Je casse la glace. Oui, il y en a une, malgré la chaude température de ces jours-ci. Je réalise que lorsqu’on interrompt le fil des billets d’un blogue, il se crée une épaisseur de quelque chose que j’appelle glace. Surtout, oui surtout, quand on lâche le fil, pas que le sien qui nous retient mais celui qui relie au voisinage bloguesque. Je suis dans une période occupée où le vent du changement souffle fort. Bien sûr, je vous en reparlerai mais en attendant, je ressens le besoin de glisser un mot sur ces espaces de plus en plus longs entre chaque billet. Un rythme plus régulier devrait reprendre bientôt. Je le souhaite en tout cas !
En attendant mon prochain commentaire de lecture, il était impossible de passer sous silence ce qui arrive à Victor Lévy Beaulieu. J’en ai pris connaissance à la radio de Radio-Canada mardi. Il s’entretenait avec Pierre Maisonneuve (En direct) à son émission d’actualité où faits politiques et sociaux sont à l’honneur. Cette fois, VLB ne parlait pas de politique, ni d’une épineuse question sociale, il parlait de lui. Ça m’a fait plaisir de l’entendre de si joyeuse humeur.
Le ciel, un jury et un mécène décédé, Gilles Corbeil ont fait tomber entre ses mains un Prix pour l’entièreté de son œuvre. Pas seulement pour ces quelques 50,000 pages rassemblées en 76 livres (la revue Croc l'avait déclaré «Menace pour la forêt québécoise»!) mais pour l’œuvre complète d’un homme debout. Mais il n’y a pas que les pages écrites à relever, il y a les pages jouées, les pages essayés, les pages criées. Et les milliers de milliers de pages publiées. Le grand livre des livres des autres, la maison d'édition qu'il a tenu au bout de ses bras.
Cet hommage est une vibrante revanche pour ce Grand Prix de l'Académie du cinéma et de la télévision que le Gala des Gémeaux a voulu lui remettre au bout d’une perche de peur de toucher à sa main gauche. Cette fois, en tout seigneur, tout honneur, le prix Gilles-Corbeil de la Fondation Émile Nelligan, et sa bourse de 100,000 $ qui lui donne son poids, lui a été remis en mains propres croisées sur le flamboyant d’une scène.
VLB qui s’éreinte depuis des lustres à mettre en mots de grands personnages sur la sellette : Hugo, Joyce, Melville, Tolstoï, Voltaire, Foucault, Ferron, Thériault, Kerouac méritait plus que quiconque sa sellette. Cette nouvelle me fait un grand plaisir, une douce caresse sur le flanc de la cuisse de Jupiter. Il va pouvoir s’en donner à cœur joie d’éreinter les archives pour en extraire du sang de philosophe, puisque cette fois, il a jeté son dévolu sur Friedrich Nietzsche.
Si on pense que ce grand parmi les grands n’avait pas reçu de récompense significative depuis 1976, année où il avait remporté le Prix du gouverneur général du Canada pour Don Quichotte de la démanche, on s’interroge sur la Race de monde dans laquelle on vit !
Comme vous n’étiez pas à la cérémonie de remise du Prix et que certains privilégiés y étaient, je vous laisse la clé, vous n’avez qu’à l'enfiler par le trou de la serrure et y pénétrer. Longez un corridor éclairé de lanternes au feu ardent, vous trouverez à son extrémité le discours de VLB. Repaissez-vous de l'aura de quiétude qu'il fait bon respirer chez un être en état de constante effervescence.
Crédit de la photo : Ghislain Mailloux
8 commentaires:
Décidément, tu présentes tellement bien les choses que tu me donnes envie de relire cet auteur pour aller voir si j'y suis toujours aussi allergique que du temps de "Race de monde".
Un auteur à la plume franche, directe, marginale mais si vraie qu’elle dérange et j’adore ses mots.
Un très bel hommage Venise à un homme qui le mérite depuis fort longtemps. Merci de tout cœur.
Je n'ai encore jamais lu VLB.
J'ai tenu ses livres entre mes mains. J'ai regardé et j'ai trouvé qu'il y avait trop de mots.
On dit moulin à paroles, est-ce qu'il y a une expression lorsqu'il s'agit des mots?
@ Oui, oui, ClaudeL, relis-le. Pense-y bien, aimerais tu qu'une personne s'arrête au premier livre que tu as écrit et se priver de ta dernière oeuvre "Les têtes rousses" ?
@ Suzan Ce n'est pas la première fois que tu reçois ce que j'écris en débusquant l'intention qui repose sous le texte.
@ Ginette Oui ! Vous l'avez dit, Ginette, un moulin à paroles ! Un verbe haut, moteur de tellement d'idées, ses mots prenant de la vitesse en déboulant des hauteurs.
Il y a des moulins à parole qui génèrent un vent qui aère. Le prendre entre ses mains, l'amener chez soi, et l'interrompre à souhait, voilà l'avantage du moulin qui couche les mots sur de la feuille imprimée.
Ah, Venise, je sais ce que c'est que la vie qui vous happe ! moi aussi, en ce moment, je ne suis guère en ligne ! mais, tu vois, je garde un oeil pas loin quand même....et je vais sans tarder me renseigner sur ce monsieur dont tu nous parles ici, qui est pour moi une découverte ! félicitations pour ce qui lui échoit, ça fait du bien à la culture -et il est fondé à se dire qu'il n'aura pas oeuvré en vain, au moins !
Bonne semaine, merci pour cette critique, Pascal, journaliste.
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