Un journaliste qui publie un roman, ça m’intrigue déjà, que ce soit Daniel Lessard, encore plus. Voilà, c’est dit. Ce roman, je me le suis acheté (vous savez que je reçois plusieurs services de presse), c’est dire combien je tenais à le lire. Eh bien, je n’ai pas été déçue, pourtant, aux premiers chapitres, j’étais loin de mesurer l'ampleur de mon attachement. Je me languissais de Maggie, j’avais hâte de connaître celle qui joue au départ un rôle de second plan.
C’est une héroïne qui se tient loin de la perfection. Autant ses qualités sont prononcées, autant ses défauts le sont, et cet équilibre confère de la force à son caractère. Maggie est un personnage d’autant plus fort que plausible. Bref, cette histoire en trois tomes, c’est Maggie qui la fait, la balance, l’Histoire de la Beauce en ce début de 19e siècle n’a qu’à bien se tenir.
Le lecteur est convié à St-Benjamin, petit village où se côtoient catholiques et protestants dans une indifférence respectueuse, jusqu’à ce qu’un curé rigide, fourbe et ambitieux s’en mêle. Mauvais départ pour Maggie cet enfant unique, son père absent physiquement, sa mère absente psychologiquement, l'oblige à s’élèver pratiquement seule. Elle est rapidement poussée à se dépasser, devenant maîtresse d’école à l’âge de 15 ans.
À partir du moment où elle enseigne et que le curé devient son ennemi juré, j’ai embarqué à pieds joints. Le village en entier joue sur la scène où les protestants de Cumberland Mills deviennent progressivement des pestiférés aux yeux des catholiques. Le village ne sert pas que de décor, j'ai même pensé à Sainte-Adèle des Belles histoires des pays d’en haut. Le curé, le magasin général, les polissons, les pauvres, les poltrons, le maire (le pouvoir sur deux pattes !) deviennent progressivement de vieilles connaissances du lecteur. Ces personnages hauts en couleur mettent en valeur Maggie, en la prenant en grippe par exemple, comme c'était le cas pour Séraphin. Mais là s’arrête la comparaison. Maggie ne posséde pas le pouvoir de l’argent mais un autre, celui de sa beauté insolente doublée d'une audace la portant à se sentir égale à l’homme, en ces temps où la femme est une servante de l’homme.
Par elle, les forces du mal passeront ! Elle est diablement belle et ignore tout de l’adage « Sois belle et tais-toi ». À certains moments, j’ai eu le goût de la sermonner, bref, d’être la mère qu’elle n’a pas eue. Lorsqu'elle a une idée en tête, elle fonce, même si elle défonce des murs de préjugés, des réputations ou même sa propre personne. Il n’y a pas que les autres qui peuvent lui faire du tort, elle est très bien capable de s’en faire d'elle-même !
Heureusement, elle a une tante et un oncle qui l’aiment. Surtout sa tante qui doit l’aimer en pas pour rire, pour passer outre les frasques de sa rebelle. Cette avant-gardiste à tous les niveaux, ne comprend pas le concept du péché et se demande qu’est-ce que la religion apporte dans la vie. En 1914, un tel état d’esprit est révolutionnaire, surtout quand on fait l’erreur de se marier avec la mauvaise personne.
Pour qu’une histoire soit palpitante, il faut que des courants contraires s’affrontent et qu’on ne sache pas d’avance qui va gagner. On a ce qu’il faut ici, le méchant par excellence étant le curé que l’on finit par ne même plus aimer détester. C’est à peu près le seul personnage qui frôle la caricature.
On oublie totalement que cette fiction est documentée*, le style allant droit à son but ; l’amour des personnages. Les oiseaux butinent de branche en branche pour écornifler, déposés en petites tâches de couleurs sur le paysage humain. La nature est savante mais se fait discrète (fleurs, oiseaux, végétations), je ne l’ai jamais perçue décorative, plutôt en fusion avec la nature humaine. Et pour ne rien gâter, les nombreux dialogues coulent de source. En définitive, du talent, ce monsieur.
* Daniel Lessard est natif de St-Benjamin et son grand-père y a été maire et juge de paix. Ce dernier aurait laissé des documents et, bien évidemment que la formation de journaliste de l’auteur a dû le pousser à approfondir le sujet.
*** Daniel Lessard est attendu aux Correspondances d'Eastman, au Café littéraire "Le roman historique et l'épopée identitaire", le samedi 9 août à 10 h 00.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Lessard
15 commentaires:
ça promet d'être animé ! je suis sûre qu'on ne peut pas s'en détacher avant la fin....
WOw , quel beau résumé Venise , tu me donnes le goût de lire et c'est vrai..
Je pense que toi-même tu pourrais écrire et je te lirais ..
J'ai un plaisir à lire tes passe mots.. Merci à toi ...
WOw , quel beau résumé Venise , tu me donnes le goût de lire et c'est vrai..
Je pense que toi-même tu pourrais écrire et je te lirais ..
J'ai un plaisir à lire tes passe mots.. Merci à toi ...
1863Les 3 volumes sont excellents, écrits d'une belle plume, un riche vocabulaire. Des livres à lires pour le plaisir et connaitre le talent d'écrivain de cet excellent journaliste.
Une lecture captivante
Robert Schneider
Cela fait deux billets que je lis de toi et qui me donne envie de me remettre à écrire. Tu es inspirante :)
Une série que j'ai bien aimée. Bien écrite, bien documentée.
Hmmmm... tu me tentes là.. et je ne suis pas facilement tentée par les historiques...
D'autant plus que la fin arrive dans 3 tomes !
Je mettrais ma meilleure blouse au feu que tu aimerais.
Lyse : Un gros merci ! Tu sais encourager une personne toi !
Andrée : Bienvenue au Passe-Mot !
Si je comprends bien vous avez lu les trois. Il faut dire qu'on ne laisse pas facilement une Maggie !
Topinambulle : Me voici pas mal en retard pour répliquer. J'ai été quelques jours sans portable et je travaille maintenant avec un nouveau. Pas un neuf mais un portable recyclé plus performant que celui que j'avais qui était devenu désuet. Il me faisait perdre un temps fou !
Je suis contente de te stimuler à écrire, j'en suis même ravie !
Robert Schneider : Bienvenu au Passe-Mot !
Je vois que monsieur Daniel Lessard m'attire de nouveaux lecteurs, ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre.
J'imagine que vous avez lu les trois, ou peut-être pas, de toutes les manières, je vais commenter la suite incessamment maintenant que je repris possession d'un portable, lequel je n'avais plus. Merci de votre visite.
Suzanne : Tu l'as dit, bien documentée également. Cela mérite d'être soulignée. On a l'impression d'apprendre en même temps que se distraire et s'inspirer.
Karine : Je suis prête à te dire, plonge ! Te connaissant un petit peu quand même, je te dis : tu vas aimer. Si tu hésites encore, peut-être que mes prochains commentaires sur le tome 2 et 3 vont achever de te convaincre.
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