Faites comme chez vous

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c'est recevant !

vendredi 30 mai 2008

Un petit geste de prestidigitation

Il est presque 22 h 00 et j’arrive d’une librairie de Sherbrooke. Je n’avais pas le choix d’y aller (en plus, c’est ma première sortie depuis vous savez quoi) puisque j’ai gagné des billets de cinéma pour "Le piège américain" via le « Voir » et il faut aller les quérir au Tourne-Livre. C’est la règle et c’est le piège ! C’est en ces lieux que j’ai été happé par ma saga épistolaire de Gabrielle Roy à son grand fou de mari.

Cette fois-ci, j’entre, et tout de suite mon œil repère le livre qui était, l’autre jour, couché à côté de ma brique de 900 pages. Même couleur, même facture, même photo, même auteure, sans l’épaisseur. Cette fois-ci, parlons d’une dalle de patio, plus que d’une brique. C’est la Gabrielle des amies femmes de lettres et je ne l’ai pas encore rencontrée celle-là. L’auteure qui écrit à d’autres auteures : Simone Routier, Jeanne Lapointe, Cécile Chabot, Simone Buissières, Michèle Le Normand, Adrienne Choquette, Claire Martin et Alice Lemieux-Lévesque. Femmes de lettres (le titre) « s’échelonne entre 1945 et 1978 et cette correspondance brosse, autour de Gabrielle Roy, le portrait d’une petite communauté littéraire féminine bien vivante, relativement indépendante et où priment la sollicitude et la solidarité. ».

Sans ralentir mon pas ou à peine, d’un geste de prestidigitation, il se glisse dans le creux de ma paume et j’atteins rapidement le comptoir du commis, lequel m’avait tout de suite repérée et reconnue, allant toujours lui chercher des billets gagnés. Je dépose le livre sur le comptoir. Il l’aperçoit : « Ah ? Vous l’avez, vous aussi ? » bredouille-t-il. « Non » et en le disant, je comprends tout à coup la méprise ; il ne m’a pas vu prendre le livre, je ferai une voleuse hors pair si j’avais la conscience professionnelle du métier (!), je l’ouvre à la première page, il découvre le prix inscrit comme seul une librairie de livres usagés sait inscrire les prix, à la mine, mine de rien. Il est déconcerté mais obligatoirement, il doit se secouer et envoyer un message à son cerveau lorsque je sors un billet de 20 $ que je lui tends. D’un geste mécanique, il me remet 7 $, un sourire gêné, ou grimaçant - je vous laisse choisir - à la figure.

J’espère qu’il a fini par comprendre que je suis une voleuse qui ne vole pas.

Et quant à vous, par exemple, avez-vous compris que je vais encore vous entretenir de mon idole posthume ? De ma copine, Roy, de l’au-delà !?

Mais pas tout de suite, quand même, je sais me tenir. Je vais laisser couler de l’encre par les plumes fontaines, histoire de vous aérer les méninges. Comme je vais bientôt refermer ma brique, je commence à jeter un œil du côté de La Héronnière (Lise Tremblay). Un petit geste de prestidigitation et …

mercredi 28 mai 2008

Quand partez-vous ?

Céline Dion danse dans sa tête, moi, je voyage dans ma tête. Toujours prête à partir. Parfois, je pars de loin et accoste près de moi. D’autres fois, je pars de moi et arrive de loin. Quand la Terre dégèle, mon pied danse, dépasse ma tête qui pense.

Le voyage nous fait décoller. On lit pour voyager dans sa tête, oui ? Je ne dois pas être la seule inspirée par le voyage, c’est dans l’air du temps de l’été. Après l’invitation du festival littéraire Métropolis Bleu « L’invitation au voyage », Les Correspondances d’Eastman s’exclame « Tout un voyage ! » à prendre sur un air d’aller vers Eastman du 7 au 10 août.

Et qui l’a dit aussi sur un ton franchement et joyeusement journalistique ? Chantal Guy :

J'avoue que le voyage est pour moi indissociable du livre. La littérature m'aurait fait voyager au propre comme au figuré, avec enthousiasme et naïveté. J'ai déjà fait de l'auto-stop jusqu'à Kamouraska parce que j'aimais le roman d'Anne Hébert. J'ai vécu le même trip à Québec en pensant aux Plouffe de Roger Lemelin. Inutile de parler de Paris, qui attire quotidiennement tous les lecteurs du monde...

Et lorsque je ne connais pas la ville où je débarque, je m'empresse de trouver l'écrivain qui pourrait la représenter. J'ai commencé à lire Bukowski et Bret Easton Ellis quand j'ai dû aller à Los Angeles, qui ne m'intéressait pas du tout. Dans ma tête, New York va à Scott Fitzgerald ou Paul Auster, tandis que Saint-Pétersbourg appartient à Dostoïevski. En contrepartie, j'aimerais bien savoir s'il y a des touristes qui choisissent le Québec à cause d'un livre et si oui, lequel?

L'on n'est pas porté à l'exotisme, au fond, si l'on choisit des destinations qui sont nées de nos lectures. Nous ne faisons qu'aller vérifier sur place des paysages inventés par les écrivains dans nos esprits. Mais seuls les bons lecteurs savent qu'il n'y a pas de plus beau voyage que celui qu'on entreprend sans repères. Ainsi en est-il des lectures. Qui ne font pas tant voyager qu'apprendre à voyager.

Extrait d’un article de Chantal Guy – 18 mai 2008 –cyberpresse.ca

dimanche 25 mai 2008

Je voyage

Elle m’accompagne, je l’accompagne, d’escale en escale et dieu ce qu’elle a de la trotte dans la bottine cette Gabrielle Roy ! C’est d’ailleurs un mot qu’elle utilise couramment "trotte", c’est remarquable et remarqué par moi, un mot qui sonne populaire, moins français international, il me semble.

Plus elle bouge, plus elle écrit et pas seulement son imposante correspondance (au mari, amies, parenté), mais ses romans. Lisez combien elle trouve importantes les lettres de son Marcel : « Une petite lettre de toi à moi, de moi à toi, tous les jours, ou du moins fréquente ferait toute la différence au monde et pourrait à tout deux nous faire le plus grand bien, de toutes les façons imaginables, intellectuellement et autrement. […] et puis, il y a l’inquiétude quand je suis plusieurs jours sans nouvelle ».

Épistolier, Marcel a dû faire un effort pour l’être car son épouse a la bougeotte : Rawdon (1953), Manitoba (1954), France/Bretagne (1955), Saskatchewan (1955), Port-au-Persil (1956), Petite-Rivière-Saint-François (1956), Golfe du Mexique (1957), Saint-Vital (Manitoba) (1958), Rawdon (1959), Cape Code (1960), Manitoba (1960), Percé (1962). Cet itinéraire s'étend sur environ 200 pages et j’ai sauté toutes les escales à Montréal (elle habite Québec), celles où il y a peu de correspondance, ainsi que les voyages en compagnie de Marcel, en Grèce par exemple.

Je trouve intéressant de voir du pays avec les yeux de la romancière : Golfe du Mexique « Tout ce voyage cependant me donne déjà l’impression qu’il ne peut rien apporter de comparable au moindre petit séjour en Europe. Il y a quelque chose aux États-Unis – sauf peut-être en Nouvelle-Angleterre – qui pétrifie et stupéfie l’âme – je ne sais quelle attention constamment tournée vers le confort seulement, quel éloignement de la chaleur humaine. […] Quelle nostalgie, au fond, les Américains doivent éprouver pour une vie plus chaleureuse ; on le voit à leur passion pour les moindres vestiges du passé. Il faut les voir se ruer de tous les coins des États-Unis dans ce vieux carré de la Nouvelle-Orléans qui grouille de pauvres affamés, de pittoresque et de couleur ancienne ».

Elle est curieuse de l’être humain, c’est le "paysage" qui la captive le plus: « Eux, les Noirs quand on les rencontre sur la route ou lorsqu’on les aperçoit sur leur perron, détournent les yeux comme s’ils ne se reconnaissaient pas le droit de nous regarder en face. […] Une humble petite chapelle Baptiste semble l’image même de tout ce que la religion a jamais pu leur apporter : la résignation ici-bas et au-delà, sans doute, une véritable place pour les Nègres. Nulle part autour d’ici n’ont-ils l’air d’être chez eux. J’aimerais bien pouvoir m’arrêter dans leur milieu, gagner leur confiance, peut-être et arriver à les mieux connaître".

C’est à son retour de Dollard, Saskatchewan qu’elle se serait mise à la rédaction de « La Montagne secrète » : « Il faut en ceci rendre justice aux gens des Prairies : leur accueil est spontané, généreux et sans chichis. Il y a chez eux quelque chose de l’enfance encore : une simplicité d’êtres primitifs, un peu rustiques, mais honnêtes et francs. […] Un joli vent des Prairies aujourd’hui souffle et fait se balancer les buissons du village, les deux petits érables du Manitoba de Jos, placés de chaque côté du seuil. Il n’y a pas beaucoup d’autres arbres au village. Ce vent plutôt chaud soupire une espèce de plainte douce, nostalgique. C’est bien le vent des Prairies tel que je me le rappelais ».

Ça fait plaisir de voyager tout en restant allongée dans son lit.

lundi 19 mai 2008

Pause "Vécu"

Mon titre a plusieurs sens. Sur le coup, je ne l’ai même pas réalisé. Cela arrive parfois dans la vie, la convergence ne charrie pas seulement du péjoratif, aujourd’hui, il serait mélioratif, le contraire de péjoratif, d’après le Petit Robert. Tu rajoutes un « a » et ça y est, ça sonne plus familier : a-mélioratif !
Je reviens à ma pause « Vécu », je suis en plein dedans et elle implique une pause du « Fictif » pour lire et vivre du « Vécu ». Je réalise, et les derniers billets d’Éric Simard (Philippe, Les années, On n’est pas là pour disparaître) m’ont aidé à y voir plus clair ; j’ai une attirance folle pour les histoires vécues intenses. Pas les bio rédigées parce que l’on est connu et que l’éditeur a le goût de faire de l’argent sur le dos d’une popularité, non, les trop-pleins de vie qui doivent sortir de la bouche d’un écrivain-e pour qui les mots sont du sang qui coule dans ses veines, pour qui écrire n’est jamais vain, toujours libérateur et nécessaire.

Lire du vécu me ramène au mien et certains jours, cela aussi est nécessaire pour ne pas dire incontournable. Comme en ce moment où mon regard est tourné vers moi, vers mon nombril !
Quand on tient un blogue, il y a tant de « je » qui transparaît qu’il serait difficile de taire que je serai au ralenti dans les jours prochains. J’ai à cœur que vous sachiez que je ne me désintéresse pas du Passe-Mot, je dois tout simplement me faire enlever un morceau de trop dans le corps. J’écris cette phrase sans trop frissonner mais cela ne s’est pas fait en un jour ! Je ne prends rien comme convenu dans la vie, c’est une manie qui me donne bien du fil à retordre. Il est convenu maintenant que lorsque l’on (le corps médical, mettons) découvre qu’un morceau de notre corps cause plus de problèmes que de services, on a la « bonne » idée de le retirer. C’est le genre de solution qui me projette en arrière, dans le temps où aucun médecin ne retirait aucun morceau du corps de quelqu’un à part son sang (les ponctions ; changer le sang pour repartir avec du gros bon sang !). La solution « chirurgie » qui rime un peu trop avec boucherie dans ma tête, m’apparaît un peu artificiel. Il a donc été difficile pour moi de convaincre mon cerveau que c’était pour mon bien. On allait faire deux incisions, me jouer à l’intérieur et arracher (oups !) retirer les éléments dérangeants, vérifiant du coup l’état des lieux (!) pour que j’aille mieux. J’ai l’imagination vive et de savoir que ces morceaux vont être coupés, analysés, congelés, me donne froid dans le dos ! Ça me demande plus de foi que de croire à un extra-terrestre ou même à la Vierge Marie qui apparaît dans une douce lumière ! Je suis ainsi faite et je le réalise. Mon cœur, siège de mes émotions, m’empêche d’aborder la chose scientifiquement, à savoir que lorsqu’il y a un volumineux kyste qui élit domicile sur un ovaire maintenant inutile, on retire les deux et l’affaire est tiguidou !

Tout cela va se passer mercredi, le 21, et au mieux, si rien n’est malin (et là, les médecins ne s’éternisent pas sur le sujet), on enlève que l’ovaire. Je vous reviendrais alors très bientôt car avec le virage ambulatoire, l’hôpital se transporte à la maison et le mari se transforme en infirmier. Un infirmier bédéiste, en plus !

Alors, vous comprenez mieux maintenant pourquoi j’achève « Des rires, une larme » de Michel Fugain, que j’avale goulûment les lettres intimes de Gabrielle Roy (Oh non, vous ne saviez pas que je lisais du GB ?!?) et finalement pourquoi les choix de lecture d’Éric Simard m’attirent au plus haut point.

Moi, avant de vous le l’écrire, je ne le savais pas.

P.S. Le risque est grand que je vous revienne avant le jour X, j’ai une lettre qui me démange (hermétisme volontaire) !

vendredi 16 mai 2008

Gabrielle Roy : De la France, au Canada

Écoutez, je n’en peux plus, il faut que je vous reparle de Gabrielle Roy et de son cher grand fou de mari. Presque 200 pages plus tard, elle a séjourné en plusieurs coins de pays, à commencer par Upshire près de Londres. C’est son besoin incessant de tranquillité qui la pousse à se retirer dans ce village endormi en compagnie d’un vieillard et sa fille qui prend soin d’elle. Elle a déjà pondu (!) un des récits de « La Petite Poule d’eau » et pendant ce séjour,du 14 août au 13 octobre 1949, elle écrira les deux autres, à son grand soulagement, faisant taire un moment sa peur toujours vive de ne plus être capable d’écrire. Ses lettres ont toujours un ton amoureux, se languissant de la présence de son cher Marcel, son chou, tandis que lui continue de lui reprocher de l’abandonner à Paris. Pourquoi ne va-t-il pas la rejoindre ? L’histoire de ces lettres, intimes pourtant, ne le révèle pas.

Gabrielle Roy a toujours ses problèmes de santé, elle court les médecins pour se faire donner de mystérieuses piqûres. Sa santé est si précaire, que le jour arrivé de quitter la France pour le Canada, c’est Marcel qui aura à s’occuper des préparatifs pendant que madame Roy ira se ressourcer à Lyons-la-Forêt. Seulement deux lettres témoignent de ce séjour car il y aurait eu un conflit entre les amoureux. Nous ne sommes plus à essayer de défricher l’entreligne mais l’entrelettre.

Au Canada, ils aboutiront à Ville LaSalle dans un 4½ avec vue sur le fleuve. Gabrielle, toujours aussi incommodée, assez que son médecin lui fera subir une thyroïdectomie. En convalescence, elle ira refaire ses forces au Lac Guindon dans Les Laurentides pendant que Marcel se cherche désespérément un emploi, ce sera d'ailleurs le sujet principal de cet échange de quelques lettres. Elle jouera le rôle de l’indéfectible positive qui croit en son mari et l’encourage sur tous les tons possibles.

Le prochain échange aura lieu l’été 1951 à Port-Daniel, destination probablement choisie dans l'espoir que l’inspiration de jadis s'y pointe. Comme Marcel est resté à Québec pour se trouver du travail, elle jouera son rôle de « coach » à distance. Chacune de ses missives révèle combien elle prend à cœur le bonheur de son mari. Elle envisage de le suivre n’importe où, en autant qu’il soit heureux. Il a fait des demandes à Québec, à St-Jérome et même à Boston, comme chercheur. Cette dernière option le fait tellement trépigner d'impatience qu'il se rendra à Boston avant même sans la confirmation que la bourse lui est octroyée.

De son côté, l’écrivaine est en pleine forme, physiquement et moralement, l’air de la Gaspésie lui fait le plus grand bien. Ce sont les premières vacances où je l’entends à peine se plaindre de lassitude, elle est de bonne humeur, se ménage un peu moins, fait du vélo, elle entreprend même des expéditions de pêche en haute mer afin d’en connaître la sensation. D’après les habitants, c’est un des plus beaux été en Gaspésie jamais vu. Elle croit achever un roman commencé depuis longtemps ; Alexandre Chenevert. Marcel ne l’a pas encore lu, elle a hâte, espérant qu’il ne sera pas déçu d’elle.

Cette fois-ci, avant de vous laisser jusqu’au prochain rendez-vous, je vous offre un extrait, non pas parce qu’il est représentatif de cette riche littérature épistolaire mais plutôt je le trouve cocasse et, somme toute, compréhensible de la part d'une écrivaine :

Et puis, Marcel, mon grand, tu as pourtant dû apprendre au collège que trois sujets dans la même phrase commandent un verbe au pluriel. Je peux te passer l’absence de virgules, de points, et de majuscules mais que le diable m’emporte si je vais endurer un verbe au singulier lorsqu’il est précédé de trois sujets. Plaisanterie à part : respecte un peu notre chère langue. Pense aux grands efforts que l’on fait au pays de Maria Chapdelaine pour survivre !

En plus, vous avez droit à un point d’exclamation de GB, elle en est pourtant avare et tout autant des points d’interrogation. Sophie Marcotte, qui a colligé les lettres s’est permis de les rajouter pour plus de clarté. Voilà qui rend l’épisode des réprimandes à Marcel d’autant plus succulent que madame Roy négligeait elle-même certaines ponctuations.

jeudi 15 mai 2008

Guide d'une orgueileuse (légèrement) repentante

Aujourd'hui, pour les compte-rendus du 15 du mois à la Recrue, je fais office d'exception à la règle pour la sincère et forte difficulté que j'ai eue à lire ce roman, guide pour aveuglé en amour. J'ai oublié de rire et je me suis plus ennuyé que j'ai souris. Et en disant cela, je réalise qu'ici, entre nous ;-), je suis plus directe que je l'ai été à La Recrue où je me suis bien gardé de nourrir les faux semblant mais disons que ma vérité est exprimée plus diplomatiquement. Il me semble en tout cas, mais sommes nous les meilleurs juges de ce que l'on écrit ? Je vous laisse mon commentaire et dites-moi si vous lisez mon entre-ligne de la même manière que je l'ai écrit ?

Jouer le jeu de l’amour et du (non) hasard

Dès les premières phrases, j’ai réalisé que je n’avais pas affaire à un roman ordinaire, qu’il correspondait au graphisme de la couverture typique à un magazine féminin humoristique. Pourquoi ne pas étendre la définition étroite du roman me suis-je dit, et j’ai essayé de jouer le jeu et d’y prendre plaisir. Parce qui dit jeu dit souvent plaisir, bonne rigolade, humour.
L’auteure Annie (L’Italien), je l’ai tout de suite identifiée à Anne, le personnage principal qui reçoit en cadeau de fête un voyage au Club Med orchestré par ses ingénieuses copines. Annie et Anne ont de l’humour à revendre. L’histoire en déborde à tel point que le « bas de page » est noirci par des définitions cocasses de mots inventés. Aussi bien l’avouer tout de suite, je ne les ai pas tous lus. Je me suis lassé de l’humour pour l’humour. C’est très personnel, j’aime le rire né de la surprise, qu’on me déjoue, qu’on me saisisse au moment où je m’y attends le moins. À partir du moment où la blague est entendue et attendue, j’ai tendance à rester imperturbable et je peux jusqu’à m’ennuyer un peu même. J’ai tout à fait conscience que c’est personnel et je m’imagine facilement que ce lexique avait de la matière pour se bidonner.
D’ailleurs, le lexique était à l’image du propos, généreux, pas hermétique, joyeux, pas prétentieux. Très bon enfant.

Le « jeu » concocté par les amies d’Anne pour son anniversaire veut faire la démonstration qu’elle pèche par orgueil et que c’est la raison qui empêche Cupidon de traverser son cœur d’une flèche trempée dans la fiole amour. L’idée est bonne et je trouvais que c’était une manière originale de présenter la parfaite comédie romantique. Ce qui m’a empêché de me délecter est le côté parfaitement prévisible. Je comprends pourtant que dans ce genre d’histoire, on joue le jeu, après avoir eu peur que tout bascule dans un drame X, suite à un malentendu, on a l’assurance absolue que les amoureux qui se battent contre leur amour vont finir heureux parce que fait un pour l’autre. J’ai déjà vu et lu cette formule et il m’arrive d’y prendre plaisir, je n’y suis pas allergique.

Pourtant, cette fois-ci, la course au trésor avec ses cartons semés par ci et par là, m’est apparue si évidente que cela m’a enlevé le plaisir de jouer à la peur, au doute, au frisson. Les règles du jeu étaient archi simples, trop simples à mon goût, faut-il croire.
La fin et sa proposition de plusieurs fins m’a amusé pour le plaisir de choisir. J’ai choisi la première option et j’ai eu droit à un gros paragraphe un peu platement écrit. Du coup, je suis allé parcourir très rapidement les autres fins et j’ai compris que je n’avais pas choisi la fin idéale d’après la définition de l’auteure, celle où on ne passe pas tout de suite l’éponge et qui s’étire sur quelques pages plus subtilement amenées.

En bout de fins (une ou trois), je ne dénigre pas ce roman qui a le mérite de se démarquer par son genre « chick lit » tout à fait assumé mais pour moi, c’est un rendez-vous manqué.

mardi 13 mai 2008

Cérémonie Prix des libraires : anecdotes en vrac

Allons-y tout de go avec les anecdotes de la soirée, c'est-à-dire tout ce qui se dit si vu par une personne qui aime et amplifie toutes ces petites anicroches qui donnent la saveur unique à une soirée. Comme ce n’est pas toujours lié, encore moins homogénéisé, j’y vais avec la technique en vrac. Vous allongez le bras et pigez ce que vous voulez, en quantité limitée par vous seulement.
  • L’organisatrice de la soirée, Katherine Fafard, a dû abandonner sa tâche une journée ou deux avant l’événement
  • Catherine Trudeau a un sans-gêne un peu impertinent qui a retiré à cette soirée toute possible aura empesée de l’intelligentsia. Entre autres, elle a appelé les comédiens et le musicien ces p’tits gars, doublé d’un « eh qui sont beaux ! »
  • Porte-parole pour une deuxième année, elle s’est quasiment invitée publiquement pour une troisième année … aux organisateurs de s’organiser avec ça !
  • Un haut placé (souviens pas du nom, hon !) de l’Association des libraires désigné pour révéler le nom du lauréat « Hors Québec » a ouvert l’enveloppe du Québec. Il a arrondi sa bouche pour proclamer le gagnant et l’a refermée juste à temps. Cela a eu l’effet d’une « balloune » qui se dégonfle accompagnée du rire qui décrispe tout le monde. Je garantie pas la même couleur du rire pour les cinq finalistes, mais bon.
  • L’animatrice, toujours aussi pétillante, loin de mettre la « presque gaffe » sous le lutrin l’a reprise et amplifiée. Idéal pour décrisper les mâchoires et un autre antidote aux personnes tentées de se prendre trop au sérieux.
  • La représentante du Conseil des Arts du Canada avait comme tâche d’annoncer le lauréat du Québec, soulignant l’apport d’une bourse de 2,000 $. Son discours était ainsi fait (?!?) qu’elle donnait des indices « gros comme le bras canadien » sur l’œuvre avant de la nommer, ce qui a déclenché une salve d’applaudissements, interrompant son discours en plein milieu. Elle a dû interrompre les applaudissements pour terminer sa « retentissante » annonce qui a eu l’effet d’un pétard mouillé. En public généreux, on a re-applaudi.
  • Hawi Hage, le lauréat québécois a lu son discours méticuleusement avec un accent anglophone assez distinct pour nous faire douter : aurait-il pu improviser son discours ? J’ai bien dit « douter », peut-être est-ce seulement un manque de confiance en lui, le saurais-je un jour ? Évidemment, ceci a quand mis l’emphase sur le fait qu’il est plus à l’aise en anglais, ce qui explique que cette œuvre québécoise soit traduite. Ses fans principaux, ceux-là même sans qui, Hawi Hage ne serait pas qui il est, étaient présents : ses parents.
  • Pour revenir à plus de légèreté, le conjoint de l’organisatrice est un libraire (de quelle librairie ? … mea culpa, je ne l’ai pas noté!) et a avoué être le coupable de l’absence de l’organisatrice. À 30 semaines de grossesse, prescription formelle du médecin, tenir le lit. Originellement (pensez à Adam), c’est de sa faute et aux applaudissements désordonnés et bruyants, la tête baissée sur sa feuille, il a dit « n’en faites pas trop, pour 30 secondes seulement ». Détente absolue de l’ambiance, plus efficace encore que les verres de vin servis gracieusement.
  • Un libraire n’est pas nécessairement un homme ou une femme de scène, on l’a réalisé. Catherine Trudeau, y a été d’un « Go … Go … ça a bien été, ça va continuer ! ». Les cinq libraires désignés avaient à lire à tour de rôle leurs propres commentaires (un pour l’ici et l’autre pour l’ailleurs) qui auraient été encore plus intéressants, pour certains, lus par une autre personne. C’est méchant, hein ? Je me reprends, mon côté plus angélique dit que ça avait l’avantage de montrer des personnes qui s’assument jusqu’au bout.
  • Catherine Trudeau nous a annoncé un « événement » 15ième anniversaire où nous pourrons voter pour notre coup de cœur parmi les 15 lauréats de 1994 à 2008, d’ici et d’ailleurs. Bien entendu, les libraires aussi voteront. Je vais y revenir mais en attendant pour respecter le thème de mon billet, il devait y avoir "balounes" non dégonflées et confettis mais Catherine n’avait pas eu le temps. On le lui pardonne, son audace d’être elle-même, a mis de l'ambiance dans cette soirée plus que n'importe quels artifices.

lundi 12 mai 2008

La "Guerre" a gagné

Avec mon titre, du coup, je donne les deux gagnants ... Je ne ferai pas de roulements de tambour car il est tard, même pas une heure avant minuit :


Parfum de Poussière de Rawi Hage - Alto


Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel - Stock




En passant, Réjean, vous avez tout bon, bravo ! Et en repassant, c'est deux romans dont le thème est la guerre, delà mon titre sensationnaliste !
Catherine Trudeau, la porte-parole nous a animé cette soirée avec pétillement et un brin de coquinerie.

Il y avait dix romans, dix mises en lecture, un musicien et trois acteurs, dont la porte-parole elle-même. Avant la lecture avec musique, et jusqu'à trois voix si nécessaire, cinq libraires sont venus impudiquement* (il y en a des plutôt timides) lire leur commentaire, d'un style très impliqué. *cela ne doit pas être évident de lire son commentaire devant un tel public !

Pour tout vous dire, les mises en lecture étaient si réussies qu'elles donnaient le goût de lire et même de relire. Mon chum est reparti avec un fort goût de lecture.

De mon côté, le contact que je me suis permise (je ne suis pas très fonceuse dans ce genre d'événement), et j'y tenais absolument, c'est une chaleureuse accolade à Christine Eddie à qui j'ai confié qu'elle était mon coup de coeur. Ce n'était pas difficile parce que rien de plus vrai. Évidemment, elle avait l'air un peu déçue mais c'est une femme si chaleureuse, elle a vraiment une très belle énergie toute en douceur. Comment en être surprise ?
Même si ma prédiction allait pour Parfum de Poussière, mon choix personnel était sans hésiter "Les Carnets de Douglas" et mon deuxième "Tarquimpol".

Demain, je vous reviens avec les anecdotes cocasses de la soirée ... car il y en a eues !

Sur ce, mission accomplie ... je m'en vais rêver !

Présente à la cérémonie de remise du Prix des libraires

Comme je suis cordialement invitée ce soir à la remise du Prix des libraires du Québec en présence de la pétillante porte-parole, Catherine Trudeau (qui lira des extraits de chaque œuvre en nomination), je n’ai pas trouvé mieux que me présenter au Lion d’Or où se déroule la cérémonie.

J’ai suivi ce Concours de si près que l’on a eu la délicatesse de m’inviter. Je ne vais bouder cette invitation, même si elle exige un avalage de kilomètres par notre Fofo (nous baptisons toujours nos autos !).

Je vous promets donc un scoop ce soir ou en tout cas, avant minuit ! À chaud probablement et j’y reviendrais à froid parce que l’on n’aborde pas la réalité qui varie selon la température de nos impressions.

Allez, il est encore temps de réviser vos mises !

Ici :

Les Carnets de Douglas de Christine Eddie - Alto

Parfum de Poussière de Rawi Hage - Alto

Un taxi la nuit de Pierre-Léon Lalonde – Hamac-carnets

Tarquimpol de Serge Lamothe - Alto

Léon, Coco et Mulligan de Christina Mistral - Boréal

Ailleurs :

À l’abri de rien de Olivier Adam – de L’Olivier

Le dernier frère de Nathacha Appanah - de L’Olivier

Le Rapport Brodeck de Philippe Claudel - Stock

Cartographie des nuages de David Mitchell - de L’Olivier

La voleuse de livres de Markus Zusak - Oh !


Je répète (voir mon commentaire antérieur, ici) la mienne, ma mise, pour le Québec : « Parfum de Poussière » de Rawi Hage.

Pour le « ailleurs », je vous laisse vous prononcer, le temps m’obligeant à faire des choix. Peut-être pourrais-je lire plus mais ... j’écrirais moins !

À ce soir !

Référence : www.prixdeslibraires.qc.ca


samedi 10 mai 2008

Maman est chez le coiffeur ...

On se prépare tous pour la fête des mères. Je ne crois pas me tromper en disant que le mot "Mère" est un des plus chargé d'émotions de toutes langues de la Terre. En cette fête fleurie des mères, je me permets de m'éloigner d'un pas de la littérature pour me rapprocher du cinéma et vous dire en 2 (00) mots ce que je pense de cette histoire habillement filmée d'une mère chez le coiffeur. Ce film de Léa Pool aborde la présence par l'absence, ce qui est assez ingénieux. On prend conscience de l'importance d'une mère par son absence. On a parlé d'abandon, le mot est injuste, elle quitte abruptement pour Londres parce qu'elle étouffe de peine mais ces enfants ne la quitteront pas en pensée.

N.B. : Mon commentaire ne dévoile aucun punch et a été publié section "cinéma" sur le site du Voir.

Trois enfants sont chéris par une mère tendre qui veille sur eux, leur apprend le piano, leur interdit le lac sans surveillance, les entoure de ses bras et de son indulgence, cuisine leur gâteau préféré. Le père fait office de figurant, il est médecin, un bon pourvoyeur comme le bon vieux temps voulait les pères.

On entre dans cette histoire par la porte de la légèreté et rapidement, de quelques coups de manivelles sur cette banlieue champêtre, on sent fleurir l’air des vacances. Faut dire qu’Élise (Marianne Fortier) a le don de nous faire sentir le bonheur par chaque pore de sa peau. Cet air de vacances et d’insouciance est rendu possible par la bienveillance d’une mère qui pallie à tout, de l’absence du père aux défaillances du petit-dernier. Cependant, il y a un seul hic et il est de taille, personne ne le réalise. C’est trop naturel.

Le choix des années 60, pour tout ce que cette époque charrie de « tout était plus simple » est judicieusement exploité pour que le contraste entre du « avant et après la mère » éclabousse sa réalité en plein écran. On nous laissera voir à travers la lentille d’une caméra experte, trois enfants en état aigüe de réaction à la carence maternelle. Ils seront pourtant pris en charge par un étranger familier, leur père. Malgré la situation boiteuse, et même pénible par le comportement du père qui prend le plus jeune en grippe, jamais on ne sentira monter le vent de la déprime. Cela mérite une mention parce que c’est tout à fait remarquable. Il faut le faire quand même ! Et Léa Pool l’a fait. C’est dire qu’avec expertise et sensibilité, on arrive à tout. Même à puiser dans les trésors de spontanéité de ces enfants qui font le film parce qu’on les a laissé le faire.

Élise, l’aînée par trop responsable, touchante à vouloir protéger son petit frère, si belle dans tout car exceptionnellement talentueuse, fera une équipe du tonnerre avec monsieur Mouche pour cette compréhension du silence des mots qui passe par les yeux. Je n’ai pas éprouvé la nostalgie des années 60, malgré une "saucette" musicale des plus entraînantes, plutôt celle d'avoir à quitter Monsieur Mouche, ce faux dur aux côtés d’Élise, cette princesse de la nature.

Un film sensible qui aborde la présence de la mère par son absence.

JOYEUSE FÊTE À TOUTES LES MÈRES

Laissez-vous gâter !

jeudi 8 mai 2008

Confession d'un bloguoïnomane

Dans mon billet du 23 avril (premier anniversaire du Passe-Mot), j’ai fait une allusion à la bonne attitude pour continuer à alimenter un blogue dans le plaisir. J’en parle car je trouve que c’est un exercice d’équilibriste ; suivre le fil sans tomber. Ça l’air de rien comme ça, mais il faut s’observer. Ne pas se perdre de vue. Un excès est si vite arrivé quand il s’agit du désir d'être lu et aimé fidèlement.
Les lecteurs nous apportent tellement qu’on ne veut pas les négliger, naît parfois le dilemme : me négliger ou les négliger ? Où se termine l’assiduité pour se commencer en esclavage ? Devenir dépendant, en avoir besoin pour son bien-être, prendre l’escalier pour monter l’escalade du donner pour recevoir et finir par s’essouffler en réalisant qu’il n’y a pas de fin à monter. Continuer à monter, monter…. Puis dégringoler !
Avant même d’écrire le premier mot du Passe-Mot, j’ai eu un avertissement pour ne pas tomber dans cette dégringolade (permettez-moi cette chute de mots !). Un spot rouge accompagné d’un système à l’alarme stridente m’ont réveillé avant même que je m’endorme. Je parle de la confession de Steve Proulx, journaliste du Voir et blogueur. Je vous invite à le lire ci-dessous, il dit tout.
Mais auparavant, je précise que quelques semaines plus tard, il a repris son blogue, adoptant une autre vitesse de croisière, mais il l’a repris. Je vois la même chose dans les blogues que je visite, les personnes crient « Ouf !... j’arrête ou je ralentis » et à partir du moment où se casse le lien des attentes, on ressent de nouveau son confort. Ce confort qui prend sa source de l’attitude.
Mais je donne la parole à un bloguoïnomane* (peut-être dans le dictionnaire dans une décennie !)
Bonjour, mon nom est Steve Proulx et je suis bloguoïnomane.
Depuis presque un an maintenant, j'alimente un blogue de façon régulière. Oh, j'ai commencé de façon naïve, sans penser au lendemain, en me disant que je pourrais arrêter n'importe quand. Des gens se sont mis à me lire. Quelques-uns, puis plusieurs y compris ma mère. Au début, j'étais galvanisé par cette soudaine attention. Mes lecteurs devenant de plus en plus nombreux, j'ai toutefois commencé à ressentir une sorte de poids. "Je dois leur donner de quoi lire, sinon ils vont partir..." La pression. Ce qui n'était au départ qu'un désennuie de fin de soirée est devenu une obligation.
Puis un jour, le blogue est devenu pour moi une dépendance. J'avais besoin de bloguer. Bloguer à tout prix, à toute heure du jour. Bloguer n’importe quoi mais surtout ne jamais cesser de bloguer. Pour ne pas perdre l'attention de mes lecteurs. Ma drogue. Bloguoïnomane.

Je m'en rends bien compte, j'ai perdu le plaisir de bloguer. Ce goût de partager ma curiosité a fait place à une pression d'attirer l'attention. C'est le grand piège des blogues. Bref, […] je vais prendre du recul. Car à force d'avoir le nez collé sur mon écran d'ordinateur à tenter d'aligner des mots, j'ai oublié le monde autour de moi. À force d'être dans le virtuel, je me suis éloigné du réel. Et le réel me manque. Le réel me nourrit. Et visiblement, j'ai faim...

Voilà. J'abandonne cette pression de bloguer. Je veux plutôt retrouver ce plaisir de communiquer. Moins souvent, mais mieux. Je serai désormais un blogueur irrégulier, quitte à n'avoir plus que trois lecteurs.

*J'ai obtenu la permission de Steve Proulx pour reproduire sa confession.

mardi 6 mai 2008

Gabrielle Roy : À la recherche d'un "Bonheur d'occasion" perdu

Gabrielle Roy décide de quitter de nouveau son jeune mari pour aller passer 3 mois sur le bord de la mer Bretonne, à Concarneau plus précisément. Elle est à l’hôtel et plusieurs nationalités défilent sous ses yeux. Elle en observe le moindre détail et nous décrit Suisse, Français, Breton, British avec une verve franche et assez surprenante ! Toujours de son style d’une rare élégance* (merci Cuné !). * Voir commentaires du premier billet sur GR.

Elle aurait choisi cet endroit parce qu’il lui ferait pensé à Port Daniel en Gaspésie où elle a pondu « Bonheur d’occasion ». On suppose qu’elle tente de recréer les mêmes conditions pour qu’un autre succès jaillisse de ses entrailles.

Mais est-ce que GR est suffisamment bien dans sa peau pour y arriver ? Elle éprouve des maux d’estomac constants, des vomissements, elle doit suivre une diète stricte, la moindre fatigue la dévaste. Un jour, elle exulte de bonheur et l’autre, elle tombe dans une lassitude sans fond. Aussi instable que la mer et la météo qu’elle décrit abondamment d'ailleurs. Elle est une épistolaire toujours en pleine possession de ses moyens, même lorsqu’elle se sent vidée avec rien de bon à dire, j’admire la faconde de ses lettres.

Elle doit se montrer forte aux yeux de son Marcel qui, lui, ne cache pas sa faiblesse. Il est incapable de rester seul et on sent qu’il en veut à GR de s’offrir ainsi des escapades loin de lui. Malgré tout, cette correspondance dégage une essence amoureuse passionnée. Une journée sans une lettre de lui est une journée perdue, stérile, déprimante. Elle se prétend aussi désemparée de cette absence et pourtant, elle tient mordicus à cette solitude et c’est elle qui l’initie. C’est frappant autant qu’intriguant.

Je m’enfonce de plus en plus profondément dans le paradoxe de cette femme, elle déborde littéralement de contradictions. Elle écrit l’avant-midi seulement, ou se met en état d’écrire puisque parfois l’inspiration ne vient pas, et le reste du temps, elle s’ennuie de son mari. Trois mois de « vacances » où elle écrira très peu finalement. Comment aurais-je réagi à la place de Marcel ? Elle lui assure qu’il peut venir la rejoindre n’importe quand, qu’elle en serait folle de bonheur et dans une autre phrase, le prie de bien en peser les conséquences, qu’elle comprendrait que ses études passent par-dessus l’envie d’être ensemble. Elle fait un bond en avant et tout de suite après, pèse pesamment sur le frein. Elle se bat dans une dualité, désagréable dans le quotidien, mais si utile à l’écrivaine. Ces zones grises nourrissent richement l’inspiration, à mon avis.

Je découvre qu’elle joue un rôle de coach vis à vis son mari. Elle croit à l’élévation de l’esprit par le travail, jusqu’à la privation des plaisirs. Elle encourage son mari à une rigoureuse discipline qu’elle applique elle-même à sa vie. Elle se donne en exemple. Son Marcel, lui, semble avoir besoin de beaucoup de distractions et n’aime pas particulièrement suivre des règles strictes d’hygiène de vie. Je vois poindre une énorme différence qui creusera peut-être un fossé entre les deux amoureux.

Je m’interroge (et me fruste un peu) sur le choix de ne pas publier complètement les lettres de Marcel. Les extraits sont à la fin dans une cinquantaine de pages de notes explicatives. L’écriture de cet homme était élégante, tombant un peu dans l’excès, ce qui lui fait une prose un peu ampoulée mais loin d’être désagréable à lire. Je me suis demandé si de publier ses protestations ne terniraient pas l’image de GR. Je ne sais pas, je suppose seulement.

J’ai entamé la prochaine correspondance, un an plus tard, où elle s'isole à Upshire près de Londres. Le ton de GR a changé.

Mystère ... À la prochaine !

dimanche 4 mai 2008

Gabrielle Roy : Après 4 mois de mariage, elle a besoin de solitude

J’ai eu une idée. Une bonne. Quant à avoir une idée, aussi bien qu’elle soit bonne ! Je vous rappelle que je suis à lire « Mon cher grand fou … » de Gabrielle Roy ; 800 quelque pages de lettres à son mari, le médecin Marcel Carbotte. Je me proposais de lire un roman en parallèle afin de ne pas laisser s’écouler un mois sans un compte-rendu de lecture. Il faut garder la main ! Eh bien, je suis incapable de tromper Gabrielle Roy avec une autre histoire que la sienne. Je ne suis pas loin d’être hypnotisée par cette correspondance. Mon ingénieuse idée est de diviser mes commentaires en 3, 4, 5 parties, au besoin. En plus d’éviter un billet de 10 pages (!!!) à la toute fin, je ne risque pas d’oublier les vives impressions que me fait cette correspondance très spéciale.

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Ces premières lettres sont empreintes du grand amour que Gabrielle Roy porte à son mari. Ils sont mariés depuis à peine quatre mois et déjà Gabrielle s’éloigne car elle se sent incapable d’écrire un deuxième roman à Paris où son mari se perfectionne en gynécologie. Elle a besoin de solitude.

Pendant cette retraite volontaire à Genève, c’est désespérément qu’elle attend l’inspiration, le filon d’une histoire. Et pour ça, elle est convaincue qu’elle doit beaucoup se reposer, prendre soin d’elle et que l’on prenne soin d’elle. Dans notre temps moderne, on parlerait d’une dépression ou d’un burn-out, en 1948, son médecin parle de neurasthénie, ce qui ne fait pas du tout l’affaire de Gabrielle Roy.

Le succès retentissant de « Bonheur d’occasion » lui est tombé dessus comme la gloire sur le pauvre monde ! GB se remet du choc, pas loin du traumatisme, causé par ce succès inespéré. Pensez à quelqu’un qui gagne un gros lot, il doit digérer, assimiler le bouleversement. L’écrivaine laisse entendre qu’elle a été assaillie par les médias et ne semble pas avoir la nature pour affronter ça. Voilà d’ailleurs pourquoi cette correspondance est précieuse pour connaître une très grande écrivaine qui s’est peu dévoilée de son vivant, accordant de rares entrevues.

Je suis subjuguée par Gabrielle Roy. Premièrement, par son style prolifique et constant, elle écrit en moyenne une lettre et demie par jour à son mari (en même temps que d’autres correspondances) et à chaque fois, le style soulève mon admiration. Elle a un vocabulaire précis, riche, son style est grandiose et, en plus, il dévoile son être intime et paradoxal. GB est complexe et je ne me lasse pas de me pencher sur les êtres complexes, particulièrement quand ils ont la vocation d’écrire.

Elle n’hésite pas à s’éloigner de son amoureux, elle en est déchirée même, mais elle désire prolonger son séjour loin de lui pour se mettre en état d’écrire. En plus, elle a des envolées émotives et sentimentales hors du commun et brusquement atterrit sur un détail très prosaïque.

C’est à la demande expresse de Gabrielle Roy que cette correspondance est publiée après sa mort. Nous avons la chance au même titre que son mari de lire ces lettres et de s’approcher de sa vie personnelle riche de rituels précis pour attiser l’inspiration.

vendredi 2 mai 2008

Ai-je l'esprit embrouillé ?


Ce matin, je suis allée "magasiner" en ligne sur le tant attendu site "Livres Québécois" où il est possible de commander la conscience tranquille puisque, ce faisant, nous encourageons les librairies indépendantes. C'est plus qu'un magasin en ligne, il y a plein d'infos sur l'actualité littéraire, d'un coup d'oeil, on englobe les oeuvres québécoises et le fait que l'on s'y retrouve facilement, c'est alléchant.

L'ordre règne, c'est simple et clair et, en plus, on a des prix et des résumés complets et compréhensibles ... en autant que l'auteur le veuille bien. J'ai lu à quelques reprises le résumé ci-dessous tiré à même le bouquin et j'avoue que je m'y perds un peu. Remarquez, c'est peut-être moi, on ne peut pas dire que c'est une journée bénie entre toutes pour ma clarté d'esprit.

J'ai pensé vous offrir le texte et peut-être allez-vous pouvoir éclairer mes lanternes .... pour me donner une idée si c'est moi ou si c'est un peu nébuleux. Remarquez, le dernier paragraphe n'est pas tiré du livre et là, ça y est, je comprends et les questions m'intéressent.


Histoires de s’entendre Suzanne Jacob 16.95 $

«Être est une activité de fiction, ça veut dire qu’on ne peut penser et parler, penser et transmettre, penser et agir que grâce à la puissance fictionnelle de la langue elle-même et qu’on invente sa vie avec la fiction de la langue. Si nous pouvions, comme espèce humaine, intégrer cette petite chose si simple, nous ne verrions plus jamais ce que nous pensons ni ce que nous croyons de la même manière. Mais l’appareil narratif qui nous sert à créer nos histoires ne veut pas de cette petite chose très simple. C’est une idée qui l’empêche de fonctionner comme il sait devoir le faire pour la survie et le maintien de l’espèce. Nous ne pouvons pas reconnaître la nécessité de croire à nos propres histoires et nous tombons toujours des nues lorsque nous entendons parler des croyances des autres. Nous nous voyons comme des êtres affranchis de toute croyance à un moment où notre foi à l’imminence d’une réponse technologique définitive à la souffrance, à la maladie et à la mort est plus forte que jamais. Chaque individu, puis chaque groupe d’individus, ne peut survivre sans les fictions qui le constituent, qui lui permettent d’entreprendre de génération en génération ses versions du monde.»

D’où viennent les histoires? Comment naissent-elles? Que faut-il faire pour que nous les entendions résonner en nous? À ces questions à la fois très simples et infiniment complexes, Suzanne Jacob propose des réponses à sa manière: subtiles, émouvantes, écrites dans une langue dont la sensibilité et l’amitié convainquent.

Le titre est "Histoires de s'entendre" mais avant de s'entendre, il faudrait se comprendre ... qu'est-ce que vous y comprenez ?