« Peut-on vraiment, sans avoir à mentir, aimer plusieurs personnes à la fois, avec une affection et une tendresse égales ? Alya, Laurie, René et Li Wei n’ont pas de réponse toute faite, ni de mode d’emploi pour vivre cette passion monstre, ce polyamour ».
Je ne me suis pas arrêtée à cette étiquette accolée sur le produit : polyamour. J’ai surtout retenu ce qui faisait mon affaire « passion monstre » et « affection et tendresse ». Pourtant, passion et affection ne sont pas des jumelles, on s’entend là-dessus ?
Je suis entrée dans ce roman par la porte du « tu », une option audacieuse de l’auteur, Serge Lamothe. De parler de soi au « tu » crée instantanément une distance, essayez pour voir ! Il faut s’y habituer et je m’y suis habituée, j’ai même apprécié cette distance qui, finalement, plaçait le narrateur sur le même pied que moi, la lectrice, regardant tous deux l’action un peu en retrait. Il s’y dégage l’impression d’un personnage principal étranger à lui-même et pour le thème abordé, le polyamour, c’est drôlement commode à mon avis ! Quand on plonge à cinq dans une relation amoureuse, une distance vis-à-vis son moi émotif peut aider !
L’écriture de Serge Lamothe est des plus assumé, on dirait qu’il a fait ça toute sa vie, parler au tu. Il peut se permettre de dire des énormités, la distance avec son moi émotif fait en sorte que ça tombe mollement, dégageant même une certaine torpeur. Vous imaginez bien que le polyamour est un nid émotif grouillant avec explosion latente, alors j’en ai profité, je me suis permise moi aussi de ne pas m’impliquer émotionnellement. C’est reposant et cela a le mérite de nous laisser libre de suivre la démarche littéraire l’esprit libéré des affres émotifs. C’est pour dire combien le style est beau, condensé, frappant de justesse puisque l’histoire, malgré une distance, m’a tenue en haleine, je n’irais pas jusqu’à dire le souffle court, plutôt avec un intérêt grandissant.
La fin arrive un peu brusquement, c’est peut-être inévitable parce que "y a-t-il vraiment une fin ?" Il y a un autre roman à écrire sur le modus vivendi de la « tribu » (5 personnes qui s’aiment amoureusement). Je serai curieuse de la lire au « je » ... serait-elle supportable, trop bouleversante, sainement troublante ? Je suis d’autant plus curieuse qu’en début du roman le narrateur vit un mono-amour et je l’ai trouvé habile, très inspiré pour décrire l’être chéri, en l’occurrence Alya mais une brèche s’élargissant dans le couple a laissé entrer un style plus mesuré, moins prenant.
Et puis, j’ai omis de dire que le narrateur est un écrivain obnubilé par la vie de Kafka et qui tente d’écrire un roman où le mystère « kafkaien » roderait à chaque ligne. On regarde l’’auteur se regarder écrire. Spécial, et ceci dit dans le bon sens du terme.
Un auteur solide qui m’a donné le goût de le lire à la première, à la deuxième ou à la troisième personne. Un livre original fort. Compréhensible qu'il soit finaliste du Prix des libraires. Gagnera-t-il ?
Tarquimpol, Serge Lamothe, 229 pages, Alto
4 commentaires:
Je ne suis pas certaine de bien saisir... mais je suis définitivement intriguée!!! S'il croise mon chemin, pourquoi pas!!!
Bravo d'avoir lu ce roman. Je n'ai pu m'habituer à la narration au tu, j'ai laché.
Il sèche sur ma tablette depuis des mois... tu me donnes le goût!
En passant, tu as été taguée chez moi...
Je suis contente de voir que la narration au "tu" ne t'a pas rebutée. Car j'avais constaté que Carole n'avait pas aimé...
Je dis ça parce que dans mon roman, la narration passe parfois au "tu".
Je lirai sans doute ce curieux Tarquimpol quand j'en aurai le temps.
Bon dimanche, chère Venise!
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