Je vous avoue avoir eu de l’appréhension avant de commencer ce roman. J'ai rencontrée l’auteure au Salon du livre de Montréal. À chaque Salon, je me promets de découvrir une auteure, spontanément et sans préméditation. Pourquoi ce titre alors ? Justement, pour le titre « Le champs des merles ». Joli. Évocateur. La couverture, élégante par sa sobriété et son bon goût. Et pour la dame derrière sa pile de livres, souriante, avenante, « espérante ».
Mon appréhension venait du quatrième de couverture, et son sujet grave, dramatique : « Être expulsé de son pays (en l’occurrence, le Kosovo) avec, pour unique famille, un petit garçon, voilà le drame de tellement de réfugiés à travers le monde ».
Rapidement, mon appréhension s’est envolée ; le style et sa sobriété lumineuse qui ne s’apitoie nullement y a été pour beaucoup. Les phrases tombent précisément, avec fluidité, sans lourdeur, malgré le sujet qui, lui, l’est. Ne serait-ce que pour ce point, je considère que cette auteure a du talent, beaucoup de talent.
Je retiens la marche de Julia, accompagnée de son fils de 6 ans, Vebee, tous deux jumelés à Yusuf, rencontré par la force de leur volonté inexorable de sortir des griffes de leurs bourreaux. Ils quittent leur pays, le Kosovo. On les suit, en même temps que tant d’autres, une chaîne d’êtres humains éteints par la tristesse, expulsés de leur terre par la force de la méchanceté qui les pousse sur une route extrêmement dangereuse. Chemin faisant, Julia se pose tant de questions, et il m’a fait plaisir d’accompagner sa réflexion et celle de Yusuf. Pour la rigueur des conditions, inhumaines, le danger de perdre leur vie, on pourrait s’attendre à un état dépressif. Non, Julia et Yusuf sont courageux, vaillants, mus par l’espoir ; Yusuf, de retrouver femme et filles, et Julia, de sortir son fils de cette galère. Pour toujours. Donner toutes les chances à son fils de sortir de la bulle dont il s’est entouré pour se protéger. Heureusement, il y aura un cochonnet pour l’égayer. Et plus tard, un chat, pour égayer Yusuf. Je crois bon de préciser que le personnage pour lequel j’ai éprouvé le plus grand attachement est Vebee.
J’ai découvert une lumière diffusée au-dessus de cette marche presque initiative, tellement qu’elle m’a fait penser au chemin de Compostelle. Le regard de l’auteure crée une distance saine sur l’action, ce qui génère la force de ce récit, qui, je le répète, aborde pourtant un sujet dur ; l’exil obligatoire, l’expulsion. Des phrases sur les merles ponctuent le récit. J’ai eu l’impression, et c’est vraiment de l’ordre de la plus pure subjectivité, que l’auteure s’est nourrie, inspirée de ces sentences. Un concept intéressant si on pense que le merle est l’emblème du Kosovo, par contre, ces phrases m’ont plutôt laissée indifférente.
C’est rare à ce point, mais la fin m’a beaucoup contrariée. Ça devient délicat de parler d’une fin, premièrement, l’histoire et donc sa fin, appartiennent entièrement à l’auteure, et de cela, je suis parfaitement consciente. Et puis, s’exprimer librement à ce sujet peut affaiblir le ressort de l’intrigue, car justement, intrigue il y a jusqu’à la fin. Je ne peux que dire, sans rien trahir : « bon dieu que, personnellement, je n’aurais pas amené le dénouement dans ce retranchement ». Voilà d’ailleurs une des beautés de cette histoire, il y avait tant de fils et de fins possibles, et pour dire vrai, c’est la dernière que j’aurais choisie ! Peut-être est-ce inspiré d’un fait vécu, ce qui ne serait pas si surprenant.
Si vous avez le goût d’une histoire réaliste et d’actualité, abordée avec un recul surprenant, éclairant des personnages plus que crédibles, vrais, Le champs des merles vous enchantera.
Le champs des merles, Louise Poulin, Édition Nouvelle Optique, 2009, 177 p.
8 commentaires:
Toujours aussi intéressantes ces analyses.
Je ne sais pas si je lirai.
J'ai beaucoup de lectures qui m'attendent.
Merci pour cette lumière. Il y a en effet des romans qui contiennent de petits bijoux de phrases, mais ce ne sont pas tous les bijoux qui peuvent faire le plus beaux coliers...
Merci Ginette !
Vos encouragements me font un gros plaisir. Surtout quand il est question d'auteures peu connues.
Ah, les images viennent aisément dans la tête d'un amateur de bandes dessinées comme Arsenul !
"Ne jamais lire les quatrièmes de couverture" reste mon mantra préféré :)
Merci pour ce billet qui donne envie d'essayer
Nous l'avons acheté à la bibliothèque et je dois dire que je ne l'ai pas encore lu... justement à cause de la quatrième de couverture!
Ton très beau commentaire me fait voir ce roman d'un tout autre oeil. Merci Venise!
Encore une fois, Kikine, nous avons raison ;-) ... Tu sais, je ne l'avais pas lu la quatrième de couverture mais, l'auteure m'avait situé sur le sujet.
Allie : Tu me vois contente de cet achat à votre bibliothèque. En souhaitant maintenant que plusieurs soient tentés de le lire.
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