Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

mardi 31 mars 2009

La traversée de la ville - Michel Tremblay

Je n’avais pas le choix de traverser la ville pour suivre ma chère petite Rhéauna que j’ai adoptée sans même demander la permission à sa mère.

Déception dès le premier chapitre, le maître d’œuvre ne reprend pas l’histoire là où il nous a laissé, à ce moment crucial où Rhéauna aperçoit sa mère pour la première fois après des milliers de kilomètres, et de lignes, d’attente. C’est son droit, qui va contester un dieu écrivain, mais qui va m’enlever mon droit de lectrice d’en avoir éprouvé de la frustration.

J’ai repris mon contentement en mains, il n’était quand même pas question de bouder mon plaisir. Monsieur Tremblay aime les femmes puisqu’il nous les présente sous des angles de femmes fortes. À commencer par la mère de Rhéauna, enceinte par accident, qui décide sur un coup de tête de partir d’une fabrique de coton des États pour retrouver ses deux sœurs vivant à Montréal. C’est la retrouvaille du trio, Teena, Tititte, et Maria chez le frère, Ernest, qui n’y fera qu’une brève apparition. Je vous l’ai dit, le spot éclaire des femmes et j’ai même cru apercevoir les ficelles de l’homme de théâtre qui donne le plancher à chacune, qu’elle dévoile son drame par un monologue aussi touchant qu’intense.

Mais Rhéauna, a-t-elle sa place ? Heureusement que oui ! Mes meilleurs moments, je les ai passés en sa compagnie à la regarder prendre soin d'un bébé d'un an, Théo, comme une tendre et attentionnée deuxième mère. Sa mère lui a tout de suite expliqué ce que Rhéauna avait instantanément deviné ; elle est là pour garder son demi frère pendant que sa mère travaille dans un Café chantant.

Mais revenons en ville. Tous les prétextes sont bons pour la traverser. C’est un des grands intérêts du roman, visiter Montréal de 1912 à 1914 par les yeux de la mère, et deux ans plus tard, par ceux de la fille. Cette fresque en mouvement livre des détails captivants pour qui, par exemple, n’a jamais vu s’approcher un p’tit char (tramway) : « Une énorme machine de métal vert et jaune s’approche en crachant des étincelles. La porte s’ouvre en grinçant, un marchepied en fer forgé se présente à elle ».

Ou jamais vu le pivotement d'un p’tit char : "Après avoir fouaillé dans les rails, plus nombreux à cet endroit, à l’aide d’un long levier de métal, le conducteur et le vendeur de tickets poussent en sacrant et en suant sur le côté avant de la machine. Celle-ci se met à tourner sur une plaque de bois vermoulu qui geint et qui craque". Tout au long de cette promenade à travers Montréal, j’ai admiré la fidèle mémoire de Michel Tremblay jusqu’à ce que je découvre la page des remerciements : « Un grand merci à Jean-Claude Pepin dont les recherches sur Montréal entre 1912 et 1914 m’ont été des plus utiles ».

Quel plaisir tout de même de suivre Rhéauna, pas à pas, passant par la Catherine pour se rendre à la gare Windsor, faisant une escale éblouie chez Dupuis & Frères, s’arrêtant ensuite dans un marché pour y découvrir un fruit qu’elle n’a jamais mangé frais « Ça explose aussitôt dans sa bouche, c’est à la fois sucré et suret, la surface de sa langue brûle et se contracte, ça pique et ça chatouille en même temps, ça chauffe, ça râpe, et pourtant c’est délicieux !" (devinez ce fruit que Rhéauna découvre).

Si vous hésitez encore, Rhéauna va vous aider : « C’est moins sucré que dans les boîtes de conserve et pourtant c’est meilleur »
... (ah, vous y voilà !)

J’ai moins aimé que La traversée du continent, tout le monde l’a déjà compris, mais cela ne retire pas un iota à ma hâte au troisième tome « La traversée des sentiments ».

Surtout que moi et les sentiments, on a une relation intense.

dimanche 29 mars 2009

Nos livres voyagent

Oui, nos romans voyagent et pas seulement à l’intérieur de nos valises.
Avant d’attaquer ce sujet, je tenais à vous présenter notre dinde sauvage. Euh … c’est la première fois que je fais une telle déclaration et probablement la dernière. C’est qu’une sympathique dinde sauvage est venue se dandiner sous nos mangeoires. Non pas qu’elle veuille, en tant que gros oiseau faire peur aux plus petits, je vous l’ai dit, elle est sympathique, elle aspirait plutôt aux écailles des graines de tournesols noires sur notre neige. Elle fait un tri méticuleux, un peu nerveusement, puisqu’elle ne nous a pas encore, elle, affublé du qualificatif « sympathique ». Ça viendra peut-être puisqu’elle a réalisé que l’appareil photo ne l’a pas mitraillée sur place. Et puis, un tapis noir de graines de tournesol, rien de plus attirant pour un volatile qui a pris l’hiver pour un printemps. Elle aurait traversé la frontière venant du Sud, mais ne se serait pas informée de la température à nos douaniers.

Marc l’a baptisé Betty. Moi, Boop.

Partant d’une dinde, pour rester dans le même règne, je vous dirigerai vers des poissons. Tout part des liens maintenant, alors il faut en faire. Je sais vous avoir déjà parlé de la vidéo promotionnelle de la traduction « Le Froid modifie la trajectoire des poissons » de Pierre Szalowski en langue espagnole et catalane. À ce moment-là, j’étais incapable d’installer la vidéo, tandis que maintenant, ayant reçu la leçon d’un expert en la matière (merci Mistral !), cette vidéo fera disparaître une minute de votre vie pour en faire apparaître une de féérie.

Visionnez et soyez convaincus que nos livres voyagent en première classe :



Je vous ai aussi dit que les droits d’adaptation Du bon usage des étoiles de Dominique Fortier ont récemment été acquis par Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y.). Voilà une chose qui est réjouissante et qui suppose le voyage mais ne le garantit pas. Si je rajoute qu’il sera traduit en anglais et publié au Canada par la prestigieuse maison McClelland & Stewart et que cet éditeur établi à Toronto s’est porté acquéreur des droits mondiaux anglais, on commence à entrevoir de se rapprocher des étoiles pour voir de haut (attention, ne pensez pas mal, dans un avion !) les terres de l’Angleterre, des États-Unis ou du reste du Commonwealth. Rendu là, on peut même commencer à penser à l’international, ce n’est pas du tout défendu, surtout si on croit que la pensée crée.

Les carnets de Douglas de Christine Eddie, lauréate du Prix France-Québec 2008, maintenant publié chez Héloïse d'Ormesson recevrait déjà, paraitrait-il, de bien belles éloges de l’autre côté de l’Atlantique. Mais là où je veux en venir est que pour un premier roman, d’être bientôt publié en Livre de poche, c’est une rare occasion pour un roman québécois, pas seulement d'atteindre un vaste public, mais de voyager dans une poche. Et qui dit poche, dit aussi sac à main et qui dit sac à main, dit aussi sac de voyage ! (;-)

Ha Ha ! Je vous l’avais dit, n’est-ce pas, que nos livres étaient de grands voyageurs ? Et on se souhaite qu’ils voyagent de plus en plus souvent et de plus en plus nombreux.

Et tant qu’à être dans les voeux, je nous souhaite, parfois, de les suivre ! Ce qui peut ma foi être assez plaisant … un petit mois, par exemple, est-ce que ça vous le dirait !

vendredi 27 mars 2009

Pourquoi tu vis ?

À tout seigneur, tout honneur, Christiane Charrette a donné la parole aux auteurs finalistes du Combat 2009, Jean-François Beauchemin et Rawi Hage, ayant tous deux suivi le combat, ils disent appuyer l’initiative, elle fait parler de leur œuvre. Cependant, Jean-François Beauchemin a osé exprimer une critique. Il trouve « batard » (sic), que le jeu fasse en sorte que les débatteurs préparent une critique en bonne et due forme mais qu’ensuite ils aient recours à de la stratégie pour gagner. J’ai compris son idée ainsi : une critique bien préparée, ça devrait être suffisant pour gagner. Curieusement, c’est le défenseur de son œuvre « La fabrication de l’aube », Émmanuel Bilodeau, qui a eu le plus recours à des subterfuges et à de la stratégie. Jean-François Beauchemin a donc critiqué son défenseur ! Voyons-le avec le sourire.

Aujourd’hui, la nouvelle stratégie d’Emmanuel B. a été l’intervention de Françoise Faucher via la ligne téléphonique. Cette grande comédienne a défendu La fabrication de l’aube avec cœur et conviction, ce qui a ébranlé le seul qui hésitait encore, Raymond Gravel. La stratégie était forte car l’avantage de ce plaidoyer par une tierce personne a fait en sorte qu’aucun des débatteurs n’a osé l’interrompre.

Le duel verbal entre Brendan Kelly et Emmanuel Bilodeau était nerveux, saccadé, et il a mené à du cocasse. Pendant que Brendan Kelly ramassait son meilleur français pour défendre son livre, laissant tomber des quarts de seconde d’hésitation, Emmanuel B. entrait avec des apartés, petits coups punchés et précis, atteignant sa cible. Écoutez cet exemple savoureux : Brendan Kelly déclare qu’il ne lit pas pour évoluer, Emmanuel B. lui réplique un « Pourquoi tu vis ? ». Personnellement, j'ai compris « Pourquoi tu lis ? », tellement mes oreilles ne croyaient pas ce qu'elle entendaient !

Malgré tous les amusants subterfuges employés par Emmanuel Bilodeau, c’est Parfum de poussière le grand gagnant, faisant mordre la poussière aux quatre autres, en les éliminant un à un.

Mais disons-le et soulignons-le, Emmanuel Bilodeau part aussi gagnant. Suite à la demande faite aux auditeurs de voter pour le meilleur débatteur et leur livre préféré, c’est Emmanuel Bilodeau qui a gagné, et le livre : « La fabrication de l’aube » de Jean-François Beauchemin.

Cliquez ici pour entendre les auteurs avant la joute finale.
Cliquez ici pour entendre la finale du combat des livres.

Photos ci-dessus : Emmanuel Bilodeau et Brendan Kelly

jeudi 26 mars 2009

Le combat des livres (bais oui !)

Quel mauvais timing ! Être obligé de prendre une pause pendant le Combat des livres que j'avais pourtant annoncé dans Le retour du combat. La Vie, et ceux qui l’habitent, ont compris que ça ne se faisait tout simplement pas, et m’ont pris la main, ont tiré dessus pour me sortir à l’air libre, l’air qui rit.

Surtout que cette année Le Combat des livres est unique et mémorable.

J’ai compris plus que jamais que Le combat est avant tout fait par les débatteurs. Certains disent, c’est le livre qui devrait être à l’avant-scène. Je réponds : qu’importe ! Puisque ça revient au même.

Le livre est sur la sellette, pas sur un promontoire, plutôt déposé au creux de la main mouvante d’un passionné de lecture qui s’adonne à être connu. Parlons donc des débatteurs ; Janette Bertrand, Esther Bégin, Raymond Gravel, Brendan Kelly, Emmanuel Bilodeau tous calmes, comparativement à l’année passée où leur flamme et nervosité donnaient des chocs électriques.

À ce Combat 2009, les coups se donnent bas, sur les débatteurs, pas sur les romans. Surtout pas le roman qui, lui, ne se dénigre pas, cette bonne intention occupe la place d'honneur. Et s’il y a un manquement à cet honneur, on s’en excuse, c’est un accident. Deux émotions se sont frôlés de trop près, il y a accrochage voilà tout, un constat à l’amiable et l’affaire est réglée.

La bonne intention va jusqu’à l’installation du chronomètre, on se règle un 3 minutes pour vanter son roman sans l’interruption de l’ennemi. Aujourd’hui, Emmanuel Bilodeau a même ajouté du Schubert pour accompagner sa lecture ardente d’extraits de « La fabrication de l’aube ».

Récapitulations :

Lundi :
Présentation sage et posée de chacun des romans. Aucune élimination, donc pas de combat.
Mardi : Mistouk est attaqué durement, comprendre par là, Raymond Gravel se sent attaqué durement. Il ne l’avait pas prévue celle-là, il tombe au combat, en beau tabar…ouette, il ne se relève pas.
Mercredi : Coup d’éclat. Tout le monde prévoyait Bordeline gagnant, pour la force du livre oui, et la force de frappe de sa défenderesse, Janette. Emmanuel Bilodeau se jugeant incompétent pour défendre son livre opte pour la stratégie et, contre toute attente, est la voix qui fait tomber le couperet sur Bordeline !
Jeudi : Les lignes sont rouge vif. Le rouge « passion » pour Emmanuel et son côté cute faussement innocent, le rouge « sang » pour avoir osé déjouer notre Janette nationale et son Bordeline follement génial.

Vendredi ? Duel à venir, duel à finir : Parfum de poussière et La fabrication de l’aube. Dans le ring, avec gants blancs, Brendan Kelly et Emmanuel Bilodeau.

Oups laï laï ! C’est à ne pas manquer, oui, c’est à ne pas manquer !

Une SURPRISE se rajoute pour la finale de demain : la présence des deux auteurs en finale. Qui l'a dit ? Chantal Guy qui agira, après le combat, comme commentatrice analyste.

Exemple d’un commentaire tiré du site à visiter pour les détails : « Le combat des livres »

25 mars, 11 h 36 - Cher monsieur Bilodeau,

Je vous adore. Vous êtes irrésistible. Quel esprit fripon! Vous avec un talent d'animateur indéniable; vous relancez la discussion qui, malheureusement, s'embourbe facilement. Vous apportez un vent de fraîcheur.

La Fabrication de l'aube est dorénavant un must lors de ma prochaine visite chez le libraire.

Bon combat.
Diane Sauvageau
Montréal

lundi 23 mars 2009

Je pèse sur "Pause"

Le Passe-Mot sera en pause pour une durée difficile à déterminer. Je m’avance à dire environ une semaine. Pour plusieurs raisons que je préfère taire pour le moment. J’ai hésité avant de vous en avertir pour ne pas inquiéter personne, mais qu’est-ce qui vous inquiéterait le plus, du silence … ou que je vous passe le mot ?

Pour les personnes qui visiteraient le Passe-Mot pour la première fois en mon absence, surtout, faites comme chez vous. Ouvrez-vous des Bonnes aventures (liens à droite vers le bas), lisez tout votre soûl, quand il y en a plus, il y en aura encore !


Laissons-nous sur une excellente nouvelle, en tout cas moi qui aie tant aimé ce roman, je l’accueille en applaudissant à tout rompre. Et c’est sans oublier les rédacteurs La Recrue qui ont voté Les Carnets de Douglas « coup de cœur » parmi les douze romans commentés en 2007-2008.

Le Prix France-Québec a été remis par le délégué général du Québec à Paris, M. Wilfrid-Guy Licari, accompagné du président d’honneur Patrick Poivre d’Arvor, à Christine Eddie pour son premier roman Les carnets de Douglas édité chez Alto.

Elle est la première gagnante à être éditée par un éditeur français, soit par les Éditions Héloïse d’Ormesson, du nom de la fille de Jean d’Ormesson, romancier et chroniqueur français de renom. Madame d’Ormesson voit dans le bandeau Prix France-Québec un argument de vente qui permet au livre québécois de se tailler une place en France.

Les carnets de Douglas sortiront de plus en petit format dans un an ou deux, car les droits ont été rachetés par le Livre de Poche.

La bourse, d’une valeur de 8500$, permettra à Christine Eddie de plancher sur son deuxième roman pendant environ huit mois selon ses dires.

Tiré du site le Libraire

Également à consulter l'article de Michel Dolbec dans La Presse canadienne :


Et à ne pas oublier qu’à proximité du bouton « Pause », il y a le bouton
« Avancé »

N.B. : La modération des commentaires est aussi en pause ...

samedi 21 mars 2009

Monsieur Ho - Max Férandon

Ce recenseur, qui se pense discret mais qui ne l’est pas tant que ça, nous fait entrer dans la Chine profonde, une face cachée que l’on découvre sous l’angle social et politique. Curieux quand même que ce mélange, un style poétiquement absurde et joyeusement humoristique servant un message grave, révoltant même, l’asservissement au silence de millions de Chinois.

Ratisser par le nombre ce « pays pluriel », comme se plaît à le répéter Max Férandon, auteur d’un premier roman. Celui-ci se singularise, à mon avis, par son style. J’ai lu et relu certains passages, paragraphes, en n’en faisant une substance succulente pour taire mon trop de surprise devant tant d’humour fin. Si fin, à me demander parfois si je rêvais. Si fin, que je devais parfois repeigner les mots un à un, pour en extraire le suc favorisant l’assimilation d’un propos pas toujours digeste par le message. C’est qu’au fil de cette escapade en train, on découvre tout le vil du Très-Haut lieu de Pékin, et ça s’adonne que le fonctionnaire Ho le représente. Mais ne l’endosse pas. Et pour cause ! Son père en ayant été la première victime, il se range plutôt du côté des paysans. Des chefs de gare aussi.

Je serais tenté de classer cette histoire dans la « road-novel » malgré ma peur que l’étiquette reste collée sur le bout de mes doigts. Le voyage se passe autant à l’intérieur de Monsieur Ho, qu’à l’extérieur dans ces champs Chinois et mongoliens, desquels Max Férandon nous dévoile beaucoup, plus ou autant qu’un sociologue démographe.

J’ai remarqué que la trame, et le suspense, arrivent par à-coups. Le train avance, entre dans le paysage, s’installe une situation, une question surgit, on se dirige vers la réponse qui résout la dite question, jusqu’à la prochaine. Et on continue ainsi d’avancer jusqu’à la dernière « question », qui se pose plus longuement, le train s’arrêtant dans une gare désaffectée, en Mongolie. Et ce chef de gare arrêté dans le temps se fera surprendre par l’histoire !

Mais est-ce que j’ai aimé ? Disons que j’ai essayé d’aimer beaucoup, mais c’était au-dessus de mes moyens, j’ai donc aimé moyen. C’est délicat de le dire car les personnes plus sensibles que moi à l’histoire de la Chine seront probablement enchantées de ce roman, si bien servi par son style intelligemment absurde. Je me reprends donc, j’y suis sensible mais disons que mon intérêt se réveille plus par le quotidien d’un individu, avec tout le prosaïsme de sa concrétisation, que par une « fable grinçante » (quatrième de couverture). Monsieur Ho est marqué par son passé, mais son présent lui ? Sa femme et lui prennent le thé en première page et ensuite elle disparaît totalement. Une petite pensée à sa fille durant son voyage, et c’est tout. Tous les détails qui nous rattachent au quotidien sont éliminés, même le temporel. Voyez comme je suis terre à terre ! Je me situe à vos yeux dans le désir que vous vous situiez vous-même, pour que vos besoins de lecture s’accordent avec vos envies. C’est bien le but de l’exercice ici, non ?

Mais suffit mes mots, seulement et toujours les miens, je vous laisse sur ce style que j’ai tant apprécié, à cette étape, il saura parler mieux que je ne saurais le faire :

[…] la dame qui lisait le même livre depuis des mois sans tourner une seule page mais qui, dans un étrange souci de coquetterie, changeait de chaussures tous les jours. À moins que ce ne fût le livre qui lisait la dame en tournant les jours ?

Tout au long de la journée, monsieur Ho visita ainsi plusieurs cellules pareilles les unes aux autres. Une seule question, plusieurs histoires, plusieurs questions, une même histoire.

Il finirait donc sa mission, pour ses concitoyens avant tout, pour les rapprocher d’eux-mêmes. Le travail du commissaire Ho n’était-il pas, en fait, celui d’un défricheur de pluralisme à qui l’on demande de dresser le portrait le plus fidèle possible d’une société mosaïque en réfléchissant en sourdine aux promesses de cette chose insolente que l’on appelle ailleurs, parfois tambour battant, la démocratie ?

- Vous, commissaire, avez-vous aussi une gare dans votre tête ?
- Oui, je crois. Une gare, mais aussi une prison, un orphelinat et une rangée d’arbres de quatre milles kilomètre.

Max Férandon est né en 1964 dans une jolie carte postale du centre de la France, un petit village du département de la Creuse. Il garde de son enfance un imaginaire poétique dont il s’inspire pour écrire ses histoires. Une première traversée de l’Atlantique, en 1988, l’amène au Québec, où il réside depuis et où il a pratiqué plusieurs métiers. Il vit aujourd’hui dans la vieille capitale.
Alto, 160 pages.

jeudi 19 mars 2009

Borderline - Marie-Sissi Labrèche

En l’an 2000, M.S.L. nait au monde de la littérature. À cette époque de ma vie, je lisais peu, et donc m’informais peu, et j’ai pourtant reçu quelques vagues de ce remous. Alors, m’y voilà enfin à cette écriture haletante, fébrile, nerveuse. Émotive. C’est le mot qui surplombe cette livrée de pensées intimes d’une femme juchée à « la limite de la raison et de la folie ».

En création, tout ce qui est à la limite de … est intéressant, à mon sens. Pour le jeu errant sur la lande du mystère. Elle est Bordeline, cette femme, et a le talent de nous amener sur les rives de sa raison-folie. Pour tout ce que sa folie a d’enjôleuse, pour tout ce que sa raison a de lucide.

Je passe aux aveux : j’ai vu le film. Mal m’en pris, même si je ne regrette pas ce Plat appétissant de chair tendre (ma critique à Voir.ca). Tout au long de ma lecture, j’étais Borderline entre voir Isabelle Blais, Marie-Sissi, Isabelle Blais … Avec de si esthétiques suggestions visuelles, je suis bien sûr passé à côté de celles en provenance directe de mon imaginaire !

Faut dire que Marie Charlebois (réalisatrice) a réussi un tour de maître ; propulser intelligemment le roman sur l’écran. Je me suis donc finalement livrée, entière, à l'écran méninges. Mais je me devais de vous le confier. Ça a changé ma lecture pour la substance visuelle complétant les mots. Ce roman avait pour moi une troisième dimension, même si je suppose qu’elle est pour tous, pour le talent de l’auteure à rendre l’émotion, même le vide :
Le vide m’habite. Il s’infiltre dans chacune de mes cellules à une vitesse vertigineuse, il va plus vite que le Faucon millénaire dans Star Wars. Je suis couchée par terre dans le salon, le plancher est froid et me glace le dos. Je m’en fous. Je ne me lèverai pas d’ici. Je n’ai plus envie de bouger. Le vide est tellement lourd.
Le malaise :
Je les vois mes parents, mes deux mamans, elles semblent arrêtées dans l’espace. Elles sont comme des ombres chinoises, sombres, les bras et les jambes crispés, toujours au ralenti. Je les vois, elles regardent dans le vide sans jamais se parler, sans jamais me parler. L’image est en arrêt. Le magnétoscope de ma famille est perpétuellement sur Pause.
De quoi donner envie à une enfant de 8 ans de brasser de l'air :
Mais alors là, quand je suis tannante, tout le monde sort de sa léthargie et s’empresse de s’occuper de moi. Je me mets sur Fast Forward et je fais de l’action dans la maison. Une vraie Arnold Schwarzenegger en jupon.
C’est typique chez elle, ces références de chez nous, et d’ailleurs. Ça peint le propos de couleurs criardes. Bigarrées. Justes.

À un moment donné, vers la fin, démontrant que toute bonne chose rassasie sa faim, les mots ont commencé à se frapper durement sur le mur des lamentations. Pour l'intimité serrée et stressante avec la douleur psychologique. Mais juste un peu, pas trop, mais assez pour me convaincre de mettre un espace temps, entre Bordeline et sa suite « Labrèche ».

Cette histoire est tout ce qui n’est pas fade, pâlot, Marie-Sissi Labrèche dirait « drabe ». C’est un torrent de vie avec l’arc en ciel des émotions tombé dedans. Et il faut le suivre, ce torrent, il rend à bon port, il nous conduit impétueusement à la brèche.

lundi 16 mars 2009

Quels sont vos dix livres préférés ?

C'est la question qui a été posée à cent écrivains francophones (francophones, en tenant compte que l’info vient d’un site français !). En attendant d’avoir le plaisir de le faire avec cent écrivains québécois … euh, c’est toute une entreprise cent … peut-être cinquante ? … allez, continuons d’y réfléchir, en attendant, jetons un coup d’œil sur la liste des écrivains les plus cités, et les titres, les plus cités.

C’est intéressant, ça révèle … tiens, je laisse parler les chiffres, qu’ils se sentent importants de temps en temps. Pas que je veuille faire du Passe-Mot, le Passe-chiffre, mais une fois n’est pas coutume. De toutes manières, si vous voulez des mots qui accompagnent ces chiffres, il y en a plein ici. Mais que ça ne vous empêche de me laisser les vôtres ! Vos mots. Votre grain de sel de mer, iodé, ou même Windsor. Fleur de sel, ne pas s’abstenir. Vous comprenez maintenant pourquoi il est préférable que je laisse parler les chiffres ? Je dis seulement des niai … fantaisies ce soir. Ça en prend de ces moments dans une vie.

J'y pense tout à coup... vous, oui vous, les connaissez-vous vos dix préférés ? Bais, je sais, c'est pas évident. Mais ça peut être un bel exercice, par exemple. Si les écrivains sont capables, pourquoi pas nous ? On lit autant que les écrivains... Non ? Pas d'accord ? Bon. Au pire. Dites-en trois. Non. Cinq. Ah pis, dix, comme les écrivains !

Les auteurs les plus cités
Marcel Proust (33 fois)
William Faulkner (24)
Gustave Flaubert (23)
Fiodor Dostoïevski (16)
Virginia Woolf (15)
James Joyce (14)
Franz Kafka (14)
Louis-Ferdinand Céline (13)
Samuel Beckett (11)
Arthur Rimbaud (11)
Stendhal (10)
Mme de La Fayette (9)
Léon Tolstoï (9)
Malcolm Lowry (9)
William Shakespeare (9)
Herman Melville (9)
Primo Levi (9)
Georges Bataille (9)
Jean Giono (9)
Charles Baudelaire (8)
Homère (9)
André Breton (8)
Albert Camus (8)
Miguel de Cervantès (8)

Les livres les plus cités
A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust (33 fois)
Ulysse, de Joyce (13)
Iliade et Odyssée, d’Homère (9)
La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette (9)
Le Bruit et la Fureur, de William Faukner (8)
Absalon, Absalon !, de William Faulkner (8)
Les Fleurs du mal, de Baudelaire (8)
Sous le volcan, de Malcolm Lowry (8)
Don Quichotte, de Miguel de Cervantès (8)
L’Éducation sentimentale, de Gustave Flaubert (7)
La Bible (6)
Fictions, de J.-L. Borges (6)
Journal, de Franz Kafka (6)
Moby Dick, de H. Melville (6)
Les Frères Karamazov, de Fiodor Dostoïevski (6)
Une saison en enfer, d’Arthur Rimbaud (6)
Anna Karénine, de Léon Tolstoï (5)
Correspondance, de Gustave Flaubert (5)
La Divine Comédie, de Dante (5)
Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos (5)
Le Maître et Marguerite, de Mikhaïl Boulgakov (5)
Mémoires d’outre-tombe, de Chateaubriand (5)
Récits de la Kolyma, de Varlam Chalamov (5)
Si c’est un homme, de Primo Levi (5)
Voyage au bout de la nuit, de L.F. Céline (5)

dimanche 15 mars 2009

Le chapeau de Kafka - Patrice Martin

C'est le rendez-vous du 15 avec un mince roman qui s'avale en une seule bouchée, sans s'étouffer. À moins que l'on puisse s'étouffer de se retenir de rire. Pas un rire qui s'esclaffe, un rire par en-dessous fouillant l'absurdité niché en l'Homme.

L'Écrivain Dieu

On avance dans cette histoire précise, réglée comme une horloge, en compagnie de P.

Voyez-vous ; P. ? Nous n’aurons même pas l’ombre du prénom de cet être qui nous entraîne avec lui dans sa mission : aller quérir le chapeau de Kafka pour son patron. C’est un chapeau, cela aurait pu être un crayon, un mouchoir, qu’importe l’objet, tout dépend de l’importance qu’on lui accorde. Comme de notre mission sur la Terre ! P. fait de cette simple course une question vitale. En rapportant ce chapeau à son employeur, sa vie va se transformer.

Il est un homme précis, méthodique et extrêmement rationnel. C’est une machine humaine. D’après le portrait, les êtres rationnels s'enfargeraient un peu trop dans les détails. De tenir au contrôle, avant tout et sur tout, est la meilleure manière pour qu’il nous échappe. C’est amusant d’observer quelqu’un qui, avec concentration et méthode, travaille pour contrôler une situation ultra simple, et de voir que plus il y travaille, plus elle s’embourbe. Avec une totale absence de spontanéité et de gros bon sens, P. fonctionne sur le pilote automatique, avec des mécanismes qui se mettent en branle devant un problème X. Alors que voulez-vous, dans un édifice à bureaux, en présence de cet employé robot, calepin et mission en mains, j’étais continuellement ramenée au fonctionnement de certains fonctionnaires, un sourire en permanence au coin des lèvres.

Cet être sans émotion ne m’en a pas inspirée, c’est donc l’histoire qui a pris le dessus. Si P. se prend au sérieux hors de toute proportion possible, l’histoire, elle, pas du tout. Elle se suspend, a des échappées, des coupures, des parenthèses où s’imbrique une autre histoire, des personnages qui arrivent sans crier gare, et s’éclipsent. Règne une fausse confusion car au final de ces histoires gigognes, on découvre que rien n’est gratuit, tout avait été réglé au quart de tour. Par l'écrivain Dieu.

Pour le genre, le style est impeccable. À l’image du récit, clair, net, précis et par là, efficace. C’est audacieux, donc original. Il y a plein de clins d’œil sur les écrivains et leurs manuscrits, c’est la saveur accentuée de l'histoire qui comprend les autres. J’ai un peu moins goûté certaines lues par P. mais appréciées d’autres dont celle où un personnage féminin émotif apparaît, une serveuse déchue, me démontrant que Patrice Martin sait aussi manier l’émotion.

HUIT autres opinions à La Recrue.

vendredi 13 mars 2009

L'échange

Est-ce que je vous ai dit combien j’ai aimé mon incartade du côté français ? Bien plus encore que je ne l’aurais cru. Assez que ça a ébranlé mes assisses. J’ai réalisé qu’à ouvrir cette porte, s’y engouffre quantité de potentiels lecteurs de littérature québécoise. Mes interventions et les liens enchevêtrés amènent un lot de visiteurs qui prennent contact avec nos titres. Mais je ne pars pas en peur ! Je vais garder l’équilibre. Admettons que je me mettrai à lire ici et là et qu’il me resterait 20% de temps pour du québécois, les visiteurs d’ailleurs finiraient pas avoir peu de titres à se mettre sous l’œil. Plus simplement dit, mon exception à la règle devient une règle !

Mais on a beau faire son possible pour diffuser, là où ralentit l’échange Québec-France, c’est dans la distribution. Peu de romans sont disponibles et ils sont donc dispendieux à faire venir. C'est une calamité d’entendre Béo dire que La Traversée du continent de Michel Tremblay lui a coûté 40 $.

Par contre, ce qui traverse très facilement les frontières, c’est la hantise du premier jour du premier roman. Voici un exemple : le 4 mars, Audrey Parily sortait Passionnément Givrée au Québec et la même journée, Maud Lethielleux sortait Dis oui, Ninon en France. Toutes les deux ont vécu l’événement du premier jour avec une intense fébrilité :
À mon avis, j’ai ressenti à peu près ce qu’on doit ressentir quand on laisse son bébé pour la première fois. Dur la séparation.
Mon roman a donc fait son entrée dans le monde de la littérature québécoise aujourd’hui. Peut-être que quelqu’un est en train de le lire en ce moment même.
Audrey Parily
Je me suis planquée et je suis restée là à observer les gens, je voulais voir la tête qu'ils feraient en découvrant le livre, comment ils le feuillèteraient […] je suis restée donc, et j'ai vu. J'ai vu que personne ne l'avait remarqué. Même mon regard plein d'espoir orienté vers un ciel sans nuages ne les a pas interpellé !
Quand un livre paraît, l'auteur ne sait rien. Qui achète? Qui aime? Qui feuillète? Qui referme? Qui sourit? Qui oublie le livre sur une pile déjà haute? Qui commence sans finir? Qui lit d'une traite? Qui éclate de rire sans savoir pourquoi? Qui fait une mine dégoutée? Qui se souvient de lui même? Pour moi, c'est la première fois que je ne croise pas le regard de celui qui reçoit.
Maud Lethielleux
J’ai aussi remarqué que se vit de la perplexité vis-à-vis le « après » publication. Le réflexe est d’attendre beaucoup de la maison d’édition. Heureusement, il y a l’option de sortir de cette passivité. D’y veiller, de s’impliquer, de proposer, d’initier. La maison d’édition investit de l’argent et a plusieurs "enfants", l’auteur investit temps, travail et talent, et il a un seul enfant (pas encore de triplet hétérozygote en littérature). Maud L, a bien décrit l’équilibre entre s’occuper de son « affaire » et ne pas en faire une obsession :
En fait, les jours qui suivent la sortie, on intérêt à avoir quelque chose à faire, par exemple, je sais pas moi : tomber amoureuse d'un très beau caissier de la Fnac de Nantes (où on va chaque jour compter les livres restant sur la pile) […] on peut aussi décider de créer un blog et de fermer les yeux en se laissant bercer dans la toile, toile, toile d'araignée. Finalement, je crois, non je suis sûre, c'est la plus belle solution que j'ai trouvée !
Celle-ci a écrit un billet bilan et en 10 jours pas moins de 11 billets sur la blogosphère se sont écrits sur Dis oui, Ninon. Mais je peux vous dire qu’elle a géré le tout avec charme et doigté. Comme on dit « elle a veillé au grain ».

Bel échange, l'écrivain nourrit la blogosphère, la blogosphère nourrit l'écrivain. Et pourrait-on conclure que la blogosphère littéraire sort l’écrivain (qui le désire !) de l’isolement ?
On dirait bien que oui.

mercredi 11 mars 2009

Éloges

Rare que je m’offre un « beau livre ». Remarquez, je sens le besoin de mettre l’expression entre guillemets pour l’exceptionnel de cette soudaine unanimité sur les critères de la beauté. Qu'est-ce qui détermine la qualification de "beau livre" ? N'est-ce pas tout simplement le dispendieux du livre, l’épaisseur du papier, le glacé des photographies qui le déterminent ?

Je vous désenchante peut-être, pourtant je désire fort faire l’éloge de Éloges. Ce cadeau à offrir ou se laisser offrir (mon cas !) pour se faufiler dans des loges de théâtre, de cinéma, de télévision. 85 comédiennes y sont photographiées, sur ce nombre, 21 s'y livrent généreusement : Andrée Lachapelle, Josée Deschênes, Isabelle Blais, Macha Limonchik, Céline Bonnier, Béatrice Picard, Maude Guérin, Marie-Hélène Thibault, Pascale Montpetit, Guylaine Tremblay, Louise Marleau, Rita Lafontaine, Élise Guilbault, Anne-Marie Cadieux, Sylvie Léonard, Sylvie Drapeau, Anne Dorval, Fanny Mallette, Marie Tifo, Catherine Trudeau, Sophie Cadieux.

De ces entretiens, nous n’entendons pas les questions, nous recevons les réponses. Elles se lisent dans un souffle passionné, du spirituel proche du rituel. Du singulier aussi, se tenant près de la bizarrerie. J’imagine le doigté qu’il a fallu à la photographe, Martine Doucet, et à la journaliste intervieweuse, Ariane Émond pour arriver à ce que chacune s’épanche à ce point, nous révélant des secrets d’alcôves de scène. Elles nous confient tout, comme si elles déversaient un trop-plein depuis longtemps endigué : leurs tics, leurs tracs, manies, habitudes, superstitions, vision de la vie et du métier, et bien sûr comment elles s’approprient leurs loges. Comment elles l’habitent. Comment et elles la vivent ; en réclusion, en communion, en silence, en état de veille, en effervescence, chacune connaît les balises de ses besoins et les respectent religieusement. Il y a du sacré dans l’air.

S’il y a un éloge qui ne tarit pas, c’est l’éloge des loges. Elles sont unanimes, elles vénèrent ce lieu, cet entre-deux, cet antichambre consacré à la passation de l’imaginé vers l’incarné. Toutes s’y enfoncent comme dans un cocon, c’est l’utérus qui protège le personnage à naître. C’est le vase clos où tous les miroirs les renvoient à leur soi qui se mire.

La photographe mire l’omniprésence du miroir qui double les reflets d’un sourire tendu, d’une crinoline, d’un châle, d'une perruque, un filet à cheveux, une plume, un sourcil arqué et méchant. Apparaît sous nos yeux furtivement et par brides le personnage en composition, morcelant la femme qui s'abandonne à cette décomposition avec sérénité. Laissant apparaître l'incongruité de la tête bigarrée de mère Ubu sur une Marie Tifo encore en jeans de ville. Ni tout à fait elle, ni tout à fait son personnage. Comme le lieu de la loge, ni tout à fait la vie, ni tout à fait la scène.

Même si les superbes photos occupent une place maîtresse, la femme de mots que je suis a été rassasiée, comblée. Les confessions sont longues et sans retenue. Laissée au pas de la porte, la pudeur. Les prêtres auraient dû confesser dans des loges, elles ont un effet magique !

La permission d’entrer dans une loge est rare, de là j’imagine cette sensation persistante de voyeurisme. Les photos éclatent de vérité, les comédiennes se donnent à l’image, habituées de se donner en représentation, une aura surnaturelle enveloppe chaque pore de leur peau nue. Elles se laissent capturer, jusqu’à quelques minutes avant leur entrée en scène. C’en est presque indécent, un peu gênant en tout cas, de longer avec elle la coulisse de leur vulnérabilité, juste avant le saut dans le vide.

Martine Doucet, une voleuse d’âme ? Plutôt, une chasseuse d’images qui voit l’âme voler.

Extrait d'un article de Claudia Larochelle - Journal de Montréal, paru le 22 octobre 2007.
Pascale Montpetit se couche par terre les pieds contre le mur pendant plusieurs minutes. Andrée Lachapelle fait un signe de croix et énumère tous les gens de sa famille qui sont décédés. Guylaine Tremblay est si zen qu'il lui est déjà arrivé de rater une entrée parce qu'elle discutait tranquillement avec le metteur en scène. Marie Tifo fait la sieste. Céline Bonnier est capable d'avaler un rôti de porc frais, Sylvie Léonard ne laisse rien sortir de sa loge avant la fin de toutes les représentations, quitte à y laisser pourrir le bouquet de fleurs reçu à la première...

Éloges – Photographies Martine Doucet – Entretiens Ariane Émond – (en bonus, une nouvelle de Évelyne de la Chenelière). Éditions du Passage, 276 pages, 39.95 $

mardi 10 mars 2009

Le retour du combat ...

... des livres. Eh oui, déjà ! Le Combat des livres chez Christiane Charette. J'ai beau chialer sur ma difficulté d'entendre une personnalité publique caler un livre seulement pour faire gagner son choix, je ne pourrais pas m'empêcher d'écouter. Que d'émotions en perspective !


Ça promet :










Les défendeurs :









En haut, c'est Janette Bertrand ...( s'cusez pas capable de les enligner !)
Gauche à droite : Brendan Kelly - Esther Bégin - Emmanuel Bilodeau - Raymond Gravel

Pour le plaisir, essayez donc de matcher le livre avec le défendeur avant d'aller vérifier si vous avez vu juste chez Christiane Charette.


LA MEILLEURE CARICATURE

J'ai décidé de faire dans l'image plus que dans les mots aujourd'hui. C'est que je ne peux pas tellement résister à quelqu'un qui a besoin et encore moins quand il a du talent. C'est Renard L'éveillé, un blogueur invétéré et caricaturiste de talent. Mais tiens, qui mieux que lui-même peut placer sa demande :
J’aurais besoin de votre aide. Je veux participer au Grand prix du journalisme indépendant, dans la catégorie « caricature » et la date de tombée est dans 3 jours. Voilà mes 5 préférées, votez pour la vôtre!
Merci d’avance!
Exprimez votre préférence, par un vote, en plus ça vaut le coup d'oeil. Et vous risquez même de sourire. C'est pas un luxe de ce temps-ci (c'est jamais un luxe !). Et puis, on voit tout de suite quelle caricature prend le devant dans les votes. D'ailleurs, si c'était ainsi en politique, ça influencerait les votes, certain !

lundi 9 mars 2009

Dis oui, Ninon - Maud Lethielleux

C’est la première fois que ça m’arrive : Un coup de coeur avant même de lire ! Il y a un « avant » à ce roman et j’ai franchement le goût de vous le raconter. Je reçois un courriel de l’auteure, Maud. Je visite son blogue et là, je reçois une bise de fraîcheur en plein visage, un petit choc émotif. De mot en mot, j’apprends qu’un roman est à naître, et ça sonne les grelots de la fébrilité. Je me montre intéressée à le lire et, là est toute la cocasserie pour moi, je ne réalise pas que c’est un livre français. « Lethielleux » pourtant !

« C’est plus qu’un roman, c’est une rencontre » : s’il n’y avait qu’une phrase à en dire, ce serait celle-là. Une rencontre avec Ninon, le personnage de Maud. Que je me suis attachée à cette enfant de 9 ans ! Quand un auteur donne la parole à un enfant, j’éprouve une vive inquiétude. Un enfant utilisé par un adulte, rien de pire, même en littérature ! La fausse innocence, la fausse candeur, la fausse naïveté, cela m’est insupportable. Après une cinquantaine de pages, j’étais tout à fait rassurée, d’enfance artificiellement maintenue en vie par un adulte, il n’en était pas question. Je ne vous dis pas pour autant que je suis instantanément tombée dans les bras de Ninon. J’ai eu à l’apprivoiser. C’est qu’elle est spéciale, elle a son langage, sans oublier que je suis un adulte, et me retrouver dans l’univers d’un enfant, ça déménage dans le temps !

Ninon regarde sa réalité dans le blanc des yeux et elle nous la renvoie avec une franchise saisissante. Elle se traite de guenon, parce qu’elle a la peau "anormalement" brune, les cheveux trop noirs, et qu’elle est pas brillante. Elle se perçoit très négativement. Tous les autres enfants sont mieux qu’elle, à commencer par sa jeune sœur, Agathe. Impuissante, j’ai assisté à la douleur crue d’une enfant qui est certaine d’être à part. Et qui finira pas l’être de plus en plus, c’est qu’elle sait cultiver la différence ! Sa vie n’est pas banale, mais à un moment donné, j’ai réfléchi : si on pouvait pénétrer l’intérieur de leur tête et lire tous les mots qu’ils n’ont pas encore appris, on réaliserait peut-être que tous les enfants ont des vies turbulentes.

Le père, Fred, et la mère, Zélie se séparent. Pour une Ninon qui adore son père, lui vouant une loyauté entêtée, ce ne sera pas simple. La révolte gronde de devoir déménager chez celui qu’elle appelle L’autre, le nouvel amoureux de sa mère. Mais je reviens à la différence, tout est là, c’est ce qui la lie au père, ce marginal fini. Plusieurs, sinon tous, le traitent d’irresponsable, assez pour que le « cas » de la garde de Ninon soit entre les mains d’une travailleuse sociale. La solidarité de Ninon à son père, différent lui aussi, sera inébranlable. Ils construiront leur maison avec les moyens du bord. Et la chèvrerie. Mais pas tout de suite, la chèvrerie. Les chèvres, et toute la traite des biques et la fabrication des petits secs (fromage) s’exécutent derrière un rideau, sous le même toit … euh, plutôt sous la bâche (le toit étant en devenir). Dans le fond, son père aurait comme principale irresponsabilité de la laisser vivre une vie d’adulte bien avant son temps.

Sous cet art naïf, le propos a de la profondeur et décrit la dureté de la vie avec la légèreté de l’enfance. On est coincé, on se doit de prendre le déprimant … dans la joie ! J’ai également aimé en savoir plus long sur la fabrication du fromage, sur les chèvres, les moyens rudimentaires, la construction d’une maison. Toute cette vie m’a réjouit au plus haut point, en autant que ce soit Ninon qui la raconte. Fraîcheur garantie.

« Moi j’ai dit comme Fred le mot rigolo qui fait le même son que quand on crache un noyau de cerise : pute. »

À Zélie, ils avaient lavé l’estomac et elle a beaucoup pleuré parce que quand elle s’est réveillée c’est tout blanc et elle s’est dit : J’y suis, c’est les anges ! Mais c’était pas ça du tout. Elle l’a compris quand son père est arrivé et qu’il a beaucoup crié parce que, un : elle avait avalé tous ses médicaments et il n’avait plus d’ordonnance.

L’Autre, il la fait crier très fort la nuit, tellement que moi et Agathe on se cache sous les couvertures et on se raconte des histoires drôles pour pas s’imaginer que c’est une sorcière qui fait des râles de cannibale.

Fred a installé le coin cuisine : une grande bassine pour laver la vaisselle, une gazinière en équilibre sur des parpaings, deux bidons d’eau et le garde-manger. Dans le prolongement, on a installé la fromagerie, c’est là que je l’aide à mouler. Je suis une très bonne fromagère, j’ai compris l’art de la louche bien mieux que Zélie ou tous les adultes que je connais.
Je vous conseille vivement une visite à son blogue, là aussi, fraîcheur garantie !

dimanche 8 mars 2009

Pas le choix !

Je m’en serai passé pour tout mon désir de passer à autre chose. Mais comment garder sous silence la réaction et explication de Didier Fessou du Soleil quant aux critiques qu’il a reçues de deux personnes, dont moi, suite à sa lecture (vite dit !) de Être d'Éric Simard.

Monsieur Fessou se proclame officiellement un chroniqueur, pas un critique, tandis que moi, je serai un critique. Malgré qu’il se défende d’être un critique, il en reçoit :
À la suite de mon articulet sur le livre d'Éric Simard, Être, j'ai reçu quatre courriels : deux pour m'encourager, deux pour m'apostropher.
Il apporte aussi ces précisions :
Personnellement, je ne suis pas un critique littéraire. Je n'ai pas cette compétence. Je me contente d'être ce que je suis, c'est-à-dire un tâcheron du journalisme affecté à l'actualité du livre. Ma jobine consiste à repérer des bouquins et à vous les recommander après en avoir lu quelques uns.

Je ne commenterai pas ce propos outre mesure. Je ne veux pas nourrir cette "guéguerre", ce qui avait à être dit l’a été. Ce qui ne signifie pas que je regrette d’avoir soulevé cette question. Je la trouve plus pertinente que jamais, si on sort du cas particulier de ce chroniqueur qui fait sa jobine de chroniqueur. La question est large ; Où commence et où finit la critique littéraire ? À partir de quel moment est-on un critique littéraire ? Et comment rendre clair pour le lecteur la distinction qu’on y apporte. Par exemple, combien de personnes lisent monsieur Fessou en croyant lire un critique littéraire, et combien de personnes me lisent et croient lire un critique littéraire ? C’est assez souvent le hasard des liens qui nous conduit à des commentaires de lecture, et on n'a pas nécessairement le cv de la personne sous les yeux pour évaluer les compétences. Et quelles sont ces compétences ? Des études, de l'expérience, le jugement ? Le mandat donné par une tierce personne ? Et qu'en est-il si on s'auto-mandate ?

C'est important pour moi de le répéter, et c'est l'occasion idéale de le faire : je ne me suis jamais prévalu du titre de critique, d’ailleurs la catégorie sous chacun de mes billets est titré « compte-rendu ». Même dans mes communications privées, je m'exprime en ces termes. D'ailleurs, suite à cette épisode, je pense l’écrire en toutes lettres dans ma présentation.


Deuxième lien et celui-là est réjouissant aujourd’hui en cette journée de la femme. C’est le dernier billet du chroniqueur et écrivain Patrick Dion.

Tendons la main vers ce cadeau.

Rajout de dernière minute ... j'oubliais ! Mère Indigne, Caroline Allard est invité à Tout le monde en parle ce soir. En la journée de la femme, je trouve que c'est bien pensé.
J'ai hâte, on risque d'entendre de bonnes réparties, car elle est vive d'esprit cette dame.

jeudi 5 mars 2009

HKPQ de Michèle Plomer

Hong-Kong – PQ. "On ne peut désirer ce que l’on a déjà". Déclaration simple, et qui me frappe autant que la première fois où je l’ai entendue. Michèle Plomer pense et désire Hong-Kong quand elle est au Québec et quand elle est à Hong Kong, elle pense et désire le Québec. Son dernier roman frais sorti des presses des Éditions Marchand de feuilles le 22 février a été écrit au Québec, à Magog (tout près de Eastman !), l’histoire se vit et se désire à Hong Kong. Ce fut l’inverse avec Jardin Sablier, écrit en Chine, parlant du Québec.

Habituellement, j’assemble mes idées sous forme de phrases, et c’est bien d’adon pour se comprendre. Mais avec ce roman, étrangement, ce sont des mots qui bondissent dans ma tête : zen, paix, relaxation, sensualité, dégustation, poisson, convalescence, sperme, cocon, silence, mystère, main, bulle …

Je m'arrête à bulle. C’est la clé de voûte pour entrer dans cette histoire d’une femme qui séjourne à Hong-Kong, déplaçant sa « bulle » de femme québécoise en convalescence d'amour. Elle observe la vie qui palpite dans cette cité effervescente, à travers la vitre claire de son aquarium. Elle nage dans une eau pure. Elle voit, comprend, mieux que quiconque envahi par l’action du quotidien. Cette manière de visiter HK captive, emprisonne dans le charme de la ville. Franchement, je n’aurais jamais cru prendre autant de plaisir à déguster mon poisson frais, choisi vivant dans son aquarium, dans un resto populaire de HK. J’ai appris à connaître les moeurs des Chinois, admirant leur dignité, perçant leur apparente indifférence mieux qu’en passant par n’importe quel documentaire. Parce que ce sont des images surexposées d’amour qui se déroulent sous nos yeux.

Tout est empreint d’amour dans ce roman. Et le réalisme est continuellement frôlé par du fabuleux. Du fabuleux suffisamment bien amené pour qu’on lui accorde son envie d’y croire. L’ombre du doute plane ; la réalité fraye-t-elle avec la fiction ? Une apparition ou une hallucination, une présence ou un fantôme, un rendez-vous ou un guet-apens ? Des mains ou des nageoires, des sons ou des mots de Poissonne ? Et qui est donc Poissonne ? C’est la vedette de cette histoire. Et je vous prie de ne pas rire de moi : je me suis attachée à un poisson ! Il y a de quoi, je vous assure. Et pas seulement parce que c’est un poisson rare et recherché pour certaines vertus de vie. Poissonne est le premier coup de cœur de l'héroïne, parce qu’il y en a deux. Mais je ne vous en dit pas plus, je préserve le précieux du mystère.

C’est d’ailleurs le charme absolu de ce roman, l’équilibre entre le suspense et le relaxant. Je suis attirée par les écritures à saveur poétique, qui apaise le coeur, élève l’âme mais malheureusement, petite confidence ici, il arrive que ce genre d'écriture soit relaxant au point d’en être un peu ennuyeux. J’ai eu un peu peur au début car, après tout, contempler Poissonne dans son eau laissait présager beaucoup de tranquillité !

Pour ceux qui rient encore de mon attachement à Poissonne, j’ai de petites nouvelles pour vous, cette histoire a également son lot d’enquête, de disparition, d’apparition, d’inquiétude, de vol, de mensonge. Vous voyez ce que je veux dire ? Tout n’est pas rose tendre comme la translucide Poissonne.

En sortant du grand HK, vous pensez être tout content de revenir au Québec ? Non. Eh que non ! Ça ne se passe pas comme ça. C’est quasi un cas de réservation de places pour vous envoler vers l’Empire du Milieu.

Je vous présente Poissonne :
Je m’imbibais de sa qualité de princesse africaine et de sa quiétude. Au soleil qui entrait par la fenêtre, je voyais ses os fins à travers sa peau opalescente, mais un dosage parfait de muscles et de gras lui conférait une rondeur qui donnait envie de la prendre au creux de notre main. De sa tête bombée émanait aussi de la douceur, elle avait un visage de bébé réjoui. Elle dormait les yeux fermés et battait modestement des paupières quand je lui disais qu’elle était belle.

HKPQ de Michèle Plomer - Éditions Marchand de feuilles. 225 p.

lundi 2 mars 2009

Point de vue

Endroit où l'on doit se placer pour voir un objet le mieux possible. Dessinateur qui choisit un point de vue pour mettre une scène en perspective. Attention, je change deux mots à cette définition du Petit Robert : Endroit où l’on doit se placer pour voir un objet le mieux possible, remplaçons dessinateur, (son heure de gloire est déjà terminée !) par critique littéraire, choisit un point de vue pour mettre un livre (au lieu de scène) en perspective.

Eh bien, je l’aime cette phrase. Elle s’approche de ma notion de ce que devrait être le critique littéraire. Je continue avec le Petit Robert : Manière particulière dont une question peut être considérée. Adopter, choisir un point de vue. Multiplier les points de vue. Je retiens « multiplier les points de vue ». Je m’attends idéalement à ce que le critique littéraire ouvre la porte pour une multiplication des points de vue.

Voilà pas mal de théorie pour ma nature pas très théoricienne. Je pars d’une expérience pratique pour me diriger ensuite vers la théorie et j’imagine que pour les théoriciens, c’est l’inverse. Mon expérience pratique n’est pas très drôle car elle va complètement à l’encontre de ma théorie. La semaine dernière, à la lecture d’une critique littéraire dans Le Soleil, signée Didier Faissou sur le recueil de nouvelles "Être" d’Éric Simard, j’ai été déçue et même nettement contrariée. Se donner un droit de critiquer qui ressemble à une condamnation quand on a arrêté sa lecture au tiers, ce n’est pas se placer dans la position pour voir le mieux possible un objet. Déjà que c’est difficile avec un objet simple (Peau neuve !), imaginons bien qu’une histoire débordante d’émotions et de personnages porteurs de différents points de vue, c’est plus exigeant.

J’ai exprimé mon point de vue en envoyant une lettre d’opinion via un espace attribué à cette fin sur cyberpresse. On n’a pas publié la lettre. Je l’ai alors courriellée au principal intéressé. Aucune nouvelle dans les deux cas. Déjà loin de ma définition, on s’en éloigne encore plus. Je considère donc que ma lettre me revient et je l’avance ici :
Je m'avoue atterrée de cette critique avortée, tellement, que je prends la parole. Je commence par me présenter, c'est toujours plus poli. Je suis une fervente lectrice de littérature québécoise et en tant que telle, depuis bientôt deux ans, je tiens le carnet littéraire "Le Passe-Mot". Je ne suis donc pas une professionnelle, mais jamais il ne me serait venu à l'idée de rédiger la critique d'un roman que j'aurais abandonné au tiers, soit à la 65e page sur 160.

Ce qui aurait arrêté monsieur Fessou est ce qu’il juge un non-sens et qu’il prend la peine d’exposer en trois paragraphes, copiant-collant et expliquant deux phrases. Je pensais avoir la berlue en lisant cette correction, me demandant sérieusement s’il n’y avait pas erreur sur le métier ; M. Fessou n’est pas un réviseur de manuscrits ! Il est mandaté pour lire une œuvre pour ensuite être capable de la critiquer. Sinon, ce serait trop facile ! J’attends le jour où un critique s’arrêtera à la page 20, sortira son papier, et sera payé le même prix que pour un travail accompli.

À ce compte-là, se voit très clairement la différence entre le professionnel et l’amateur : un, est payé, l’autre pas. Ma définition du professionnalisme est de lire une œuvre jusqu’au bout avant de se donner le droit de la critiquer. Il m’arrive bien sûr d’abandonner une œuvre en cours de lecture, il s’agit alors de ne pas la présenter comme une critique en bonne et due forme. C’est le moindre des respects pour le lecteur.

D’ailleurs ces lecteurs, dont je suis, ont été éconduits. Lisant le début de la critique faisant allusion à la dernière nouvelle « Mourir », un hommage à Pauline Julien, l’attente légitime était de trouver quelques lignes la commentant. Mais non, M. Fessou n’a pas poursuivi sa lecture jusque là !

En ce sens-là, M. Didier Fessou pourrait s’auto-appliquer son titre : « Vingt fois sur le métier, finissez votre ouvrage »

Auparavant, les critiques littéraires parlaient du haut de leur chaire (égo), il n’y avait pas encore les nombreuses tribunes de points de vue ; blogues, carnets littéraires. Il est temps qu'ils descendent de leur chère chaire et qu’ils s’ajustent à notre « ici maintenant », à la voie des voix multiples, autant de capsules toniques pour fortifier l'humilité. Les journalistes d’actualité, les reporters ouvrent de ces tribunes, mais les critiques littéraires se barricaderaient ?

Soleil d’Encrier parle justement de ce sujet et j’adore le titre « La vérité est dans l’œil de celui qui la regarde ». Ça veut tout dire ! Il n’y a pas un seul gigantesque œil, le maître œil parmi tous, le gourou œil, l’œil-Dieu.