère de Mathis dont j’ai eu peine à saisir la profondeur. J’aurais apprécié un peu plus d’intimité avec lui, pour une fois qu’un être aussi hors norme se présente à moi. Il m’a un peu échappé, n’ayant cesse de me demander comment il a pu être rejeté comme un vieux chiffon, baigné dans une religion aussi rigide et en garder si peu de séquelles. Je pense que j’ai attendu jusqu’à la fin de sentir les effluves de sa vulnérabilité.
Un roman qui nous tient en haleine mais qui me semble aurait gagné en clarté par un resserrement de l’intrigue principale afin que cette ligne conductrice ne se dilue pas les nombreuses ramifications de l’histoire. Ceci dit, le mystère entourant l’adresse « 160 rue St-Viateur ouest » est des plus singuliers et renforce la pertinence du titre.
Si vous aimez les romans généreux qui mènent plusieurs intrigues dans le milieu hassidique en plein cœur du Mile-End, n’hésitez pas une seconde ; soyez preneur.
160 rue Saint-Viateur ouest
Magali Sauves
Éditions Mémoire d'Encrier
312 pages - Sorti avril 2018
dimanche 25 novembre 2018
Madonna en 30 secondes de Billy Robinson
Aimez-vous Madonna ? J’imagine que la plupart des personnes qui tendront la main vers ce très bel album, répondront « oui ». Pour ma part, je ne l’aimais pas particulièrement, par contre, j’étais, et je le suis encore plus, consciente de son apport en ce bas monde.
Cet album est vraiment attrayant pour les yeux, et même pour le toucher avec son cartonné rigide, im
itation papier Kraft. Vous aurez du plaisir à feuilleter les épaisses pages glacées garnies de moult images colorées. Le visuel est vif et saisissant. Tout est en place pour donner le goût de lire.
Après la forme, le fond maintenant. Disons d’emblée que c’est un album hautement formaté. Je vais tenter de clarifier les divisions. Quand vous ouvrez l’album, vous avez à gauche : du texte, et à droite : une image. Le texte de droite est divisé en trois parties :
« Aperçu en 30 secondes » : La plus longue partie qui étale le sujet.
« Condensé en 3 secondes » : Un résumé de la partie ci-dessus
« Réflexion en 3 minutes » : Un aspect connexe qui mérite de s’y arrêter
On trouve également de temps en temps dans le coin droit un « Saviez-vous? » , puis s’ajoutent dans la marge : une fiche technique et une énumération des sujets connexes et à quelles pages.
Il y aurait sept chapitres. Je dis « aurait », comme si je n’en étais point sûre (!), c’est que je n’ai pas eu l’impression qu’il n’y avait que sept. L’album se présente en tellement de divisions que j’en ai perdu la vue d’ensemble. Faut dire que Madonna est une personne complexe, qui porte plusieurs chapeaux, ce qui rend difficile d’isoler un thème. C’est ce qu’il m’a semblé. Et puis, après tout, englober 35 années d’une carrière remplie et tumultueuse, et cela en 150 pages, c’est carrément un exploit.
J’ai évidemment beaucoup, et encore plus que beaucoup, appris sur Madonna. N’oubliez pas que je partais de rien, ou à peu près. Pour tout vous dire, je ne savais même pas que Madonna est son vrai prénom, le même qu'a porté sa mère. Bien sûr, je me suis demandé si une personne qui a suivi de près cette incroyable carrière en apprendra pour la peine. Je risque un « oui ». Les « saviez-vous » et les « réflexions en 3 minutes » nous réservent des détails qui frappent, qui m'apparaissent précis et pointus.
Madonna n’est pas qu’une artiste hyper performante sur scène, elle est un être qui s’investit et qui investit de sa fortune dans des œuvres caritatives, ainsi que dans l’enfance puisqu’elle a adopté plusieurs enfants. Une femme avec des valeurs, des principes, capable de pousser les extrêmes toujours plus loin. On l’a régulièrement traitée de provocatrice à vide, cet album nous montre la réflexion derrière la plupart de ses extravagances. Faut dire que l’auteur du volume, et il est à peu près temps que j’en parle, est un fan irrémédiable de la carrière fulgurante de Madonna. Il y a consacré temps et énergie depuis 1985, et si vous voulez en avoir une idée cliquer sur "fan phénoménal" et vous aurez droit à un vidéo de sa Madonnathèque. Cette passion le rend digne de confiance dans les affirmations qu’il avance. Il est à noter que Billy Robinson a fondé en 1996 le premier site web francophone consacré à cette illustre star de la Pop.
Autant les divisions et subdivisions sont intéressantes, étayant les compartiments de la vie de la star, autant elles morcèlent l’idée globale que l’on peut tirer du personnage Madonna. Faut dire que je suis une habituée des biographies où l’on entre dans la vie qui déboule en un fil continu comme si c’était un roman. Il faut s’attendre à autre chose de cet album qui compile et divise. Encore là, les vrais adeptes de Madonna sauront mieux que moi enchaîner les faits sa vie et en faire un tout homogène, parce que moi lorsque j’ai fermé le couvercle sur ces données, j’ai vu et je vois encore Madonna en mille et un morceaux. D’ailleurs, par certaines divisions qui se chevauchent, on évite mal certaines informations qui se dédoublent. Mais qu’importe, ce n’est pas très dérangeant, ça confirme et aide à mémoriser les moments forts de sa vie.
Pour terminer en images, les montages d’illustrations et de photos prennent d’assaut la moitié gauche de l’album et, pourtant, aucune mention autre que celles que l’on retrouve habituellement en petits caractères sous la couverture. J’y ai repéré que la direction artistique a été commise par René St-Amant et le défi Maquette et illustrations a été relevé par Nathalie Duperré. Sans ces images excitantes, ce livre sortirait amoindri, ses artisans méritent à mon avis une attention particulière. D'ailleurs, si Billy Robinson, par sa Madonnathèque a participé à nourrir ces images, il aurait été intéressant de l'apprendre d'une manière ou d'une autre.
Je sors heureuse de mon initiation, je saisis maintenant l'ampleur du phénomène Madonna. L’album est si attrayant, je n’hésite pas à le classer parmi les « beaux livres » et, fait rare, à un prix abordable : 22.95$. C’est la première fois que je souligne un prix, parce que je considère que pour un album de cette qualité, qu’on se plait à feuilleter de nouveau et à conserver précieusement, le prix est franchement modique.
J’espère que Le Père Noël n’oubliera pas de le déposer au pied du sapin, pour éviter des représailles des fans de Madonna !
Cet album est vraiment attrayant pour les yeux, et même pour le toucher avec son cartonné rigide, im
itation papier Kraft. Vous aurez du plaisir à feuilleter les épaisses pages glacées garnies de moult images colorées. Le visuel est vif et saisissant. Tout est en place pour donner le goût de lire.
Après la forme, le fond maintenant. Disons d’emblée que c’est un album hautement formaté. Je vais tenter de clarifier les divisions. Quand vous ouvrez l’album, vous avez à gauche : du texte, et à droite : une image. Le texte de droite est divisé en trois parties :
« Aperçu en 30 secondes » : La plus longue partie qui étale le sujet.
« Condensé en 3 secondes » : Un résumé de la partie ci-dessus
« Réflexion en 3 minutes » : Un aspect connexe qui mérite de s’y arrêter
On trouve également de temps en temps dans le coin droit un « Saviez-vous? » , puis s’ajoutent dans la marge : une fiche technique et une énumération des sujets connexes et à quelles pages.
Il y aurait sept chapitres. Je dis « aurait », comme si je n’en étais point sûre (!), c’est que je n’ai pas eu l’impression qu’il n’y avait que sept. L’album se présente en tellement de divisions que j’en ai perdu la vue d’ensemble. Faut dire que Madonna est une personne complexe, qui porte plusieurs chapeaux, ce qui rend difficile d’isoler un thème. C’est ce qu’il m’a semblé. Et puis, après tout, englober 35 années d’une carrière remplie et tumultueuse, et cela en 150 pages, c’est carrément un exploit.
J’ai évidemment beaucoup, et encore plus que beaucoup, appris sur Madonna. N’oubliez pas que je partais de rien, ou à peu près. Pour tout vous dire, je ne savais même pas que Madonna est son vrai prénom, le même qu'a porté sa mère. Bien sûr, je me suis demandé si une personne qui a suivi de près cette incroyable carrière en apprendra pour la peine. Je risque un « oui ». Les « saviez-vous » et les « réflexions en 3 minutes » nous réservent des détails qui frappent, qui m'apparaissent précis et pointus.
Madonna n’est pas qu’une artiste hyper performante sur scène, elle est un être qui s’investit et qui investit de sa fortune dans des œuvres caritatives, ainsi que dans l’enfance puisqu’elle a adopté plusieurs enfants. Une femme avec des valeurs, des principes, capable de pousser les extrêmes toujours plus loin. On l’a régulièrement traitée de provocatrice à vide, cet album nous montre la réflexion derrière la plupart de ses extravagances. Faut dire que l’auteur du volume, et il est à peu près temps que j’en parle, est un fan irrémédiable de la carrière fulgurante de Madonna. Il y a consacré temps et énergie depuis 1985, et si vous voulez en avoir une idée cliquer sur "fan phénoménal" et vous aurez droit à un vidéo de sa Madonnathèque. Cette passion le rend digne de confiance dans les affirmations qu’il avance. Il est à noter que Billy Robinson a fondé en 1996 le premier site web francophone consacré à cette illustre star de la Pop.
Autant les divisions et subdivisions sont intéressantes, étayant les compartiments de la vie de la star, autant elles morcèlent l’idée globale que l’on peut tirer du personnage Madonna. Faut dire que je suis une habituée des biographies où l’on entre dans la vie qui déboule en un fil continu comme si c’était un roman. Il faut s’attendre à autre chose de cet album qui compile et divise. Encore là, les vrais adeptes de Madonna sauront mieux que moi enchaîner les faits sa vie et en faire un tout homogène, parce que moi lorsque j’ai fermé le couvercle sur ces données, j’ai vu et je vois encore Madonna en mille et un morceaux. D’ailleurs, par certaines divisions qui se chevauchent, on évite mal certaines informations qui se dédoublent. Mais qu’importe, ce n’est pas très dérangeant, ça confirme et aide à mémoriser les moments forts de sa vie.
Pour terminer en images, les montages d’illustrations et de photos prennent d’assaut la moitié gauche de l’album et, pourtant, aucune mention autre que celles que l’on retrouve habituellement en petits caractères sous la couverture. J’y ai repéré que la direction artistique a été commise par René St-Amant et le défi Maquette et illustrations a été relevé par Nathalie Duperré. Sans ces images excitantes, ce livre sortirait amoindri, ses artisans méritent à mon avis une attention particulière. D'ailleurs, si Billy Robinson, par sa Madonnathèque a participé à nourrir ces images, il aurait été intéressant de l'apprendre d'une manière ou d'une autre.
Je sors heureuse de mon initiation, je saisis maintenant l'ampleur du phénomène Madonna. L’album est si attrayant, je n’hésite pas à le classer parmi les « beaux livres » et, fait rare, à un prix abordable : 22.95$. C’est la première fois que je souligne un prix, parce que je considère que pour un album de cette qualité, qu’on se plait à feuilleter de nouveau et à conserver précieusement, le prix est franchement modique.
J’espère que Le Père Noël n’oubliera pas de le déposer au pied du sapin, pour éviter des représailles des fans de Madonna !
vendredi 9 novembre 2018
Turbulences du coeur de Nathalie Roy
Nathalie Roy se définit comme une romancière d’histoires au féminin. Turbulences du cœur est son dixième roman et, au lieu, d’y aller avec du familier, du connu, du confortable la "femme", elle s’est lancée avec un protagoniste principal masculin : Louis-Philippe Rousseau.
J’avais une toute petite crainte en commençant à lire, car franchement Nathalie Roy connait la femme sur le bouts de ses doigts : son sens du détail, son habilité à se dévouer, ses goûts, ses habitudes et ses attirances. Je me demandais si son homme serait aussi crédible. Le test est passé, j’ai cru à ce bon diable en mal de changer de vie !
On surprend ce grand avocat à l’orée de la quarantaine, et si on fait le calcul, il engendré son ado de 15 ans à l’âge de 24 ans. On se doute bien que sa fille, Romy a été, jusqu’à date, une empêcheuse de tourner en rond dans sa vie de « quasi » célibataire. Jusqu’à date, Romy était la fille à sa maman, Louis-Philippe devenant père de fin de semaine uniquement. C’est que monsieur est un avocat ambitieux dans un grand bureau où on carbure au travail.
Les premiers chapitres nous exposent cette vie réglée au quart de tour, avec parfois des éclaircies dans le cerveau de l’homme où s’infiltrent ces questions ; est-ce que j’aurais laissé passer la femme de ma vie ? Suis-je en train de négliger ma fille ? Est-ce que mon précieux assistant, William a raison de se plaindre d’une surcharge de travail ?
Nathalie Roy joue des relations homme-femme, comme un chat avec une souris, habilement et dans le plaisir de la capture. Sa force est indéniable : lorsque le personnage est convaincu d’aimer pour la vie, le lecteur l’est tout autant. Pour mon plus grand plaisir, je me suis fait prendre dans la souricière à quelques reprises, je n’avais pas vu venir le dénouement et tant mieux ! J’aime être déjouée.
Le roman commence lentement, comme un lourd véhicule qui doit réchauffer son moteur avant de s’élancer à bonne vitesse. La peur de m’ennuyer dans du convenu m’a effleuré et puis, hop, on change de continent, le rythme change, la routine casse. On a un condo et des plages à visiter en Floride. J’ai senti l’auteure bien connaître les lieux et son plaisir d’y séjourner était palpable.
Tout en défilant l’histoire principale, différents thèmes sont abordés : le transgenre, l’homosexualité féminine, la filiation reniée. Évidemment, ce n’est pas un drame psychologique mais si on veut s’y arrêter, il y a une amorce de réflexion.
Pour être honnête, ma relation préférée est la progressive prise en charge de l’adolescente par le père. L’adolescente est bien campée, le casting est excellent ! Le père y met du sien pour rattraper le temps perdu et l’ensemble parait plausible. C’est une lecture qui peut faire du bien à des pères qui ont perdu la foi en leur capacité paternelle. L’auteure donne le droit de croire qu’il est possible de renouer avec notre enfant si on est motivé.
Je dois m’en confesser, j’ai eu de la difficulté avec la personne de mon âge qui pourrait être mon amie et je nomme ici : Marguerite, la mère du protagoniste. Avec son « je sais tout et je te connais tellement, et ces incessants lapineau », elle avait de quoi m’énerver. En fait, je trouvais Louis-Philippe bien bon de la trouver charmante. Peut-être est-cela la plus grosse différence entre un homme et une femme dans la relation à sa mère, l’homme est plus clément. Tant mieux pour lui, s’il roulait les yeux d’agacement et finissait par sourire d’indulgence ! Pour moi, le charme n’a pas passé la rampe. Trop d’amour et d’attention, c’est aussi pire que pas assez ! Je lui accorde cependant qu’elle est une femme déterminée car elle aura gain de cause (un secret à découvrir).
Est-ce que l’on peut conclure pour autant que je suis allergique aux portraits de femmes fortes, se tenant près d’une femme idéalisée ? Non, car il y a une femme fascinante dans cette histoire et celle-ci, je fais plus que l’endosser, je veux la voir vivre sous mes yeux. Et je risque d’être exaucée … en dire plus serait trop en dire.
Allez, faites comme l’auteure, n’ayez pas peur de l’homme, et plongez dans son cœur, malgré les turbulences.
Turbulences du coeur
Nathalie Roy
Libre Expression
344 pages
Sortie en octobre 2018
J’avais une toute petite crainte en commençant à lire, car franchement Nathalie Roy connait la femme sur le bouts de ses doigts : son sens du détail, son habilité à se dévouer, ses goûts, ses habitudes et ses attirances. Je me demandais si son homme serait aussi crédible. Le test est passé, j’ai cru à ce bon diable en mal de changer de vie !
On surprend ce grand avocat à l’orée de la quarantaine, et si on fait le calcul, il engendré son ado de 15 ans à l’âge de 24 ans. On se doute bien que sa fille, Romy a été, jusqu’à date, une empêcheuse de tourner en rond dans sa vie de « quasi » célibataire. Jusqu’à date, Romy était la fille à sa maman, Louis-Philippe devenant père de fin de semaine uniquement. C’est que monsieur est un avocat ambitieux dans un grand bureau où on carbure au travail.
Les premiers chapitres nous exposent cette vie réglée au quart de tour, avec parfois des éclaircies dans le cerveau de l’homme où s’infiltrent ces questions ; est-ce que j’aurais laissé passer la femme de ma vie ? Suis-je en train de négliger ma fille ? Est-ce que mon précieux assistant, William a raison de se plaindre d’une surcharge de travail ?
Nathalie Roy joue des relations homme-femme, comme un chat avec une souris, habilement et dans le plaisir de la capture. Sa force est indéniable : lorsque le personnage est convaincu d’aimer pour la vie, le lecteur l’est tout autant. Pour mon plus grand plaisir, je me suis fait prendre dans la souricière à quelques reprises, je n’avais pas vu venir le dénouement et tant mieux ! J’aime être déjouée.
Le roman commence lentement, comme un lourd véhicule qui doit réchauffer son moteur avant de s’élancer à bonne vitesse. La peur de m’ennuyer dans du convenu m’a effleuré et puis, hop, on change de continent, le rythme change, la routine casse. On a un condo et des plages à visiter en Floride. J’ai senti l’auteure bien connaître les lieux et son plaisir d’y séjourner était palpable.
Tout en défilant l’histoire principale, différents thèmes sont abordés : le transgenre, l’homosexualité féminine, la filiation reniée. Évidemment, ce n’est pas un drame psychologique mais si on veut s’y arrêter, il y a une amorce de réflexion.
Pour être honnête, ma relation préférée est la progressive prise en charge de l’adolescente par le père. L’adolescente est bien campée, le casting est excellent ! Le père y met du sien pour rattraper le temps perdu et l’ensemble parait plausible. C’est une lecture qui peut faire du bien à des pères qui ont perdu la foi en leur capacité paternelle. L’auteure donne le droit de croire qu’il est possible de renouer avec notre enfant si on est motivé.
Je dois m’en confesser, j’ai eu de la difficulté avec la personne de mon âge qui pourrait être mon amie et je nomme ici : Marguerite, la mère du protagoniste. Avec son « je sais tout et je te connais tellement, et ces incessants lapineau », elle avait de quoi m’énerver. En fait, je trouvais Louis-Philippe bien bon de la trouver charmante. Peut-être est-cela la plus grosse différence entre un homme et une femme dans la relation à sa mère, l’homme est plus clément. Tant mieux pour lui, s’il roulait les yeux d’agacement et finissait par sourire d’indulgence ! Pour moi, le charme n’a pas passé la rampe. Trop d’amour et d’attention, c’est aussi pire que pas assez ! Je lui accorde cependant qu’elle est une femme déterminée car elle aura gain de cause (un secret à découvrir).
Est-ce que l’on peut conclure pour autant que je suis allergique aux portraits de femmes fortes, se tenant près d’une femme idéalisée ? Non, car il y a une femme fascinante dans cette histoire et celle-ci, je fais plus que l’endosser, je veux la voir vivre sous mes yeux. Et je risque d’être exaucée … en dire plus serait trop en dire.
Allez, faites comme l’auteure, n’ayez pas peur de l’homme, et plongez dans son cœur, malgré les turbulences.
Turbulences du coeur
Nathalie Roy
Libre Expression
344 pages
Sortie en octobre 2018
samedi 27 octobre 2018
L'Inextinguible de Maxime-Olivier Moutier
J’ai lu ce livre quand il est sorti début 2018. Ce sont 15 entretiens menés par Paula Singer (un pseudo, selon ses dires). J’aime le genre « entretien » et ma curiosité est toujours en alerte devant Maxime-Olivier Moutier, cet être tellement confortable dans son unicité.
Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais ce livre a fait une mini tempête dans les médias autour du mois de février 2018. Je vais utiliser la fameuse expression « une tempête dans un verre d’eau ». Des journalistes aguerris se prenaient la tête : « Est-ce que Paula Singer est vraie ou fictive ? ». Autrement dit, est-ce que l’étudiante qui a initié les entrevues, accompagnée d’une autre étudiante, Sophie Galarneau sont de pures inventions issues du cerveau désordonné et égocentrique de Moutier ? Je n’avais jamais vu des intervenants du domaine littéraire s’arrêter à cette question bêbête : vrai ou faux ? Depuis quand c’est important de départager le vrai du faux en littérature ! J’ai eu beau chercher, même après ma lecture, la question du siècle perdure : pourquoi diable avoir tant accroché sur le vrai ou faux !
Le livre est généreux, parce que Moutier l’a été. Il a répondu à toutes les questions de ces jeunes dames. J’ai certainement appris à mieux le connaître et je n’ai pas été déçue une miette du personnage. Je dis « personnage », au lieu de personne parce que Maxime Olivier Moutier est si particulier, si poussé comme être humain, que j’ai tendance à le prendre pour un personnage. D’ailleurs, se prend-il pour tel ? C’est intéressant de se poser la question. Ses affirmations sur le féminisme ou n’importe laquelle des énormités qu’il énonce, dans un semblant d’indifférence, ne me font pas frémir. Je prends toujours ce qu’il dit avec un grain de sel. Il a besoin de vérifier la vérité en la retournant de tous les côtés pour en apercevoir les aspérités. Il la tient loin de lui, ce qui lui confère du recul, générateur de plein de déductions. Il ne faut donc pas prendre ce qu’il dit au pied de la lettre. Il explore. Il analyse.
Les entretiens auraient pu être banals, car les questions l’étaient. Cela a tombé sur la bonne personne, car rien n’est banal avec M.O.M., ni son enfance, ni ses métiers, ni ses études, ni ses opinions. Qui connaît un peu le pouvoir de la psychanalyse a une idée du fonctionnement d’une personne comme lui. Il s’analyse au fur et à mesure qu’il vit. Une psychanalyse, ça ne se complète jamais, tant qu’il y a de la vie, il y a de la matière à analyser. C’est la science de l’étude de soi, de cette relation subtile et laborieuse entre le conscient et l’inconscient.
Si vous êtes curieux de la psychanalyse, allez-y allègrement, lisez L’inextinguible et si vous êtes curieux tout court, lisez ce bouquin qui ne se compare à aucun autre. Peut-être trouverez-vous pourquoi, il faut autant détecter si l’intervieweuse est fictive ou non ! Vous vous en sortirez avec une meilleure connaissance de la psychanalyse, et pas seulement parce que l’interviewé est psychanalyste, plus parce qu’une passion l’allume. Il est convaincu du bienfait de l’analyse sur une personne. Il fait allusion à plusieurs reprises à Lacan, un pair de Freud, si j'ai bien compris. Ça a piqué ma curiosité et j’ai trouvé ceci : Quel est le but de la psychanalyse lacanienne ? Cerner l’origine de nos névroses grâce à la parole et au décodage de notre inconscient. Sa spécificité ? Des séances à durée variable.
Bref, Maxime-Olivier Moutier est le serviteur royal de la polémique. Il y croit énormément car, selon lui, elle sert : « à se rappeler que nous ne possédons jamais la vérité et que nous nous trompons tout le temps ». J’aime cette humilité. Ça va le changer, lui qui se fait continuellement traiter d’imbu de lui-même ! J’aime les gens qui questionnent sans cesse leurs réponses, et Moutier est de cet acabit.
J’ai moi aussi réalisée combien je suis unique (sans prétention !), en prenant possession de ce « 352 pages ». Contrairement aux critiques, j’ai aimé les notes post-entrevues de Paula Singer et ses disdascalies. Les précisions étaient consignées en limpides phrases brillantes de banalités, mon esprit n’avait plus d’autre choix que d’atterrir tout en douceur de son vol plané. En plus, elles m’intriguaient ces étudiantes. Je les trouvais plus mystérieuses que l’interviewé de qui, on s’attend à tout, ce qui sert de pare-surprise.
Pour ce qui est de la fin, car une fin à la fin il y a, je la laisse en suspens. Personne n’y est resté indifférent, et moi non plus. Pour garder un peu du suspense, je parlerais d’une cerise sur le sundae de tout bon voyeur qu’est le lecteur.
L'Inextinguible - Entretiens avec Maxime-Olivier Moutier
Initiés par Paula Singer
Collection Hamac
2018 - 352 pages
Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais ce livre a fait une mini tempête dans les médias autour du mois de février 2018. Je vais utiliser la fameuse expression « une tempête dans un verre d’eau ». Des journalistes aguerris se prenaient la tête : « Est-ce que Paula Singer est vraie ou fictive ? ». Autrement dit, est-ce que l’étudiante qui a initié les entrevues, accompagnée d’une autre étudiante, Sophie Galarneau sont de pures inventions issues du cerveau désordonné et égocentrique de Moutier ? Je n’avais jamais vu des intervenants du domaine littéraire s’arrêter à cette question bêbête : vrai ou faux ? Depuis quand c’est important de départager le vrai du faux en littérature ! J’ai eu beau chercher, même après ma lecture, la question du siècle perdure : pourquoi diable avoir tant accroché sur le vrai ou faux !
Le livre est généreux, parce que Moutier l’a été. Il a répondu à toutes les questions de ces jeunes dames. J’ai certainement appris à mieux le connaître et je n’ai pas été déçue une miette du personnage. Je dis « personnage », au lieu de personne parce que Maxime Olivier Moutier est si particulier, si poussé comme être humain, que j’ai tendance à le prendre pour un personnage. D’ailleurs, se prend-il pour tel ? C’est intéressant de se poser la question. Ses affirmations sur le féminisme ou n’importe laquelle des énormités qu’il énonce, dans un semblant d’indifférence, ne me font pas frémir. Je prends toujours ce qu’il dit avec un grain de sel. Il a besoin de vérifier la vérité en la retournant de tous les côtés pour en apercevoir les aspérités. Il la tient loin de lui, ce qui lui confère du recul, générateur de plein de déductions. Il ne faut donc pas prendre ce qu’il dit au pied de la lettre. Il explore. Il analyse.
Les entretiens auraient pu être banals, car les questions l’étaient. Cela a tombé sur la bonne personne, car rien n’est banal avec M.O.M., ni son enfance, ni ses métiers, ni ses études, ni ses opinions. Qui connaît un peu le pouvoir de la psychanalyse a une idée du fonctionnement d’une personne comme lui. Il s’analyse au fur et à mesure qu’il vit. Une psychanalyse, ça ne se complète jamais, tant qu’il y a de la vie, il y a de la matière à analyser. C’est la science de l’étude de soi, de cette relation subtile et laborieuse entre le conscient et l’inconscient.
Si vous êtes curieux de la psychanalyse, allez-y allègrement, lisez L’inextinguible et si vous êtes curieux tout court, lisez ce bouquin qui ne se compare à aucun autre. Peut-être trouverez-vous pourquoi, il faut autant détecter si l’intervieweuse est fictive ou non ! Vous vous en sortirez avec une meilleure connaissance de la psychanalyse, et pas seulement parce que l’interviewé est psychanalyste, plus parce qu’une passion l’allume. Il est convaincu du bienfait de l’analyse sur une personne. Il fait allusion à plusieurs reprises à Lacan, un pair de Freud, si j'ai bien compris. Ça a piqué ma curiosité et j’ai trouvé ceci : Quel est le but de la psychanalyse lacanienne ? Cerner l’origine de nos névroses grâce à la parole et au décodage de notre inconscient. Sa spécificité ? Des séances à durée variable.
Bref, Maxime-Olivier Moutier est le serviteur royal de la polémique. Il y croit énormément car, selon lui, elle sert : « à se rappeler que nous ne possédons jamais la vérité et que nous nous trompons tout le temps ». J’aime cette humilité. Ça va le changer, lui qui se fait continuellement traiter d’imbu de lui-même ! J’aime les gens qui questionnent sans cesse leurs réponses, et Moutier est de cet acabit.
J’ai moi aussi réalisée combien je suis unique (sans prétention !), en prenant possession de ce « 352 pages ». Contrairement aux critiques, j’ai aimé les notes post-entrevues de Paula Singer et ses disdascalies. Les précisions étaient consignées en limpides phrases brillantes de banalités, mon esprit n’avait plus d’autre choix que d’atterrir tout en douceur de son vol plané. En plus, elles m’intriguaient ces étudiantes. Je les trouvais plus mystérieuses que l’interviewé de qui, on s’attend à tout, ce qui sert de pare-surprise.
Pour ce qui est de la fin, car une fin à la fin il y a, je la laisse en suspens. Personne n’y est resté indifférent, et moi non plus. Pour garder un peu du suspense, je parlerais d’une cerise sur le sundae de tout bon voyeur qu’est le lecteur.
L'Inextinguible - Entretiens avec Maxime-Olivier Moutier
Initiés par Paula Singer
Collection Hamac
2018 - 352 pages
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