Qui dit été, dit léger. Par les fringues assurément, par la lecture, disent certains, alors pourquoi ne pas saisir ce prétexte de légèreté pour vous parler de Ben, de mon Ben ? J’ai attendu le sixième tome de cette série de bandes dessinées pour vous présenter Ben qui, au premier tome, commence sa vie au premier jour de sa retraite en compagnie de sa femme Olivia. « À la retraite ? » ... ça ne veut justement pas dire ne rien faire ? Comment parler avec amusement d’un couple qui regarde ses pissenlits pousser jusqu’au moment d’aller les rejoindre par la racine ?
Avant d’affirmer que c’est par le seul talent de Daniel Shelton*, j’explique le contexte. C’est un couple fort occupé par une fonction qu’il place en priorité dans leur vie, grands-parents. Leur fille unique, Linda peut difficilement leur reprocher un manque de support, et son conjoint Nathan, travailleur pigiste à la maison est le premier à bénéficier de ces avantages familiaux. Mais la question demeure, comment Daniel Shelton arrive-t-il, par la bande dessinée à quatre cases - avec ou non un suivi - à faire sourire ou même rire mais à distraire à coup sûr ? Par une fine observation de la vie, ceci est indéniable, un regard de biais qui taquine le quotidien et les règles de société, bien sûr, mais je rajouterais en puisant dans son propre vécu. L’auteur remercie ses quatre enfants qui portent le même prénom que ceux de l’album dans le même ordre d’arrivée au monde et, comme par hasard (!), le père, Nathan est pigiste travaillant à la maison, comme l'auteur.
Ben est attachant parce que enfantin et sans malice. Par son potentiel d’insouciance, cette nature de bon vivant peut finir par rendre envieux. Cet homme apprécie au plus haut point sa retraite. Quand il s’ennuie, il fait une sieste, et donne envie à qui que ce soit d’en prendre une tellement cette activité semble jouissive ! Sa femme est sereine mais de nature moins insouciante, elle lève souvent les yeux au ciel devant les comportements infantiles et par là, surprenants, de son mari bedonnant et débonnaire. Mais ce couple ont du temps pour s’aimer, ce qui dans notre siècle de stress et de performance est un régal à voir.
Malgré toute l’exploitation judicieuse de ce couple au caractère distinct, sans la vie en parallèle d’une jeune famille en plein cœur du plus trépident de leur vie, peut-être que l’auteur manquerait d’inspiration. Mais des garçonnets, de un et de quatre ans, à garder régulièrement, une fille fébrile qui se pose des milliers de questions sur l’épanouissement d’une femme « mère » vivant au côté d’un homme qui s’acharne à travailler malgré les imprévus de la vie familiale, ça donne de la matière à anecdotes savoureuses. Ce couple essaie de garder le cap sur leur épanouissement, tout en conciliant la famille, sujet de l’heure. Malgré les mille tracas et désagréments, ils sont prêts à avoir un troisième enfant.
Pas facile de résumer six tomes que j’ai tous aimés autant par le fond que par la forme. Ce sont toujours les mêmes personnages mais la vie bouge, évolue puisque les anecdotes se calquent sur l’actualité. Les grands-parents résignés à vivre avec l’air du temps s’achètent un ordinateur en est un exemple parmi tant d’autres.
Tout tient dans cet art de l’anecdote concise qui se boucle en quatre cases. Il arrive que les bandes (strips) s’additionnent jusqu’à former une anecdote plus longue et j’aime tout autant. Je me souviens que ce fut le cas à la visite du père et de la mère de Nathan, ces grands-parents froids pour qui des enfants sont et doivent rester de jolis bibelots. Quel contraste avec Ben qui n’hésite pas à faire le cheval et à huer pour faire rire ses adorés petits-enfants !
Pour tout dire sans trop en dire, c’est une histoire d’amour solide et solidaire entre trois générations. Et Daniel Shelton est le magicien qui fait apparaitre cet amour par flashs, si bien représentés, que les mots coulent comme l’eau vive dans le lit du fleuve tranquille qu’est la vie.
Tome 1 : Ben, les plus belles années
Tome 2 : Ben, l'envers de la retraite
Tome 3 : Ben, un air de famille
Tome 4 : Ben, le repos du guerrier
Tome 5 : Ben, à deux c'est mieux
Tome 6 : Ben, danse toujours
* Qui est Daniel Shelton ? Né le 2 avril 1965 à Sherbrooke, il a étudié à la Joe Kubert School of Cartoon and Graphic Art en 1986, après quoi il a poursuivi ses études à la School of Visual Arts de New York jusqu'en 1989. Il cumule ensuite les carrières d'auteur de bande dessinée et d'illustrateur pigiste pour enfin se consacrer depuis octobre 1986 à sa série Ben publiée au Canada, aux États-Unis et aux Philippines.
Ben, danse toujours - Éditions Les 400 Coups, 104 pages noir et blanc. 15,95$. Paru le 15 février 2011.
16 commentaires:
ahhhhhh Ben!!! je prend toujours plaisir a le lire!!! Tu me donne envie d'acheter ces bandes dessiné pour pouvoir les lire a mon aise chez moi!
Ah bien le bonjour ! Contente de te voir ici. C'est vrai que l'on peut trouver un grand plaisir à les relire, pourquoi pas, le prix en est assez modique. Et il m'arrive de me la faire donner en cadeau !
ah, je mets sur ma (longue, longue) liste !
Je me permets un merci. Merci parce qu'en tant que chevalier ardent défenseur de la Bande dessinée depuis longtemps, ça me fait toujours plaisir de voir une BD être traité comme de la littérature. Tu écris un bon billet, bien senti avec de l'information aussi. Bravo, je relirai mon seul album de Ben...
J'ai toujours le sourire quand j'ai la chance de tomber sur une bande de cette série dans le journal. Toujours drôle!!
Moi aussi, je suis bien content que tu nous parles enfin de ce Ben... que je t'ai fait découvrir (et je n'en suis pas peu fier!!).
Pour ceux de tes lecteurs assidus qui voudraient en savoir plus, voici ce que j'ai dit du tome que j'ai critiqué dans ma Lucarne (le #2):
http://www.lepigeonographe.com/luneau/ben/-02-l-envers-de-la-retraite-105.html
Quel beau billet! Je note avec plaisir car je veux me remettre «plus à fond» dans mes lectures de BD.
Vos billets donnent tellement envie de lire ce que vous suggérez. On a l'impression de savoir à quoi s'en tenir. Lors de ma prochaine visite en librairie, je jetterai un oeil sur cette BD.
Merci,
Accent Grave
J'ai toujours aimé lire les histoires de Ben. Mais je ne savais pas que la BD était québécoise ! Tu m'en apprends une belle ! Merci !
Anne : Je t'entends rire d'ici ! Il te le faut. Si tu es patiente, je vais aller te le porter en personne.
Arsenul Ton seul? ... et tu ne me dis pas lequel ? J'aimerais bien savoir.
Et merci pour ton merci, c'est ma paye "content" avec de l'intérêt en prime !
maxime9232 : J'ai essayé dans le journal et ça ne me fait pas le même effet. À la lecture de ces 520 stripes offertes dans cet album, tu as le temps de te mettre dans l'ambiance du rire. De la joie et du sourire. Et ça pallie aussi pour les moins percutantes, les plus neutres qui passent inaperçues dans l'ensemble.
PG Luneau : Bonne idée de mettre le lien. Pour plus de facilité, je vais le rajouter à ma critique :-)
Suzanne : Cette lecture est un cadeau. Je l'appelle souvent ma récréation. La lire avant de se coucher, jolies rêves garanties !
Accent Grave : J'ai le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Merci !
@Phil : Ce qui t'a probablement déjoué est le nom de l'auteur Daniel Shelton de consonance anglaise. Il parle un plus qu'excellent français, parce que c'est vrai, je ne l'ai pas précisé mais mon album est dédicacé ! Ça m'a donné une grosse émotion de le rencontrer.
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