Faites comme chez vous

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c'est recevant !

mardi 29 janvier 2019

Récolte

J’ai pensé vous parler des six romans lus dernièrement ... oups, sept, avec Roman familial de Maxime Olivier Moutier qui s’est faufilé sous la pile. Il se faufile facilement, c’est une plaquette. D’ailleurs, je vais bientôt en attaquer le recensement, service de presse oblige.

Je n’ai pas que des services de presse dans cette récolte, il a aussi des cadeaux de Noël et des romans achetés à 2$ durant la liquidation offerte par la Bibliothèque Memphrémagog. Cette vente se déroule en juillet, un évènement à ne pas manquer. N’importe qui peut se présenter à l’école La Ruche, au jour et à l’heure dite. Vous verrez des personnes sortir avec des chariots d’épicerie débordants de livres, leur provision de lectures pour l’année. C’est d’ailleurs entre les rangées de ces multiples tables, qui croulent sous des briques de romans (tomes par-dessus tomes) que j’ai réalisé jusqu’à quel point la lectrice québécoise a la dent longue pour les séries. Je me suis demandé pourquoi ? Est-ce le fait que notre horizon télévisuel se décline en téléromans ? Le téléroman est un genre typiquement québécois, doit-on conclure qu'il forme notre cerveau aux suites ? Tant qu’à s’attacher à des personnages, aussi bien vivre avec eux quelques semaines !

Revenons à ma récolte qui se tient loin des tomes par-dessus tomes, car je ne cours pas après les séries, elles me foutent plutôt la trouille. J’appréhende le style lâche et facile, imputable aux longueurs à réviser. Peur des redites aussi. Au fil des années, a grandi en moi cette foi au travail de  direction littéraire. J'espère toujours que ce travail s'exécute auprès de l'écrivain afin de bonifier son oeuvre. Ceci dit, je gage que la majorité des auteurs de séries me répliqueraient que c’est de la foutaise, que les oeuvres qui se déclinent sous plusieurs tomes peuvent se présenter en écriture serrée, dosée, sobre. J’ai peut-être à déboulonner ce préjugé.

Bon, commençons par « La chambre verte » de Martine Desjardins acheté à la bouquinerie Éco-Livres à Granby (charmante bouquinerie qui privilégie le livre québécois). Oh, que je n’ai pas regretté mon choix ! Ça fait presque deux ans que je l’ai lu et si aucune critique n’a vu le jour, c’est que j’étais en pause. Cependant, il m’a suffisamment frappée pour que je puisse en parler malgré le temps écoulé. Ensuite, j’ai reçu à Noël le tout récent : « Un lien familial » de Nadine Bismuth. Mes attentes étaient élevées et vous savez qu’est-ce qui arrive quand on a des attentes élevées ? On risque la déception. Je m’attendais à aimer beaucoup et j’ai aimé moyen. L’odyssée d’Yval de Stéphane Libertad est un service de presse et j’ai hâte de faire étalage de mes émotions devant ce ième roman sur les aléas d’une randonnée sur le chemin de Compostelle. Un autre cadeau sous le sapin : « Les écrivements » de Matthieu Simard. Roman surprenant. « La Communiante » de Louise Simard (tiens, tiens, deux Simard dans mon lot 😛) que j’ai pigé le jour de la liquidation. J’avais aimé les tomes de Louise Simard « La malédiction », je me suis dit, impossible de me tromper. Eh bien oui, c’est possible de se tromper ! Je me suis félicité de l’avoir terminé, cela me donne la permission d’en parler. Je termine par mon petit-dernier, un autre achat à 2$, un Chrystine Brouillet « Louise est de retour ». Ce polar m’a donné le plaisir de voir à l’œuvre une très compétente meurtrière en série qui exécute proprement, sans éclaboussure de sang ni de haine.

Le titre qui m’attend sur ma table de chevet ? Les chars meurent aussi de Marie-Renée Lavoie. Une auteure que je ne suis pas prête d’abandonner.  Il ne figure pas parmi mes 7, ma lecture n’est pas terminée.

Comme vous voyez, aujourd’hui, je suis sortie de mon carcan « critique ». Il fait bon de s’aventurer sur le ton de la conversation qui, d’ailleurs, m’amène à vous parler du magazine « Les Radieuses ». Radieuses rime tellement bien avec Volumineuse, n’est-ce pas, que je me suis laissé tenter à y chroniquer. Toujours sous les atours de la littérature, tout en me permettant de batifoler ailleurs quand l’envie m’en prend.

Les Radieuses est un webzine à la page, et au lieu de me croire sur parole, le mieux est d’aller vérifier de quoi il en retourne. C'est ici et elles sont très accueillantes. Je suis heureuse d’en faire partie et ma première chronique paraitra le 15 mars (oui, oui, mars s’en vient …).

Et vous, que lisez-vous ? ...

mercredi 16 janvier 2019

Harakiri de Maryse Latendresse

Un roman couleur peau. Sa couverture m’a fait de l’oeil, j’ai plongé et puis voilà j’en suis ressorti avec la conviction que pour sauver un enfant du désespoir, on se sauve soi-même. Un père et une mère ne s’aiment pas et cela, depuis trop longtemps. Un enfant est né de ce « non-amour », une fillette de six ans, vive d’esprit qui, elle, aime également ses parents.

Une histoire comme il y en a trop, de parents enchaînés, mais ce qui est distinctif sont les problèmes mentaux de la mère, suffisamment importants pour sauter sur le père et lui ouvrir le ventre et, par la suite, retourner le couteau vers son propre ventre. Écrire cette atrocité noir sur blanc m’apparait si tragique que je me demande, après coup, comment j’ai fait pour lire ce roman le cœur léger. C’est bien simple, j’y suis arrivé parce que là n’est pas le propos. Si on s’arrête à ce début, on s’arrête au déclencheur, et on laisse tomber l’essence même de cette histoire qui est toute en douceur et en subtilité.

L’homme, ou le papa repose dans un profond coma, tandis que la maman, moins affectée physiquement (à ce qu’il m’a semblé) est enfermée dans une aile psychiatrique.  La petite fille se retrouve donc sans parents fonctionnels. Elle a une grand-maman qui fait son possible, mais la fillette est clairement attirée par la grande amie adulte. Elle l’a même choisie pour s’occuper d’elle, puisqu’après avoir assisté à la scène Harakiri, la petite part à pied pour retrouver cette amie adulte chez elle. Ce qu’elle ne sait pas du haut de ses six ans, c’est que cette amie est la maîtresse de son père depuis six ans, et qu’elle a trahi sa mère dont elle est l’amie. La maîtresse est donc le trait d’union entre ses parents, ce que la petite doit percevoir. Bien entendu, la relation extra-maritale était sous le couvert du secret.

Le roman relate cette relation improbable entre la maitresse du papa et sa petite fille. Nous suivons les aléas de ce duo de traumatisées, deux cœurs aimants, secouées par un choc monumental. Chez l’enfant, un signe tangible de choc : elle ne peut plus prononcer un seul mot. Muette. Reparlera-t-elle un jour ? La maîtresse du père veille sur elle et tente de lui offrir assez de sécurité pour qu’elle s’abandonne de nouveau à la Vie.

La situation pour l’amoureuse du père est très inconvenante. Posture inconfortable, la culpabilité la tient à la gorge mais l’urgence de la situation l’oblige à continuer de parler, de penser, d’écrire. On entre dans l’intimité de cette femme placée dans une situation des plus stressantes. Ses pensées se déposent par courts paragraphes qui s’enchaînent même s’ils sont interdépendants. Des touches douces, empreintes de tendresse et de réalisme avancent sur un champ miné. La situation est étouffante, mais l'aération des paragraphes de diverses tailles contribue à apaiser. Comment réagir dans une situation aussi incongrue où l’on doit garder le silence pour ne pas pousser le traumatisme de l’enfant dans ses derniers retranchements ? Aucun mode d’emploi. 

C’est l’amour pour le père transféré sur la petite fille qui agira comme catharsis. Oublier son égo pour l’amour d’un enfant, pour qu’il s’épanouisse malgré l’injustice qu’il vient de vivre.  Transcender sa douleur pour sauver un enfant du marasme. Ces paragraphes ont œuvré sur moi comme par magie. Je me suis laissé amadouer par ce style souple, juste et franc. J’ai vécu quelques frustrations face aux hauts et bas du bilan de santé du père comateux mais, sinon, je me suis laissé absorbée par la générosité du geste d’une femme forte et la résilience d’une enfant en bas âge.

Une fois la scène violente derrière moi, j’ai laissé le style de Maryse Latendresse magnifier les maux et j’en suis sortie apaisée.