Le roman m’a prise par surprise dès les premières lignes. J’arrivais difficilement à me situer, je cherchais mes points de repère. Au fil des pages, j’ai fini par me situer dans le temps, c’est la vie « après » les grands cataclysmes climatiques, ceux que nous escomptons ici et maintenant. Les conséquences désastreuses du réchauffement climatique ne sont plus à l’état de menaces, elles se vivent au présent.
Une question se pose : L’ours blanc est-il à craindre ou à désirer ? De mes bottines de citadine, je me répondais qu’il était à craindre, malgré la beauté de sa majesté blanche. La réponse n’est pas si simple, puisque les habitants de ce petit village se déchireront pour elle. Un clan est pour son retour, l’autre, non. À partir de là, les luttes de pouvoir entre hommes forts de la tribu seront sans pitié.
L’histoire de ce peuple survivant est focalisée par la voix de Sakari, l’enfant du chef du village Inuit. Celle-ci est insouciante, désire s’amuser avec ses amis, tout en s’acquittant des tâches imposées. À quinze ans, elle pense déjà à unir sa vie avec un garçon qui l’attire. Mais son destin n’est pas celui qu’elle croit, et son immense attachement à son grand-père l’aidera à l’accepter. Ce dernier occupe une fonction très particulière dans ce village de 350 personnes, il est vigile, fonction qui consiste à garder vivant le savoir ancestral. Il est juché sur un promontoire naturel et, en l’occurrence, il surveille le retour de l’ours. Des heures et des heures d’attente à chaque jour, accompagné de sa petite-fille. Imaginez l’épreuve pour Sakari qui a la bougeotte de son jeune âge !
Deux intrigues jouent, une se déroule dans les hauteurs exposant la relation particulière entre la petite-fille et son grand-père. L’autre, à ras le sol, dévoile le quotidien de ses survivants en situation de crise pour continuer de survivre.
J’ai été et suis encore perplexe vis-à-vis cette histoire qui m’a tirée hors du réalisme, à partir du moment où je me suis arrêté au mot « fable » annoncée sur la quatrième. Par contre, cela reste une fable ambigüe qui flirte avec le genre sans en prendre toutes les allures. Une fable contient des messages, voici ce que j’en ai pensés.
Le vigile, la seule personne à détenir la mémoire ancestrale, donne goutte-à-goutte ces informations à sa petite-fille. Ces révélations m’ont semblé tellement aller de soi, qu’elles en revêtaient un côté simpliste. Quelque unes divulguées aux personnes âgées du village (les sages) et plusieurs problèmes se seraient réglés. La fable mettrait en évidence que, dans la vie, seulement des êtres privilégiés comprennent, tandis que le peuple, lui, n’a pas et ne peut comprendre. Et on ne prend pas les moyens pour qu’ils comprennent afin de mieux le manipuler. Cette partie m’a inévitablement fait penser à nos prêtres qui cultivaient les mystères afin de mieux manipuler leurs ouailles.
Le message vis-à-vis la femme a une teneur positive. Une femme vaut un homme, la prémisse est bien défendue et est plutôt crédible. La foi candide devant la force mâle a quelque chose d’enfantin : tu es le plus fort physiquement, tu es le chef.
Malgré une certaine perplexité, mon désir de découvrir ce qui allait se passer était constant, probablement parce que je me suis attachée aux personnages. L’impression d’habiter dans un ailleurs, une sorte d’alcôve blanche entourée d’eau et de lignes d’horizons m’a plu assez pour recommander Le retour de l’ours.
Le retour de l'ours deuxième roman de Catherine Lafrance - Éditions Druide - 264 p. octobre 2013.
Premier roman : La saison froide
mercredi 27 novembre 2013
vendredi 22 novembre 2013
L'oeil de la nuit - Danielle Trussart
Ce troisième roman de Danielle Trussart mérite que l’on s’y arrête. C’est l’histoire de trois femmes qui, à la suite de leur séjour dans une aile psychiatrique, décident de prendre leur vie en mains en allant vivre ensemble.
Trois étranges colocataires : Clo, une impulsive colérique plutôt naïve, Lucie, une dame âgée qui se réfugie dans l’ordre et la répétition, et Violette qui nous relate l’histoire folle de cette cohabitation. Cette dernière est plus complexe à cerner, étant la narratrice, elle ne se voit pas aller. Elle nous confie en quelque sorte la responsabilité de se former une opinion à son sujet, ce qui est fort intéressant.
La complexité de chacune est intéressante en soi, mais je bénis la présence de Clo qui brasse la cage des deux autres. Lucie aimerait que son environnement reste aussi statique qu’une photo, Violette a de la difficulté à rentrer en contact avec les autres mais pas avec elle-même cependant, ce qui nous force à jouer un jeu de lecteur, celui de l’improbabilité (j’y reviendrai).
Violette, la narratrice, est fascinée par les mots et les expressions, ça tombe bien, ils sont indispensables pour communiquer avec le lecteur. Au fil de la narration, Violette écrit en s’adressant à Bérénice. Elle s’arrête à toutes les expressions qui lui semblent hermétiques et nous sort l’explication qu’elle a consignée dans un cahier. Personnellement, j’ai trouvé cette manie agaçante, même si au début c’est cocasse, ça devient lassant à la longue.
La narration de l’histoire des trois colocataires par Violette est d’une finesse toute poétique, elle qui bute pourtant à la moindre expression, éprouvant le besoin de la traduire par une définition plus prosaïque. Voilà ce que j’entendais par improbabilité. J’ai décidé de jouer le jeu ou, sinon, j’aurais manqué la saveur particulière de ce trio hors du commun.
Il y a beaucoup à savourer pour qui aime voguer à la surface d’un monde hors norme. Dès le début, nous voyons clairement la ligne de départ de chacune et, à la fin, la ligne d’arrivée. Entre les deux, l’histoire est habilement menée. Il y a une embarcation à maintenir à quai, avec aucun capitaine, que trois matelots avec des limites psychologiques.
Ces trois femmes ne sont pas que différentes sous la lunette sociale, mais sous le regard l’une de l’autre également. Ce qui fait la différence pour leur confort psychologique est qu’elles sont remplies de bonne volonté et motivées à ne plus être enfermées. Tout ce que l’on peut faire avec de la bonne volonté ! On peut s’entraider, partager ses forces, pallier aux faiblesses de l’autre. On trouve dans cette histoire une solidarité cahoteuse belle à voir. Et elles ne resteront pas seules sur leur bateau, l’extérieur, celui qui représente l’autre, entrera dans leur antre. Progressivement. Et assez subtilement pour qu’on y croit.
J’ai apprécié que l’auteure échappe à la tentation de la fouille en règle de la douleur psychologique par l’intérieur. Elle ne contourne pas la souffrance pour autant mais elle a pris l’option de l’exprimer par le geste et l’action, ce qui donne un roman rempli de rebondissements. Autrement dit, on part de l’extérieur pour saisir l’intérieur de ces trois femmes.
La force de cette histoire est l’équilibre entre l’intériorité et l’extériorité des limites psychologiques de trois femmes, que l’on n’est pas prêt de confiner à nouveau entre les murs blancs d’une aile psychiatrique. Belle étude de société sur un air de joie.
Trois étranges colocataires : Clo, une impulsive colérique plutôt naïve, Lucie, une dame âgée qui se réfugie dans l’ordre et la répétition, et Violette qui nous relate l’histoire folle de cette cohabitation. Cette dernière est plus complexe à cerner, étant la narratrice, elle ne se voit pas aller. Elle nous confie en quelque sorte la responsabilité de se former une opinion à son sujet, ce qui est fort intéressant.
La complexité de chacune est intéressante en soi, mais je bénis la présence de Clo qui brasse la cage des deux autres. Lucie aimerait que son environnement reste aussi statique qu’une photo, Violette a de la difficulté à rentrer en contact avec les autres mais pas avec elle-même cependant, ce qui nous force à jouer un jeu de lecteur, celui de l’improbabilité (j’y reviendrai).
Violette, la narratrice, est fascinée par les mots et les expressions, ça tombe bien, ils sont indispensables pour communiquer avec le lecteur. Au fil de la narration, Violette écrit en s’adressant à Bérénice. Elle s’arrête à toutes les expressions qui lui semblent hermétiques et nous sort l’explication qu’elle a consignée dans un cahier. Personnellement, j’ai trouvé cette manie agaçante, même si au début c’est cocasse, ça devient lassant à la longue.
La narration de l’histoire des trois colocataires par Violette est d’une finesse toute poétique, elle qui bute pourtant à la moindre expression, éprouvant le besoin de la traduire par une définition plus prosaïque. Voilà ce que j’entendais par improbabilité. J’ai décidé de jouer le jeu ou, sinon, j’aurais manqué la saveur particulière de ce trio hors du commun.
Il y a beaucoup à savourer pour qui aime voguer à la surface d’un monde hors norme. Dès le début, nous voyons clairement la ligne de départ de chacune et, à la fin, la ligne d’arrivée. Entre les deux, l’histoire est habilement menée. Il y a une embarcation à maintenir à quai, avec aucun capitaine, que trois matelots avec des limites psychologiques.
Ces trois femmes ne sont pas que différentes sous la lunette sociale, mais sous le regard l’une de l’autre également. Ce qui fait la différence pour leur confort psychologique est qu’elles sont remplies de bonne volonté et motivées à ne plus être enfermées. Tout ce que l’on peut faire avec de la bonne volonté ! On peut s’entraider, partager ses forces, pallier aux faiblesses de l’autre. On trouve dans cette histoire une solidarité cahoteuse belle à voir. Et elles ne resteront pas seules sur leur bateau, l’extérieur, celui qui représente l’autre, entrera dans leur antre. Progressivement. Et assez subtilement pour qu’on y croit.
J’ai apprécié que l’auteure échappe à la tentation de la fouille en règle de la douleur psychologique par l’intérieur. Elle ne contourne pas la souffrance pour autant mais elle a pris l’option de l’exprimer par le geste et l’action, ce qui donne un roman rempli de rebondissements. Autrement dit, on part de l’extérieur pour saisir l’intérieur de ces trois femmes.
La force de cette histoire est l’équilibre entre l’intériorité et l’extériorité des limites psychologiques de trois femmes, que l’on n’est pas prêt de confiner à nouveau entre les murs blancs d’une aile psychiatrique. Belle étude de société sur un air de joie.
mercredi 20 novembre 2013
Retrouver le plaisir
Autoportrait paru dans La Presse + |
Ce qui me frappe en ce mois de novembre dans le monde de la littérature québécoise, ce sont les Prix. Tous en même temps, juste avant le Salon du livre de Montréal où on en distribuera d'autres. J’en laisse pleuvoir quelques uns, vous allez voir que même les titres ont une saveur automnale :
Titre édité depuis 2011 chez XYZ, il en récolte encore et toujours : Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier : Prix des Collégiens
Chaque automne j’ai envie de mourir de Véronique Côté et Steve Gagnon chez Hamac : Prix des abonnés 2013 à l’hôtel de ville de Québec.
La maison des pluies de Pierre Samson des Herbes Rouges : Grand prix du livre de Montréal
La bande dessinée à La Pastèque Jane, le renard et moi de Fanny Britt (texte) et Isabelle Arsenault (illustrations) : 8e Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal ET le Prix du Gouverneur Général
Librairie philanthropique
Quand je reçois un courriel me demandant avec des mots simples et gentils de faire mention sur Le Passe-Mot d'une oeuvre bénéfique et philanthropique, j’en parle, même si j’en ai déjà parlé. De toutes manières, les mémoires sont courtes, les têtes pleines, et les lecteurs varient !
Nous faisons un bénévolat depuis 4 ans qui consiste à recycler des livres en les revendant pas cher. Le but est de rendre la lecture accessible et les revenus servent à faire des dons de charité à divers organismes. C'est assez modeste, dans la mesure où nous réussissons à faire environ 3000$ de dons par année.Entre personnes qui font du bénévolat, il faut s’entraider.
Avez-vous remarqué ?
Avez-vous remarqué le bouton recherche en haut en droite « Rechercher sur ce blogue » Eh bien, ça fonctionne, vous savez ! C’est d’ailleurs en l'utilisant que j’ai vérifié ma mémoire qui prétendait avoir déjà parlé de la Librairie philanthropique. Vous pouvez demander les titres que j'ai déjà commentés, ou n’importe quels autres sujets, ma mère, Marsi ou la Gaspésie.
En parlant de MARSI (dessin ci-dessus, son autoportrait paru dans la Presse +)
Il faut bien que j’en parle puisqu’il fait parler de lui ! Petit mémo pour situer ceux qui en entendent parler pour la première fois, ou si vous préférez me lire Chez Venise, où je parle de ce mari qui entre au Musée des Beaux Arts la veille de ses 50 ans. Grosso modo, le Musée des beaux Arts de Montréal a proposé à 15 bédéistes de La Pastèque, dont Marsi, de sélectionner une œuvre de la collection permanente et de créer une planche (ou plusieurs !) s’en inspirant.
Une toile d’Alex Colville a été proposée à Marsi « Cycliste et corneille » Acrylique 1981. Marsi admire et suit ce peintre canadien depuis le cegep. Pour l'expo, il a dessiné trois planches qu’il a intitulées « Contre les règles ». Colville mesurait tout avec une règle et une extrême méticulosité avant de commencer à peindre. Sur la majorité de ses tableaux, sa femme y est, elle fut sa muse pendant 70 ans. Elle est décédée peu de temps avant que Marsi choisisse cette toile où elle enfourche un vélo et Colville est décédé peu de temps après, en juillet 2013. Mon bédéiste en a été quelque peu affecté, il en était à l'élaboration de ses planches de bandes dessinées qui pouvaient laisser présager un malheur.
Autre synchronicité, Marsi travaille depuis bientôt trois ans à un album (qui sera publié à La Pastèque en avril) dans lequel il a dessiné des cyclistes, des cyclistes et des cyclistes puisque c’est une histoire de cyclo-messagers se déroulant dans les rues de la ville de Québec. Pourtant, ce n’est pas Marsi qui avait choisi cette toile spécifique de Colville dont le thème est une cycliste sur son vélo. Il en avait pointé une autre qui n’était pas disponible. Quand il a vu la toile en remplacement de son choix, il l’a tout de suite beaucoup aimée et s'est dit, les ondes s'entendent pour que je dessine encore du vélo !
Ce sont des histoires comme celles-là qui me font dire que les ondes d’amour s’entrelacent dans l’univers.
J’espère que vous irez voir cette exposition originale, gratuite et disponible jusqu’à la fin mars.
vendredi 15 novembre 2013
Avis de décès - Les tribulations d'un croque-mort - Daniel Naud
Comment choisit-on ce métier marginal ? Comment assumer l’amour du métier sans passer pour un détraqué ? Comment ne pas s’en lasser ? Comment composer avec les émotions de compassion, de dégoût ? Comment l’embaumement se fait-il techniquement parlant ? Voilà un sujet délicat et mystérieux qui se doit d’être approché avec doigté, ce que Daniel Naud, thanatologue depuis une vingtaine d’années a réussi, dans ce petit bouquin sans prétention.
Daniel Naud a choisi d’approcher son métier en racontant des anecdotes, choisissant parmi les plus sensationnelles qu’il ait vécues. Le livre commence d’ailleurs par « La ligne de front » qui raconte la découverte d’un cadavre dans une auto en forêt un an après le décès. La deuxième « Les p’tits bonshommes verts » décrit, moult détails à l’appui, un pendu corpulent impossible à sortir d’un placard étroit. Malgré ma perception du sincère désir de l’auteur de décrire ces situations avec respect et élégance, le propos de ces deux chapitres est si dégoûtant que le ton est donné. J’imagine que plusieurs seront tentés d’abandonner leur lecture et ce serait malheureux, loupant certains chapitres plus sensibles. « Vivre sa mort », par exemple, relate l’histoire d’une famille particulière entourant les derniers désirs de leur aïeule, décidée à vivre pleinement ses obsèques.
Il ne faut surtout pas manquer « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir », chapitre trop court qui s’attaque au cœur du sujet. Ciblant directement la fonction d’embaumeur, je l’aurais d’emblée placé en tête. Je me suis demandé si l’option de placer les anecdotes sensationnelles au début ne révélait pas un manque de confiance envers l’intérêt suscité par le côté technique du geste d’embaumer.
La majorité des anecdotes racontées se déroulent pendant la période où Daniel Naud n’a pas acquis l’expertise d’embaumeur (il a par la suite étudié), son travail consistant donc à chercher les cadavres sur les lieux des accidents. J’ai trouvé le dernier chapitre (« Les fournaises de l’enfer ») lassant, le thème de la récolte pointilleuse de vestiges découlant d’une catastrophe ayant été largement couvert dans les chapitres antérieurs. Chaque objet, chaque lambeau de chair dénichés dans ce bus, transformé en tombeau pour 19 personnes, est décrit avec d’infimes détails, description pointilleuse des malaises physiques de l’exécutant compris.
La maladroite organisation des chapitres n’en fait pas pour autant un livre à éviter. J’ai été captivée par la passion candide de l’auteur pour son métier de thanatologue, et même d’écrivain.
À mon avis, Daniel Naud aurait gagné à partager la diversité de ses émotions, au lieu de nous en souligner une : la fierté. Cette émotion revient à tout moment, et de par son intensité, vient à prendre une teinte héroïque. J’aurais aimé plus de réalisme, apercevoir aussi les failles du héros, ses ratés, ses déconvenues, ses lassitudes. Même dans la pire des situations cauchemardesques, c’est la passion du métier qu’il fait ressortir.
Cette histoire plaira aux personnes pour qui le macabre offre un attrait certain, ou les personnes déterminées à en extraire le meilleur.
Bibliographie
Avis de décès – Les tribulations d’un croque-mort
Daniel Naud
PERRO Éditeur, 2013
246 pages
Daniel Naud a choisi d’approcher son métier en racontant des anecdotes, choisissant parmi les plus sensationnelles qu’il ait vécues. Le livre commence d’ailleurs par « La ligne de front » qui raconte la découverte d’un cadavre dans une auto en forêt un an après le décès. La deuxième « Les p’tits bonshommes verts » décrit, moult détails à l’appui, un pendu corpulent impossible à sortir d’un placard étroit. Malgré ma perception du sincère désir de l’auteur de décrire ces situations avec respect et élégance, le propos de ces deux chapitres est si dégoûtant que le ton est donné. J’imagine que plusieurs seront tentés d’abandonner leur lecture et ce serait malheureux, loupant certains chapitres plus sensibles. « Vivre sa mort », par exemple, relate l’histoire d’une famille particulière entourant les derniers désirs de leur aïeule, décidée à vivre pleinement ses obsèques.
Il ne faut surtout pas manquer « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir », chapitre trop court qui s’attaque au cœur du sujet. Ciblant directement la fonction d’embaumeur, je l’aurais d’emblée placé en tête. Je me suis demandé si l’option de placer les anecdotes sensationnelles au début ne révélait pas un manque de confiance envers l’intérêt suscité par le côté technique du geste d’embaumer.
La majorité des anecdotes racontées se déroulent pendant la période où Daniel Naud n’a pas acquis l’expertise d’embaumeur (il a par la suite étudié), son travail consistant donc à chercher les cadavres sur les lieux des accidents. J’ai trouvé le dernier chapitre (« Les fournaises de l’enfer ») lassant, le thème de la récolte pointilleuse de vestiges découlant d’une catastrophe ayant été largement couvert dans les chapitres antérieurs. Chaque objet, chaque lambeau de chair dénichés dans ce bus, transformé en tombeau pour 19 personnes, est décrit avec d’infimes détails, description pointilleuse des malaises physiques de l’exécutant compris.
La maladroite organisation des chapitres n’en fait pas pour autant un livre à éviter. J’ai été captivée par la passion candide de l’auteur pour son métier de thanatologue, et même d’écrivain.
À mon avis, Daniel Naud aurait gagné à partager la diversité de ses émotions, au lieu de nous en souligner une : la fierté. Cette émotion revient à tout moment, et de par son intensité, vient à prendre une teinte héroïque. J’aurais aimé plus de réalisme, apercevoir aussi les failles du héros, ses ratés, ses déconvenues, ses lassitudes. Même dans la pire des situations cauchemardesques, c’est la passion du métier qu’il fait ressortir.
Cette histoire plaira aux personnes pour qui le macabre offre un attrait certain, ou les personnes déterminées à en extraire le meilleur.
Bibliographie
Avis de décès – Les tribulations d’un croque-mort
Daniel Naud
PERRO Éditeur, 2013
246 pages
lundi 11 novembre 2013
Le frère du trapéziste de Denis Robitaille
J’aime ce genre de roman qui bouge, par l’action physique et psychologique, conservant son aura de mystère. Cette histoire dépasse le lecteur pour la bonne raison que le personnage principal est lui-même dépassé par ses actions et décisions, ce qui fait penser à la vraie vie. Si vous aviez à raconter votre histoire, est-ce que vous cerneriez parfaitement les leviers qui vous font agir, aller de l’avant ou reculer ?
La difficulté de résumer s’amène avec la pluralité des situations et des lieux. Une terre au Québec vers les années 1910, un vieillard acariâtre et ses deux fils, dont un, fuit très jeune l’ambiance morose pour aboutir trapéziste au réputé cirque The Barnum and Bailey. En 1912, Joseph, l’aîné enterre son père avec un soupir de soulagement, enfin, c’est lui le maître. Peu de temps après le décès, la découverte de papiers bouleverse ses plans ; il n’est pas l’héritier, c’est son jeune frère qui l’est. L’injustice apparait flagrante pour lui qui a soigné, et le père et la terre jusqu’à la dernière minute. Enragé, il quitte son ancrage et part en France, sans l'adresse en poche, pour retrouver son frère. Il compte lui réclamer son dû, la ferme familiale.
Commencent alors des trépidantes aventures qui dévoileront à Joseph des traits insoupçonnés de sa personne. Un être placé dans des situations extrêmes, l’amour précaire, les situations dangereuses, sa survie, une vie de saltimbanque pour le paysan qu’il est, et comme si ce n’était pas suffisant : la guerre. Tout le contraire de la stabilité et la paix de sa vie d’auparavant. Joseph désire retourner à ses racines ; la vie l’en empêchera-il, ou lui-même ?
C’est une histoire qui déborde de rebondissements. Un lieu sert de trampoline pour bondir en un autre. L’endroit mis le plus souvent à l’avant est, malgré tout, le monde du cirque, ses détails prosaïques, ses coulisses et sa scène, et vers la fin, le contexte de la guerre.
Joseph fera classe à part, la seule chose à laquelle il semble réellement attaché est une boîte à musique représentant un trapéziste, confectionné par un maître artisan, cadeau de son jeune frère à son père, le jour de son agonie.
C’est un roman mettant en relief certains contrastes : la stabilité versus la sédentarité, l’enracinement, l’errance. L’amusement ou le sens du devoir. L’idéalisation de l’être aimé. Être soi pour soi, ou pour répondre à ce que l’autre attend de soi. Le pouvoir des racines dans une quête d’identité. Et finalement, ce thème si cher à plus d’un auteur, le jeu des apparences.
Le mystère, matière précieuse de ce roman, me permettra quand même d’avancer ce constat : deux frères, deux inversions. À travers leur individualité est polarisée la dualité de la vie.
Pour les amateurs de roman identitaire qui aiment le rebondissement, les déplacements (à la road novel) et les fins surprenantes. Un bonus appréciable, un personnage principal dépassé par lui-même.
La difficulté de résumer s’amène avec la pluralité des situations et des lieux. Une terre au Québec vers les années 1910, un vieillard acariâtre et ses deux fils, dont un, fuit très jeune l’ambiance morose pour aboutir trapéziste au réputé cirque The Barnum and Bailey. En 1912, Joseph, l’aîné enterre son père avec un soupir de soulagement, enfin, c’est lui le maître. Peu de temps après le décès, la découverte de papiers bouleverse ses plans ; il n’est pas l’héritier, c’est son jeune frère qui l’est. L’injustice apparait flagrante pour lui qui a soigné, et le père et la terre jusqu’à la dernière minute. Enragé, il quitte son ancrage et part en France, sans l'adresse en poche, pour retrouver son frère. Il compte lui réclamer son dû, la ferme familiale.
Commencent alors des trépidantes aventures qui dévoileront à Joseph des traits insoupçonnés de sa personne. Un être placé dans des situations extrêmes, l’amour précaire, les situations dangereuses, sa survie, une vie de saltimbanque pour le paysan qu’il est, et comme si ce n’était pas suffisant : la guerre. Tout le contraire de la stabilité et la paix de sa vie d’auparavant. Joseph désire retourner à ses racines ; la vie l’en empêchera-il, ou lui-même ?
C’est une histoire qui déborde de rebondissements. Un lieu sert de trampoline pour bondir en un autre. L’endroit mis le plus souvent à l’avant est, malgré tout, le monde du cirque, ses détails prosaïques, ses coulisses et sa scène, et vers la fin, le contexte de la guerre.
Joseph fera classe à part, la seule chose à laquelle il semble réellement attaché est une boîte à musique représentant un trapéziste, confectionné par un maître artisan, cadeau de son jeune frère à son père, le jour de son agonie.
C’est un roman mettant en relief certains contrastes : la stabilité versus la sédentarité, l’enracinement, l’errance. L’amusement ou le sens du devoir. L’idéalisation de l’être aimé. Être soi pour soi, ou pour répondre à ce que l’autre attend de soi. Le pouvoir des racines dans une quête d’identité. Et finalement, ce thème si cher à plus d’un auteur, le jeu des apparences.
Le mystère, matière précieuse de ce roman, me permettra quand même d’avancer ce constat : deux frères, deux inversions. À travers leur individualité est polarisée la dualité de la vie.
Pour les amateurs de roman identitaire qui aiment le rebondissement, les déplacements (à la road novel) et les fins surprenantes. Un bonus appréciable, un personnage principal dépassé par lui-même.
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