Ça dépend. Si vous avez affaire à Nelly Arcan (le prénom de la méchante de la télé-série La Petite maison dans la prairie) ou à Isabelle Fortier, une petite fille du Lac-Mégantic élevée par des parents très catholiques. Je ne sais pas si l'auteure a pensé se cacher derrière ce pseudonyme à demeure, peut-être, mais il aurait fallu pour cela qu'elle ne soit pas si intelligente et qu'elle n'ait pas tant désiré éclairer les moeurs du faisceau lumineux de sa réflexion.
Ces deux premières oeuvres Putain et Folle, je les ai lues avec intérêt et je l'avoue, curiosité. La curiosité pour le côté sensationnel de cette vie de marchande du sexe, l'intérêt allant pour la valeur de la langue. Putain se lit comme une litanie sans virgule, sans point, sans exclamation. Seulement du souffle, un long souffle nourri à même une langue déliée par une révolte sourde, fraîchement sortie des entrailles de l'inconscient et qui scande la rage emportée par des mots qui tuent. Folle dégageait plus de calme, plus de retenue, tenant fermement la bride à la colère mais dévoilant tout autant l'impudique. Du débusquement de vie personnelle sous le couvert de la folle du logis.
Et maintenant, après une incursion de « L'enfant dans le miroir », court récit sur de terrifiants souvenirs d'enfance, abondamment illustré, voici une vision À Ciel ouvert. Je ne l'ai pas lu, pas encore. Voici une semaine, quand j'ai pris connaissance du résumé :
Sur le toit brûlant d'un immeuble de Montréal, deux femmes font connaissance et engagent un duel dont ne dépendra rien moins que leur survie. Il y a toujours trop de femmes disponibles dans ce monde. Et les femmes 'connaissent par coeur le fond des choses qu'elles redoutent, à tel point que malgré elles, elles les font advenir'. Rose est avec Charles quand cette histoire débute, et c'est Rose elle-même qui impose à Charles, sans le vouloir, la présence aveuglante de Julie O'Brien. La beauté est une guerre. Une guerre qui ne connaît pas d'autre enjeu que la froide satisfaction du sexe de l'homme, unique trophée que convoitent des femmes trop aimantes et trop nombreuses.Je me suis dit, encore le même thème du corps, de l'apparence. J'en suis lasse. Et puis, je me rétracte suite à l'écoute de l'entrevue avec Christiane Charrette ce matin. Qu'est-ce que vous voulez, je la trouve sympathique, cette femme qui avoue ne pas vouloir trop s'exposer auprès des médias. Elle a une vulnérabilité à fleur de peau qui perce, parfois malgré elle, la frontière de sa voix. Est-ce parce qu'entre Putain et Folle, je l'ai rencontrée en personne (elle faisait partie du jury concours Voir/Renaud-Bray, meilleure nouvelle) et l'ai trouvée charmante avec moi. On voit qu'elle ne juge pas, le contact est instantané. Et puis, quelqu'un qui s'avoue obnubilée par la question de l'apparence féminine, et pas seulement la sienne, m'apparaît honnête. Elle révèle qu'elle peut aborder ce sujet de front parce qu'il la préoccupe de longs moments dans une journée. Christiane Charette brûlait de lui faire dire sur quelle partie de son corps elle avait utilisé la chirurgie esthétique et l'écrivaine préférait ne pas s'offrir en pâture aux journalistes. Elle opte pour se taire ou se terrer, plus que détourner la question ou mentir. Elle en est là dans sa démarche et avoue d'emblée que, si elle avait le choix, vivant suffisamment de ses droits d'auteur par exemple, elle ne s'exposerait pas d'entrevue en entrevue. Et ce qui me décide tout à fait est que ce À ciel ouvert est un roman, son premier. Une histoire avec des personnages et un suspense, ce qui change du récit et de l'autofiction à peine déguisée. Elle est fière de son oeuvre fictive, ne se cache pas sous de la fausse modestie et cette attitude me plaît.
Voilà donc un livre qui se rajoute à ma pile. J'ai de la nourriture livresque dans le garde-manger, des réserves, tellement que cela pousse sur ce que je suis à lire. J'achève Hadassa et Ensemble, c'est tout, pendant que «Le monde sur le flanc de la truite » rumine dans son coin, un peu jaloux peut-être. Faut dire que cette dernière lecture est si chargée, concentrée, que je me dois de la savourer et savourer veut dire repasser sous mes yeux le même paragraphe, jusqu'à deux ou trois fois.
5 commentaires:
J'ai lu Nelly Arcan, Putain et l'enfant dans le miroir. Dans les deux cas, je n'ai pas vraiment aimé. Mais je ne la trouve pas bête pour autant. «La beauté est une guerre». C'est bien plus ça que le sexe sa fixation. Je ne cours pas acheté ce livre, mais je le lirai peut-être.
Je me relis en retard. Acheter.. c'est mieux. Et j'ajoute, une affirmation que je me force à imprimer dans ma mémoire à tous les jours : Acheter, c'est voter !
La vulgarité du sujet et les nombreuses maladresses stylistiques déçoivent, c'est dommage. Il y avait, dans Folle, malgré la faiblesse du style à certains endroits, une sincérité dans la souffrance écrite qui pouvait toucher, mais j'ai abandonné la lecture d'À ciel ouvert rapidement, faute d'intérêt. Lisez-le pour vous faire une idée.
J'ai lu Folle et j'en ai presque eu la nausée. Oui, c'est bien tourné mais ce regard complaisant et vaguement malsain m'avait laissée perplexe. C'est comme de regarder un peep-show vraiment tordu. Peut-être que si ce « roman » apparaît à la bibliothèque, je le prendrai par curiosité mais c'est certain que je l'achèterai pas.
J'adore Nelly Arcan. Elle écrit divinement bien. Je l'envie. J'ai tout lu sauf "À ciel ouvert" qui attend sur ma pile.
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