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lundi 26 janvier 2009

La gueule du loup - Nadia Gosselin

On dit tomber dans la gueule du loup mais, ici, Loulou s’y projette. Après un voyage en avion la menant à Bruxelles, après quelques mois d’échanges épistolaires enflammés via l’internet et des coups de fils enthousiastes, le jour est venu de confronter le virtuel au réel. Le choc est grand pour la Québécoise. Elle le savait plus âgé de 30 ans mais jamais elle n’aurait pu imaginer que l’attirance éprouvée par l’écrit s’évanouirait dès le premier regard à l’aéroport. Comme il a défrayé le prix du billet mais surtout parce qu’elle se sent honteuse de le rejeter pour une question d’apparence, elle partagera son deux et demi, ainsi que son existence pendant deux semaines.

Ce roman est le récit de ces deux longues semaines. Nous entrons dans ce huis-clos étouffant, l’intérêt y est et cela même si s’insinuent des doutes face aux prétextes évoqués pour que Loulou reste, malgré son intense malaise. Parce que l’auteure sait y faire, cerne bien ce qui fait une relation tordue, on accepte de jouer le jeu. On suit les manèges malins de cette communication malsaine où la femme infiniment troublée se sent coupable de ne pas être à la hauteur des mots d’amour qu’elle a écrit à cet homme. Elle réalise qu’elle a fait l’amour virtuel à un inconnu et bien pire à un homme vieilli et malade. Celui-ci avait une leucémie qui se serait guérie depuis leur échange enflammé. Elle en a donc lourd sur les épaules ; elle incarne sa guérison ! Elle est atterrée de réaliser que le physique est plus fort que l’esprit, qu’on peut éprouver l’exultation et l’exaltation via les mots mais qu’une fois devant celui qui les a portés, tout peut s’éclipser par désenchantement devant un physique ingrat. Elle se sent coupable et qui se sent coupable ouvre toute grande la porte à la manipulation. Et l'homme qui voue une admiration sans borne à la beauté sauvage des loups maniera cette culpabilité avec l’habileté du boucher qui dépèce.

Une certaine ambiguïté a alimenté mon questionnement ne serait-ce que pour la dédicace se lisant ainsi : « À cet homme-loup, dont le hurlement de tristesse retentit encore dans ma mémoire ». J’avoue que la question m’a poursuivie ; est-ce qu’une part de cette histoire serait arrivée à l’auteure ? Je sais, on ne devrait pas se poser cette question puisque peu importe la réponse. Cela a été plus fort que moi, à cause principalement du regard désapprobateur posé sur le personnage féminin, accentué en lisant le quatrième de couverture : Et si la Belle s’avérerait plus monstrueuse que la Bête ?

Est-ce que l’auteure veut nous laisser croire que cette femme est monstrueusement fautive ? Que le personnage Loulou se sente coupable jusqu’à étouffer de honte, c’est fictivement et dramatiquement captivant, mais l’ambiguïté viendrait que l’auteur semble, je dis bien semble, être d’accord avec son personnage ! Autre point, l’auteure ne nous invite jamais dans les pensées de l’homme Loup, tout porte donc à croire que ce fieffé manipulateur est LA victime. Tout ça pour dire, et peut-être d’une manière trouble je le concède, que ce roman a exigé de moi de me positionner fermement : cette femme, personnage ou réalité, n’a commis aucune faute et n’a pas à se sentir coupable. Voilà, c’est dit !

Le style maintenant. Parfois légèrement ampoulé, surtout au début, mais en général les phrases respirent bien, se rythment, portées par un souffle constant et assuré. Le résultat d’ensemble est assez fort pour maintenir l’intérêt. Petit détail agaçant, je n'ai jamais lu autant de fois le mot "naïve" en 164 pages.

J’ai relevé cette affirmation clé du quatrième de couverture : « La gueule du Loup bouscule tous les mythes amoureux, surtout ceux qui font de l’amour un sentiment pur ». Personnellement, j’ajouterais, si on me le permettait (!) ... Comme l’amour ne naît pas nettement sur le net, s’il y a un mythe à bousculer c’est que l’amour virtuel est pur, parce que venant de l’esprit, et que le réel l’est moins, parce que composant avec le physique.

Deux commentaires à La Recrue : un de Anick et l'autre de Lucie.

La gueule du Loup
de Nadia Gosselin a été sélectionné, en 2004, par l'Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) dans le cadre de son programme annuel de parrainage. C'est un premier roman paru chez Guy Saint-Jean Éditeur en 2008.

11 commentaires:

Nina louVe a dit...

miam, ça donne envie de lire. (thankx)

bien senti ce questionnement sur la honte coupable. beau laid beau laid, jeune vieux jeune vieux
âge de pierres ou âges de lierres

ouaip, dans le vrai lit, l'intelligence seule
ne fait pas tout le sale boulot.
surtout si le cerveau est un boulet
une bouche ouverte toute grande
pour avaler la bouée de sauvet'âges.

beau. laid. beaux. laids.

motus et bouche bées
que veux tu,
tant qu'ils & Elles feront l'amour
en se contre dévorant le libre,
en se bouffant la fête à force de dépendre
ça fera des pendules qui trottent tout croche pis qui arrachent l'âme seconde par seconde.

Anonyme a dit...

Ca semble déstabilisant, en tout cas, comme lecture. Je ne sais pas si c'est pour moi, par contre...

Venise a dit...

@ Nina louVe : Si je me fie à ton style, je ne sais pas si tu aimerais. C'est un texte et une histoire très prosaïques.

J'aime bien ton commentaire, il m'aère l'esprit ...

Venise a dit...

@ Karine : Déstabilisant ? Pas tant que ça. L'occasion va peut-être se présenter pour toi, si on considère que certains livres te sautent dans la figure ...

helenablue a dit...

Moi aussi Venise , ta note me donne envie de lire ce livre , le thème me séduit , disons plutôt m'attire ; je crois cela possible cet "amour virtuel et" sûrement dangereux et probablement étonnant quand on le confronte au réel ...Et puisque cela se passe à Bruxelles !
J'aime aussi le commentaire de Nina louVe , il est chantant ...

Quant à cette réflexion sur la pureté de l'amour , qui le serait davantage dans le virtuel , hum ...
Un amour virtuel spirituel , d'âme à âme , mais sans la composante physique , deus esprits qui communient sans l'expression des corps , cela a une dimension mystique , en quoi est ce plus pur , que l'amour de deux esprits -corps qui dépassent en réalité cette dimension ? Ne l'est-ce pas davantage ?
Et puis l'amour pur ? Est ce que l'amour peut-être impur ?

En tout cas , je met ce livre dans ma liste , qui s'allonge , des romans québécois à lire !!
Hum, ton influence , via , ce passe-mot dépasse le virtuel et rentre plus que jamais dans mon réel !!

Nina louVe a dit...

hé oh, je mange des shushis de princesse gheisha comme du steck haché aux petits pois en canne (smilz)
et...aime goûter à la prose douce comme aux trash bang textes.

lire comme on respire, parce que oui, ça prend des mots pour faire de l'air avec le papier.

Venise a dit...

@ helenablue : Pour ce roman, il faut être attiré par le thème. Semblerait que tu le sois ... eh que je me demande donc pourquoi ! :-D
Et en prime, ta réflexion sur la pureté de l'amour. Tout à fait d'accord avec toi, tellement d'accord que je me demande qu'est-ce qu'il reste à rajouter ...
euh ... Bais, y reste, bonne soirée et un smash sur chaque joue !

Venise a dit...

@ Nina louVe : Du steak haché et des tit pois en canne, c'est mou ça ?! Une petite branche de céleri pour le croustillant, peut-être ?

Il y a la prose douce. Et il y a la prose à laquelle manque la branche de céleri croustillante. Et ceci dit par égard à toutes les cuisinières (en herbe) de cuisine molle au monde !

Venise a dit...

@ Lina LouVe : Bon appétit quand même !

Venise a dit...

@ helenablue : L'auteure Nadia Gosselin a communiqué avec moi et m'a fait savoir ceci : En passant tu pourras lui dire que mon livre sera présenté au prochain salon du livre de Paris parmi les nouveautés européennes...! La gueule du Loup arrive effectivement en France, en Belgique et en Suisse sous peu!

Bonne chose à savoir. Je suis très contente de cette traversée de l'Atlantique. Après tout, c'est justement le thème du roman.

Danielle a dit...

Une façon d’écrire trop grandiloquente à mon goût. Tire-toi de là! est la première pensée qui vient. Et puis on constate que l’amour pour l’auteure tient de l’allégorie et qu’elle n’a toujours pas compris, ou accepté, que le désir est avant tout épidermique, bien qu’alimenté de fantasmes issus de l’esprit. Peut-être est-ce ce déni de la chair qui rend ses pseudos scènes érotiques si peu convaincantes? Et cette absence de lien viscéral qui rend son rôle de mère de 4 enfants si peu crédible ?