Qu’est-ce que peut bien donner le premier roman de Ginette Durand-Brault, une juge à la retraite qui a toujours désiré écrire ? La question m’intriguait.
L’histoire se déroule en 1939, à St-Jérôme, à la veille de la deuxième guerre mondiale. Marie-Jeanne a un frère, Rodrigue qu’elle a élevé et qu’elle chérit comme son fils. Celui-ci tient mordicus à se porter volontaire, avec un ami, au grand dam de sa sœur qui s’inquiète déjà. Le pacte entre les deux : s’écrire le plus souvent possible.
L’histoire de Marie-Jeanne est un roman en soi : un mari mauvais, une ribambelle d’enfants (plusieurs filles, un fils), qu’elle n’a pas désirés plus qu’il ne le faut. Il est facile à parier que si elle vivait aujourd’hui, Marie-Jeanne serait une heureuse divorcée, menant une carrière d’enseignante, sans enfant sorti de ses entrailles. Autre temps, autres mœurs, elle est en ces années, une femme de devoir et, si jamais elle y manque, son bourru de mari la remet dans la voie tracée pour elle : mettre au monde des enfants, cuisiner et torcher. Une échappatoire pour elle ; les lettres à son frère, que son mari lui reproche d’aimer plus que leur fils, et une amitié particulière avec un homme. J’ai beaucoup aimé cette partie de l'histoire, au Québec, malgré la couleur uniformément noire de l’homme de la maison. J’ai de la difficulté avec l’absence de nuance d’un personnage. C’est moins crédible et, en plus, on prédit sans peine ses réactions.
Dans la première partie de l’histoire de Rodrigue, on suivra son entrainement intensif et l'interminable attente d’un appel : où, quand, sera-t-il envoyé se battre. Deuxième partie, les péripéties de celui qui se lève pour aller tuer le plus d’hommes possible. Dans ce contexte, j’ai apprécié que l’ennemi ait un visage humain. Avant d’être envoyé au combat, il rencontrera l'amour.
Je me suis foncièrement attachée à cette Marie-Jeanne, facile d’approche. On compatit avec sa condition de femme instruite confinée au foyer par le mâle ignare. Celle de Rodrigue est toute aussi captivante, c’est la première fois que je lis un roman me faisant à ce point comprendre la vie des soldats québécois. Les situations sont décrites avec précision et satisfont les réponses aux questions les plus pointues.
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la correspondance. Ceux qui me connaissent savent pourtant que j’apprécie les romans épistoliers mais, ici, je l’ai remise en question. Au détour d’un chapitre, la parole est donnée au frère ou à la sœur avec, parsemées ici et là, leurs lettres. Par souci de réalisme j’imagine, l’auteure prend soin de nous situer dans le temps, dévoilant les décalages, parfois de quelques mois, pouvant survenir entre l’écriture et l’arrivée d’une lettre. En optant pour cette technique, le risque était grand de se répéter, et ce fut le cas. Il arrive que nous apprenions des parts d’intrigue en lisant une lettre, mais certaines fois, l’histoire que l’on a apprise de la bouche du frère ou de la soeur se trouve répétée, en d’autres mots, dans la lettre.
La rumeur court que Ginette Durand-Brault récidive avec un deuxième tome. J’aime Rodrigue et Marie-Jeanne et l’auteure nous laisse devant une porte grande ouverte sur leur destin. Si l’auteure opte pour un roman, sans le marbrer de courants de lettres, nous risquons d’être devant un excellent deuxième roman.
Histoire à suivre...
11 commentaires:
MONSIEUR 2.7K
Roman numérique-phénoménologique, dans la suite expérimentale d'Ulysse de James Joyce, d'une lettre K, (qui tel un petit bonhomme avec 2 mains et deux pattes) traverse 1000 pages d'un placenta de débrits de bitts d'information pour devenir enfin à la fin un vrai VAGABOND CELESTE, dont on a tiré depuis 6 ans un documentaire (mon ami Pierrot, le dernier homme libre) et un spectacle de conte (le vagabond céleste), les deux racontant les angles passionnés d'une histoire vraie..
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pierrot vagabond
simon Gauthier conteur,
LE VAGABOND CELESTE
ma foi, tu m'as bien appâtée, là.
Appâtée... c'est le bon terme, Anne des Ocreries. C'est une bonne lecture ça, en plus, Venise; édifiante. Entendre parler d'hommes qui se préparent à la guerre plutôt que de ceux qui se cachent pour ne pas y aller; il est temps que chez nous on entende parler de choses édifiantes, c'est bon pour l'éducation des enfants.
Bientôt je m'y ''plonge''. ;-)
Tiens tiens... j'aime l'épistolaire, peut-être que ça me dérangera moins que toi.
Sans doute qu'on n'a pas à être d'accord avec moi, avec la façon dont j'envisage la question de la soldature. Mais mon grand-père a fait la guerre, pas la deuxième, la première, il a agi en héros, c'est l'influence que j'ai eue, et c'est ce qui explique mon jugement. En France tous les hommes font leur service militaire, on a la belle vie, ici; il me semble qu'au moins quand on est appelé, ce serait la moindre des choses que de se montrer collaboratif.
J'aurais dû écrire: collaborateur.
Anne : Tu me donnes l'impression d'être une grande pêcheuse devant l'éternel !
Amical Support : Tout cela est matière d'opinion. De toutes manières, le roman ne se positionne pas sur cette facette de l'enrôlement obligatoire ou non. C'est l'histoire d'un personnage qui s'est élancé vers cette porte de sortie, car il accordait très peu de valeur à sa vie à ce moment-là.
Si Suzanne plonge, on va se tenir sur le rivage, en attente d'une remontée sur la terre ferme.
Peut-être, Karine:), peut-être. Tu ne peux que t'en sortir gagnante pour l'attachement aux personnages. Et c'est chose confirmé, par l'auteure elle-même, il y aura une suite, un tome 2.
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