Venise !
Le mot entre dans sa tête, rebondit sur le mur de ses méninges, essaie de s’entendre sans ses gondoles et son eau vive. Soudain, je vois qu’il voit. Il se trémousse grandement et, par un mime, s’excusant de ne pas m’avoir reconnu dans l’instant, de ses mains, il cadre la petitesse de ma photo. Que je le comprends ! Combien il ne doit pas être évident de voir sortir une tête de son cadre de timbre-poste. Et que cette même tête soit déposée sur des épaules solides prolongées d’un corps qui s’impose sans même le vouloir.
Mais nous voilà déjà à parler des derniers événements dont vous connaissez la teneur. On échange nerveusement, sur le comment et le pourquoi. Des phrases se disent, s’interposent, s’indisposent d’elles-mêmes, on en dit peu pour tout ce qu’on pourrait en dire de trop.
Et, tout à coup, obligation au silence, malgré la chute de mots qui continue de bruire en moi, c’est l’heure du retour à la page blanche. L’écrivain prend une gorgée d’inspiration, se prépare à plonger dans la marge de son livre pour le marquer à jamais dans le cœur du papier. C'est le moment solennel d’inscrire une histoire en-dehors de l’histoire, d’officialiser le lien entre l’auteur et le lecteur. Je me mortifie de silence, par peur de m’interposer sur la trajectoire de sa plume à sa tête. Vers la fin, à bout de souffle d’étouffer mes mots, mais aussi par peur de n’avoir jamais rien dit de l’essentiel, je laisse échapper un « J’adore le club de lecture chez Bazzo, c’est jouissif ».
La tête toujours baissée, je l’entends me dire qu’il se plaît à exagérer ses opinions, il me jette un coup d'oeil, espère que j’ai remarqué qu’ils les poussent dans leurs derniers retranchements. Pour faire réagir. Je le rassure, je dis beaucoup aimer cette broue qui se ramasse à la surface du remous, que ça m’en donne plus que mes oreilles et mes yeux peuvent en prendre. Et au même moment, dans ma tête, je revois avec amusement la dernière émission et l’air des deux comparses, sur le bord de l’indignation.
Et puis, d’un geste presque théâtral, il me remet l’exemplaire. Il est maintenant à moi. Et pour moi. Sentant la fin, je me trouble, je bredouille un « je vous dirai qu’est-ce que j’en …. » Il hoche la tête, son menton pointe le livre. Est-ce qu’il pense que je vais lire la dédicace, debout devant lui, en toute impudeur ?! Je dois me pousser hors du sentier de ses yeux, ça urge. Mais, auparavant je le remercie, essayant de transmettre à son âme de valeureux la plus haute vague de chaleur humaine dont je suis capable ... et je m’éclipse.
Me voilà qui courre par longues enjambées. Je fuis, je me fuis, en proie à la sensation d’avoir fait une Odette Toulemonde de ma personne.
Et puis, je m’arrête brusquement, n’en pouvant plus. Fébrile, je soulève la couverture et, seule au monde, au cœur de la grouillante cité du livre, je lis ma dédicace.
*****
… Vous êtes déçus ? Je le sais bien, vous vouliez lire la dédicace avec moi ? Mmmm … Je suis tout à fait consciente de vous décevoir et j'en suis désolée. Mais, j’ai une solution pour vous ! Allez rencontrer Jean Barbe à un prochain Salon. Vous en aurez une pour vous tout seul, une dédicace !
34 commentaires:
Ah non, là, chère Venise, vous n'êtes pas correcte. Je trouve que de jouer ainsi avec nos attentes que vous ne voulez pas satisfaire, ce n'est pas digne de vous. Alors je proteste haut et fort, et j'espère que d'autres se joindront à moi, JE VEUX SAVOIR CE QU'IL VOUS A ÉCRIT !
Une dédicace de cette importance c'est comme un trésor, tu as raison de la garder pour toi.
Tu m'as fait rire avec ton petit côté Odette Toulemonde! Tu l'avais bien dis: ça méritait un billet juste pour ça!
Ah, mais très cher, Réjean, vous n'avez pas compris qu'une dédicace est beaucoup plus ce qui se vit avant, pendant et après ?
Je m'ouvre à vous, en toute humilité et impudeur, vous donne ce qui se vit quand on s'avance vers l'aura mystérieuse de l'auteur, et combien on se sent petit tout à coup de quémander sa pitance de quelques mots. Je me fais généreuse de mots, donnant moult détails, j'ouvre mon coeur de quêteuse de dédicace, et vous trouvez que je n'ai pas livré la marchandise annoncée ?!
Cher Réjean, pensez-y encore, la dédicace à côté de ça, c'est une étendue calligraphique de 10 mots.
Je respecte votre choix, chère Venise, mais sachez que ma peine est immense. :-(
@ Virge : Je n'ai jamais été aussi contente d'entendre le mot "trésor". J'ai eu peur à un tollé général !
Et puis, j'avoue que je ne vois plus les dédicaces de la même manière depuis que j'ai vu et lu "Odette Toulemonde".
@ Réjean : Je compatis beaucoup à votre peine :-(
J'en suis encore à me demander,et encore plus depuis que je viens de terminer ce magnifique billet, pourquoi n'est-ce pas toi qui dédicacerait dans un avenir approché? Quelle plume!!!!
Ah, Suzanne, que c'est gentil ! À chaque fois que l'on me passe cette remarque, je suis troublée.
Faut dire, que ma plume se délie, on dirait qu'elle s'est accrochée des ailes pour s'envoler. Je ne la retiens plus, au fait, pourquoi la retenir ? Elle semble savoir ce qu'elle fait.
Il faut rajouter l'écoute aussi. La place au silence qu'il faut faire dans sa vie afin d'avoir suffisamment d'espace à l'intérieur de soi pour tremper dans l'encre de son inspiration.
Cette inspiration bien assise, dans le cas précis de ce billet, sur la mémoire. Tout photographier ce que l'on voit, il faut donc que la lentille soit toujours ouverte, à l'affût.
Merci encore de ton compliment !
Si j'ai bien compris, vous êtes en train de me dire (On dirait du René Levesque tout craché!!)que je dois lire Jean Barbe?!
Judith : J'étais aussi perdue dans le brouillard que toi car je croyais que Leméac avait un site web. Un lien intéressant que j'ai trouvé, brossant un portrait des 50 ans de Leméac est ici :
http://www.lelibraire.org/article.asp?cat=10&id=2853
Cependant, je reste surprise que Leméac n'ait pas de site.
Sur quoi te bases-tu pour dire que Jean Barbe aime les êtres "bien ronds" dans le sens que tu l'entends ? Tu vois que tu frappes sur un être très curieux : moi ! Et tiens, quant à y être, une autre a du nébuleux : La curiosité demeure, mais saura peut-être se faire moteur un de ces jours... Que veux-tu dire au juste ? La curiosité vis à quoi ? La dédicace en tant que telle ?
Je suis encore plus dans le brouillard que toi finalement !
Jules : Pourquoi pas ? Est-ce que ça serait à ce point inadmissible dans ta tête ?
Moi, en tout cas, j'ai franchement très hâte de lire "Le travail de l'huître". Dans la revue Le Libraire, il y a un article, j'en ais lu un extrait : "Une véritable communication entre les individus était-elle seulement possible ?" voilà une des questions que pose le livre. et Jean Barbe de rajouter "Le grand rêve perdu de l'humanité est la télépathie".
Tu me connais assez, Jules, pour savoir que le thème m'embarque. Je comprends mieux maintenant pourquoi ma voix intérieure m'a ordonné de le lire.
À titre informatif, je vous confirme que Leméac est une des très rares maisons d'édition québécoises à ne pas avoir de site web. Étonnant, n'est-ce pas ? Quand vous reverrez votre ami Jean au Salon de livre de Québec, chère Venise, vous pourrez lui demander pourquoi. J'espère que toutes ses paroles ne resteront pas comme un trésor caché. (Je continue de soigner ma peine.)
@ Réjean : Merci de confirmer pour Leméac, c'est effectivement très surprenant.
Et j'avoue vous trouver assez comique avec "mon ami Jean" ! Vous tentez de m'éloigner de mon état d'Odette Toulemonde que je sens pourtant beaucoup plus près de ma réalité.
Vous connaissez l'histoire d'Odette Toulemonde n'est-ce pas ? De Éric-Emmanuel Smichtt, cette nouvelle adorable qui a suivi le film tout aussi adorable de cette fan qui a l'air tellement fou devant l'écrivain, lui laisse une lettre qu'il prend du haut de son état d'auteur et quand, presque par désoeuvrement, il se décide à la lire, il en est complètement bouleversé, s'en veut de l'avoir jugé d'après les apparences et, à partir de ce moment, essaiera de se racheter.
Judith : L'esprit à la cocasserie ? J'adore l'esprit à la cocasserie.
En tout cas, oui, tu sembles bien connectée à Jean Barbe, par son oeuvre, bien sûr ! J'imagine que tu vas t'empresser de commander "Le travail de l'huître" à la librairie du Québec à Paris (es-tu à Paris ou près de Paris ?), afin de continuer à actualiser tes connaissances.
Parce que, qui sait, peut-être qu'il préfère le "bien long" maintenant.
J'adore la Gaspésie ...
Mais là, je ne m'étendrais pas sur le sujet, je ferme boutique. Bonne nuit à toi aussi.
Bonjour Venise ,
J'ai beaucoup aimé comme Suzanne la plume et le "croustillant "de ce texte , la chute aussi , je crois aussi qu'une dédicace est comme un trésor ... surtout que d'aprés ce qui transpire de tes mots , Jean Barbe est un écrivain charismatique et qu'il te touche ...
Au final , j'ai eu beaucoup de plaisir , et j'en attend encore en allant sur tes conseils commander ce livre " le travail de l'huitre " à la librairie du Québec à Paris ... Contrairement à Judith , c'est le moyen le plus rapide pour moi , si je veux lire des ouvrages d'auteurs de chez vous !
Merci encore ...
amitiés
helena
helenablue : À chaque fois que je vois ton nom ici, je suis émue. C'est vrai ! Une femme joyeuse généreuse et profonde qui prend la peine de venir me visiter même si, moi, je raréfie mes visites. C'est qu'il faut arrêter le temps pour aller faire un tour chez toi, pas question de rester sur le perron, il faut y faire pénétrer le corps de l'esprit et tout son coeur aussi.
Je trouve l'homme charismatique, il s'agit maintenant de voir s'il en sera de même pour l'écrivain. Je suis très confiante. En lisant des critiques de blogueuses avec qui j'ai des affinités, comme Suzanne, je m'apprêtais à lire de Jean Barbe "Comment devenir un monstre" quand son petit-dernier est sorti. Je commence par la fin qui elle me mènera au commencement!
Et ô combien ce serait un plaisir de partager nos compte-rendus de lecture du Travail de l'huître !
Venise,
Je ne vous savais pas si émue de me rencontrer. Je tiens à vous dire que je l'étais aussi. Vous ne pouvez savoir à quel point ce salon fut pour moi extraordinaire. Jamais jusqu'alors je n'avais compris le lien qui m'unit aux lecteurs passés et futurs, jamais jusqu'alors je n'avais ressenti à ce point que c'est la meilleure part de nous tous, écrivain et lecteurs qui se rejoignent dans les pages pour raconter notre histoire commune.
Merci de tout coeur.
Jean Barbe
C'est aujourd'hui, 24 novembre, le jour de mon quarante-sixième anniversaire. Merci de ce beau cadeau sur votre blog.
Jean Barbe
@ Jean Barbe : Me voilà encore émue si vous voulez savoir !
C'est sincèrement touchant d'apprendre que vous avez trouvé votre compte à ce point dans ce Salon. Est-ce parce que vous visitez régulièrement les champs invisibles de la communication, l'oeil de la conscience toujours plus grand ouvert ?
Ouf ... là, je suis secouée. Pendant que j'écrivais la question ci-dessus, je reçois votre autre commentaire révélant que c'est la journée de votre anniversaire. Alors, c'est maintenant chose officielle, on se fréquente assidûment dans l'invisible !
Et le plus merveilleux dans l'histoire est bien de sortir de l'invisible pour mieux célébrer l'incarnation !
BON ANNIVERSAIRE !
Je me suis offert le cadeau de vous faire un cadeau finalement !
@ Jean Barbe : Je rajoute à votre "que vous ne me saviez pas si émue de vous rencontrez" que le principal de mon énergie a été dépensée à ce que ça ne paraisse pas. Quand il aurait si simple que ça paraisse.
Ainsi va l'être humain dans ce monde où l'on se masque, parfois seulement parce qu'on pense l'autre masqué. Heureusement, il y a les mots écrits, ici, où je laisse tomber plus facilement les écrans. Un jour, j'y arriverai sous les projecteurs de la vie.
Gâtez-vous et amusez-vous aujourd'hui, en vous souhaitant autant de cadeaux visibles qu'invisibles ...
C'est bien ce que je disais : «votre ami Jean».
C'est presque gênant de laisser un mot ici après cet échange émouvant entre lui et vous...
Cher Réjean, vous êtes vraiment charmant !
Vous, vous m'offrez un cadeau inestimable que j'apprécie à chaque heure du jour ; votre assiduité.
Content de savoir que vous l'appréciez. :-)))
J'ai retrouvé mon mot de passe!
Venise et cie: Il paraît qu'il y aura un site Leméac dans quelques temps.
Une maison d'édition vénérable comme celle-là n'en avait pas ressenti le besoin avant.
Ah, le Jean Barbe non anonyme ! Par un mot de passe, trouver son identité. Si c'était toujours aussi facile, j'avoue que le Québec y gagnerait !
Toute blague mise à part, je pense sincèrement que Leméac a tout à y gagner. C'était presque incontournable, alors bravo !
C'est de la bien bonne nouvelle tout ça, bientôt un site, et trouver son identité la journée de son anniversaire :-D
Non mais Leméac sans site !!!! Inouï et dire que....Bon je me tais je ne veux pas ouvrir un autre débat.loll!!! Je file au dodo.
Dis-moi pas Suzanne que l'on va se mettre à parler par points de suspension ... on est pas sorti du bois ! Déjà que c'est difficile avec les mots. Ça mérite un clin d'oeil en mots (je suis tannée de faire des bonhommes clin d'oeil, me semble que je fais juste ça aujourd'hui des bonhommes clin d'oeil).
Signe de bonne humeur et de complicité ;-) ( J'ai pas pu m'en empêcher.... oups)
Mais non Venise on ne se jasera pas par points de suspension bien que parfois ils sont bien utiles pour couper court et filer au dodo. Belle journée
@ Gaétan : Je me demande bien pourquoi vous vous en empêcheriez ? Ça me fait tellement plaisir !
@ Suzanne : Oké d'abord ...
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