1. Vous quittiez Magog pour la Chine le 27 février *, combien de temps y serez-vous et serait-ce indiscret de vous demander ce qui vous y amène régulièrement ?
Je suis restée en Chine deux mois cette année, de la fin février à la fin mars. C’est l’amour de la Chine du Sud qui m’y emmène et des contrats de formation de professeurs chinois qui enseignent l’anglais dans diverses universités qui financent cet amour!
2. La Chine est d’une telle importance dans votre roman HKPQ, alors, parlons-en !
a) En quelle année et qu’est-ce qui vous a amené en Chine la première fois ?
J’y suis allée fin 2004 la première fois. J’y allais pour un contrat d’enseignement de trois mois et j’y suis restée trois ans! Il faut dire que je rêve de la Chine depuis que j’ai cinq ans. Depuis mon premier egg roll dans le Chinatown de Montréal!!
b) Quelles ont été vos premières visions, sensations, émotions ?
Le choc! La Chine ne ressemble en rien à Tintin et le Lotus bleu. J’ai passé deux semaines au lit dans une chambre d’hôtel. J’ai fini par me saisir et comprendre qu’il fallait que je travaille pour gagner assez de sous pour mon billet de retour. Et sans m’en apercevoir, j’ai été séduite. Je ne suis pas une fille de coups de foudre.
c) Le regard se transforme au fil du temps, quels sont les principales différences entre votre Chine d’alors et celle qui vit dans votre regard maintenant ?
L’affection. J’aime la Chine avec ce qu’elle a de merveilleux et de difficile. Je l’aime comme j’aime une amie et comme j’essaie de m’aimer, avec ses qualités et ses défauts. Je n’attends rien d’elle. Nous n’avons plus de preuves à nous faire.
d) On dit "voir Venise et mourir". Qu’est-ce que vous diriez pour nous convaincre de voir Hong Kong et mourir ?
Elle disparaît. Hong Kong se ‘chinoise’ à une vitesse folle. Ce mariage extraordinaire d’Est et d’Ouest, de Britannique et de Cantonais est déjà déséquilibré. Le gouvernement chinois veut effacer les traces de colonialisme depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine et tous les moyens sont permis. La ville que j’ai vue pour la première fois en 2004 et celle que j’ai revue ce printemps n’est pas la même. Il faut y aller le plus rapidement possible pour être témoin de sa splendeur. Un journaliste chinois me demandait dernièrement si j’étais allée voir Beijing depuis la construction des nouvelles installations olympiques. Je lui ai répondu qu’elles y seraient longtemps, alors que je m’étais empressée d’y aller avant la démolition massive de quartiers historiques afin d’en être témoin, de leur rendre hommage et de les garder en moi. Mais je sais que mon attitude est très occidentale.
e) Est-ce que vous lisez dans une autre langue que le français ? Que lisez-vous pendant votre séjour en Chine ?
Je lis en français et en anglais. Beaucoup! Par contre, quand je suis en Chine il me semble que j’ai toujours le nez dans un dictionnaire mandarin ou cantonais selon les besoins et que je deviens hypnotisée par les caractères d’écriture qui m’entourent. J’essaie d’en faire du sens et je fais rire mes amis chinois.
Pendant ce séjour un collègue français m’a prêté L’art du maquillage, de Sergio Kokis. J’ai été obnubilée! Je ne connaissais pas cet auteur.
f) Pensez-vous qu’il y a des chances que vous soyez un jour traduite en mandarin ? Imaginons un instant que vous l’êtes, que diraient les Chinois de HKPQ ?
Je crois que les chances sont bonnes. Voyez comme je suis chinoise! Je crois qu’ils seraient heureux de voir qu’un écrivain occidental s’intéresse à eux avec un œil contemporain. Je crois qu’ils en ont parfois marre que les Occidentaux ne s’intéressent qu’aux pieds bandés de leurs grands-mères et des cent coups de leurs empereurs. Ils trouveraient aussi que je n’ai pas tout compris. :-)
3. Quelle est la (ou les) remarque qui vous a le plus étonné de la part des lecteurs de HKPQ ?
Plusieurs lecteurs ne veulent pas croire que Poissonne n’existe pas et que le Milk Sperm Fish est une pure invention. Quand je reviens à la charge… en douceur… ils sont tristes. C’est comme s’ils avaient perdu une amie.
Aussi, certains lecteurs m’ont dit avoir de la rancœur par rapport aux gestes de Ju Lin et de ne pas être capable de décider s’il a eu tort ou raison d’agir comme il l’a fait.
4. Y a-t-il des idées, une tournure de pensée, un angle que vous n’aviez pas vus à l’écriture et que certains lecteurs ont amenés à votre attention ?
Plusieurs. Plusieurs. Un livre contient autant d’histoires qu’il y a de lecteurs. C’est tellement magnifique de pouvoir rencontrer les lecteurs et de pouvoir les partager. C’est un cadeau pour moi.
5. De quelle manière avez-vous accumulé votre information pour nous entretenir de Poissonne avec autant de familiarité et d’amour ?
Ça fait plusieurs années que j’observe la relation des gens en Chine avec leurs poissons et leurs oiseaux. Ce sont des relations tendres, alors que les Chinois ne sont pas portés sur l’expression de la tendresse. Je la portais en moi depuis des années. Je l’aimais tellement aussi. Mais pour la sortir de moi, la matérialiser, j’ai regardé des photos de fœtus humains dans des manuels de médecine. Je l’imaginais aussi précieuse qu’un fœtus et avec les mêmes couleurs sidérantes. Ça a été bouleversant de me voir confirmer que tous les organismes vivants se ressemblent. Je me disais la même chose en regardant ma rhubarbe sortir de terre ce matin. Ses pousses nouvelles ont des couleurs humaines.
6. Ne parlons pas du premier jet d’une histoire, mais à l’étape du remaniement, comment procédez-vous ?
Je remanie à quelques reprises, car je travaille avec une idée claire du parcours de l’histoire, néanmoins sans plan. Ce qui est le plus important pour moi c’est de faire des lectures intégrales de ce que j’ai écrit pour avoir une vue d’ensemble sur l’histoire. Les remaniements servent à rendre le tout cohérent. Et je sens continuellement le besoin de travailler et retravailler et travailler encore les mots pour que les idées soient limpides. Je connais bien la Chine et je vois l’histoire comme une bande dessinée dans ma tête, alors il faut que je me demande : est-ce que le lecteur comprendra? Est-ce que je lui donne suffisamment de détails pour qu’il soit situé, etc.
7. Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on dise de vous en tant qu’écrivain quand vous serez disparu de la Terre ? En tant qu’être humain ?
Ça fait 48 h que j’y pense et rien ne me vient. Je crois que ce que les gens pensent de moi m’est égal. Il faut que je sois capable de rencontrer mon regard dans le miroir.
8. Quels sont les points communs entre les Chinois et les Québécois ?
Ce que nous avons en commun avec tous les autres : nous voulons être heureux et ne comprenons rien à notre existence!
9. Suivez-vous l’actualité du Québec quand vous êtes en Chine ? Si oui, qu’est-ce qui vous a le plus frappé dernièrement ?
On n’a pas accès aux médias dans une langue autre que le mandarin ou le cantonais en Chine. Il y a quelques journaux de piètre qualité qui remâchent ce que le gouvernement veut bien qu’on lise. Aussi, je ne suis pas très portée sur l’Internet, donc non, quand je suis en Chine c’est une brisure avec le Québec. À part que ce que famille et amis rapportent au téléphone.
10. De quoi vous ennuyez-vous le plus durant votre absence ?
Du ciel bleu. Un smog gris couvre le ciel presque tous les jours en Chine du Sud. Et le fromage :-).
11. Qui a eu l’idée du titre HKPQ ? Quels arguments cette personne a-t-elle utilisé pour le vendre ?
C’est moi. Mélanie Vincelette, mon éditrice chez Marchand de feuilles a tout de suite aimé. Encore, j’ai eu de la chance!
12. Quel est le livre dont vous avez le plus souvent conseillé la lecture à votre entourage ?
Paris de ma fenêtre, de Colette. Un bijou. Colette était amoureuse de la vie.
13. Une cliente dans une librairie demande à la vendeuse pourquoi elle achèterait HKPQ, soufflez-lui une réponse.
Encore une question à laquelle je ne trouve pas de réponse. Je pense que c’est le destin qui nous fait mettre la main sur un livre que l’on aimera. Et il y a tant de bons livres…
14. Parlez-nous de votre troisième roman : encore dans les limbes, en voie de conception, déjà un fœtus ? Québec ou Chine ? Ni un, ni l’autre ?
Je suis de retour au travail d’écriture avec beaucoup de joie. Je retrouve mon équilibre! Je baragouine les premiers mots…ça me prendra un peu de temps avant de trouver la confiance d’en parler. Mes débuts de relation avec une histoire sont toujours difficiles, même si le travail des mots est indispensable à mon bien-être.
Michèle Plomer est auteure de HKPQ, une histoire que j'ai beaucoup aimée. Mon compte-rendu de lecture et la critique du Voir.
* l'entrevue a voyagé dans le temps une couple de mois !
2 commentaires:
Fascinant. J'ai aussi lu votre compte-rendu et la critique du Voir. Et j'ajoute HKPQ à l'instant sur ma liste de lecture!
Da Laloup : Je tomberai à la renverse que tu n'aimes pas ! C'est un peu audacieux ce que je dis là mais sans audace, la vie ne serait pas un peu insipide ?
:-)
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