Hum... gros titre. Un roman qui a fait la une, gagner quantité de prix (rien de moins que le Médicis - 2009), on s’en approche avec circonspection. Et si, nous, on l’aimait pas et si, nous, on l’aimait moins ?
J'ai en main L'Énigme du retour depuis le 21 novembre 2009 et je rends grâce à l’habitude de Dany Laferrière de dater ses dédicaces. Remarquez que je considère avoir mérité l’inscription de cette date ayant attendu deux heures dans une file qui n’en finissait plus de s’étendre, en fait, jusque devant les toilettes sous les escaliers du Salon du livre de Montréal ! Des personnes de tous les âges patientaient vaillamment. C’était au plus fort de la vague de L’Énigme du retour et j’ai succombé à la tentation de m’inscrire dans l’histoire littéraire.
Deux paragraphes, avez-vous remarqué deux paragraphes et je n’ai pas encore dit un mot sur ma lecture en tant que telle ? C’en est presque inquiétant ! Allons droit au but, j’ai aimé ma lecture mais je me tiens loin de l’exaltation de certains qui l’ont lu plus d’une fois. Il y a des romans qui ont un rendez-vous avec le temps, c’en est un de ceux-là, selon moi. Cette photographie d’Haïti passant par l’œil du sentiment, avant le cataclysme, et tout le parcours de vie de l’auteur ont préparé cette écriture mûrie à point. C’est le livre après tous les autres et avant tous les autres.
C'est l'histoire du retour de Dany Laferrière au lieu de l'enfance densément peuplé par ses pensées. Par sa mère aussi et surtout. La mort d’un père qu’il apprend comme une banale nouvelle est le bras qui embraye le temps qu’il recule jusqu’à son état de petit garçon. Par ce pèlerinage, son père, ce grand absent retrouvera la vie par les yeux et la voix de son fils.
Vous connaissez la propension de Dany Laferrière à se laisser emporter par les mots pour rendre l’anecdote amusante ? Pour faire rire son public et se faire rire lui-même surpris de son esprit bondissant ? Eh bien, dans ce texte de 286 pages, il ne fanfaronne pas. L’heure est à la gravité sereine portée par la nostalgie. On ne peut être nostalgique du présent et encore moins de l’avenir, la nostalgie est affaire de passé.
Ce Laferrière adulant les mots à les faire virevolter dans sa tête jusqu’au vertige ne pouvait refuser à la poésie de se saisir de lui. Il a dû la laisser courir, qu’elle ne s’essouffle pas de la contrainte. Elle s’est posée entre les paragraphes de prose sans ordre ni prescription. C’est beaucoup l’art et l’originalité de cet écrit, à mon humble avis. La poésie se présente comme une simple amie des mots, se donnant une chance d’apprivoiser certains esprits qui la regardent de haut. Poésie et prose se lisent et se lient comme larrons en foire parce que l’auteur laisse voler sa plume d’une à l’autre, gardant oxygéné le souffle de son inspiration.
Haïti abrite l’enfance de l’homme retournant sur ses pas, qui s'essaie à mesurer l’étendue des plages entre des blocs de vie : présent, passé. Arrivé de son présent enrobé d’un Québec frigorifiant, il approche sa silencieuse sœur, témoin du présent, se frotte à la fougue de son neveu tourné vers l’avenir, se penche au-dessus d’un trésor de mémoire, sa mère.
Une lecture sereine, consciente du privilège de longer le même horizon qu'un explorateur en conciliabule intelligent avec son passé et son présent.
16 commentaires:
Tout à fait! C'est tout ce que je trouve à dire! Jamais n'ai-je été autant en accord avec toi, Venise.
Je ne trouve rien à redire, tu as bien su cerner la magie de sa poésie.
Un "roman" introspectif donc ? est-ce pour cela que tu as mis si longtemps à l'ouvrir ?
Je l'ai aussi depuis un certain temps ma bibliothèque. Il m'a suivi jusqu'en France. Il va falloir que je me décide à l'ouvrir ce livre !
Maxime9232 : Tu me vois ravie ! Ce qui ne veut nullement dire que je n'aime pas quand tu as une opinion qui diffère de la mienne. Loin de là !
@Anne : C'est plutôt le poids de l'opinion publique qui pesait sur la couverture.
Phil : Plus on attends, plus la couverture est difficile à soulever ! Un conseil tiens, ouvre le par la quatrième de couverture et ne jette même pas un oeil sur le bandeau !
;-)Parce que j'ai hâte d'avoir l'opinion d'une personne qui s'est mise dans la même situation que moi, à la différence qu'il pèse son vécu de livre d'avoir traversé l'Atlantique !
Tu n'aurais pourtant pas eu de difficulté à avoir sa dédicace à Eastman, non?
Je n'ai pas ta patience, pourtant je ne suis pas du genre à me ruer sur un livre dès qu'il est encensé ou primé (ça se dit pour dire recevoir des prix?), mais la curiosité finit toujours par l'emporter.
Si j'avais lu ce que tu en dis, j'aurais peut-être plus apprécié. J'ai aimé oui, pour la musique des mots, pour la rêverie, mais ça ne veut pas dire que j'ai compris. Au fond, il ne faut pas y chercher une histoire.
Peut-être est-ce son histoire à lui qui lui attire tant de lecteurs. Peut-être.
C'est fou mais je n'ai jamais lu Laferrière et, sans vraiment en savoir le pourquoi, je n'en ai pas envie.
ClaudeL : Si tu as aimé pour la musique des mots et la rêverie, tu as déjà beaucoup saisi !
Le reste, c'est de la perception et de l'analyse, qui vaut ce qui vaut.
@Suzan : C'est encore plus spécial quand on ne sait pas pourquoi. On entre dans le mystère d'un être humain, ses chambres intimes.
Peut-être est-ce parce qu'on en entend tellement parler. Tu aimes les découvertes :-)
Je l'ai lu en plein dans la crise d'Haïti, effectivement c'est un livre stigmatisé dans le temps. Sa poésie est néanmoins très efficace. j'Ai décidé de lire ce roman, à travers d'autre lecture pour le préserver mais aussi pour ne pas m'en gaver. C'est bon, les prix sont mérités, mais je ne le classerai pas dans ma liste des 10 meilleurs romans à vie. J'aime ta façon de parler de l'auteur, personnage haut en couleur.
Venise : je viens à peine de défaire mes boîtes de livres et de les ranger dans une bibliothèque. Je vais me pencher prochainement sur cette fameuse énigme du retour.
Phil : Avant de le lire, tu attendais de toi même vivre un retour en ton pays ! Tu risques d'y trouver ton compte, ne serait-ce que pour ce sentiment-là du retour.
Venise,
ce livre est dans ma pile à lire depuis quelques mois; j'en ai lu plusieurs de cet écrivain (empruntés à la bibliothèque), et n'en ai que trois dans ma bibliothèque, sans compter ce titre...
Le salon du livre (à Montréal), pas capable même si j'adorerais rencontrer des auteurs que j'admire, en attendant deux heures en ligne pour une dédicace. Trop de monde, trop de brouhaha, trop de gens qui bousculent sans le vouloir, trop de trop tout!
J'ai manqué depuis toujours de belles rencontres, fuyant le salon du livre comme la peste, tant pis pour moi! Ceci dit Venise, je commente très rarement ici mais j'ai toujours trouvé que tu as une écriture magnifique; et ton blogue m'a fait découvrir des auteurs que je ne connaissais pas. Alors merci!
Lise qui n'a pas de blogue
Chère Lise qui n'a pas de blogue,
J'ai pris du temps avant de répondre. Ça m'arrive quand j'éprouve un petit trop-plein d'émotion. Je gèle, malgré le soleil automnal !
Je vous remercie de remonter à la surface pour laisser une trace visible. Une trace qui me confirme que les lecteurs et lectrices ne sont pas qu'un chiffre sur un compteur. Ils ont tous un visage, un nom, et encore mieux, un prénom.
Je suis contente de lire ton appréciation de ce livre. Un, parmi tant d'autres de Dany.
De mon côté, ayant tout lu de lui, la pression médiatique m'a plus ou moins atteinte et quand bien même: je n'aime pas du tout ça.
Le tremblement de terre à ajouté une forte dose d'émotions aux lecteurs je pense.... parce que pour ma part, sans diminuer l'impact de vivre un tel événement dans son pays d'origine, en direct et évidemment sans s'y attendre: je trouve que le vrai drame en ce qui concerne Dany; c'est ce père tellement absent de sa vie et tellement présent depuis sa mort!
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