J’interromps mes activités de petite bourgeoise qui reçoit de la visite, entre mon sucre à la crème et mon gâteau « fondant au chocolat », pour communiquer. Eh oui, toujours communiquer, cet acte si essentiel à la vie, et au peuple Haïtien, essentiel à la survie.
Bien évidemment je pense énormément à eux, je voudrais les oublier qu’une flamme, chez moi (photo ci-dessus au côté du Nègre Marron – réf. Fin du billet) me ramène inlassablement à ce qu’ils vivent. Je ne nourris pas de culpabilité d’être là où je suis, ça ne les aiderait même pas, je les remercie plutôt de nous apporter un état d’esprit précieux : relativiser nos malheurs.
Les mots que l’on emploie pour décrire ce cataclysme sont importants. Dany Laferrière nous donne sa vision et je l’aime cette vision, et je dirais même plus, je l’adopte.
Lorsque l'ambassade du Canada m'a proposé d'embarquer vendredi, j'ai accepté car je craignais que cette catastrophe ne provoque un discours très stéréotypé. Il faut cesser d'employer ce terme de malédiction. C'est un mot insultant qui sous-entend qu'Haïti a fait quelque chose de mal et qu'il le paye.
C'est un mot qui ne veut rien dire scientifiquement. On a subi des cyclones, pour des raisons précises, il n'y a pas eu de tremblement de terre d'une telle magnitude depuis deux cents ans. Si c'était une malédiction, alors il faudrait dire aussi que la Californie ou le Japon sont maudits. Passe encore que des télévangélistes américains prétendent que les Haïtiens ont passé un pacte avec le diable, mais pas les médias… Ils feraient mieux de parler de cette énergie incroyable que j'ai vue, de ces hommes et de ces femmes qui, avec courage et dignité, s'entraident. Bien que la ville soit en partie détruite et que l'Etat soit décapité, les gens restent, travaillent et vivent. Alors de grâce, cessez d'employer le terme de malédiction, Haïti n'a rien fait, ne paye rien, c'est une catastrophe qui pourrait arriver n'importe où.
(...)
Les Haïtiens espèrent beaucoup de la communauté internationale. Si des choses sont décidées à un très haut niveau, dans le cadre d'un vaste plan de reconstruction, alors les Haïtiens sont prêts à accepter cette dernière souffrance. La représentation de l'Etat, à travers le gouvernement décimé, étant touchée, c'est le moment d'aller droit vers le peuple et de faire enfin quelque chose d'audacieux pour ce pays.
L’article au complet
Il a une attitude de grand seigneur. Avant, je l’admirais, maintenant il m’impressionne. Quelle élégance d’esprit dans sa grande simplicité. Le positivisme d’un homme qui vit les yeux grand ouverts. Conscient. Continuer à être positif et être conscient, alors là, chapeau !
Il représente à merveille cette flamme qui bouge sur mes murs à côté d’une statuette nommée « Nègre marron », une réplique de celle qui était encore en face du palais national à Port-au-Prince avant d’être détruite. La statue s'est effondrée mais pas ce qu'elle représente.
(Si vous voulez en savoir plus long sur cette oeuvre du sculpteur Albert Mangonès, en 1959, symbole de toute une nation et de toute une race - ici).
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Chantal Guy nous sort un ces papiers de journaliste, non ...non, je ne dirai justement pas de journaliste. Un papier d’être humain ébranlé, intitulé "N'y allez pas qu'ils disaient" qui n’utilise pas le ton neutre. Parce que dans certains cas, moi, ce ton de journaliste – qui plane au-dessus des choses – m’agace. Eh bien, ici, ce n’est pas le cas, pas le cas du tout, je vous invite à la lire.
28 commentaires:
Il faut donner.
relativiser nos malheurs.... c'est bien vrai.
J'aurais bien voulu écrire un mot moi aussi pour Haïti sur mon blogue, mais tu le fais bien mieux que moi et Dany Laferrière encore beaucoup mieux... Mais je crois que beaucoup de monde sont de tout coeur avec eux, même si nous sommes loin de pouvoir même commencer à nous imaginer ce qu'ils doivent vivre...
Merci de nous faire découvrir le Nègre marron et d'attirer notre attention sur d'autres textes émouvants sur Haïti.
Et il ne faut pas se culpabiliser de faire du sucre à la crème. Ce qu'on peut au moins offrir aux morts, à nos morts, c'est de continuer à apprécier la Vie.
Andrée
Oui, Réjean, donner. Et prévoir du long terme. Ne pas mettre tous nos oeufs dans le même (premier !) panier.
Gaétan : On y pense à deux fois avant de se plaindre de bagatelles !
Élianthe : Bonjour ! C'est la première fois que tu te montres le bout du nez ici. Cela m'a incité à vouloir mieux te connaître. J'ai rajouté ton lien (j'y ai vu le lien du Passe-Mot - Merci !), très concentré "littérature" ton blogue.
André P. Je ne pensais pas que cette statuette donnée par ma tante, prendrait un jour une si grand signification pour moi.
La "malédiction" chez les Haïtiens, c'est que la révolution menée par des Noirs esclaves.
Un exemple qui remplissait d'effroi les ségrégationnistes des États du sud des USA.
La "malédiction" chez les Haïtiens, c'est la révolution menée par des Noirs esclaves aux dépens des Français.
Sans le "que"... ;)
J'ai bien aimé aussi quand Dany en entrevue a dit: Je ne pouvais pas rester là et ne rien faire.... car qu'aurait-il pu faire pour aider hein?
Je ne connaissait pas le Nègre marron, merci de me l'avoir présenté et je te trouve chanceuse d'en avoir un exemplaire chez toi ;)
Trader : Pas croyable comment un "que" dans une langue peut faire de différence.
À peine un soupçon d'ironie dans ce que tu affirmes, que ou pas que ;-)
Béo : Chanceuse oui. Je l'aimais déjà cette statuette, elle exerçait une attraction sur moi, faut dire qu'elle est en pierre volcanique, maintenant elle est chargée d'un symbole me rappelle à un peuple fort malgré l'adversité.
Venise,
Je suis une ancienne "connaissance", si tu veux, qui a recommencé à bloguer...
Normal qu'il soit centré sur la littérature 1. J'en mange des livres
2. Il n'a même pas deux mois, mon blogue, alors j'apprivoise encore!
Merci pour ton passage! Et pour le lien!
Élianthe : Une ancienne "connaissance" ,hum hum ...mon esprit chercheur est déjà parti sur son air d'aller ...
Pour le moment, la seule chose dont je suis certaine est une jeune fille à la plume :-)
Une connaissance du web, disons. J'étais Nélimuse dans une autre vie! ;)
Ah, Nélimuse !? Je m'en souviens mais assez vaguement. Y paraît que c'est difficile de se rappeler de nos anciennes vies ;-)
L'attitude de Dany Laferrière
m'a laissé perplexe jusqu'à
ce qu'il s'exprime
sur le 95.1 FM au lendemain
de son retour.
C'était joie d'entendre
un écrivain prenant la peine
de se lever au lendemain
pour exprimer son expérience
vécue.
Il y allait à l'origine
pour un festival de litté.
Il en est revenu
vivant(tant mieux)
deux jours après,avec
son propre message
d'espoir non-négligeable
mais discutable.
Yvan : À chacun ses perceptions bien sûr, puisque moi, son message ne m'a pas laissé perplexe. Je n'ai peut-être pas non plus entendu le même extrait d'entrevue que toi, qui sait.
Généralement, je le suis assez bien. Cette fois-ci d'utiliser les mots justes, et disposer d'assez d'énergie au retour de ce tragique périple pour communiquer, c'est en soi un défi, la suite d'une épreuve d'endurance, après ce qu'il a vécu.
"Son propre message d'espoir non négligeable mais discutable". J'imagine que oui, discutable comme toute idée, opinion, vision.
J'en profite pour dire que Dany Laferrière a été élu Personnalité de l'année La Presse. Le vote a eu lieu au mois de décembre. Je ne sais pas si tu l'as entendu mais il a dit, vous avez failli avoir une Personnalité posthume.
Le titre de personnalité de l'année à La Presse...
Mouais...
J'ai pas besoin de La Presse pour me faire une idée sur M. Laferrière.
Il ne faudrait pas oublier que Dany Laferrière est journaliste et que c'est dans cette optique qu'il s'est démené-selon son propre terme-, pour aller dire à toutes les tribunes possibles, ce qu'il avait à dire.
Joli coeur.
Trader : Je comprends bien que l'on n'a pas besoin de La Presse pour se faire une idée. Je le vois plutôt comme un honneur, un merci.
Depuis quelques années, je ne l'écoutais plus, et cette année, j'y tenais. Je suis contente de l'avoir vu, pour voir Dany recevoir cet hommage bien sûr, mais en même temps j'ai aimé ce défilement d'illustres inconnus, à mes yeux, qui le deviennent un peu moins.
Beo : Je dois t'avouer que j'avais oublié qu'il portait aussi ce chapeau-là.
Réjean : Vous l'avez remarqué ? Rien ne vous échappe.
Il faut dire que je l'ai connu comme journaliste avant de le lire. Je ne savais jamais s'il était sérieux....quand on ne connais pas le bonhomme: c'est un peu déroutant au départ.
En effet, rien ne m'échappe, surtout venant de vous, chère Venise.
Le papier de Chantal Guy, je l'ai trouvé poignant et tellement humain moi aussi...
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