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mercredi 23 juillet 2014

Pomme S d'Éric Plamondon

Dure épreuve pour cette lecture, je l’ai terminée depuis au moins quatre moins, elle s’est donc estompée sous le passage du temps. Peut-être aussi parce ce que ce n’est pas une histoire comme j’ai appris à en écrire. Certains ont même été jusqu’à se demander si c’était vraiment un roman. Je n’irai pas jusque là, c’est un récit romancé, rendu par des flashs narratifs de différentes longueurs. Avec un thème  – l’arrivée de l’ordinateur par Steve Jobs.

Pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, c’est le troisième récit d’une trilogie : le premier Hongrie-Hollywood Express (2011) mettait en scène Johnny Weissmuller, un athlète olympique, tandis que Mayonnaise est monté autour de Richard Brautigan (2012). Le point commun des trois : l’an 1984 en Amérique du Nord.

Plamondon a poussé le principe du concept dans ses derniers retranchements. J’ai lu Mayonnaise tout en ne connaissant pas Brautigan, même si on le dit en quatrième de couverture, un écrivain-culte. Tandis que Jobs, comment ne pas le connaître, nous qui pianotons sur nos claviers d’ordinateur. Le connaître au moins un peu, de nom ou de réputation.

Dans Pomme S, sa réputation se trouvera parfois confirmée, d’autres fois poussée plus loin ou, sans ambages, infirmée. Éric Plamondon a fouillé son sujet et autour de son sujet, les liens qu’il tisse le démontrent. Il y a le « avant » le coup d’éclat de la mise en marché du premier produit Apple, le « pendant » et le « après ». Tout est prétexte à lier un événement à un autre. Long tissage qui peut apparaitre comme un bric-à-brac jusqu’à ce que l’on découvre ce qui tient les morceaux ensemble, forçant l’exclamation : « Ah, mais, parce qu’il y avait un lien à la fin ? Tout serait-il lié, donc ? »

C’est de la faute à Jobs si l’avènement du premier Apple a été aussi spectaculaire, l’homme avait le sens du marketing. Une pub inspirée du roman 1984 de George Orwell passée durant le Super Bowl aura des retombées gigantesques. Cet homme n’est pas tant un inventeur qu’un génie pour créer un événement. Il a de l’audace, c’est un sans vergogne, un instable aussi. Les 113 chapitres de longueurs nettement variables ne font pas qu’allusion à Steve Jobs mais c’est certainement la partie qui m’a le plus captivée.

Il y a bien un personnage supposément central nommé Gabriel Rivages que l'on perd parfois de vue, et que l'on retrouve inopinément. Il traverse l’histoire comme nous la traversons, sans être toujours présent ; est-ce si nécessaire, après tout ! Cela donne au roman ses airs de chroniques. Des airs seulement, à ne pas oublier que l’air n’est pas la chanson !

Je  dois souligner qu’à un certain moment de ma lecture, les larmes me sont venues aux yeux, malgré moi bien sûr. J’ai perdu le contrôle de mes émotions en lisant « À toi de jouer », une des plus longues chroniques, relatant l’admiration de Gabriel Rivages devant son fils. Fait rare pour moi de m’attendrir à ce point et il fallait que ce soit dans une histoire prise à brûle-pourpoint ! Tant pis pour moi (sourire). 

Ce petit bouquin, je l’aime bien et l’ai référé à deux personnes qui raffolent des produits Apple, ça ne peut que leur plaire. Moi, je suis PC, un peu par la force des choses, comme le monde se partage entre la salade au chou crémeuse ou traditionnelle. Plamondon est un digne représentant de Jobs, qui serait fier de lui j’espère, car à entendre parler de ce bidule génial tout au long de ce récit romancé, ça m’a démangé d’en avoir un. Pour faire partie de l’Histoire, je suppose.

Mais c’est un air que je me donne, je ne chanterai pas, non, trop risqué de sortir en fausse note pour mon budget.

À ingurgiter lentement, ce roman sous forme de chroniques éparses intimement liées et tout en finesse. En définitive, un savant tissage qui nous rend moins niaiseux.


lundi 14 juillet 2014

Maggie (tome 1) de Daniel Lessard

Un journaliste qui publie un roman, ça m’intrigue déjà, que ce soit Daniel Lessard, encore plus. Voilà, c’est dit. Ce roman, je me le suis acheté (vous savez que je reçois plusieurs services de presse), c’est dire combien je tenais à le lire. Eh bien, je n’ai pas été déçue, pourtant, aux premiers chapitres, j’étais loin de mesurer l'ampleur de mon attachement. Je me languissais de Maggie, j’avais hâte de connaître celle qui joue au départ un rôle de second plan.

C’est une héroïne qui se tient loin de la perfection. Autant ses qualités sont prononcées, autant ses défauts le sont, et cet équilibre confère de la force à son caractère. Maggie est un personnage d’autant plus fort que plausible. Bref, cette histoire en trois tomes, c’est Maggie qui la fait, la balance, l’Histoire de la Beauce en ce début de 19e siècle n’a qu’à bien se tenir.

Le lecteur est convié à St-Benjamin,  petit village où se côtoient catholiques et protestants dans une indifférence respectueuse, jusqu’à ce qu’un curé rigide, fourbe et ambitieux s’en mêle. Mauvais départ pour Maggie cet enfant unique, son père absent physiquement, sa mère absente psychologiquement, l'oblige à s’élèver pratiquement seule. Elle est rapidement poussée à se dépasser, devenant maîtresse d’école à l’âge de 15 ans.

À partir du moment où elle enseigne et que le curé devient son ennemi juré, j’ai embarqué à pieds joints. Le village en entier joue sur la scène où les protestants de Cumberland Mills deviennent progressivement des pestiférés aux yeux des catholiques. Le village ne sert pas que de décor, j'ai même pensé à Sainte-Adèle des Belles histoires des pays d’en haut. Le curé, le magasin général, les polissons, les pauvres, les poltrons, le maire (le pouvoir sur deux pattes !) deviennent progressivement de vieilles connaissances du lecteur. Ces personnages hauts en couleur mettent en valeur Maggie, en la prenant en grippe par exemple, comme c'était le cas pour Séraphin. Mais là s’arrête la comparaison. Maggie ne posséde pas le pouvoir de l’argent mais un autre, celui de sa beauté insolente doublée d'une audace la portant à se sentir égale à l’homme, en ces temps où la femme est une servante de l’homme.

Par elle, les forces du mal passeront ! Elle est diablement belle et ignore tout de l’adage « Sois belle et tais-toi ». À certains moments, j’ai eu le goût de la sermonner, bref, d’être la mère qu’elle n’a pas eue. Lorsqu'elle a une idée en tête, elle fonce, même si elle défonce des murs de préjugés, des réputations ou même sa propre personne. Il n’y a pas que les autres qui peuvent lui faire du tort, elle est très bien capable de s’en faire  d'elle-même ! 

Heureusement, elle a une tante et un oncle qui l’aiment. Surtout sa tante qui doit l’aimer en pas pour rire, pour passer outre les frasques de sa rebelle. Cette avant-gardiste à tous les niveaux, ne comprend pas le concept du péché et se demande qu’est-ce que la religion apporte dans la vie. En 1914, un tel état d’esprit est révolutionnaire, surtout quand on fait l’erreur de se marier avec la mauvaise personne.

Pour qu’une histoire soit palpitante, il faut que des courants contraires s’affrontent et qu’on ne sache pas d’avance qui va gagner. On a ce qu’il faut ici, le méchant par excellence étant le curé que l’on finit par ne même plus aimer détester. C’est à peu près le seul personnage qui frôle la caricature.

On oublie totalement que cette fiction est documentée*, le style allant droit à son but ; l’amour des personnages. Les oiseaux butinent de branche en branche pour écornifler, déposés en petites tâches de couleurs sur le paysage humain. La nature est savante mais se fait discrète (fleurs, oiseaux, végétations), je ne l’ai jamais perçue décorative, plutôt en fusion avec la nature humaine. Et pour ne rien gâter, les  nombreux dialogues coulent de source. En définitive, du talent, ce monsieur. 

* Daniel Lessard est natif de St-Benjamin et son grand-père y a été maire et juge de paix. Ce dernier aurait laissé des documents et, bien évidemment que la formation de journaliste de l’auteur a dû le pousser à approfondir le sujet.

*** Daniel Lessard est attendu aux Correspondances d'Eastman, au Café littéraire "Le roman historique et l'épopée identitaire", le samedi 9 août à 10 h 00.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Lessard

lundi 7 juillet 2014

Détours sur la route de Compostelle de Mylène Gilbert-Dumas

Je n’ai pas fait la route de Compostelle, de là ma curiosité face à ce roman ; qu’est-ce que tous et chacun vont donc chercher dans ce parcours pour expliquer le renom ?

L’auteure l’a déjà fait deux fois, ce que j’ai su après ma lecture. Je n’ai pas eu l’ombre d’une surprise, les descriptions étant parsemées de détails pratico-pratique qui ne mentent pas. Je ne pense pas qu’une personne qui ne l’a jamais fait s’attarderait à ce point à l’équipement adéquat (surtout les chaussures !), l’itinéraire, le poids à transporter, le ravitaillement, les réservations du logis et, le bouquet, les punaises de lit, ce fléau entre tous les fléaux.

Même si le roman est largement tissé de ce bagage pragmatique, on y trouve, comme on devait s’y attendre, une quête d’identité. Comment pouvait-il en être autrement, si on considère que Mylène Gilbert-Dumas est une fouilleuse effrénée de la motivation féminine. Est-ce que cette femme pose cet enchevêtrement de gestes pour son entourage ou pour elle ? En a-t-elle vraiment le goût, ou c’est la pression sociale qui fait son œuvre ? Ce sont les questions qui reviennent dans son œuvre et, ici, l’auteure s’est trouvé le terrain idéal pour les cultiver.

Ce n’est pas Mireille, la narratrice et personnage principal qui a décidé de faire le chemin, elle n’en a pas pris l’initiative, c’est sa sœur qui l’entraine. D’ailleurs, on ne l’imagine pas du tout la prendre, cette initiative, elle est sa vie de famille et son travail d’épicière avec son mari. Elle n’est pas à proprement parler une femme perdue, loin de là, mais elle est une femme qui s’identifie par son travail et sa vie de famille. Alors, imaginez-vous que placée devant l’abandon de sa sœur (qui a trouvé l'amour) dès les premiers milles, le harcèlement de son questionnement commence : veut-elle vraiment arriver au bout de son objectif ? Ne veut-elle pas plutôt retourner à la maison et retrouver routine et confort ? Bref, veut-elle se donner toute cette misère pour « rien » ? En plus, elle n’a jamais eu le temps dans sa vie de tous les jours de désirer un homme, et si la promiscuité la portait à tromper son mari ?

La question demeure suite à n’importe quelle lecture : avec quel entrain et à quelle vitesse allongeons-nous le pas au cours de cette lecture ? Personnellement, un peu comme Mireille, j’ai eu des ralentissements considérables, lasse de m'arrêter à cause des ampoules aux pieds, sujet récurrent entre tous. Évidemment que tout dépend des attentes, un lecteur qui désire un jour faire le chemin apprendra de long en large tout ce qu’il faut éviter, et s’il prend des notes, devrait contourner certains écueils. Et j’imagine facilement qu’une personne l'ayant déjà parcouru devrait retirer du plaisir à le refaire en compagnie de l’auteure, comparant ses impressions avec elle.

Quoiqu’il en soit, il y a de la matière à réflexion sous l’angle physique, mais sous l’angle spirituel, n’ayez pas d’attente. L’angle spirituel est à ne pas confondre avec l’identité sociale car, celle-ci est abordée, comme mentionné ci-dessus. J’imaginais que ce parcours dégageait quelque chose de mystérieux et de magique et nous entrainait malgré soi au-delà des frontières physiques et sociales. Cette lecture ne m’a pas laissé cette impression. D’ailleurs, je me suis juré de ne jamais faire le chemin de Compostelle !

Alors voilà, même si c’est presque toujours le cas, j’avance plus que jamais que, devant ce titre, tout dépend de vos attentes.