Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

vendredi 31 octobre 2008

Réponses : avez-vous tout bon ?

Voici les réponses. La première, j'avoue que j'ai diablement le goût de la contester. C'est un peu pour ça que je l'ai inscrite. Voyez vous-même et on s'en reparle en bout de réponses :
1. Au lieu de escorte, call-girls (!!!)
2. Boire à la fontaine

Mâle-Femelle
:
3. Je suis le mâle d'une oie : Jars
4. Je suis la femelle du faisan : Faisane
5. Je suis le mâle de la chouette : Chouette
6. Je suis la femelle du sanglier : Laie
7. Je suis la femelle du lièvre : Hase
8. Je suis un veau femelle : Génisse
9. Je suis la femelle du corbeau : Corbeau
10. Je suis la femelle du chevreuil :
Chevrelle

Pour cette dernière catégorie c'est, une fois de plus, la démonstration que nous en savons peu sur le "Mâle-Femelle" ... et englobez-y tous les sous-entendus si ça vous chante !

En toute honnêteté qui a eu tout bon ? Que vous soyez mâle ou femelle, levez-vous que l'on vous voit et vous applaudisse !

Escorte maintenant. Y paraît que :

Escorte
est un cortège d’honneur ou encore un groupe de personnes, parfois armées, qui accompagnent quelqu’un pour le protéger. Escorte désigne aussi un ou des navires de guerre protégeant des navires de transport. Par exemple, les gardes du corps du premier ministre constituent son escorte. (Référence "Pour tout dire")

Je veux bien. Mais le remplacer par call-girls, je sais pas. Ça rentre pas dans mon ciboulot. Mais, enfin ... tout en sachant ce qui est béni des maîtres contestables de la langue, modulons avec notre langue en bouche. Parce que notre langue, elle nous appartient, surtout qu'en tant qu'habitante d'un palais, elle a sa royauté. Après tout, nous ne sommes pas toujours sous le lorgnon d'un Pivot qui tend son piège de dictée honorifique.

Mais ne disons pas pour autant fontaine, je ne boirai pas de ton eau parce qu'y paraît que :

Un abreuvoir est un lieu ou une installation où boivent les animaux. • Soir et matin, les vaches vont à l’abreuvoir. Quand les gens ont soif, ils vont plutôt boire à la fontaine. Notez qu’on ne s’abreuve pas à une fontaine, on y boit. (Référence "Pour tout dire")

Me voilà désaltérée de mots certifiés jusqu'à la prochaine fois.

jeudi 30 octobre 2008

Vrac en bon français

Je reviens avec la leçon de français que certains avaient bien aimée et qui se termine par un Test de connaissance.

Parlons d'argent !

Voyez si vous utilisez-vous un peu trop souvent le mot « montant » :
Un montant est un nombre auquel s’élève un compte, c’est le total de ce compte.
• Quel est le montant de ces dépenses?
Une somme est le résultat d’une addition, une quantité déterminée d’argent, un ensemble de choses qui s’ajoutent.
• La somme de deux et trois est cinq.
• Il dépense des sommes folles.
• Elle a reçu une grosse somme (et non un gros montant) en guise de dédommagement.
Attention! La locution « au montant de » est un anglicisme, d’ailleurs superflu.
• Vous trouverez ci-joint un chèque de 100 $ (et non un chèque au montant de 100 $)

Passons à la monnaie!
Monétaire est un adjectif qui se rapporte à la monnaie ou aux monnaies.
• Le marché monétaire.
• La masse monétaire.
• L’unité monétaire du Canada est le dollar.
Monétaire, au sens de salarial, pécuniaire, financier, est un anglicisme.
• Le syndicat a accepté les nouvelles clauses salariales (et non les nouvelles clauses monétaires).
• Il a abandonné son projet pour des raisons financières (et non pour des raisons monétaires).

TEST qui fait perdre connaissance tout en en gagnant (10 questions) :
  1. Un homme d’affaires atterrit au Québec et aimerait se faire accompagné par une escorte. En considérant que dans ce sens-là « escorte » est un anglicisme (ayez foi en Jacques Laurin), par quelle expression remplaceriez-vous escorte ?
  2. Dans un parc, une fillette a soif. Pour se désaltérer ira-t-elle
Boire à l’abreuvoir
S’abreuver à la fontaine
Boire à la fontaine

Pour cet exercice « Mâle-Femelle » attachez vos tuques, moi je l’ai perdue et il ne ventait même pas. Et pour une juste mesure de vos connaissances, défense de fouiller !

3. Je suis le mâle d'une oie :
4. Je suis la femelle du faisan :
5. Je suis le mâle de la chouette :
6. Je suis la femelle du sanglier :
7. Je suis la femelle du lièvre :
8. Je suis un veau femelle :
9. Je suis la femelle du corbeau :
10. Je suis la femelle du chevreuil :

Réponses demain. Juré !

Tiré du bulletin mensuel Pour tout dire - septembre et octobre 2008 - Jacques Laurin.

mardi 28 octobre 2008

Journée de tournage exemplaire

J’ai pensé de rajouter à mes chroniques littéraires, quelques unes du milieu cinématographique. Vous me direz si ça vous intéresse. Je ne vous en farcirai pas à outrance car vous allez vite constater qu’il y a peu à dire puisque ça revient assez souvent au même. Aujourd’hui est une journée exemplaire dans le sens que, comme d’habitude, l’illogisme de l’organisation a frappé fort.

Cette nuit, à 5 h 30, départ pour St-Constant. Arrivée là-bas en catastrophe puisqu’en retard. En fait, je me suis perdue. Consolation ; je n’étais pas la seule, les indications n’étaient pas claires du tout.

La costumière, la veille, m’avait appelé me demandant d’apporter un seul costume (les figurants fournissent leurs costumes) supposant par là que les scènes seraient tournées dans un seul moment et lieu. Chose rare. Une petite voix m’a parlé fort « n’écoute pas la costumière et apporte d’autres vêtements ». Confirmant que les petites voix sont là pour parler mais pas pour être écoutées, j’appris qu'il y avait malentendu, que l'information ne s'était pas rendue et qu'il y avait aussi plusieurs scènes à l’intérieur du restaurant. Je n’avais donc pas les vêtements parfaitement adéquats pour celles-là, c'est à dire de la bonne couleur et de la bonne épaisseur ... pour l'été !

Par contre, pour le tournage à l’extérieur - passagers autour d’une gare - toujours durant une journée chaude d’été … il faut de l’imagination au cinéma ... impliquait l’ajout de combinaison sous les vêtements d’été, le manteau entre les prises. J’avais tout prévu et la costumière s’en est montrée parfaitement satisfaite.

Nous avons commencé la journée par les scènes de resto et dès la première, j’étais brûlée. Non, je n’avais pas chaud et je n’étais pas exténuée, le terme « brûlé » signifiant que l’on m’avait assez vue et qu'on ne pouvait plus décemment me placer en avant-plan. Le responsable m’a donc installée dans un petit coin. Pas de problème, j’ai sorti « Valium ». Quelques tours de manivelles plus tard, il revient me dire que finalement on m’aperçoit à travers l’ouverture du foyer central. Bon, d’accord, je peux continuer à lire ? Ça arrive quelqu’un qui lit en solitaire dans un resto, non ? Il pensait que oui mais n’en était pas certain ! En autant que je mange du pain tiens, pour que ça bouge à l’écran. Pourquoi pas, j’ai déjà mangé du pain en lisant.

Une fois la scène tournée de tous les bords et de tous les côtés, le troupeau figuration revient au bercail niché au deuxième étage. Là, ça m’impressionne toujours ces ententes tacites entre une vingtaine de figurants. Personne ne se consulte pourtant mais s’attablent ensemble ceux qui bavardent fort de politique, potins et autres (cette fois-ci, ils ont fait des mots croisés en collectif !) tandis que l’autre table sert de dortoir bibliothèque : quatre personnes contorsionnées, ou vautrées, dorment (il y en a même un qui a chanté en rêvant !) et les autres, moi, principalement, lisent.

Avant de partir pour dîner, j’apprends que malgré mon super équipement béni par la costumière, je ne ferai pas partie de l’extérieur « gare ». Je n’étais pas la seule, nous étions une poignée à nous en réjouir pour cause d'évitement de la flotte et du vent. Au retour, j’ai repris ma table quitte à relire certains paragraphes jusqu’à 3 fois (toujours Valium), cause proximité table bruyante, attendant toujours notre scène à tourner. Finalement, au retour de l’équipe « gare », on nous annonce que nous sommes tous « wrappé » (je ne sais pas si ce mot existe en anglais mais de toutes manières, depuis que je fais de la figuration, c’est mon préféré).

Vous voyez maintenant ce que je veux dire par l’illogisme de l’organisation ? On m’a fait tourner seulement des scènes pour lesquelles je n’étais pas adéquatement costumée et ensuite, on nous a envoyé dîner deux heures, à nos frais, puis fait attendre trois heures seulement pour nous faire entendre le mot « wrappé ». Un scénario courant, tellement courant que tous les figurants ont abandonné l’idée d’essayer de comprendre, un royal désabusement étant plutôt le lot commun.

Tous les figurants ont donc quitté laissant derrière eux six comédiens (Danielle Proulx, Guy Nadon, Maxime Denommée, Catherine Proulx-Lemay, Steve Laplante et une ?) à l’étroit dans des toilettes et un couloir puisque c’est là que se tournaient les scènes jusqu’à environ 20 heures. Ce qui faisait la joie d’au moins une personne, la propriétaire. Son resto serait une vedette belle et reconnaissable quand "Les aveux" ferait leur apparition sur nos écrans en février 2009.

Flûte ! Je réalise que c’est long résumer une journée de tournage !

lundi 27 octobre 2008

L'entrevue surprise

Ça fait un petit bout de temps que je veux vous en toucher un mot. C’est assez cocasse et ça met de l’avant mon côté légèrement innocent. Une connaissance m’a approchée par courriel me demandant si je pouvais aider sa fille pour une entrevue rédigée dans le cadre d’un travail universitaire en littérature. Comme j’avais donné un coup de main à sa mère pour la rédaction de son dépliant, je me suis dit « Tiens, elle veut que je l’aide à rédiger l’entrevue ». J’en étais un peu surprise, je le concède, ce qui ne m’a pas empêché d’accepter.

Un échange de courriels s’en suivit et je lui demandais comment on procéderait. Elle m’assura que j’aurais droit de regard sur les questions. Bon, évidemment, me dis-je. Je posais toutes sortes de questions mais jamais la bonne, à savoir qui allait-on interviewer. J’en déduisis qu’il s’agissait de questions générales qu’elle adapterait à l’invité.

Elle me confia aussi qu'elle en était à passer au travers du Passe-Mot (ah ? ce qu’elle est consciencieuse, elle veut mieux me connaître avant que je l’aide !). Elle m’exprimait de la reconnaissance et je n’avais pourtant encore rien fait. Elle m’offrait de venir me rencontrer dans un endroit tranquille, prête à se rendre jusqu'à Eastman.

Certains doutes ont commencé à effleurer mon esprit, il y a toujours bien des limites à l’innocence. Mon nom est crevette rose, si elle n’est pas à se comporter comme si c’était moi qu’elle voulait interroger. Mais dans ma tête, la question retentissait dans toute son intensité : À quel titre, ma foi du bon dieu mais à quel titre ! Je n’osais pourtant pas poser la question pour ne pas avoir l’air fou (!). Je misais sur la surprise. C’est le fun les surprises, non ?

La journée de l’Action de Grâce, elle se présenta chez moi, un mini magnéto à la main et une feuille remplie de 20 questions. Et elles étaient fin prêtes les questions ... et, oui, elles m’étaient destinées ! J’ai donc rempli une cassette d'une heure de réponses et je n’ai sorti aucune « cassette » puisque c’était la première fois de ma vie que l’on m’interrogeait sur la littérature. Je ne me souviens d’à peu près 5% de ce que j’ai dit. Je me souviens surtout que j’étais volubile et inspirée. Et qu’elle semblait contente, et la remarque qui m’a fait le plus plaisir : « Aille, mon prof dit la même chose que vous ! ». Disons que ça fait un petit velours et que ça donne de l’élan pour continuer.

Elle doit maintenant transcrire mot à mot (my god !) tout ce que j’ai dit, ce qui devrait couvrir 20 pages, d’après elle. Le condensé sera remis au prof fin novembre. Quant à moi, je vais recevoir les deux documents. Vous imaginez combien j’ai hâte de lire cette entrevue !

Quant à être dans le sujet "entrevue", j'en ai cueillie deux pour vous. Hier, Jean Barbe est revenu sur la question du « passé simple » abordée à TLMEP. Il précise sa pensée dans cette entrevue menée par Chantal Guy. L'entrevue aborde Le travail de l'huître son quatrième roman et "son" prix à payer pour être écrivain. Attention au paragraphe qui commence par « C’est exactement ce que vit son personnage … », pour ceux qui n’apprécient pas, la journaliste dévoile des punchs, pourquoi ne pas le sauter, le reste vaut vraiment la peine. Si cette question du passé simple vous interpelle, il y a aussi le blogue « J’ai lu » qui a mené un mini débat, toujours suite au passé simple de Jean Barbe. Le billet de Grominou est bien tourné.

Et pour compléter le panorama entrevue, il y en a une très complète pour ceux qui aiment bien Stéphane Bourguignon. L’auteur s’est prêté généreusement aux questions de l’écrivain (en instance d’être publié) et blogueuse Audrey Parily.

samedi 25 octobre 2008

Les Accoucheuses - tome 3 d'Anne-Marie Sicotte

Je ferme le couvercle sur 2,600 pages si j’inclus le tome 1 et 2. Après La fierté, la Révolte, le tome 3 est baptisé « La déroute ». Je m’attendais donc au pire, l’auteure nous y préparait et même pas subtilement. À quoi bon la subtilité puisque cette saga s’appuie sur l’Histoire avec son grand H et que tout le monde sait que les sages-femmes n’ont pas gagné la partie auprès de ces non sages médecins ? Je laisse la parole à Anne-Marie Sicotte parce qu’elle se la donne en fin de livre pour expliquer sa démarche appuyée de toutes ses sources (tiré de 5 pages):
« C’est donc ainsi qu’il faut interpréter l’Histoire telle qu’elle se retrouve dans cette série : de réels lieux, mœurs, coutumes et événements collectifs (du moins telle que cette vérité nous parvient), dans lesquels évoluent des personnages inventés, mais ancrés dans l’authenticité »

J’étais contente de les retrouver, ces personnages inventés, là où leur vie m’avait quittée. C’était en pleine débâcle. Flavie fuyait son mari et courait rejoindre son amie aux Etats-Unis dans « The Oneida Community dirigé par John Humphrey Noyes". Une chance que je savais que cette commune aux idées très larges, et même encore pour aujourd’hui, avait vraiment existé, sinon, j’aurais eu de la difficulté à y croire. La moitié du bouquin est consacré à cette épopée où tout est mis en commun, femmes, homme et enfants. Je n'ai jamais tant entendu parler de sexualité et de continence dans un même temps. Il ne fallait pas surpeuplée indûment la commune. On n'engrosse pas la femme mais elle continue à être considérée comme ayant absolument besoin de l’homme pour s’élever près de Dieu. J’ai trouvé intéressant cette aire ouverte sur le fonctionnement en détail d’une communauté de l’époque, tellement intéressant que je lisais avec un certain ennui les incursions régulières et abondantes à Montréal pour retrouver la mère, Léonie, et la Société compatissante. Toujours les mêmes enjeux. Toujours la même guerre à mener contre la religion et les médecins. La routine quoi !

L’autre partie du volume (accordons-lui le titre de volume avec ses 850 pages !) avance assez lentement. Il y a des longueurs surprenantes. Et cela, malgré les drames. Drame que j’ai d'ailleurs eu de la difficulté à sortir d’entre ses feuilles ne pouvant m’empêcher de penser que ce n’est pas ainsi qu’une vraie Léonie l’aurait vécue. La Léonie que j’ai dans la tête, celle que je me suis inventée au fil de la saga. C’est très discutable, évidemment. Mais quand tout à coup, s'effrite le lien avec un personnage et que l’on commence à se dire, serait-ce un personnage de papier, on met un peu l’histoire en état de danger.

Par contre, les (environ) 200 dernières pages m’ont happées toute entière. J’y ai retrouvé la plus haute effervescence du meilleur des deux autres tomes.

Pour ramasser ces 850 pages, je m’avance à dire : oui, incontournable, et cela malgré les longueurs, pour tous ceux qui ont embarqué dans les deux premiers. Quand des personnages deviennent un peu comme des amis, on veut absolument savoir qu’est-ce qui arrive dans leur vie. À la fin, nous quittons Flavie, elle n’a même pas 30 ans, il pourrait y avoir un quatrième tome mais je suis certaine qu’il n’y en aura pas. On a l’impression que tout a été dit de cette bataille qu’ont menée les sages-femmes de cette époque.

jeudi 23 octobre 2008

Le regard de l'auteur

À mes débuts du Passe-Mot, je ne savais pas qu’est-ce qui m’attendait. En tout cas, j’aurais bien été incapable de prévoir que les auteurs eux-mêmes viendraient, parfois, lire mes comptes rendus. Finalement, le « parfois » est de plus en plus souvent et je ne m’en plains pas. Pour n’en nommer que quelques uns : Jean-François Beauchemin, Louise Portal, Bruno Hébert, Christian Mistral, Denis Thériault, Julie Gravel-Racine, Christine Eddie, Pierre Szalowski.

Il y a une personne qui sait jusqu’à quel point les écrivains ont besoin de se savoir lu, compris, apprécié et elle jette des ponts entre eux et moi. Hier, par exemple, de lire mon billet et les commentaires encourageants ont réchauffé le cœur de Monique Proulx. Le travail de l’écrivain est solitaire. Il doit quitter momentanément son univers rempli de points de repère pour plonger dans ses entrailles et y ramener du plus que vivant. Une auteure comme Monique Proulx qui prend environ 5-6 ans pour sortir son roman, doit renouveler sa motivation, qu’elle reste vive comme une vie qui bat la chamade. Ses personnages lui en donnent de la motivation mais ils sont si dépendants d’elle !

Au début, le fait que l’auteur lui-même me lise était dans l’ordre du exceptionnel. Je reprenais le collier en me disant, continuons de se placoter ça entre lecteurs. Maintenant, c’est autre chose, je fais mes classes. Je me suis donné comme règle absolue de toujours écrire mes comptes rendus comme si l’écrivain lisait au-dessus de mon épaule. Exigeant, vous allez me dire. Oui, ce l’est mais c’est incontournable pour moi maintenant. Dès la lecture du bouquin, je me mets dans cet état d’être en mesure d’exposer clairement ce que je ressens. Ce que je ressens importe peu en bout de ligne, puisque mon codage personnel est justement personnel alors est-ce vraiment discutable, mais d’arriver à bien le transmettre, voilà ce qui est primordial.

Il m’est arrivé de ne pas être cent pour cent honnête, par négligence peut-être. S’expliquer exige effort et courage. Je me suis déjà compromis dans un compte-rendu, prétendant avoir eu de la difficulté avec tel personnage, tel décor ou tel ambiance, quant en fait, c’était autre chose. C’était plus émotif comme raison et je ne l’ai pas abordée. Je le regrette encore.

C’est humain, oui, ce l’est. Pareil aux rencontres de la vie, on nous présente une personne et on ne sait pas pourquoi, on ne l’aime pas. On ne cherche pas à savoir pourquoi, en fait. Pour un roman, c’est plus facile de tenter de savoir pourquoi, les pages ne te sautent pas dans la figure pour t’agresser (!), on peut faire de l’introspection, débroussailler ses humeurs, et ensuite essayer d’exposer les faits, tout en identifiant sa propre émotion qui s’en est emparée.

À mon avis, du coup, on rend non seulement un service à l’écrivain, qui a le droit au meilleur de notre lecture, mais à soi. On apprend à se connaître.

"Le Trapèze" : Rectifier le tir

Dans mon billet « Spleen du lendemain » j’écrivais ceci : « Dommage. Je vais quand même essayer de la (Isabelle Gosselin, l’auteure) rejoindre pour lui demander qu’est-ce qu’elle compte faire maintenant. »

Je lui ai parlé hier soir. J’aurais aimé le faire avant mais je n’avais aucune de ses coordonnés. Elle m’a tout de suite donné l’heure juste : il y avait effectivement une caméra au fond de la salle. Je ne l’ai donc pas vue. Est-ce que c’était trop loin, est-ce que les images seront claires ? Elle ne le savait pas encore. Elle l’espère fortement en tout cas, car elle y tient. Il me semblait bien aussi ! Pourquoi le fond de la salle alors ? C’est une question pratico-pratique, à la dernière minute, de concert avec notre coach, elles ne sont pas arrivées à déterminer l’endroit où l’installer sans déranger personne, y compris les comédiens.

En bavardant avec elle, j’ai réalisé que son « J’ai failli ne pas venir » était une blague que j’ai prise au premier degré. Vous savez comme il est facile parfois de confondre quand on ne connaît pas la personne.

Voilà, j’ai rectifié les faussetés dites par manque d’information. Il me fait plaisir de le faire par respect pour Isabelle Gosselin qui, à ma suggestion, a lu mon billet et en a été déçue.

« « « « « @ » » » » »

Curieusement, ces jours-ci, j’étais justement en réflexion par rapport au regard de l’auteur qui se pose sur mes comptes rendu de lecture. Exemple, Monique Proulx a lu mon billet sur « Champagne ».

J’y reviens dans un autre billet qui suivra celui-ci de près. Je ne voudrais pas créer de confusion, mes points d’interrogation se sont pointés bien avant hier.

mardi 21 octobre 2008

Champagne de Monique Proulx

Marc* et moi sommes cois d’admiration devant le style de cette auteure. Je suis incapable de m’imaginer un plus grand hommage littéraire rendu à la nature.

Sa langue est extrêmement précise, coule, emporte, enchante. J’ai appris plein de détails sur la vie des insectes, animaux, champignons, poissons, végétaux. Une part de documentaire s’est infiltré très discrètement dans cette histoire. Il y a aussi une ligne éditoriale, le roman prend position sur l’inconscience de l’Homme vis-à-vis la Nature, sans moraliser, ce qui aurait bien sûr tout gâché. Seulement en articulant ses personnages autour d’un paradis champêtre.
"Elle vit cette vieille dame qu’elle serait un jour, sautillant sur les rochers glissants d’un pas aérien, environnée de mouches noires qui ne la touchent pas".
On parle ici de Lila Szach qui, dès l’entrée en histoire, se présente en défenderesse opiniâtre de son domaine. Je l’ai crue être le personnage principal et puis, non, c’est Simon qui a pris le relais, ensuite, l’enfant Jérémy. Aussi Violette. Et de temps en temps, Claire. Je l’ai finalement débusqué ce personnage principal, entre deux fourrés, c’est le lac entouré de sa vie animale et végétale. Les personnages tournent autour avec chacun leur trame de vie. Des histoires qui avancent aussi lentement que le kayak de Simon, à petits coups de pagaie donnés sur un lac lisse en surface mais riche par sa profondeur.

La structure de ce roman est très particulière. Elle me fait presque penser à des nouvelles plantées dans le même décor, à la grande différence près qu’il y a des liens entre les personnages. Ils se côtoient.

En bout de piste, de ne pas savoir sur qui centrer mon regard m’a un peu dérangé. Ça comporte des inconvénients, on s’attache au personnage, on le suit de très près et tout à coup, on l’abandonne à son sort pour en prendre un autre. Remarquez que l’avoir su à l’avance, peut-être aurais-je moins réagi. J’étais déstabilisée. Le pire pour nous a été le cas de Simon et Violette, l’histoire était forte, chargée de drame et elle s’est accostée sur la rive. L’auteure n’est jamais revenue tendre la main à Simon, pourtant un personnage liant et très présent. On peut dire qu’il est disparu avec son dénouement sous le bras.

C’est sur la campagne que Monique Proulx pose son regard aiguisé et d’une souveraine constance, pas sur l’univers de l’humain. La nature étant la vedette par excellence, les histoires humaines s’en ressentent. Elles sont intéressantes, non dépourvues de suspense mais elles avancent très lentement, intercalées par des chroniques naturalistes abondantes.

Pour apprécier, je vous conseille de cultiver l’état contemplatif, gens fébriles en quête d’actions et de sensations fortes, s’abstenir. Un roman essentiellement relaxant, inspirant et instructif.
Et pour les passionnés de la nature, c’est une bible. À relire même, car si riche dans sa langue que le goût s’impose d’y déposer les mots pour les déguster à nouveau. Comme du champagne !
* Roman lu à voix haute à Marc (mon chum de mari !)

INFO IMPORTANTE À RAJOUTER :
Les finalistes des prix GG - catégorie romans et nouvelles en français :
Jean-François Beauchemin, Ceci est mon corps (Québec Amérique)
Marie-Claire Blais, Naissance de Rebecca à l’ère des tourments (Boréal)
Guillaume Corbeil, L’art de la fugue (L’instant même)
Monique Proulx, Champagne (Boréal)
Jean-Pierre Trépanier, Colomia (Sémaphore)

Organisé par le Conseil des Arts du Canada, les Prix littéraires du Gouverneur général offrent une bourse de 25 000 $ à chaque lauréat. De plus, l’éditeur de chaque ouvrage gagnant reçcoit une subvention de 3 000 $ pour ses activités promotionnelles. Enfin, une somme de 1 000 $ est remise à tous les finalistes non lauréats. Les noms des lauréats seront dévoilés le mardi 18 novembre.

UN SINCÈRE BONNE CHANCE À MONIQUE PROULX !

lundi 20 octobre 2008

Spleen du lendemain

*** (phot0)
Me voici au coeur du petit spleen inévitable après avoir vécu autant d'intensité. Le corps est gourmand de sensations fortes, le siège émotif aussi. Il me reste aujourd’hui l’intensité du souvenir que je vais partager avec vous.

La mère que j’ai portée en pleine lumière à 11 heures du matin a été accueillie à bras ouverts. J’avais oublié qu’elle ne serait pas seule. J’ai senti l’assistance tendre l’oreille. Je les ai vus même, puisque personne n’était à l’ombre de personne. J’en ai été nourrie et la mère que j’incarnais sur scène s’est mise à grandir sous mes yeux. Tout le monde sait qu’être aimé fait grandir.

C’était une tannante de mère pourtant. Est-ce un vieux modèle de mère (j’ai reçu des commentaires disant que ça existe quasiment plus des mères comme ça … à voir !), elle vivait complètement à travers sa fille. Elle avait besoin de cette osmose. À l’hôpital, devant sa fille dans le coma, elle le démontre, ensuite l’explique par un retour dans ses souvenirs. On comprend pourquoi l'enfant s’est enfui loin de cette mère qui confond aimer et posséder. Aimer, implique d’avoir quelque chose à offrir, c’est plus exigeant que posséder.

Tout ça pour vous dire que cette mère n’était pas à proprement parler cool et sympa. J’ai recueilli les commentaires après, des confirmations en fait, car je l’avais senti, cette mère a été aimée, malgré ses importantes aberrations affectives.

C’est une victoire pour moi. Ça veut dire beaucoup. Je suis arrivée à montrer sa vulnérabilité à travers sa superficialité. Et c’est ce que je voulais faire et c’est ce qu’on m’a laissé faire. Le plus merveilleux est que la directrice d’acteur, Lilie Bergeron, a eu le cœur et le jugement de me faire confiance. À la dernière répète, elle m’a dit à peu près ceci : "Tu sais ce que nous avons placé dans ta « grosse » scène là, tu peux un peu oublier ça, vas-y, comme tu la sens. Ça va être moins plaqué, j’en suis sûre". C’était les paroles qu’il fallait prononcer avec moi. Le soir même, je m’attelais encore à sonder et nuancer les motivations émotions, contradictions, d’une phrase à l’autre. Ensuite, il faut oublier. La tête doit oublier tout ça pour se souvenir par le coeur seulement. Comme dans la vie finalement quand on relate un moment de notre vécu, intense, on ne pense pas à mettre de l’émotion à chaque mot. Ça se fait tout seul.

Disons-le encore une fois : La confiance est le levier pour soulever toutes les montagnes.
Et c’est ce que je retiens le plus de mon expérience, la confiance que l’on m’a offerte comme un cadeau de bienvenue.

Et le dessert est la reconnaissance. J’en ai eue, j’ai même des noms de contact pour faire savoir que j’existe au milieu théâtral sherbrookois. J’ai aussi les larmes de l’auteure, bouleversée par « sa » mère. Elle m’a confié qu’elle aimerait que ce soit moi la mère si la pièce est montée avec tous ses artifices de scène. Mais, à ce chapitre, j’éprouve une déception remplie de consternation : on n’a pas filmé, ni même enregistré cet exercice public. Surprenant pour une pièce qui veut se jouer, s’offrir et disons-le, se vendre. En avoir été l’auteure, j’aurais tablé sur ce puissant outil de promotion.

Était-ce par manque de confiance en elle, en sa pièce ? Isabelle Gosselin est venue nous rencontrer une quinzaine de minutes avant l’entrée et elle était plus nerveuse que les sept comédiens réunis. Elle a même avoué avoir failli manquer de courage pour venir !

Dommage. Je vais quand même essayer de la rejoindre pour lui demander qu’est-ce qu’elle compte faire maintenant. Hier, ce n’était pas le temps, en plus de prendre le pouls du public en général, j’étais avec ma douzaine d’amis en particulier. (Une parenthèse : nous avons mangé chez Auguste et la réputation du chef n’est pas surfaite : Suc-cu-lent !)

Aujourd’hui, pas de différence avec la littérature, même après un livre que l’on a adoré, on attend l’autre qui l’accotera.

*** La photo a été prise juste avant de commencer. On m’avait demandé de porter mes cheveux en chignon et je devais, bien sûr, porter mes lunettes de lecture. Je suis aux côtés de Patrick Quintal, directeur artistique du Double Signe.

samedi 18 octobre 2008

Passage au Salon

Je me suis contredis moi-même, ça m’arrive. J’avais dit que je ne passerais pas au Salon du livre de l’Estrie. Je m’attendais au pire, je ne sais pas vraiment pourquoi d’ailleurs, et puis non, c’est un Salon vivant qui ressemble au Salon de Montréal en évidemment plus petit. Ce qui fait le principal de son vivant sont les familles qui y entrent à flot. Ça fait plaisir à voir.

Nous avons commencé par Septentrion (certains comprendront pourquoi …). Je désirais m’offrir Chronique d’une mère indigne (décidément, les mères et moi ces temps-ci !) avant que Caroline Allard n’accouche du deuxième. Je me suis contredis moi-même, ça m’arrive, et je suis sortie avec Dictionnaire des canadianismes - acadianismes, amérindianismes, anglicismes, archaïsmes, québécismes.
Pourquoi me suis-je laissé gagner ?
Pour le 9000 mots ; plusieurs exemples et synonymes ; relève les incorrections courantes ; indique, à l’aide d’une carte, les aires d’emploi des régionalismes.
Pourquoi je me suis laissé charmer ?
Pour le volume du livre, pour son « tout du long* », agréable à tenir, à posséder, à reluquer.
Auteur : *Gaston Dulong

J’ai une anecdote.
Un livre m’a littéralement sauté dessus. Bien sûr, il était tenu par une main. La main d’un homme, au verbe haut et fort qui déboulait les mots, de peur que je m’enfuie entre deux virgules. Je ne le répéterai pas est son livre, un roman. En le rédigeant, l'auteur s’est donné une contrainte ; ne jamais répéter un mot, excepté les adverbes de la négation (ne et pas). Il m’assure avec anxiété et ferveur, qu’il y a un roman passionnant, malgré cette contrainte. Une dame très âgée est à mes côtés, elle a un sourire en coin, me confie qu’elle l’a acheté et que c’est riche. L’homme était convaincant, fébrile, j’ai commencé à fléchir. Quand il m’a révélé le prix du mince opuscule, j’ai commencé à reculer. Il a baissé le prix de 5 $. Il voulait beaucoup. Comprenez une chose, cet auteur est son éditeur et son distributeur. Ça compte dans la conviction d’une vente, non ? Je n’avais pas d’argent comptant, je suis allé en chercher aux guichets. Au retour, il m’a donné mon change et il a dit, je vais même vous le dédicacer parce que vous êtes une femme charmante : « Pour Venise. Un corps est peau et poésie ». Le « Pour Venise » sont certes des mots qu’il écrivait pour la première fois dans une dédicace, pour les autres ... Je suis partie avec mon livre, pour ne pas dire mon livret. C’était au tour de Marc de se gâter. Évidemment, il s’est acheté une BD et on a voulu la payer comptant. J’ai réalisé que j’avais 20 $ de trop dans mon portemonnaie, l’explication nous sauta aux yeux : je n’avais pas payé mon « Je ne le répéterai pas » de G. Lévesque. J’y suis retournée, (c’était la troisième fois) car, sinon, j’aurais été payé 5 $ pour le lire, puisqu’il m’avait donné mon change. Quand il me vit arriver avec 20 $ en mains, il a déclaré que j’étais une dame spéciale.
Je ne sais pas si je suis spéciale mais cet achat l’a été. Le roman le sera-t-il, lui ?

Le fin mot de l’histoire, je le dirai bientôt car il n’y a que 101 pages dans ce livre de 3’ par 6’ et que j’en ai déjà 10 de lus. Je ne le répéterai pas – bientôt sur mon écran et non, c’est sûr, je ne le répéterai pas.

Tout le piquant de la vie de Salon est de ne pas savoir quel livre nous y attend.

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Je l’annonce officiellement pour calmer le temps qui s'impatiente, nous avons terminé « Champagne ». Il faut que me penche sérieusement sur ce commentaire de lecture, c’est un livre de grande valeur, je ne veux pas dire les choses n’importe comment.

Et présentement, mon esprit est dans une autre tête (ça fait quasiment film d’horreur …).

jeudi 16 octobre 2008

Un personnage de mère

Je vous raconte ce qui m’arrive, peut-être cela vous intéressera-t-il. Je travaille du texte, le décortique, creuse, fouille, faisant voler en éclat sa surface lisse. Et ce n’est pas un roman, voilà l’intérêt de la nouveauté. C’est une pièce de théâtre.

Elle s’est présentée à moi, je ne l’ai pas choisie. Même pas. On m’a appelé de bon matin, et la voix disait au téléphone « on vous a choisi pour votre face » Mais qu’a-t-elle donc ma face qu’une autre comédienne n’aurait pas ? Elle aurait, paraîtrait-il, du maternel à revendre. Je ne sais pas qu’est-ce que mes enfants en penseraient.

J’ai donc obtenu ce rôle emblématique de mère, celle qui représente toutes les mères de la Terre. C’est la pièce qui le veut ainsi, pas moi. Je la jouerai donc sur la place publique, pas plus tard que dimanche. Chez Auguste à Sherbrooke et, oui, pourquoi pas, chez Auguste à Sherbrooke. Les billets sont déjà tous vendus, ce qui donne un signe au Théâtre du Double Signe que les brunchs dominicaux autour d’une lecture de pièce flambant neuve, obtiennent la faveur du citadin. La pièce s’intitule « Le trapèze » et elle coule d’une source fraîche, Isabelle Gosselin, auteure à sa première oeuvre.

J’en viens enfin à ce qui a rejoint la lectrice en moi, et aussi loin que jusqu’à la moelle de son os. Une première œuvre se casse, comme un soulier de cuir verni. Se travaille, se modèle, se module. En ce moment même où je vous parle, sa charpente est tâtée de tous côtés par, bien sûr, Lilie Bergeron, la metteure en scène et aussi par Normand Chouinard. J’ai découvert en ce comédien un archéologue, fouilleur en profondeur des symboles, intentions, motivations, son état d’exaltation en prime. J’avais les yeux grands jusqu’au front de le voir triturer un texte comme une boule de pâte crue et encore molle. J’ai vu les mots se faire palper avec audace et dextérité, sans peur de rester les mains collées sur la pâte. J’en ais tout de suite pris pour mon rhume, même si je n’avais pas le moindre reniflement.

Le lien s’est tout à coup tiré comme un trait surligné : Une pièce de théâtre, c’est ni plus ni moins qu’une histoire toute de dialogue vêtue, et enduite de puissance dramaturgique. Et qu’est-ce que la dramaturgie, cette substance enflammée qui fait parfois cruellement défaut dans certains romans qui parlent pour ne rien dire ? Elle se façonne d’idées diamétralement opposées qui se lancent des défis de duel sanguinaire. De ce sang qui coule parce que la carapace des mots s’est ouverte, et bât, prête à être bu par la bouche du comédien.

En termes plus limpides et légèrement plus prosaïques, la dualité (les masques rit et pleure en sont un symbole fort) donne de la dimension au personnage, nourrit sa chair, son sang, ses os, pas seulement sa peau trop visible à l’œil nu. Ce qui se vit au Théâtre, exacerbé, pourrait se transmettre un peu, et pourquoi pas beaucoup, aux personnages de roman. Pour leur donner du tonus. Delà à dire que le roman a à apprendre du théâtre, il n'y a qu'un pas et je le franchis !

Bon. Je me calme, je me calme. Je souffle un peu sur ce déchaînement d’enthousiasme pour ces trouvailles. La principale, étant la conviction que ce rôle de mère universelle m’aidera à mieux me pencher pour prendre et comprendre un texte de roman.

Le (com)prendre, sans le serrer trop fort, à l’étouffer … (ah, les mères !)

mercredi 15 octobre 2008

Enthéos - La vie remise en question

Ça y est l’heure a sonné de commenter Enthéos. C’est plus difficile, je trouve, et pas seulement parce que l’auteure est de La Recrue (6 autres commentaires) mais surtout pour toutes les autres critiques déjà parues. Le roman s’est déjà ouvert un chemin.
C’était le destin de Thomas d’être lu par plusieurs yeux. Il en serait bienheureux s’il existait car il aime la lecture, c’est une Nourriture terrestre et il s’y alimente, délaissant une nourriture plus céleste.

Nous entrons dans la vie de Thomas au cœur de sa crise existentielle. Il remet la Vie en questions et Dieu ce qu’il en a à la bouche de la question ! Pour ces êtres qui s’efforcent de nier Dieu dans leur vie, il arrive qu’il y ait des anges qui se déposent sur leur trajectoire et c’est Elsa, son professeur de grec. Et son directeur de maîtrise l’entourera de sa bienveillante compréhension. Aussi bien entouré, reviendra-t-il à lui-même ? C’est le principal suspense du roman, delà l’importance capitale de s’attacher à Thomas. Pour être tout à fait franche, je m’y suis intéressé plus qu’attaché. Il est pourtant dans un état de vulnérabilité qui, habituellement, me va droit au cœur. Est-ce que son questionnement existentiel rimait trop avec rationnel pour que je m’approche de ses émotions à l’état brut ? J’ai quand même pris contact avec sa douleur, celle qui nous dépasse, nous avale tout rond, par son inconscient, ses cauchemars.

J’ai vibré à l’intensité d’Elsa. J’en suis surprise puisque c’est un personnage qui projette un détachement hors du commun vis-à-vis la vie et sa vie. Pourtant le détachement n’ouvre pas sur la passion et je sentais sourdre un volcan de lave passionnelle en cette femme. J’ai aimé leur relation, extrêmement bien décrite à elle et Thomas. Le sentiment amoureux était justement rendu. C’est Elsa qui m’a ouvert le cœur de Thomas.

Je n’ai pas encore parlé du style. Je ne suis habituellement pas emballée par les styles hachurés qui m’apparaissent vouloir se donner du style justement. Mais, ici, il est entièrement vécu. C’est le souffle de l’auteure, sa respiration. J’entendais les silences, remplis à ras bord. J’ai conclu que, pour que ce soit aussi réussi, il est important de bien voir ce qui est décrit. Julie Gravel-Richard le voit très clairement et c’est une force inestimable. Ce sont des coups de ciseaux précis, justes, qui tombent dans la masse de mots, les ordonnent, leur conférant une force de frappe qui nous martèle l’histoire en tête.

C’est le roman de toutes les dualités : passion/raison, engagement/fuite, doute/foi, conscient/inconscient, vie/mort et le message porté par l’œuvre me ravissait au départ : l’enthousiasme, symptôme de la présence de Dieu en soi. Cette prémisse, je l’avalais déjà tout rond. J’en ai cependant apprécié la démonstration, malgré le côté assez prévisible pour moi, peut-être justement parce que j’y croyais tant.

Il y a la toute fin qui se ferme sur un mystère … il en faut quand on aborde la théologie !

dimanche 12 octobre 2008

Se rencontrer en vrai

Ça y est, la rencontre entre certaines blogueuses des Lecteurs québécois a eu lieu. Peu s’étaient déjà vus. Lus, oui, mais pas vus. Toujours un tantinet inquiétant de rencontrer une personne avec qui tu t’entends bien derrière deux écrans. Cette entente, cette idylle même parfois, résistera-t-elle au choc de la réalité ? Les énergies disparates s’entrechoqueront-elles ? Y aura-t-il de la synergie dans l’air ?

De faire connaissance avec quelqu’un par ses mots écrits permet de passer outre plein de facteurs qui, autrement, distraient : les voix, les manies, les comportements, les tics, les silences, les malaises. Quand on écrit un blogue, on gère son image. Ce qui nous fait souvent opter pour offrir le meilleur de soi. Les yeux lecteurs, se connectant directement à l’essence de la personne nullement déviée de son essentiel, peuvent se laisser à sublimer le blogueur si le cœur lui en dit.
Lors d’une rencontre dans le physique comme celle que nous avons vécue, le compteur se met à zéro, y ajoutant sûrement des points pour le préjudice favorable du souvenir de l’écrit. Malgré cela, ces face à face exigent de l’observation, de l’ouverture et de l’écoute pour s’apprivoiser dans son état de personnes bien en chair.

La fin de la rencontre m’a laissé sur ma faim. Est-ce que je suis arrivé à consolider chez chacun les mots écrits aux mots dits ? Non. Bien sûr que non. Par manque d’instants accordés par le temps.

Et pourtant, ce temps, nous l’avons bien employé : premièrement, au bistro « Le Petit-Eastman », devant des plats succulents … et ce n’est pas seulement moi qui le dit, il y avait unanimité ! Au dessert, Shirley-Carol a remis à Catherine un sac rempli de romans de science-fiction pour le meilleur commentaire (par vote) du concours BiblioLys. Dans un deuxième temps, j’ai tiré du creux d’une main le nom de Danaée, un livre lui sera remis en guise de reconnaissance pour sa participation. Et finalement, le tirage du gagnant du quiz sur Pierre-Léon Lalonde (Un taxi la nuit).

Ensuite, il faisait un temps à se donner du temps pour une longue marche sur le Chemin du théâtre qui a mené nos pas là où les couleurs s’affolent sous l'œil ébahi. Les arbres se sont pris pour les vedettes de l’instant, croqués à répétition par des appareils photos, petits ou jumbo (hein Catherine ?). Et Ludovic (10 ans) a eu toute une surprise en découvrant un escalier colimaçon en métal gris qui grimpait hardiment jusqu’au faîte d’un arbre géant. Il est nommé l’escalier des rêves, en fait, le rêve est surtout d’y apercevoir le chevreuil à abattre. Mais ça, on ne l’a pas dit à Ludovic.

Nous avons terminé notre escapade par une brève visite de mon nid ci-haut planté sur sa colline. Et c’est là que Carine, une lectrice assidue de nos blogues, a pris en photo mon petit coin de bureau (ma tag en retard !), l’endroit même d’où je m’adresse à vous, souvent, si souvent que j’en rêve la nuit.

vendredi 10 octobre 2008

J'ai grappillé pour vous ...

Le concours de La semaine des Bibliothèques est généreux en ce 10ième anniversaire : 8,000 $ de Prix, dont des certificats pour 500 $ de livres (le rêve !). Ne vous cassez pas la tête, les 3 indices à ajouter au formulaire sont « méchant - bon - tuyau ». Vous avez jusqu’au 25 octobre pour participer et la semaine anniversaire se déroule du 18 au 25. Pour ceux qui se disent que les concours, ce n’est pas pour eux, qu’ils ne gagnent jamais, j’y ai gagné des livres l’an passé …

Et ainsi parlait …
L'homo quebecensis se compose de tout ça - et aussi de l'odeur du cipâte à la veille de Noël, des enfants qui se chamaillent en arabe dans la ruelle, et du damné blabla électoral qui revient avec une exaspérante cyclicité. C'est le meilleur et le pire, l'indéniable et le discutable.
Au fond, voilà ce qui m'a tant agacé dans la question de l'animatrice parisienne. En tant que Québécois, je déteste me faire simplifier en trois coups de cuillère à pot, me faire dire que je suis ceci, ou cela, ou son contraire.
Et comme la plupart des romanciers généralistes, j'ai déjà bien assez de misère à me lever le matin et être moi-même, merci!

… Nicolas Dickner dans sa chronique hebdomadaire « L’identité et le blabla ». Un texte succulent.

Le livre électronique, vous y croyez pour bientôt ? Très bientôt ? Les possibilités sont plus importantes que je ne le croyais, ce que j’ai appris hier en lisant un autre très intéressant billet de Laurence (La Caravane). Et les répercussions sur le monde de l’édition, bouleversantes. Le billet se termine ainsi ; « qu’en sera-t-il des librairies, des bibliothèques, des imprimeries ? » Je rajoute, et des Salons du livre ?

Le Salon du Livre en Estrie se tient du 16 au 19 octobre. Je suis allé voir la liste des écrivains exposants et je me suis sentie toute perdue, me promenant à travers un dédale d’inconnus. J’ai été sonnée d’en connaître si peu. Comme je vais être à Sherbrooke ces journées-là, j’aurais pu enfin m’y rendre. J’avoue manquer de stimulation mais peut-être vais-je y aller quand même. Il y a au moins un livre que je désire, mais c’est quand même 4 $ de plus pour aller l’acheter des mains de l’écrivain. Il faut l’aimer l’écrivain. D’un autre côté, j’ai entendu parler de l’ambiance et j’aimerais aller vérifier si ce qu’on m’a dit est vrai. À suivre.

Demain, un événement « bloguale » se passe ici à Eastman. Des blogueurs et lecteurs de blogues, particulièrement de Lecteurs Québécois, se réunissent au Bistro « Le Petit-Eastman ». Absolument, tout le monde est invité. On va jaser, on va tirer un prix, on va vraiment beaucoup jaser et on va enfin voir la bouille de notre tireur de lignes préféré … je dis n’importe quoi, moi là ! Il sera même permis de dire n’importe quoi et je m’en charge !
Et puis, c’est beau Eastman : Sentier pédestre jusqu’à Magog, activité « Arbre Aventure pour les jeunes », Exposition d’antiquité (événement annuel), SPA d’Eastman, le théâtre La Marjolaine tout ça plantés devant le Mont Orford, imposant mais pas intimidant. Et puis, les routes côtoient l'eau ici ; 4 lacs et une rivière !

Et là, je n’ai pas dit n’importe quoi !

mercredi 8 octobre 2008

La ponction cinématographique de deux romans

J'avais hâte. Qu’est-ce que Philippe Falardeau nous avait concocté avec « C’est pas moi, je le jure ! » et Alice court avec René de Bruno Hébert ? Eh bien, je suis coite d’admiration. Depuis le temps que je suis à la trace les romans transposés sur écran, c’est mon meilleur. Falardeau a été cherché la crème des deux romans, faisant ressortir les motivations du bambin à n’en exacerbant l’émotion. Mais pas trop quand même, juste ce qu’il faut pour y croire.

L’adulte que je suis y croyait et jugeait les adultes qui se gouraient royalement avec cet enfant. Qui ne savaient pas comment le prendre. La plus grosse différence est que dans le film, c’était moins dramatique que dans ma tête ! Le réalisateur y est arrivé ; faire ressortir le comique des situations, même celles de destruction massive. Mais surtout il a su amplifier ce qui manquait sur mon tableau intérieur, le côté heureux, malgré tout, de Léon.

Le couple enfant Léa et Léon est sublime de justesse, touchants tous les deux, mais donnons la palme au jeune comédien, Pour un jeune de cet âge, il n’est pas seulement question d’un talent d’interprète, c’est le talent de rester ce qu’il est, même devant une caméra. Ce qui fait que l’on n’aime pas seulement Léon, on aime le comédien Antoine L’écuyer. Cet enfant a du charme et c’est d’autant plus frappant qu’il a le teint pâle, les traits un peu ternes, mais quelle transparence dans le regard ! Il ne porte pas de masque, même pas celui de joli garçon.

C'est le père qui m’est apparu le plus différent. Chez un Daniel Brière, j'ai moins senti le personnage inspiré du sénateur Jacques Hébert, homme rigide et strict. De l’impatience, de la fermeture, mais pas l’exaspération colérique du père romanesque.

La reconstitution d’époque est forte parce qu’elle est restée à sa place ; un décor qui complète. Les musiques superbes qui étreignent l’âme et exacerbent la tristesse de l’isolement. Parce que c’est d’un enfant seul, très seul dont il s’agit. Est-ce pour cela que chaque personne dans la salle avait le goût de le prendre dans ses bras ou de jouer avec lui ?

La cuvée des films québécois est florissante cette année, mais celui-là, c’est mon coup de cœur pour l’habileté à y présenter des émotions fortes d’une manière si naturelle qu’on finit par se dire : « C’est la vie ! »

lundi 6 octobre 2008

Entre écrivaines


Je me suis souvent fait dire que j’aimais les livres, c’est vrai, mais j’aime encore plus les écrivains qui les écrivent. C’est un geste que j’admire au point d’en avoir les larmes aux yeux quand j’y pense. C’est un peu trop, je sais, mais c’est comme ça.

Ils s’avancent vers nous, confiants, tremblants quelquefois, remplis d’espoir que l’on va aimer leur œuvre. Ils y ont mis leur âme, tellement de temps, d’amour et d’énergie. Vous allez me dire, il en est ainsi de tous les créateurs et encore là, rien de plus vrai. Entre en jeu, Venise, dans ce qu’elle a de plus profond niché au creux de son cœur, l’amour des mots. L’amour de la phrase juste qui projette ailleurs parce qu’elle a su décrire le personnage, la situation, l’émotion. Tous les arts qui touchent le mot m’interpellent.

Que dire de la relation entre deux écrivaines maintenant. Je m’y suis arrêté très récemment en découvrant le blogue La Caravane de Laurence Prud’homme parlant avec franchise de son intérêt pour Soleil d’Encrier, de Julie Gravel-Richard. La première en est à son deuxième roman La Danse de la méduse (que je vais lire après « Les Accoucheuses »), tandis que Julie GR en est à son premier Enthéos.

Laurence a suivi la démarche de Julie de très près et faut dire que moi aussi parce que c’est simple comme bonjour, il s’agit de cliquer chez Soleil d’encrier (en haut à droite) sur Démarche d’édition pour y retrouver toutes les étapes en commençant par les rapports de lectures de différentes maisons d’édition, le 22 mai 2007 jusqu’à L’objet livre, le 7 août 2008. Quatorze mois bien sonnés de péripéties. C’est fascinant. Un billet de Laurence l’exprime avec chaleur ici.

La vidéo d’Antoine Tanguay a soulevé une kyrielle de commentaires sur mon billet Le Pré-roman et l’abandon (suite) et suite à cette amorce de réflexion, Laurence Prud’homme s’est inventé un jeu, se façonnant une énumération des atouts de la maison d’édition idéale (ici). Faut bien rêver dans la vie ! En tout cas, ce genre de rêve tire vers le haut, pas vers le bas, Mettre des mots, préciser ses limites, ses attentes font que les choses arrivent.

C’est le point commun entre ses deux écrivaines de vouloir mettre en mots l’histoire de la publication de leur histoire ; le avant, pendant, après. Le « avant » est abordé par JGR d’une manière très complète, le pendant aussi. Pour le après, Julie est ensevelie par son « après » présentement, il est plus difficile d’en parler. Tandis que Laurence l’aborde en y révélant une sincère émotion, ce qui est plutôt rare.

En vérité, un sujet inépuisable dont on n'a pas fini de parler.

vendredi 3 octobre 2008

Paris

J’ai pris une décision. Non, ce n’est pas de me rendre à Paris, de toutes manières, je serais plutôt dû pour visiter Venise … avant de mourir (voir Venise et mourir !). Mais comme ce n’est pas dans mes intentions dans les jours prochains, Venise attendra Venise. Le temps que les goussets se remplissent d’autres choses que de l’air du temps.

Ma décision est d’un autre ordre et a présentement rapport avec Paris. Le film. J’ai quelque fois le plaisir d’assister à des avant-première en échange de mes commentaires sur le site du Voir, blogue que j'ai depuis trois ans. J'y commente évidemment des romans mais des films aussi, rarement des spectacles et presque plus des CD, disons que ça s’appellerait se prendre pour une autre, mon univers musical critique se résumant spontanément à « J’aime » ou « J’aime pas » !

Impulsivement, ce matin, je me suis dit, pourquoi ne pas vous offrir le lien au fur et à mesure que je sors un commentaire. Hein, pourquoi pas ? Vous m’offririez, mine de rien et si ça vous tente, une stimulation de plus à écrire sur le Voir. Parce que voyez-vous, elle se perd un peu, ma motivation, et cela malgré les récompenses que j’en retire. Je préfère me concentrer ici avec vous, vous êtes mon port d’attache, mon bercail. J’ai l’impression d’écrire pour des proches de cœur et d’esprit. Cette fois, je vous l’offre directement avec l’espoir que vous y preniez goût suffisamment pour cliquer :

Écouter le bruit que fait la vie
Est-ce que je viens d’une autre planète ? En tout cas, j’ai aimé Paris. Peut-être parce que j’aime la vie. Et c’est elle que j’ai vue en scène ici, sous le clignotement de plusieurs âmes voyageuses, longeant leur parcours de vie. C’est vrai qu’il y a plusieurs cv déboulés en quelques phrases, ce brouhaha se présente comme le paysage de fond à une histoire qui s’avance, l’histoire d’un danseur qui a le cœur qui flanche, Pierre (Romain Duris, intense). Moi, je l’ai tout de suite aimé ce Pierre, je m’y suis attaché illico. Pourquoi ? Pour son oreille attentive au bruit de la vie,

J’en ai pris pour mon rhume : pourquoi attendre l’évanouissement de son souffle pour regarder vivre la vie, savourer ses odeurs et ses saveurs du haut de son balcon ?
C’est du point de vue d’une mort probable que Klapisch pointe du doigt la vie vue sous les angles de personnages hétéroclites. Cette option m’a plu. Comme par exemple, la boulangère (Karin Viard, admirablement chiante) représente la chialeuse de service au regard circulaire tournant autour de son pain ficelle, traditionnel ou classique. Ce portrait vivant est tout à fait réussi. C’est sûr que le Camerounais qui prend ses pénates, carte postale en main, pour venir découvrir Notre-Dame de Paris, je lui ai trouvé un air « fait exprès » à celui-là, même si je comprends que le réalisateur voulait inclure dans le topo, les immigrants qui viennent s’établir à Paris pour la fascination de la Ville Lumière.

Mais revenons à Pierre, car tout part de Pierre et de sa sœur, deux accostés sur leur rive, regardant la dérive de leur vie, de loin, ou de plus près mais frileusement, comme l’écorché Élise (tendre Juliette Binoche). Il y a trois enfants dans le décor, entassés dans un mini appartement (en tout cas, vu d’ici !). Obligatoirement, ils se parleront, pas le choix, quand l’exigu balcon est le seul exutoire pour prendre une inspiration.

Ah oui, pour les fans de Fabrice Luchini, il nous fait un historien qui joue la torture de l’âme dans le plaisir. Du Luchini, tout craché ! Si vous acceptez de ne pas creuser chaque sillon de vie, vous contentant des traces, vous avez toutes les chances d’aimer ce Paris en ébullition.

Alice court avec René

Léon a grandi d’un an, c’est en tout cas ce que Bruno Hébert essaie de nous faire croire. Je n’ai pas reconnu autant de candeur à Léon, j’ai plutôt eu l’impression d’accompagner un ado. Un drôle d’ado, Un très, très, bizarre d’ado.

Il fuit la vie, ceux qui la vivent surtout. Il cherche le petit coin noir où disparaître. Il en trouve pleins, à l’intérieur de caveaux vides au cimetière, accroché comme un singe sur le renfoncement d’une fenêtre dans les toilettes de l’école ou dans tous les magasins du quartier. En autant qu’il ne soit pas devant un tableau noir où s’inscrit « Alice court avec René » par une prof, même gentille, il atteint une certaine félicité. L’école est d’une banalité étouffante pour cet être à l’imagination délirante. La banalité tue à grands feux cet enfant qui pose un regard aseptique sur la routine, sur le prévisible, sur le quotidien.

Le rôle qu’il préfère dans la vie est celui de producteur de ses propres films :

À la fin de mon scénario, quand tout est réglé et que la cloche de la récré va bientôt sonner, Clarence a un arrêt cardiaque. Ça relance l’intrigue. On l’emmène d’urgence à l’hôpital. Je m’arrange pour la suivre, même si tout le monde veut m’en empêcher. Dans l’ambulance, consterné par l’inefficacité des infirmiers, je branche moi-même le défibrillateur. À l’hôpital, le médecin de garde me félicite de mon initiative. Comme toujours, si elle s’en sort, c’est grâce à moi.

Ce roman est un vrai casse-tête psychologique, je cherche encore quelle façon aurait été la meilleure pour rejoindre Léon dans son monde. Le rejoindre là où il est, la seule façon de le comprendre, d'entrer vraiment en contact avec lui. Moi, la lectrice, j’y suis arrivée un peu, pas complètement j’avoue, mais les personnages autour de Léon échouent lamentablement. C’est le désastre. Un enfant qui fait tant de mauvais coups (vols, fugues, mensonges) devient une victime à nos yeux. On fustige son père qui le tue de son conformisme, sa mère qui accepte tout sans comprendre, on voudrait tuer le trio qui le harcèle, engueuler Clarence, celle qu’il aime et qui le rejette, secouer ses sœurs qui se contrefichent de lui.

Un roman qui se donne des airs d’enfance rimant avec insouciance quant en fait, le sujet est beaucoup plus sérieux. On entre de plein fouet dans la délicate question de la différence menant tout droit à la délinquance, Je ne sais pas comment Philippe Falardeau va traiter cette histoire au cinéma, (je vais aller vérifier, c’est sûr) mais j’imagine qu’il va faire ressortir la comédie avant le drame.

Tandis que moi, malgré tout la finesse de l’humour, ma lecture s’est fait sur le ton dramatique plus que comique.