Cartes postales de l’enfer est un titre qui se veut accrocheur, cartes d’identité aurait été aussi approprié ! Le titre en anglais n’a aucun rapport : The Soul of all Great Designs (C’en est presqu’inquiétant, y aurait-t-il de ces subtilités disparues dans la traduction ?)
La première carte d’identité est celle d’Alec, enfant unique, dont les parents exercent une forte emprise sur lui. Il a trouvé une solution commode ; vivre dans le mensonge pour donner à ses parents le fils qu’ils désirent. Même le jour où il ne sera plus nécessaire de le faire – est-ce devenu à ce point une seconde nature ?, il continuera. Et il ira très loin.
Le deuxième portrait nous présente Sumantra, une jeune indienne très attachante. Elle aussi, enfant unique, ses parents lui font porter une pression énorme. Les conventions sont extrêmement strictes, entre autres, ce sont les parents qui ont à l'aiguiller vers son futur mari. Celle qu’on surnomme Sue est vivante, rebelle et sensuelle mais ne présente pas du tout ce profil à ses parents. Mais, contrairement à Alec, elle étouffe dans le mensonge.
Troisième partie : les deux cartes postales se croisent. C’est ici que je dois laisser planer le mystère, parce qu’il y en a. C’est intéressant de voir ces deux êtres s’enchevêtrer dans leurs mensonges, se mentir ou se démentir. Le moins que l’on puisse dire est que l’auteur n’a pas eu peur de pousser le moteur de l’intrigue au maximum.
* * *
Je suis un peu surprise d’avoir pris autant de plaisir à cette lecture, malgré mon scepticisme devant l’ambition outrancière d’Alec. Plus je faisais connaissance avec cet être et plus je l’aurais jeté de force sur le divan du psychanalyste ! J’ai donc beaucoup aimé croire à l’humanité de Sumatru où chez elle, le déséquilibre me semblait plus plausible.
Cet auteur sait manier son histoire et ses lecteurs, il y a de l’habileté dans l’air, et tant mieux. Il rase les frontières de la normalité et l’anormalité ... qui se prononcent pareillement d’ailleurs ! J’ai apprécié d’en apprendre plus long sur les mœurs indiennes, les scènes sensuelles sont réussies, les parents de Sumatru, surtout le père, sont intéressants à rencontrer. Pour ceux qui aiment les vieilles autos de luxe, ils seront gâtés, ceux qui aiment le design, l’esthétisme, l’apparence. J’aimerais bien en discuter avec l’auteur, mais j’ai eu l’impression qu’il a voulu faire un roman sur le pouvoir de la façade. Le carcan étouffant de ne jamais se permettre de la ternir, même d’une égratignure. En même temps, le cœur de son sujet se laisse distraire par le côté excessif (maladif !) d’Alec, alors je me demande s’il y est arrivé.
La remarque que je me suis faite en refermant le livre, voilà un romancier comme je les aime, qui met de l'avant une histoire. Nous ne sommes pas dans de l’introspection et les personnages, crédibles ou pas, palpitent de vie.
Cartes postales de l'enfer, Neil Bissoondath, Boréal, 245 p.
13 commentaires:
Dommage qu'il ne soit pas au salon du livre, je sens que tu aurais eu une discussion très animée...
J'ai beaucoup aimé, moi aussi, même si ce n'était pas du tout ce que j'attendais comme style littéraire. (Comme quoi, des fois, il ne faut pas se fier aux critiques!) ;-)
Dans mes lectures à venir très, très prochainement loll.
Beau billet gentille dame.
Au moins, Jules, je peux me dire que je l'ai rencontré, aux Correspondances d'Eastman. C'est d'ailleurs là que je me suis promis de le lire. Je me demande si j'oserais lui dire le fond de ma pensée, en tout cas, je tâterais le terrain longtemps avant !
Lucie, tu dis avoir beaucoup aimé, comme moi, je te dirais plutôt que pour ma part, j'ai aimé, donc : ***.
C'est drôle à dire, mais oui, ne nous fions pas aux critiques ! Vérifions ... vérifions, et notre littérature s'en portera que mieux ... et nous aussi !
Si c'est dans tes lectures prochaines, j'aurais le plaisir de t'entendre, Suzanne. Car oui, crois-le ou non, je t'ai inventé une voix ... un visage aussi :-)
Contrôle et pression des parents? Mensonges pour survivre? Hmmm...moi qui écris justement sur le sujet et qui suis en légère panne d'inspiration, je crois que je vais plonger dans ce livre très prochainement.
Merci beaucoup!
Venise, n'oubliez pas que les finalistes au prix des collégiens sortiront vendredi. Je parie qu'on y retrouvera Dany Laferrière et Nelly Arcand (si elle est admissible malgré sa disparition). Le processus de sélection ne semble pas avoir bougé. On verra si le choix soulèvera les passions...
@ Réjean : Merci de me le rappeler. Vous êtes un fidèle de ce Prix, moi j'en arrive à l'oublier, j'imagine que je fuis l'immuable réalité.
Ceci dit, Réjean, j'ai failli ne pas vous reconnaître. Vous avez perdu votre rigolo profil ?
Revoici ce profil.
Ah, merci, Réjean ! En plus de mettre de la couleur dans nos vies, ça évite la confusion entre les Réjean (c'est jadis arrivé).
Tempting, tempting!!! Je vais aller voir ça de plus près!!
Da Laloup : De l'entendre est un réel plaisir pour moi. Je me dis que je suis arrivée à remplir ma mission qui, elle, à son tour, me remplit.
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