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samedi 13 juillet 2013

La manière Barrow d'Hélène Vachon

Comme je n’ai pas encore eu l’occasion de lire Attraction terrestre, je me suis rabattu sur ce dernier d’Hélène Vachon. J’ai eu la surprise de découvrir qu’elle y traitait un sujet rarement abordé avec autant de précisions ; l’univers d’un acteur qui fait du doublage. De prime abord, le sujet devait m’intéresser.

Cet acteur de 37 ans, Grégoire Barrow est extrêmement ambitieux. Il ne veut pas que percer et gagner sa vie dans ce milieu où l’on vit généralement pauvrement, il veut toucher l’Art théâtral avec un gigantesque A. La vie lui a donné une voix exceptionnelle (j’aurais aimé l’entendre), ce qui fait qu’il est réclamé pour doubler des commerciaux, des séries populaires et pour ses adaptations écrites. Il déteste exécuter ces tâches pour lesquelles on le paye pourtant bien. Sa compagne de vie tente de le raisonner, le ramener sur terre. Ne vous y trompez pas, Grégoire Barrow peut aller jusqu’à refuser des contrats lucratifs et saboter son travail pour jouer les rôles à la hauteur de ses rêves.

On pouvait s’en douter, un homme aussi rigide rencontrera des difficultés relationnelles. À commencer, avec sa conjointe oeuvrant dans le même milieu et par la suite avec un acteur qui apparaitra soudainement dans sa vie et s’y incrustera. Celui-ci débarquera chez Barrow un beau jour avec le simple désir de rencontrer celui qui double sa voix dans une très populaire série. Cette vedette d’ailleurs s’installera impunément dans le logement de Barrow, comme si c’était un droit. Le lecteur aura le loisir d’épier leur vie commune.

C’est à partir de là que progressivement j’ai débarqué du personnage de Barrow. J’ai buté sur le fait que cet être intransigeant s’accommode de cet intrus comme si de rien n’était. L’auteure a eu beau s’employer à illustrer qu’ils ont certains points communs, malgré la vulgarité de un et le sophistiqué de l’autre, je ne suis pas arrivé à jouer le jeu. Même d’apprendre peu à peu qu’ils sont tous les malheureux dans la vie, on pourrait aussi dire, inadaptés, ne m’a pas aidé.

Je n’ai eu aucune difficulté à lire l’histoire promptement menée, cependant, j’en ai eu à supporter ce personnage de Grégoire Barrow, parfois mou, parfois intransigeant. Il me manquait certaines composantes pour croire à cette sévère dualité. Tellement mou dans sa vie privée, laissant partir une femme qu’il aime, pour laisser s’incruster une personne qui devrait normalement lui taper sur les nerfs. Et d’un autre côté, être aussi implacable dans tout ce qui concerne son travail.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucun passage qui m’a accroché. J’ai bien aimé sa relation avec son père agonisant, qui malmène son fils, mais mon préféré va pour sa relation avec le concierge du théâtre. Il y a là de belles scènes, théâtrales justement.

Comme à chaque fois que je passe à côté d’un roman d’une qualité d’écriture indéniable, je navigue sur la Toile afin de trouver d’autres échos. J’en ai trouvés un Chez Jules, un deuxième où l’auteure s’explique, Yvon Paré qui a beaucoup aimé et sans oublier Dominique Blondeau qui analyse à fond le personnage.

Lire certaines critiques m’a fait réaliser que je suis passé à côté du message que l’auteure a voulu avancer : «Je voulais montrer à quoi peut ressembler la vie d'une personne qui ne trouve pas à se nourrir adéquatement dans l'univers qui est le sien. C'est l'histoire d'un manque, d'une faim inassouvie.»

Eh bien, raté pour moi ! Barrow m’est apparu un homme gâté qui ne sait pas apprécier ce qu’il a.


2 commentaires:

Danielle a dit...

Je crois que ce que l’auteure (qui écrit vraiment très bien, soit dit en passant), tente de nous dire, c’est qu’à trop rechercher la perfection absolue, on passe à côté de ce qui nous est vital. Car « l’art ne se mérite pas. Il s’offre à qui veut bien de lui. Vous ne voulez pas vraiment de lui, sinon vous l’auriez trouvé depuis longtemps. » lui fera remarquer Blake, son double inversé du miroir. Car lui et Sarah, pourtant moins doués que Barrow l’ont compris. « Nous jouons tous les soirs, qu’il y ait des gens ou qu’il n’y ait personne. Nous le faisons parce que nous ne pouvons pas faire autrement. Nous le faisons pour le plaisir, pour le bruit des mots qui ricochent contre les murs et s’envolent comme des mouches. » L’art s’offre même à Siméon, pourtant analphabète. Barrow saisira enfin qu’il n’a pas besoin « d’arracher aux autres l’adhésion qui le ferait exister ». Il n’a qu’à se donner le droit de le faire. Point.

Venise a dit...

Une fois que l'on cerne bien ce qu'un auteur exprime, ça aide apprécier une lecture. Si je le dis, c'est que ça semble être le cas ici. À moins que je me trompe ...