Faites comme chez vous

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c'est recevant !

lundi 30 mai 2011

Rivière Tremblante - Andrée A. Michaud

Mon premier roman de cette auteure qui en a déjà écrit dix. Il est dédié à « Tous les enfants qui ne sont pas rentrés pour souper ». Ça donne froid dans le dos, dans le mien en tout cas. Sujet extrêmement sensible ; la disparition d’un enfant, alors que dire de deux, et même trois.

Première disparition, celle de Billie, fillette de 8 ans adorée de son papa. En sortant de l’école, où elle tenait à se rendre seule à un cours de ballet imposée par sa mère, elle disparait. Une enquête se met en branle à la face de parents, bien sûr anéantis.

En parallèle, l’auteure nous mène droit à une autre disparition, cette fois d'un garçon de 12 ans, en pleine forêt, pendant un orage et sous les yeux de sa meilleure amie, Marnie. Cette inexplicable disparition a lieu à la campagne, autour d’un cours d’eau. La troisième disparition unira les deux premières, si je peux m’exprimer ainsi, afin de ménager l'intrigue.

Évidemment, c’est un roman qui se veut à suspense. Un roman à ambiance teintée, ne prenez surtout pas peur, d'un zeste d’horreur déposé sur l'ensemble, juste ce qu'il faut pour nous garder inconfortable. J’ai trouvé cette approche de l’auteure non dénuée d’habileté, un efficace amplificateur de la détresse, de l’angoisse, du désespoir qu'entraîne inévitablement la disparition d'enfants.

L’auteure sait y faire, l’expérience se sent, se voit, elle nous mène là où elle veut. Elle a su grandement m’attendrir devant la petite Billie décrite par son père. Une relation unique, un enfant incomparable, attachante, tout pour qu’on sente monter la rage de l’impuissance devant l’incompétence crasse des policiers. Ils n’ont pas le beau rôle, ces messieurs les détectives. Et dans les deux cas. Ils arrivent à traiter le père, somme toute une pauvre victime de l’enlèvement de sa fille, en coupable. On le soupçonne et on le soupçonnera. Même chose pour Marnie, l’enfant témoin de la disparition de son ami dans la forêt. À force de la confronter, soupçonner, harceler, le village finit par l’ostraciser, assez pour que le père l’emmène loin du village.

L’auteure nous fait suivre avec art les sentiments intimes du père et ceux de Marnie (qui vieillira de trente ans sous nos yeux), ces personnes se présentent comme les plus souffrantes face à l’infernale situation. Elles sont acculées à la culpabilité avec son C majuscule, cependant cette culpabilité ne vient pas de leur intérieur comme de l’extérieur. Le regard accusateur des gens et l’attitude brusque des enquêteurs me sont apparus aberrants. L’étau se referme, et ce n’est pas étouffant, comme révoltant, pour le côté peu plausible.

Quoi faire avec sa révolte quand on est confiné, impuissant, derrière les pages d'un roman ?!

On réécrit l’histoire ! Chose certaine, je ne l’aurais pas écrit de cette façon. Je n’aurais sûrement pas abordé la culpabilité sous cet angle. Je n'en vois toujours pas le sens. Suis-je ignare, mais je n’ai jamais entendu de cas où on bousculait les émotions des parents éplorés devant ce qui peut leur arriver de pire ; ne pas savoir si leur enfant vit encore. La troisième disparition, vers la fin, m’est apparue plus « normale », parce qu'on assiste à l’enquête sans nous présenter les parents, le regard des autres sur eux est resté absent.

Je pense que je n’ai pas besoin de souligner que j’ai été entrainée par le mystère, même si je fus quelque peu déçue. Déconvenue, puisque j’attendais un dénouement à de la matière qui n'a existé que dans ma tête. Ça arrive que voulez-vous !

Chose certaine, je salue l’audace d’Andrée A. Michaud, d'aborder un sujet aussi délicat, aussi noir, aussi révoltant. Et elle y va à fond, je vous l’assure.

Rivière Tremblante, Andrée A. Michaud, Québec Amérique, 368 pages, 30 mars 2011.

mercredi 25 mai 2011

Derrière la neige - Audrey Guiller

Il n’y a vraiment plus de neige au Québec ? J’espère ! J’ai attendu avant de vous présenter mon commentaire de lecture, mon intention n’étant pas de vous déprimer en répétant le mot "neige". Alors même si le soleil est plutôt cachottier et mère nature un peu encline à nous laver sans essorer, il faut ce qu’il faut, je me lance.

Sur la page couverture, on ne lit pas seulement le titre, mais cette précision « Les 4 saisons d’une famille française au Québec ». L’auteure est une journaliste bretonne, a deux enfants et un mari. Elle n’en est pas à son premier voyage : Japon, Estonie, Cap-Vert, Inde, États-Unis, elle peut maintenant rajouter : Québec.

Le livre se présente comme une enfilade de chroniques « tranches de vie » que je suis même tenté de nommer capsules, tellement certaines sont brèves. Le ton est léger et se veut humoristique. D’ailleurs, au début de ma lecture, j’ai été quelque peu agacé par ce qui m’a semblé un désir de faire rire à tout prix. L’aspect bref des « capsules » fait particulièrement cet effet. Par contre, quand l’auteure approfondit, explique et raconte, je mordais plus à l’hameçon. Progressivement, j’ai fait connaissance avec l’auteure, que l’on a avantage à mieux connaître, pour corriger la première impression de superficialité. C’est une personne qui a décidément un franc sens de l’humour, une ironie et un sarcasme de bon aloi. Ça semble être plus fort qu’elle.

Ce que j’ai particulièrement apprécié est de ne pas seulement mieux connaître nos moeurs à travers son regard, mais surtout mieux connaître les mœurs françaises. Elle compare mais subtilement, a l'art d'aller dans les détails saugrenus. Il est question de constater, pas de critiquer, et plusieurs de ses constatations tournent à notre avantage. Si je n'avais pas déjà habité le Québec, j'y serais déménagé !!

La description de sa première neige m’a fait sourire.
« À 16 h, quelqu’un a penché vers nous l’arrosoir à flocons. Il y en a partout. Des petits. Mais déjà plus gros que tous les spécimens déjà croisés jusque là à Rennes. Dans ma tête aussi, c’est l’arrosoir, l’arrosoir à questions « Ce calibre de flocons nécessite-t-il déjà l’équipement maximal ? Ne verrait-on plus l’herbe avant mai ? Est-ce que les vélos ont des pneus d’hiver ? À personne, je n’ai osé les poser. Alors j’ai gardé mon sourire béat. Et niais. Pablo et Sencha sont sortis, emmitouflés, gober le ciel en poudre ».
Mais attention, elle n’y relate pas que des histoires de neige, nous avons 4 saisons, vous vous rappelez que nous avons 4 saisons ? (j’avoue qu’il faut de la mémoire pour s’en rappeler ces temps-ci !). Au finale, sous ce dehors léger et amusant, j’en ai appris un peu plus sur le Québec et, par ricochet, un peu plus sur la France. Ça se prend bien parce que l'auteure est plutôt originale. Il y a du cliché, on s'en sort difficilement, mais j'y ai aussi trouvé de l'originalité.

Mais comme tout bonne chose a une fin :
"La France ne niera pas ce bout de Canada qui est en moi. Je n’ai pas rêvé. Regardez, j’ai des preuves, mon gel de douche est bilingue. J’ai emballé mes dollars dans des sacs transparents. Comme des pièces à conviction. J’ai mis de côté mes adaptateurs de prises, comme si c’étaient des fossiles. J’ai recommencé à dire « de rien » comme si c’était normal. Dedans, j’ai un peu changé et dessus, je tartine de beurre de peanut, juste pour me le rappeler".
Merci aux éditions Goélette de m’avoir expédié ce livre, 191 pages.

lundi 23 mai 2011

Vrac-o-joie

Enfin, je peux écrire un vrac puisque je termine d’écrire. J’ai enfin le loisir d’écrire, après avoir écrit pour mettre du beurre de pinotte crémeux sur mon pain 7 grains !

Commencements-recommencements
Mine de rien, l’événement Les Correspondances d’Eastman est à se fabriquer ici, dans les têtes et dans les cœurs. Spécialement pour vous. La liste des invités s’allonge et elle est affriolante. Parce que oui je suis dans le secret des dieux. Mais comme je ne suis pas dieu, il faudra patienter jusqu’au 1er juin que se lance cette 9e édition au Café bistro Les Trois Grâces pour tout connaître de la programmation et des invités.

C’est un moment qui me met en joie pour la hâte que j’éprouve à chaque fois de tout vous transmettre pour qu’ainsi vous soyez les premiers à réserver vos Cafés littéraires, ou spectacles. Ils partent plus vite qu’ils ne partaient, les billets. C’est le bouche à oreille, qu’est-ce que vous voulez. Et je suis loin d'être la seule bouche à en parler. Par exemple, Pascale Montpetit, la porte-parole de l’événement ! Pour l’heure, il s’agit de retenir ces dates : 4 au 7 août. Les précisions vont suivre très bientôt .... promis !

Alto : sur la note haute
Maison d’édition que j’aime parce qu’à hauteur d’homme (Antoine Tanguay ci- contre) et qui a commencé avec la foi qui bouge les montagnes ou secoue les forêts d’arbres, pour imprimer son lot de romans particuliers.

Qu'est-ce qui arrive quand les auteures sortent de la Belle province ...
  • Attraction terrestre d'Hélène Vachon est finaliste du Prix France-Québec 2011. Eh bien oui ! Le fameux prix avec lequel j’ai d’intimes affinités. Ceux qui me suivent savent que mes coups de cœurs coïncident souvent avec les vainqueurs !
  • Depuis avril, la France découvre le roman de Dominique Fortier, Du bon usage des étoiles, qui est publié dans la collection Vermillon des Éditions de la Table Ronde. Et si on se rappelle que les droits cinématographiques du roman Du bon usage des étoiles ont été acquis par Jean-Marc Vallée (réalisateur de C.R.A.Z.Y.), ce roman n’a pas fini de faire parler de lui.
  • Le Maleficium de Martine Desjardins, en cours de traduction en anglais pour le Canada, paraîtra chez Talonbooks qui édite Michel Tremblay, Lise Tremblay et Marie-Claire Blais.
... eh bien, c'est la joie !

Monet et monnaie
Bizarre de titre, exprès pour vous intriguer. Une manière de vous présenter un événement heureux pour Marsi et moi. Nous avons participé à un concours via facebook. Pour être tout à fait juste, comme d’habitude, j’ai dit à Marsi « Va vite participer à ce concours, on peut gagner des certificats pour acheter des livres ! ». Ça marche à tous les coups ! Il saute sur sa souris et clique. C'était vraiment pas difficile, il fallait seulement écrire pourquoi on aime la librairie Monet et ses libraires, quand c'est vrai, ça sort tout seul. Le hasard a favorisé Marsi, son nom est sorti du chapeau. Il a gagné 100 $ en certificat cadeaux échangeable à la librairie Monet, puisque c’était leur initiative afin de souligner la journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Un cent dollars à dépenser dans une librairie, un rêve en même temps qu’une torture !! Une torture partagée puisque Marsi, en gentleman, a séparé le montant avec moi. Finalement, en fouillant deux heures dans la librairie, et en nous retenant à deux mains, nous avons dépensé 163 $. Un trou de 63 $ dans le budget et un de moins dans nos bibliothèques !

Vous me demandez qu’est-ce que j’ai acheté ? Bais coudonc, vous êtes donc bien curieux ! ... Ah ... vous dites que vous allez finir par le savoir de toutes manières ? J’avoue que l’argument se tient. Je vous avertis, je n’ai acheté aucun roman ... je dis ça, mais il y en a un qui est une moitié de roman ... Des mets & des mots

La photo du tirage a été prise par la libraire Alice de la librairie Monet. Le stratège pour garder l'anonymat de celui qui a fait un heureux est très réussi ;-)

mardi 17 mai 2011

L'homme errata - Jean François Casabonne

L’histoire d’Alex commence dans un cachot en compagnie de Beny son bourreau. Un bourreau assez particulier puisqu’il conseille son détenu et semble partager sa cellule sinon même ses pensées. Pourquoi Alex est-il dans ce cachot ? Je n’ai pas su le comprendre (est-ce même mentionné ?) ou comment il s’en est évadé pour aboutir dans la jungle.

L’action s’apparente à un mouvement de l’esprit, on se doit donc de rester concentré. Les pensées flottent sur l’air agité d’un rêve particulièrement brouillon. Les événements surgissent on ne sait d’où, les personnages aussi, par exemple Beny le bourreau est présent dans la jungle mais sans voir Alex. Comptons aussi sur les symboles, comme cet enfant au corps de serpent, appelé Zac.

Une conversation s’amorce entre Zac et Alex. Il n’est pas évident de comprendre, que Zac serait le futur enfant d’Alex (en autant qu’il naisse !). On assiste à un échange entre un sage et un rebelle, l’enfant étant le sage qui fait la leçon à son père. La discussion tourne autour du principe de la liberté, ce qui ne m’a pas sauté aux yeux avant la lecture du quatrième de couverture. Dans ce dialogue, entrechoqué des pensées d’Alex qui courent dans tous les sens, il est aussi question de la future mère de Zac – donc conjointe d’Alex. Cette histoire du passé est complexe et comme elle est entrecoupée d’élans oniriques qui surgissent à tout moment, je ne suis pas certaine d’avoir saisi tous les enjeux, à part la présence d’un autre homme dans la vie de la mère.

Ces voyages incessants de la pensée, où le présent aux allures de rêve retourne dans le passé et explore le futur, n’étaient pas faciles à démêler. Le côté intemporel est venu à bout de ma patience, le manque d’ancrage dans du connu aussi. J’ai manqué de points de repères, même celui de l’attachement essentiel à au moins un personnage, même si éthéré. Je me suis accrochée à quelques rares envolées poétiques. Le vocabulaire très recherché, à un point tel que je me suis demandé si on ne voulait pas jeter de la poudre aux yeux, n’a pas aidé cette histoire déjà assez nébuleuse.

« Je suis un germe doué de délitescence. J’écume la lie que mon esprit engendre ; une pensée robuste rôde, indolore, sur la lunule de mon sacrum, et Python me lutine un charabia que lui seul sait étoiler. »

* * *
Pour qui ne connaîtrait pas Jean François Casabonne :

Présent sur toutes les grandes scènes de Montréal, il a participé à plus d'une cinquantaine de productions théâtrales. En 2001, il a publié le récit Du cœur aux pieds aux Éditions Fides et Jésus de Chicoutimi, une perséide de Damas aux Éditions du Silence. En 2003, paraissait chez Dramaturges Éditeurs, une pièce de théâtre intitulée La traversée, oratorio pour voix humaines et, en 2005, un recueil de poèmes, Il lui tient la main avec son nez de cerf, aux Éditions du Silence.

L’homme errata - Jean François Casabonne, Fides, 2010, 120 p.

lundi 16 mai 2011

La Dévorante - Lynda Dion

Bouche Béante
Rarement un titre aura été aussi juste. La femme qui habite cette histoire se sent seule et, du coup, vide, avec cet urgent besoin qu’on la remplisse. À peu près tout le monde a déjà éprouvé un tel sentiment, mais a-t-on fait l’exercice de déplacer au-dessus une puissante loupe? Lynda Dion l’a fait et l’a bien fait. J’ose dire « bien » puisque c’est de cette manière que j’explique l’intérêt que j’ai pris à goûter son histoire. Pourtant, ces temps-ci, je vis une surdose de romans à l’odeur de « je », à la concentration si forte que je n’en sens même plus la mienne !

La connivence que j’ai développée avec cette forte personnalité désemparée ne s’est pas établie dès les premières pages. Comme dans la vie, les rencontres ne sont pas toutes des coups de foudre. Il y a un apprivoisement, mais qui se passe rapidement, tellement l’auteure nous laisse pénétrer chez elle sans détour. Elle n’est pas là pour s’entendre bien écrire mais pour exprimer son besoin urgent d’exister. De s’exprimer. Les mots n’ont qu’à bien se tenir, prêts à servir son urgence de dire.

Le thème de la femme seule qui aime mais trop par son vif désir d’être aimée est presque éculé tellement il a été visité. Et pourtant ! Comme les chansons d’amour, tout dépend de l’angle, du ton, de la vérité pour qu’on soit rejoint sur son île.

L’angle se prend par la chronique, chacune semant des graines poussant dans l’instant, ou quelques chapitres plus tard. Quoiqu’il en soit, les chroniques « chapitres » nous abandonnent presque à chaque fois sur un sain qui-vive. Le style est gourmand, il avale tout sur son passage, même les signes de ponctuation ! Mais la vérité du personnage reste la principale force d’attraction. Le bouquet de la complexité, de la nuance et de la dualité de l’être est placé à l’avant-scène. L’exposition sans complexe des faiblesses de la narratrice est une voie rapide menant au lecteur. Celui-ci peut cheminer et se dire que pour cueillir l’amour de l’autre, il faut tout d’abord s’en porter. L’angoisse de la solitude est décrite sans larmoiement, plutôt dans la quotidienneté, ce qui m’a assurément rejointe.

Vous dire que je n’ai jamais buté sur le défilement des mots sans le repère de la ponctuation serait mentir. À certains moments, le jet roule dans la vitesse et l’harmonie et à d’autres, même ma relecture était ardue ! C’est un défaut dont j’ai su m’accommoder par amitié pour ce personnage attachant qui fait l’histoire.

Quatre autres regards :

Mylène : Dévorer ou être dévoré, telle est la question
Catherine : Femme cherche amour à croquer
Philippe : Chronique d'une solitude
Lucie : Exercice de style

La dévorante - Lynda Dion, Collection Hamac, 230 p. Parution février 2011.

dimanche 15 mai 2011

Voulez-vous la connaître ?

Outre la littérature, quelles autres formes artistiques vous intéressent?

La musique la peinture la sculpture la danse le théâtre m’inspirent pour écrire. Les créateurs surtout. Leur démarche. Je lis beaucoup de biographies. Dans la vie des créateurs il y a toute l’œuvre en substance. On a dit que la forme de La Dévorante empruntait au cubisme. Je suis d’accord. L’histoire est dévoilée en éclats. Chacun des 95 fragments (dé)compose l’image figée que la narratrice a d’elle-même. Comme pour ces femmes assises de Picasso.

Quel est l’auteur dont vous avez lu tous les livres?

La liste est longue. Je n’arriverai pas à choisir. Quand j’aime un auteur je lis tout. Ça commence au collégial avec Balzac et Albert Camus. Après il y a Anne Hébert Anaïs Nin Simone de Beauvoir Marie Cardinal Marguerite Duras Tahar Ben Jelloun Christian Bobin Esther Croft Jacques Poulin Dany Laferrière. Je suis boulimique de lecture.

Avez-vous fait lire votre manuscrit à des proches avant sa publication?

Je veux bien les nommer ici parce que j’ai oublié de les remercier dans le livre. Pierrette Denault et Bruno Lemieux. Sans eux j’aurais avorté encore une fois. Ils m’ont lue au quotidien cet été-là. Ils ont calmé mes angoisses. Fait taire le Grand Doute. Le temps d’en finir avec les pages à écrire. Je travaille en ce moment un deuxième roman. Je dois me faire violence. Pour ne pas abuser de leur gentillesse encore une fois.

Qu’est-ce que l’écriture vous apporte? Quelle est sa place dans votre vie?

L’écriture donne un sens à ma vie. J’ai besoin d’écrire. Je ne peux pas passer une journée sans le faire. Toujours il y a des phrases qui s’écrivent dans ma tête. Enfant j’avais l’impression que ma vie était un film j’étais vue à l’écran. Plus tard j’ai commencé à tenir un journal intime. Pendant des années je n’ai pas su faire la différence entre vivre et écrire. La vie est un roman il me semble. La mienne en tout cas. Dans ses Lettres à un jeune poète Rainer Maria Rilke pose cette question essentielle devriez-vous mourir s’il vous était interdit d’écrire. Ça a été longtemps ma seule certitude.

Y a-t-il une citation que vous pourriez considérer être comme votre maxime?

Rilke toujours. Cet extrait que je peux réciter de mémoire. « Un an ne compte pas : dix ans ne sont rien. Être artiste, c’est ne pas compter, c’est croître comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps sans craindre que l’été ne puisse pas venir. L’été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre, aussi tranquilles et ouverts que s’ils avaient l’éternité devant eux. Je l’apprends tous les jours au prix de souffrances que je bénis : patience est tout. »

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui ont l’ambition d’écrire et aimeraient être publiés?

Un an ne compte pas. Dix ans ne sont rien. Il faut savoir compter avec le temps. Patience est tout. Et ne jamais se laisser décourager. Je l’apprends tous les jours au prix de souffrances que je bénis. Écrire ce n’est pas une partie de plaisir. Même si c’est bon. Les heures assises devant l’écran sont exigeantes. Comme le disait Boileau Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Le texte n’est jamais fini. Même si la publication est une belle récompense il n’y a jamais rien de gagné. Un nombre considérable d’œuvres sont publiées chaque année. Être lue par quelqu’un de parfaitement inconnu pour moi c’est ça le vrai miracle. J’étais loin de me douter que j’y prendrais goût autant.

Cette dame pétillante et toute en franchise, c'est Lynda Dion, notre Recrue du mois de mai. Lucie Renaud lui a proposé 40 questions, elle a choisi ces 6 ci-dessus. Et en plus d'avoir écrit La Dévorante et d'être déjà attelée à son deuxième, imaginez-vous, elle a une vie :-) ...
... habite les Cantons-de-l’Est, où elle enseigne le français. Elle est également fondatrice du concours littéraire Sors de ta bulle! qui, chaque année, permet à de jeunes lauréats du secondaire de publier une première oeuvre.
Ma critique de La Dévorante demain, mais si jamais vous ne pouviez attendre jusque là, nous sommes le 15 du mois ..

mercredi 11 mai 2011

L'escapade sans retour de Sophie Parent de Mylène Gilbert-Dumas

Première fois que je lis Mylène Gilbert-Dumas, cette auteure pourtant prolifique.

Sophie Parent pourrait être ma voisine, mon amie, ma cousine. C’est ce genre de femme qui s’efface parce qu’elle ne veut pas de trouble dans sa vie, esclave de son besoin d’harmonie. Elle ne veut déplaire à personne, ni à sa mère, ni même à sa soeur. Est-ce parce qu’elle n’a pas de caractère, les nerfs comme on dit, pour s’affirmer ? C’est ce que nous verrons en suivant de près son escapade.

Il est évidemment crucial de s’attacher au personnage ou, sinon, quel plaisir, ou quel désir, aurait-t-on de suivre ses péripéties ? Les sept premiers chapitres nous font visiter la prison plaquée or de cette enseignante, épouse et mère de deux adolescentes. Le mari est un goujat, les ados, des monstres d’égoïsme. On n’y va pas avec le dos de la cuillère, seulement 50% de ce régime et je gage que n’importe quelle femme avec une colonne prend les jambes à son cou ! Ça m’est apparu un peu gros. J’imagine qu’il était important d’installer cette situation intenable pour aller chercher l’assentiment complet du lecteur ; quoique Sophie fera, elle aura sa bénédiction.

La suite nous transporte dans une aventure rocambolesque, plus loin que le Canada et la routine. J’ai beaucoup aimé cette part de voyage initiatique en condensé et en intensité. J’avalais les pages, me laissant à peine le temps de les digérer, tellement ce qui arrivait à Sophie était trépident. Et montais en moi la peur blanche qu’elle retourne à sa case départ, fugitive frayeur cependant, puisque je n’avais qu’à me rappeler le « sans retour » du titre. J’interroge d’ailleurs cette indication explicite du « sans retour », j’aurais bien pris plus d’inquiétude encore !

Vient ensuite la plus grosse partie du roman, la réhabilitation de l’estime de Sophie Parent. À cette lecture, une phrase est née dans ma tête « Si Dieu pouvait donc prendre soin de ses ouailles aussi bien que Mylène Gilbert-Dumas prend soin de ses personnages ! ». J’ai trouvé apaisant, nourrissant même, d’être témoin de l’éclosion d’un moi, jadis si soumis, et le voir prendre de la vitesse sur la voie de l’indépendance sur des essieux bien huilés.

Ce qui amplifiait le plaisir de la lecture est le fond du décor où se dénoue le périple; un village solidaire. D’habiter ce lieu en compagnie de Sophie Parent, c'est plus que ravigotant, c’est enrichissant. On trouve moyen d’y apprendre les lois de la nature, qui sont tout, excepté tendres. On prend part au jardinage, au voisinage, au ménage, au « cuisinage » ! En compagnie d’une voisine au caractère fort, Sophie à qui on s’est intimement attachée, outrepassera allègrement les règles de l’indépendance.

Cette histoire démontre cette loi fondamentale ; le respect des autres se gagne par la force de l’élémentaire respect que l’on se doit. Et surprise, on découvre un délicieux bonus à la fin du volume, un cadeau gourmand de l’auteure !

Un succulent souvenir de lecture pour son côté aussi réconfortant que captivant.

L'escapade sans retour de Sophie Parent, Mylène Gilbert-Dumas, VLB Éditeur, date de parution mars 2011, 352 pages.

lundi 9 mai 2011

Prix des libraires ...et les lauréats sont ...

CATÉGORIE QUÉBEC
1 Je voudrais qu’on m’efface, Anaïs Barbeau-Lavalette (Hurtubise)
2 La canicule des pauvres, Jean-Simon DesRochers (Les Herbes rouges)
3 Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles, Nicolas Langelier (Boréal)
4 Petite armoire à coutellerie, Sabica Senez (Leméac)

Qui manque à l’appel ?
  • LA CONSTELLATION DU LYNX, LOUIS HAMELIN
Lauréat pour sa passionnante fresque !

En plus des milliers de félicitations qui vont fuser de toutes parts, à commencer par les miennes, Louis Hamelin recevra 2 000 $ du Conseil des arts et des lettres du Québec et une oeuvre de l'artiste Louis-Georges L'Écuyer. En plus, l'Association internationale des études québécoises (AIEQ) lui offre la possibilité d’effectuer une tournée de promotion dans l'un des pays étrangers où elle a des membres.

Commentaire de Caroline Le Gal de la Librairie Monet à Mtl :
«Avec sa plume acerbe et tranchée, Hamelin nous entraîne dans un tourbillon historique, où sont révélés des faits jusqu’ici cachés au public. Une fiction intense, saisissante de vérité. Une lecture obligatoire.»
CATÉGORIE ROMAN HORS QUÉBEC
1 Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Mathias Énard (Actes Sud/Leméac)
2 L’homme inquiet, Henning Mankell (Seuil)
3 Purge, Sofi Oksanen (Stock)
4 Sukkwan island, David Vann (Gallmeister)

Qui manque à l’appel ?
  • ROSA CANDIDA, AUDUR AVA ÓLAFSDÓTTIR (Éditions Zulma)
La lauréate pour son envoûtant roman !

Commentaire de Robert Boulerice de la Librairie Le Parchemin à Montréal :
«Un roman initiatique où les valeurs traditionnelles ne sont plus à rejeter, devenant même des catalyseurs pour acquérir la plénitude et, ce, sans clichés ni moralisme. Ce livre d'une belle candeur offre une expérience de lecture remplie d'une tendresse qui nous atteint profondément. C'est un magnifique hommage à la vie qui continue, malgré tout ce qui peut advenir.

PLACE À LA JEUNESSE !
Si vous désirez voir les couvertures, vous avez beau les reluquer sur le site du Prix des libraires du Québec (vous y découvrirez également les lauréats Hors Québec).

Albums 0 à 4 ans
Ce qui peut arriver quand Mélina et Chloé se font garder (Mon commentaire)
Texte: Martine Latulipe / Illustrations: Fil et Julie (De la bagnole)

Méchant Coco - Le journal secret de Jojo Sapino
Texte: Lucie Papineau / Illustrations: Philippe Béha (Dominique et compagnie)

Le roi de la Patate
Texte et illustrations: Rogé (Dominique et compagnie)

Sans toi! (mon commentaire)
Texte et illustrations: Geneviève Côté (Éditions Scholastic)

Floup et le bonhomme de neige
Texte: Carole Tremblay / Illustrations: Steve Beshwaty - (Éditions Imagine)

Le pire des papas
Texte: Danielle Simard / Illustrations: Bruno St-Aubin - (Éditions Imagine)

Roselyne Rutabaga remue ciel et terre !
Texte et illustrations: Marie-Louise Gay - (Dominique et compagnie)

Zut! Flûte a peur
Texte: Claire Chabot / Illustrations: Geneviève Després - (Dominique et compagnie)

Albums 5 à 11 ans
Ariane et son secret
Texte: Sylvie Frigon / Illustrations: Isabelle Malenfant - (Du remue-ménage)

L'école des gars
Maryse Peyskens (Dominique et compagnie)

Ma petite amie
Texte: Alain M. Bergeron / Illustrations: Sampar (Soulières éditeur)

Mesures de guerre
André Marois (Boréal)

Arthur et la sorcière du bout du lac
Texte: Johanne Mercier / Illustrations: Christian Daigle (Dominique et compagnie)

Les voyages de Philibert Tanguay: L'ère glaciaire dans la glacière
Texte: Sylvie Desrosiers / Illustrations: Rémy Simard (La courte échelle)

Mémère et ses cinq monstres
Texte: Christiane Duchesne / Illustrations: François Thisdale (Hurtubise)

La revanche du myope
Marc-André Pilon (De Mortagne)

Romans 12 à 17 ans
21 jours en octobre
Magali Favre (Boréal)

Daphné, enfin libre
Sandra Dussault (Vents d'Ouest)

La fille d'en face
Linda Amyot (Leméac)

Mademoiselle Adèle
Cécile Gagnon (Hurtubise)

Chronique d'une sorcière d'aujourd'hui 1- Isabelle
Angèle Delaunois (Michel Quintin)

Les disciples de Kaïros
Anthony Mak (Leméac)

La fille qui rêvait d'embrasser Bonnie Parker
Isabelle Gagnon (Du remue-ménage)

Une bougie à la main
Gisèle Desroches (Boréal)

Photo de Louis Hamelin et Nicolas Dickner prélevé du site officiel de Nicolas Dickner.

Préliminaire - Prix des libraires

J’avais prévu de mettre en ligne la critique de « L’escapade sans retour de Sophie Parent » mais en captant ce matin l’effervescence du milieu du livre, j’ai opté pour qu’on salive de hâte avant l’annonce officielle, dans quelques heures, des lauréats du Prix des libraires. Il semble qu'il n'y a pas que les nominés ou lauréats qui l'abordent comme une fête. C’est la reconnaissance de 217 libraires (le nombre de votants cette année) qui vivent pour et par l’amour du livre.

Sous le protocolaire, on sent de la passion, ce qui n’est pas toujours le cas. Pour certains Prix, une personne mandatée remets une bourse en argent pour le principe bien vu d’aider l’écrivain, ce qui est bien différent de l’amour pour l’écrivain et sa création.

L’étalage est si bien présenté, que j’opte pour rappeler le nom des nominés par une photo prise à la librairie Vaugeois (cliquez sur la photo pour l'agrandir). Mais si vous voulez lire les titres en plus de les voir (!), passez sur le site de l'Association des libraires.

Place à la Jeunesse !
Cette année, se rajoute la section « Jeunesse » et c’est lors de la cérémonie prévue ce soir à 19 h 00 au Lion d’Or que sera dévoilée la liste préliminaire des 48 titres d’albums jeunesse de 0 à 17 ans.

Le nombre est impressionnant – 48 titres – comment se fait-il qu’il y en ait plus que dans le volet adulte ? Soulignons que comme pour les adultes, les titres se divisent en deux catégories Québec et Hors Québec, ce qui réduit déjà à 24 titres chacun. La différence va donc pour les trois volets qui départagent les âges : 0 à 4 ans - 5 à 11 ans - 12 à 17 ans.

Petite historique de cette nouvelle initiative :
**Créé en 2011 suite à un partenariat entre l’Association des libraires du Québec et Communication- Jeunesse, le Prix Jeunesse des libraires du Québec propose d’honorer des livres qui éveillent les sens et appellent la curiosité, des histoires de tous les jours, faites de rires et de peurs, des mondes imaginaires, qui transportent et font rêver. Il valorise en outre la mission du libraire : intermédiaire de choix entre le livre et le jeune lecteur – souvent à travers le parent –, le libraire contribue, par ses conseils éclairés, à initier les enfants et les adolescents à la lecture, à solidifier leur lien avec les mots, à provoquer des rencontres inspirantes, souvent marquantes. ** paragraphe tiré du communiqué de presse.

Restez à l’affût ! Dès ce soir, je vous donne les lauréats pour la section« adulte » et les 48 titres de la liste préliminaire, section « jeunesse ».

jeudi 5 mai 2011

Ceci n'est pas une histoire de dragons - Mathieu Handfield

Depuis le temps que je voulais encourager Ta mère, maison d’édition jeune et non subventionnée. Mathieu Handfield est à sa deuxième publication, après Vers l’Est, voici « Ceci n’est pas une histoire de dragons ». Personne n’oserait confronter la vérité du titre, il n’y est définitivement pas question de dragons mais bien de personnes différentes, en l’occurrence, un nain et un (trop) grand. On peut être grand mais comment peut-on l’être « trop » ? Par rapport à son environnement humain et matériel évidemment. Et voilà que cette histoire, pas de dragons, est lancée !

Il nous est tous arrivé un jour de dire « si je l’attrape, je l’égorge » ou « enfer et damnation à tous ces cons » ou, si on est d’un naturel plus pacifique, « calamité que je ne me sens pas conforme ». Vous êtes donc en mesure de comprendre le personnage de Napoléon, si grand que trop grand qui, un jour qu'il était assis dans un bar aux côtés d’un nain laisse tomber « C’est pas moi qui est trop grand, c’est le monde entier qui est trop petit pour moi ». La phrase n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd mais bien d’un nain, immensément riche, tellement riche qu’à l’orée de votre imagination vous ne pouvez même pas commencer à envisager jusqu’à quel point :
« ... j’ai amassé une fortune que j’ai réinvestie en informatique, en armement, en alimentation surgelée, et en pharmaceutique. En plus, je possède à moi seul la moitié de l’industrie du porno, la mafia me paie des redevances sur la dope et j’empoche une fraction de chaque sou qui entre dans n’importe quelle machine de loterie vidéo sur notre moitié du globe ».
Ce nabot a des idées de grandeur et décide que le plan de son nouvel ami « trop grand » est un défi de taille pour lui. À partir de là, nous assistons à un agrandissement du monde, ce n’est pas une expression, c’est à prendre au pied du mot, et les monumentales conséquences qui s’enchaîneront.

Histoire assez loufoque comme vous l’avez sûrement deviné. Je dis bien loufoque, pas absurde, pour la différence que je fais entre les deux ; le loufoque étant pour moi du non-sens extravagant, amusant, un peu fou sur les bords. Tandis que l’absurdité pousse, de son poids léger ou lourd, sur une valeur, une idée, un principe. J’avoue avoir guetté le profil d'une valeur, idée ou principe. J’en ai trouvé mais je me demande s’ils tiennent la route. À moins que je n’ai rien compris, ce qui est loin d’être impossible !

Je me suis pourtant sérieusement interrogée sur le pourquoi je n'embarquais pas plus dans cette histoire rondement menée, aux dialogues alertes, et au rythme exceptionnellement soutenu. Je pense que la prémisse, le grand malheur des « trop grands », ce symbole des mal adaptés à notre monde, n’a allumé aucune sympathie en moi. Trop grand ou trop petit, ou trop gros, ou quadraplégique, ou aveugle, ou trop vieux, on est tous pareils dans nos différences. Comme vous voyez, je m’acharne encore à trouver un sens à cette histoire quand il faut probablement extraire la distraction, et par la situation, et par les personnages poussés aux extrêmes de l’extravagance.

Pour les romantiques, on y trouve une histoire d’amour assez conventionnelle, malgré l’environnement qui ne l’est pas du tout. La dépression et son effet insidieux est décrite à grands fracas de drôlerie, l’ambition bête et méchante est probante et patente, le pouvoir, reposant sur la richesse seulement, exploité à outrance. Le bouleversement par l’échange des valeurs et des mesures bien décrit. Enfin, l’esclavage des zombies m’a rendu mal à l’aise (c’est bon signe !), tout en me rappelant le film « La truffe » du réalisateur Kim Nguyen.

Si vous n’avez pas peur de vous aventurer au-delà des frontières du confortable, prenez une rame et voguer sur les eaux de cette histoire abracadabrante.

Ceci n'est pas une histoire de dragons de Mathieu Handfield - Illustration de la couverture Benoit Tardif - Les éditions de ta mère