Le personnage du facteur est toujours aussi central dans cette histoire, et donc on y retrouve de la calligraphie, de la correspondance, des haïkus, et rajoutons l’ingrédient qui lie le tout : l’amour entre un homme et deux femmes.
Un nouveau personnage fait son apparition, Tania, d’origine Bavaroise, qui se dépose à Montréal pour ses études, desquelles on n’entendra pas parler, trop occupée qu’elle est à son emploi de serveuse au Madelinot. C’est entre une portion de tarte servie au facteur Bilodo et des échanges timides sur la calligraphie et les haïkus que Tania attrapera son sérieux béguin pour ce facteur. Lui, se présente toujours penché, soit au-dessus de son assiette, soit au-dessus d’une feuille de papier.
Leur histoire s’amorce par un quiproquo qui sera fièrement récupéré par la jeune serveuse qui est prête à tout pour conquérir « son » facteur. Elle a décidé qu’il était l’homme de sa vie, ce qui entraine à ses yeux qu’il devra, tôt ou tard, la considérer comme la femme de sa vie. L’audace, l’esprit d’entreprise et la flamme d’idéalisation suffiront-t-ils à ce qu’il devienne sien ? Cette serveuse de 23 ans aura les éléments naturels de son bord ; un orage fera basculer, en même temps que ses trombes d’eau, le destin.
Cela peut parait assez énigmatique, eh bien, ce l’est, mais attention pas hermétique pour un sou.
La volonté de cette Tania est passionnante à voir se décliner par des actions téméraires, l’appropriation de ce Bilodo devenant son plan de vie. Et je vous assure qu’elle a plusieurs astuces à son arc. Et puis, le cher Bilodo est tout un numéro, il ne donne pas lui non plus son pareil pour sublimer l’être aimé avec qui il entretient une correspondance. La rivale de Tania n’est pas visible dans le quotidien de l’auteur de haïkus, ce qui lui accorde un avantage considérable. Vous imaginez bien que la partie ne se gagne pas facilement quand on se bat contre un amour qui ne se confronte jamais à la réalité. On parle ici quasiment d’un amour fétiche.
Par la bande, Denis Thériault se trouve à aborder la question de l’identité préservé, ou non, lorsque l'on se voit envahi de la flamme amoureuse. Être amoureux implique-t-il de connaître une personne ? Pas nécessairement. Et si on ne connaît pas vraiment une personne, qui aime-t-on alors ? Peut-on se forger un être aimé ? Et si oui, nous gardons le contrôle de la situation quant en fait, l’amour n’est-il pas des pages blanches que l’on remplit à deux ? Dans cette histoire, attendez-vous à vous faire jouer des tours par le destin taquin.
La fiancée du facteur est une formidable démonstration de l’apprivoisement, qui va dans tous les sens et prend tout son sens. Ce roman est tout cela et plus encore, car il est abondamment et régulièrement assaisonné de ces petits poèmes aux trois petits tours et puis s’en vont que l’on nomme des haïkus :
Tourbillonnant comme l’eau
contre le rocher
le temps fait des boucles
8 commentaires:
Oh, celui-là, je le note ! Qui aime-t-on vraiment, quand on aime ? ça c'est toute une question !
Bonjour Venise,
Eh bien oui, je le connais, cet auteur, vous le savez, et je viens de terminer de lire son nouveau roman. Je partage entièrement votre point de vue. Mais vous n'avez pas dit un mot sur la fin qui m'a scié les deux bras et les deux jambes. Je n'en dirai rien non plus pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs qui voudront le lire. Mais disons que cette fin, c'est du Thériault tout craché, dans sa logique narrative implacable, même si j'aurais souhaité que... Bon, enfin, vous savez ce que je veux dire, n'est-ce pas ?
C'est très bien fait, très bien mené. Mon plaisir a été entier.
Anne : Je me doutais que tu la retiendrais celle-là ! Tu n'en manques pas une.
Réjean : "Sa logique narrative implacable", à qui le dites-vous ! L'histoire est une impératrice et on lui doit tous les honneurs, les personnages n'ont qu'à saluer bien bas.
Vos bons mots vont se rendre jusqu'à l'auteur, croyez-moi (sourire).
Réjean : J'espère que vous êtes toujours à l'écoute. J'ai transmis votre commentaire à Denis Thériault, lequel m'a transmis ce message pour vous : "Vous avez fait sa journée !".
Une fois de plus, nous réalisons combien les encouragements sont importants pour nos auteurs.
Est-ce que vous comptez venir aux Correspondances d'Eastman cette année ? La question se pose sous cette chronique.... euh, je vous laisse devenir pourquoi, ainsi ce ne sera pas moi qui l'aurai dit !
Bnjour Venise,
Je constate que vous avez un contact privilégié avec Denis Thériault. Je suis très heureux d'apprendre que mon commentaire lui a fait plaisir. C'est un auteur que je continuerai de suivre.
Quant à votre invitation à venir aux Correspondances, je dois vous avouer que je ne suis pas friand de ce genre de manifestation littéraire. Je ne suis pas tellement curieux de connaitre les auteurs, leurs livres me suffisent. Même dans les salons du livre, il est rare que je les aborde. Question d'humilité, sans doute.
Bonjour Réjean ! Oui, c'est vrai qu'à la longue, un échange de courriels entre l'auteur et moi s'est installé lors des sorties ou autre évènement.
Les Correspondances d'Eastman est l'évènement par excellence pour les humbles comme vous car on se perd dans l'assistance. On écornifle sans que ça paraisse. On apprends plus encore sur la littérature que sur les écrivains, un peu comme les tables de discussion dans les Salons, à cela près que la présence de la nature a un effet sur tout le monde. L'écrivain est en congé, c'est en quelque sorte une récréation car il est pris en charge par le personnel et la beauté de ce très beau village. Ça le rend de bonne humeur et surtout, ça l'ouvre tout grand.
Ceci dit, je ne veux pas avoir l'air de vous tordre le bras. De toutes manières, si jamais un jour vous vous décidez à venir, vous viendriez tout probablement incognito, ainsi va pour tous les humbles de ce monde (sourire).
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