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samedi 30 mai 2009

Dissonances - Lise Blouin

Le prologue plein de promesses donne le goût de rencontrer Florence, présentée comme une battante sur la 4ième de couverture. L’histoire commence par sa naissance, et Florence grandit en même temps que les pages tournent. Dès les premiers chapitres, j’ai éprouvé de la difficulté à m’habituer à la narration à la troisième personne me donnant la nette impression de lire une biographie.

L’on comprends rapidement que Florence aura l'occasion de démontrer sa force de caractère, le destin s’acharne sur elle, disons que la guigne s’est arrêtée juste au-dessus de sa tête. Elle réagit par un réflexe peu commun ; aider les femmes démunies allant jusqu’à les héberger malgré que son fils en soit malheureux. Lui aussi est un homme fort puisque malgré toutes les contrariétés de la vie, à commencer par celles que sa mère lui fait subir, il deviendra tout de même un homme équilibré. Un aidant. Comme sa mère. Ça tombe bien puisque Éliane surgit dans leur vie. Cette flamboyante musicienne de jazz agit et réagit comme une vedette. Elle donne naissance à une fille, Camélie qu’elle entrevoit dès sa naissance comme une entrave à sa carrière. Et voilà la table mise pour nos deux aidants, mère et fils, qui ne manqueront pas de fil à retordre.

Des thèmes abordés, il y a la dyslexie, l’itinérance aussi, ce sera la musique qui prendra le dessus à travers Éliane, cette virtuose qui personnifie la femme artiste faisant passer son art avant la maternité. Est-ce parce que la femme de carrière qui passe pour une égoïste est une problématique dont on a beaucoup entendue parler mais je ne me suis pas sentie interpeler. Mal m’en pris, c’est le pilier du roman. Toutes les actions tournent autour de l’aide à apporter à plus mal pris que soi. Que ce soit du fils à la mère, de la conjointe Mireille au fils mais essentiellement de Florence à Éliane et sa fille, Camélie. Cette dernière monopolisera toutes les énergies des donneurs dans son champ environnant.

La trame de ce roman ciblant l’émotion de la désespérance à différents degrés est servie essentiellement par un style à la troisième personne. Je dois dire que la détresse, non abordée directement, me rejoint moins : « Raconte-moi comment tu as pu survivre à son décès. As-tu été aussi détruite qu’aujourd’hui ? Me rejoues-tu une scène semblable ? Je t’ai piquée, là. J’ai surpris un plissement de tes yeux, un serrement au coin de tes lèvres. Ça y est, tu retires ta main, tu repousses définitivement ton plat ... »

Certains chapitres donnent la parole au fils Samuel, ceux-ci sont au « je », et même chose pour Camélie sous forme d’extraits de lettres d’une dyslexique. Il est évident que Lise Blouin est une auteure au verbe facile, inspiré, et qu’elle a du souffle. Les lettres de Camélie et leur épice absurde dégageaient une poésie que j’ai appréciée.

Évidemment cette distance donnée par le style est une option défendable mais personnellement cela a joué contre mon attachement aux personnages. À tous les personnages. Leurs nombreux malheurs ne m’ont pas atteint, même pas un frisson sur le cœur. Sans jeu de mots, c’est bien malheureux. Si encore j’avais lu et vu une sincère interrogation de la part de Florence face à cette question soulevée au 4ième de couverture : « se dépenser sans compter pour les autres au risque d’y perdre son propre bonheur » est-ce la voie à emprunter ? Cela aurait suscité une tension qui, à mon avis, manque cruellement à cette histoire. Les réponses arrivent toutes cuites dans le bec du lecteur, c'en est presque de l'ordre du réflexe, Florence choisit d'aider son prochain.

Après des études en pédagogie et en lettres à l'Université de Sherbrooke, Lise Blouin, née en Estrie, enseigne et publie plusieurs ouvrages pédagogiques. Son travail d'écriture la conduit vers le roman, genre qu'elle privilégie et auquel elle se consacre maintenant à temps plein.

Dans un article du Voir signé Dominic Tardif, l'auteure nous entretient de Dissonances - XYZ éditeur. Collection Romanichels 2009. 272 p.

15 commentaires:

réjean a dit...

Décidément, Venise, vous êtes de plus en plus critique. C'est bien.

Venise a dit...

@ Réjean : Si vous saviez combien cette remarque tombe bien pour moi. Merci.

Blue a dit...

A te lire, ce livre ne t'as pas "touchée".
Cette dimension émotionnelle de l'écriture est pourtant importante, du moins pour moi. J'ai besoin de ressentir quand je suis dans un roman, sinon j'ai du mal...
Le thème abordé pourtant est intéressant et cette notion de faire son bonheur ou son malheur en s'occupant de celui des autres interpellant.

Ta note est pleine de tact, je trouve, et comme Réjean, on sent un affinement de ton esprit critique, et c'est très agréable, ce n'est pas tout à fait le mot adéquat, je trouve que cela donne confiance dans ton jugement.

Mes amitiés Venise,
xxx
Hélèna

ClaudeL a dit...

Je trouve difficile de demander aux auteurs de toucher les lecteurs, de faire naître des émotions. De chavirer les coeurs. À défaut de quoi le roman manque son but??? Il y a plusieurs genres littéraires, tous ont-ils à n'avoir qu'un seul but: mettre en scène des personnages attachants qui se démènent autour d'un conflit, une tension. Presque une recette, celle que les éditeurs aiment, celle qui vend. Je crains fort d'être dans la catégorie des auteurs qui aiment écrire, qui voudraient bien publier sans que ce soit des romans aux personnages toujours forts, toujours émouvants, aux contrastes qui donnent des sensations fortes. Ne peut-on pas juste raconter une vie?Je préfère les récits, mais pas les éditeurs et probablement pas les lecteurs.

Karine:) a dit...

Je ne suis pas certaine que je sois tentée par ce livre suite à ton billet mais je reste curieuse de voir à quoi ressemblent les lettres de la personne dyslexique. Peut-être que je tenterai le coup, ne serait-ce que pour ça...

Blue a dit...

Je ne sais pas si le roman manque son but en soi s'il ne touche pas le lecteur, je ne crois pas qu'il y ai une règle en la matière.
Chacun lit pour des raisons qui lui sont propres des romans, récits, fables ou poésie et j'en passe...
Ce qui me parait néanmoins touchant quoiqu'il en soit c'est qu'un individu écrit, et qu'un autre le lit.

HUm, suis pas sûre de me faire bien comprendre.

ET qu'il y a aussi des chances pour que celui qui lise, y goûte autre sensation que celui qui a écrit , ceci est aussi valable pour la peinture ou la musique.
Mais tout cela est particulièrement fascinant.

Je ne pense pas que le roman n'atteigne pas son but s'il ne suscite pas d'émotions, du moment qu'il provoque déjà un débat, une interrogation, un intérêt, une réflexion.
Quand en plus, il arrive à faire trembler votre coeur, ou à vous remuer profond, c'est assez magique, je trouve.

Venise a dit...

@ Claudel : Je suis contente que vous apportiez à notre attention le point de l'émotion suscitée par les personnages, ça me donne l'occasion de préciser ma pensée. Être remuée n'est pas une obligation pour moi, loin de là. Je dirais même que si j'ai à choisir, je préfère ne pas être touchée au lieu de sentir qu'on fait "exprès" pour me toucher. J'en développe même l'impression d'être prise en otage.

J'ai lu certains romans où il n'a pas été question d'attachement aux personnages, comme dans la vie lorsque l'on rencontre certaines personnes, et à ce moment, soit que l'histoire prenait le dessus, ou l'ambiance, ou les sujets, ou le style, la forme, la manière de s'exprimer. Il faut bien qu'il y ait des éléments qui nous accroche car, sinon, aussi bien lire un bottin !

Venise a dit...

@ helenablue : Ce roman ne m'a "touchée" c'est vrai, mais encore s'il m'avait intéressée. Heureusement, comme tu le dis, chacun apporte sa lecture, sa vie, son regard, et pour une personne qui n'est pas soulevée par une histoire, une autre peut l'être.

Je dois t'avouer que dans ce cas-ci, il y a rien que j'aimerais plus que d'entendre quelqu'un s'exprimer sur ce qu'il a aimé dans ce roman.

Merci de tes commentaires, ils sont précieux pour moi.

Venise a dit...

@ Claudel : J'ai oublié de rajouter un point, et pour ça je dois faire une référence directe à Dissonances.

C'est un peu délicat d'exposer mon point de vue en respectant l'intrigue. C'est certain que l'on n'est pas obligé de vivre des émotions mais si tout est mis en place, par l'auteur, pour que le lecteur en éprouve ... Les destins du personnage principal, et même des secondaires (la musicienne par exemple), sont particulièrement chargés, disons que leur vie est parsemée d'embûches assez colossales. Des nids à émotions fortes.

Venise a dit...

@ Karine : J'ai une idée très simple, je te garde le roman, aussi que l'on se voit, je te l'apporte ! Marché conclu :-)

En plus, n'oublie pas que ce roman fait grand cas de la musique. D'ailleurs l'auteure tenait à choisir son titre avec cette allusion à la musique.

ClaudeL a dit...

Bon y a des chouchous!!! Karine a droit au roman??!!
N'empêche, Venise, que faites-vous avec tous les livres que vous avez-recevez? Vous devriez ouvrir une bibliothèque virtuelle: échange et vente de livres, une fois lus, on pourrait le revendre...
Tant à lire. La bibliothèque de mon village ne va pas assez vite!

Venise a dit...

Claudel : Oui, qu'est-ce que je fais avec tous ces livres :

La plus grosse partie va dans ma bibliothèque, la plus jumbo de chez Ikea avec ses tablettes doubles, je peux en mettre 2 rangées à chaque carreau (je la photographierai un jour). J'ai vu grand, elle est dans un hall que les architectes du plan de cette maison ont prévu large (je me disais, c'est une perte d'espace un hall aussi large ... que non !).

Une partie offerte à la Bibliothèque des Correspondances qui est en fait une demi-pièce consacré aux livres.

Une partie à la revente dans une librairie de seconde main à Sherbrooke.

À rajouter que certaines amies (un seul au masculin) m'en empruntent.

Voilà, vous savez tout !
Et vous pouvez devenir mon chouchou n'importe quand, j'ai de la place dans ma vie pour plusieurs chouchous ... la circonstance fait le chouchou :-)

réjean a dit...

Moi aussi, je veux être votre chouchou !

Venise a dit...

@ Mais voyons, Réjean, vous ne pouvez pas devenir mon chouchou ... puisque vous l'êtes déjà !
:-)

réjean a dit...

Ah, comment ai-je pu en douter ?