Faites comme chez vous

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c'est recevant !

jeudi 27 juin 2013

L'enfant qui savait parler la langue des chiens de Joanna Gruda

Donner une voix à l'enfance de son père

Un père confie à sa fille son histoire d’enfant de la guerre, cette fille talentueuse y donne une voix crédible et attachante; cela donne un roman lumineux.

S’il n’existait pas le mot résilience, il aurait été inventé pour l’enfant qu’on ne sait plus comment nommer, tellement il change d’identité. On dit les enfants pourvus d’un fort sens de l’adaptation, eh bien, Julian, alias Jules, alias Roger, le prouve hors de tout doute. Il se coule dans ses nouvelles familles, ses nouvelles villes, sans trace de rébellion, même si toutes les raisons y sont pour la réveiller. Il sait tirer le meilleur parti des gens et des situations, comme on aimerait tous y arriver dans nos vies riches de changements.

La trame reposant sur un fils unique qui fuit l’ennemi en changeant de famille à répétition, supervisé par une mère à l’instinct maternel défaillant, est déjà une intrigue en or. Sans la voix que Joanna Gruda a su donner à l’enfant, cela aurait pu être une suite d’événements bien documentés. Elle a donné à cette voix narratrice, passant progressivement de 6 à 14 ans, une subtilité qui fait en sorte que nous grandissons en même temps que lui. Jamais, ne me suis-je dit,  cela ne se peut pas, ou il est trop vieux ou trop jeune pour penser ainsi. Déjà, on peut parler sans se tromper d’habilité sensible chez l’auteure.

Nous traverserons plusieurs situations âpres, certains enfants auraient été abattus dès le début, mais brûle en Julian, une flamme belle à voir luire. Ce roman est un phare mettant en lumière certains aspects de la résistance française et du fanatisme communiste, sous un ton complètement dénué de misérabilisme ou de mélodrame. À travers Julian, même la position du parti pris s’approche dans la souplesse. La vie en temps de guerre sollicite l’instinct de survie, les anecdotes sont surprenantes et rocambolesques. Elles sont approchées avec un ton à ce point naturel, qu’elles laissent la liberté complète d’y mettre l’intention et l’émotion désirés. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants, ici, c’est une vérité qui sort de la bouche d’un enfant: ton attitude déterminera ta réalité.

J’ai vécu la fin comme un abandon. L’épilogue nous révèle d’importants changements de vie chez l’être sur qui on a tant projeté, et cela, sans explication. Facile de comprendre pourquoi l’auteure se fait tant demander : « À quand la suite ? »

Un roman que je recommande chaudement. Lu dans le cadre de La Recrue du mois ; vous y retrouverez trois autres critiques.
 

lundi 24 juin 2013

Je me souviens

Rassurez-vous, je n’ai pas abandonné le bateau, la gondole je veux dire. La seule raison de cette absence est notre fameux pèlerinage annuel en Gaspésie. Je devais poster des billets, à tout le moins une couple, et puis voilà que mon portable m’a fait la gueule. Il a momentanément perdu la carte. Au gîte La Rêvasse à Percé, pas moyen de me brancher ; « on » disait que je n’avais pas la carte pour le faire. Ma foi, j’en doutais bien un peu, mais pas suffisamment pour trouver le moyen de contourner la problématique.

Au bercail depuis dimanche, aujourd’hui, je fête la St-Jean-Baptiste en vous écrivant un mot sans contrainte.

Je suis contente, en huit jours de vacances, j’ai lu trois romans et des poussières, les poussières étant quelques pages de La manière Barrow d'Hélène Vachon que j’ai terminé dans l’auto. J’ai apporté huit romans selon l’humeur du moment. J’ai bien fait. Au quatrième jour, j’entame « Un garçon maladroit » après avoir terminé « Si tu passes la rivière » de Geneviève Dumas. Je réalise rapidement que c’est un thème semblable, trop semblable, je décide de repousser cette lecture. Je n’allais pas diluer la saveur de Si tu passes la rivière que j’ai grandement aimé. La digestion, c’est aussi important que l’ingestion.

À un moment donné, j’étale les romans afin de réfléchir au prochain et je réalise que cinq romans sur huit ont une couverture bleue, avec une référence directe ou détournée, avec la mer. Quand je le constate, je suis sous le toit du gîte Wanta-Qo-Ti, un paradis d'intimité avec la mer. Pour moi, c’est la mer, même si on doit dire une baie à cette hauteur. 

Je n’ai pas pris de note de mes lectures. En vacances, ayant la tête vide, je me suis dis, je vais me souvenir de mes impressions. Danger, ma tête se remplissant dangereusement et rapidement depuis mon retour, j’aurais dû, j’aurais donc dû, remplir des fiches. Je ne sais pas si c’est juste pour le livre, mais je me fie souvent à ce qui m’en reste, la mémoire jouant le rôle de filtreur.

J’ai réalisé que j’aimais lire le genre policier pendant les vacances. Au contraire de certaines personnes, j’arrête de réfléchir lorsque j’en lis. Je ne joue pas le jeu de la devinette, je m’abandonne, surtout quand je me sens entre bonnes mains. Cette fois, les ficelles étaient (bien) tirées par André Jacques, auteur que je désirais lire depuis qu’il m’a donné deux ateliers d’écriture. J’ai lu son deuxième roman, La commanderie.

Autre roman à la couverture bleue ; « Les pavés dans la mare » de Nicolas Delisle L’Heureux, un premier roman. Je me retiens pour ne pas vous en parler tout de suite, de ce titre, qui m'a captivée jusqu’à lire à la faible lueur de l’éclairage de l’auto.

Au retour de notre tour de la Gaspésie, je me suis emparée du roman, toujours un premier ; « Les portes closes » de Lori St-Martin. La couverture est grisâtre.

Voici qui était une manière de fêter la St-Jean-Baptiste avec vous. J’en ai eue une autre : pour quatre petits dollars, je me suis procurée, dans une vente de garage à Sutton, le jeu de société « Je me souviens » ; 2400 questions et réponses sur le Québec. Ainsi, j'aurai l'occasion de me souvenir durant les 364 autres jours. C’est important de se souvenir, pas seulement aujourd’hui !

mercredi 12 juin 2013

De Mumbai à Madurai de François Hébert

Voici un livre que j’ai tout d’abord pris pour un roman et qui est un récit de voyage. C'est d’ailleurs honnêtement inscrit sur la page couverture. J’aime voyager à travers les mots d’un auteur, c’est la raison pour laquelle j’ai tendu la main vers cette œuvre qui m’amènerait de Mumbai, l’arrivée, à Madurai, le départ.

 Quand il est question de récit, l’auteur prend tout son importance. Pour De Mumbai à Madurai, à qui a-t-on affaire ? François Hébert détient un doctorat portant sur l’œuvre d’André Malraux, est critique littéraire pour Radio-Canada et dans Le Devoir et a enseigné à l’Université de Montréal pendant 20 ans.

Il voyage en compagnie de sa femme et tous deux se rendent dans le sud de l’Inde pour donner une conférence. Celle de l’auteur s’intitule : «Études francophones, enjeux et perspectives». Il couchera dans son journal de voyage tout ce qu’il lui passe par la tête, ses doutes sur sa participation au colloque auquel il est convié, des extraits de dialogue avec sa conjointe, ses impressions sur ce qu’il voit et qui il rencontre en Inde. Est-ce que François Hébert a voulu nous en mettre plein la vue, son récit est parsemé de tellement de références littéraires, entrecoupant à tout moment le fil de son récit, que j’ai fini par trouver ce rôle de critique trop présent.

On y trouve un aspect journal de voyage pêle-mêle, des sauts d’un sujet à l’autre, comme en pleine conversation entre amis. Je n’ai rien habituellement contre ce style butineur, mais celui-ci m’a quelque peu énervé par le côté bref, saccadé, détours brusques. Grandissait en moi le sentiment que l’auteur, se trouvant par nature intéressant, avait décidé de nous faire profiter de ses opinions et connaissances sur ceci et cela, au détriment de l’approfondissement de son présent dans un pays captivant : l’Inde. De là probablement est née l’impression de tenir entre les mains un journal de bord peu étoffé, de notes jetées à la va-vite sur un carnet et dont la forme a été peu retouchée par la suite. On a probablement désiré garder le côté naturel de la prise de notes spontanée mais, à mon avis, l’exercice exige de pousser un peu plus sa pensée pour soutenir l’intérêt. J’avoue avoir été jusqu’à me poser la question : si l’auteur s’avérait un illustre inconnu, l’aurait-on publié ?

Je ne peux pas dire que je n’ai absolument rien découvert de l’Inde, l’ambiance est bien servie par le style désordonné, disparate, distrayant comme les colorées rues de l’Inde mais, je m’attendais à plus de consistance. Certaines tirades étaient bien tournées, mais l’égo de l’auteur trop marqué m’empêchait de les contempler. Ma préférence va pour le rendu humoristique de certains dialogues avec son épouse.

Si monsieur Hébert était arrivé à mettre de côté son rôle de critique érudit, probablement que ce récit aurait pris une autre tournure.



samedi 8 juin 2013

Vrac à Venise

Ma sœur veut un zizi
Cet album pour petits de Fabrice Boulanger a soulevé une controverse au téléjournal de Sherbrooke, dans lequel un parent et une sexologue s’expriment avec véhémence. C’est l’histoire d’un bébé d’un an et demi qui harcèle son frère pour voir son zizi parce qu’elle en voudrait un pareil. Comme tous les bébés, son attention ne s’attardera pas et convoitera bientôt autre chose : les seins de sa mère. 

Si vous voulez vous faire votre opinion, passez par ici pour l’article et la vidéo au téléjournal et pour la réplique de l’éditrice, Jennifer Tremblay, c'est sur le site de Lurelu.

C'est dommage d'entendre parler des livres jeunesse presque uniquement quand il y a de la controverse.

Gens de Québec, que vous êtes chanceux !
La promenade des Écrivains a tellement de parcours alléchants cette année. Il y en a un que j’ai retenu «Jacques Poulin, les sentiers du réconfort » et « Le polar à Québec » dans le quartier St-Rock avec les auteurs Alain Beaulieu, Jean-Pierre Charland, Jacques Côté, Jean-Jacques Pelletier. Frissons garantis !
En prenant connaissance de ces parcours, je réalise la pluralité d’écrivains qui habitent cette ville. Ne soyez plus surpris que Québec m’attire pour aller y vivre. Qui sait, peut-être un jour, en attendant, faisons les touristes ! 

Avec l’été
Avec l’été viennent les suggestions de livres incontournables, dites légères. Toutes les raisons sont bonnes pour parler de livres alors à quand les lectures hivernales, automnales, printanières ? En attendant, faisons comme si l’été, ce sont les vacances et qu'avec les vacances vient plus de temps pour lire. Cinq titres référés par Nightlife.ca
 
1. Chanson française | Sophie Létourneau | Le Quartanier
2. Saccages | Chrystine Brouillet | La courte-échelle
3. Cher trou de cul | Annie Quintin | VLB
4. Kissinger et nous | Ami Vaillancourt et Bruno Rouyère | Glénat Québec
5. Les frères Sisters | Patrick Dewitt | Éditions Alto

Il y en a un que je vais tenter de lire, je l’ai reçu en service de presse : Cher trou de cul.

Des nouvelles de Marsi et de moi
Marsi a repris du blogue. Vous savez sa Salade d’Amphibie, son blogue de dessin sur Wordpress ? Il est mort d’inanition ; perdu les codes et mots de passe. Excellente raison pour en pondre un autre, du même nom mais de blogspot cette fois. Les amateurs de Sanfroy, cette pétulante salamandre, seront gâtés, le créateur leur promet une apparition par jour. Il tient promesse jusqu’à date. Il s’est résigné à la dessiner autrement, pour suivre la cadence de cette très volubile reine de la nature. La dernière fois que je l’ai rencontrée, elle bavardait avec Baballe, une araignée rouge, et depuis, nous avons eu droit à une photo de famille de celle-ci.

De mon côté, une bonne nouvelle, je vais faire une apparition à la télévision, plus précisément cinq, du lundi au vendredi dans le quiz « Paquet Voleur Express ». Je vais tenter d’aller chercher la subvention à l’artiste, tout en m’amusant. L’enregistrement a lieu le 8 août, je vous donnerai les dates de télédiffusion quand je les aurais. 

mardi 4 juin 2013

Les deux saisons du faubourg de Mylène Gilbert-Dumas

L’heure a sonné de m’offrir une lecture réconfortante. Avec Mylène Gilbert-Dumas, j’ai l’assurance de trouver de l’espoir en l’être humain, même le plus borné finit par s’ouvrir à la vie. Cette fois-ci, c’est Adélaïde, que la vie forcera à sortir ses ailes. Elle n’a de jeune que sa vingtaine puisque dans sa tête comme dans son cœur, elle vit en personne âgée traumatisée par tout. Absolument tout, et particulièrement l’amour. Rien de plus bouleversant que l’amour.

Elle habite un vieil édifice dans le quartier St-Jean Baptiste à Québec, sa mère au premier, elle et sa petite fille de sept ans au deuxième, un ami au troisième. Ils sont tous fauchés, même s’ils travaillent. Adélaïde, en tant que mère monoparentale est obligée de travailler dans un bureau de comptable qu’elle déteste. Le seul moment de la journée où elle sort des sentiers étroits de sa vie sans envergure, c’est le soir quand elle dessine. Son projet, auquel elle croit plus ou moins, est de rendre à terme sa bande dessinée. Sa petite fille Marjolaine est un bout en train et sa grand-mère également. Cette dernière, tireuse de cartes assez populaire est pourvue d’un esprit allumé, moderne. Les rôles sont inversés avec sa fille, c’est elle qui a la jeunesse de caractère. Arrivera dans ce trio tissé serré, un nouveau personnage. Un étranger. Un homme qui parle anglais louera une chambre et viendra bouleverser les habitudes de tous et chacun.

Même si l’histoire tourne autour d’Adélaïde, la petite Marjolaine prendra beaucoup de place. Je n’ai pas eu de difficulté à croire à la vivacité de cet enfant. Le ton est juste, équilibré, sautillant de vie. L’homme étranger est mystérieux, la barrière de la langue tangible. J’ai eu un peu plus de difficulté à cerner la grand-maman que j’imaginais beaucoup trop âgée au début. Sa libido dans le plafond aurait pourtant dû m’aiguiller ! L’homme du troisième, un musicien bohème est amoureux d’Adélaïde.

Celle-ci a une peur viscérale de l’inconnu et, pourtant, par obligation, elle en accueillera un entre ses murs. C’est intéressant, sans être trépident. Beaucoup de quotidien, de petits riens qui prennent à la longue leurs sens. C’est une histoire qui se passe à la troisième vitesse, dans la lenteur et la réflexion, nous donnant le temps de l’assimiler à sa pleine mesure. La lecture a quelque chose de réconfortant. C’est limite cependant, un peu moins de rebondissements et l’intérêt aurait pu basculer. Le fil de l’intrigue étant ténu, parlons plutôt de roman d’ambiance, à la Michel Tremblay. L’idéal est de s’en imprégner et ne pas attendre ce que cette histoire ne donnera pas, des palpitations cardiaques.

C’est le troisième roman de Mylène Gilbert-Dumas, depuis qu’elle a délaissé les romans historiques et elle devient experte dans le développement de personnages barricadés dans leurs limites, dont le caractère progresse vers sur la route de la libération. Adélaïde est emprisonnée, de quelle manière arrivera-t-elle à pousser ses barreaux pour respirer l’air frais et pur s’accordant avec sa jeunesse ? Si vous voulez une réponse, venez-la rencontrer et, au bout de la ligne, peut-être que c’est vous que vous rencontrerez.