Il était temps, vous avez raison, de lire ce roman dont j’ai tellement entendu parler. Ce n’était pas l’intention qui manquait, la motivation peut-être. Un certain jour, j’en ai enfilé une dizaine de pages à la librairie et je ne me suis pas décidé. C’est la critique de Jules se livre qui m’a secouée et le reste, je l’ai laissé au hasard de la vie qui s’en est bien occupé, je l’ai reçu en cadeau à ma fête (j’avais dressé une liste de tous les auteurs québécois non encore lus).
Si on m’obligeait à un seul mot pour le décrire, ce serait « surprise » ; par le style, autant que par l’histoire, un, s’accordant tellement bien à l’autre.
Pour tout le respect réservé à la surprise du prochain lecteur, résumer l’histoire est un défi de discrétion. C’est une lecture qui va de découverte en découverte. Dès le départ, l’histoire ne nous projette pas en terrain connu, elle oblige à laisser ses points de repères, abandonner sa valise avant d’entrer chez des hôtes étranges, ça ne rassure pas vraiment. Et le séjour s’annonce inquiétant ; où caser dans sa tête que des enfants doivent s’occuper seuls de l’arrangement funéraire de leur père ? Quelle relation bizarre a cette famille ? Mais diable, quel genre de père avaient ces frères ? Mais où sont-ils ? Qui sont-ils ? Ou va-t-il chercher ce fameux cercueil ? Tout est mystérieux, nous allons de surprise en surprise, sans s’égarer. Cet univers s’étiquette mystérieux mais pas fantastique. Les émotions fortes se vivent sans émotion par les personnages, alors brrrr... dans le dos du lecteur ! Je suis une hyper sensible et pourtant, grâce à la magie du magicien auteur, je continuais mon voyage dans cet univers, abordant l’horreur la tête froide, le cœur tiède. Il faut le faire et l’écriture de Gaétan Soucy a cet effet sur moi.
J’adore les films ou les romans qui abordent l’influence du regard de l’autre posé sur soi ou sur une communauté. Le fossé creux entre le regard de l’extérieur et l’intériorité d’une personne, ses pensées intimes. C’est un des thèmes troublants de ce livre, l’apport du regard des autres dans la composition de son individualité.
Il y a une urgence dans l’écriture, une fébrilité, une répétition de certains mots qui m’agaçaient parfois, mais quand j’ai saisi qui tenait le grimoire et le stylo et dans quelles conditions, j’ai compris, accepté, tremblé.
L’histoire définie par thèmes pourrait se décliner par l’apprentissage, l’exemple, la lecture, la sauvagerie, l’hostilité, la pulsion sexuelle, le châtiment, les liens familiaux, l’étrangeté, le rêve. Est-ce un rêve, un cauchemar ? L’ambiance est onirique, mais on y croit dur comme fer. Et on ne se réveille jamais en sursaut, puisque c’est vrai !
Frisson et réflexion garanties.
Chez Passionnante littérature, Gaétan Soucy s'exprime sous et sur la couverture du roman.
La petite fille qui aimait trop les allumettes – Gaétan Soucy, Boréal compact, 180 p.
13 commentaires:
Je me souviens d'avoir bien aimé ce roman. Le style y était pour quelque chose.
Oui, Réjean, le style ! J'ai eu l'impression que ça passait par l'inspiration, que ce n'était pas un style rationnel où tu contrôles tout. J'aime bien. Quand l'auteur est dépassé par ses personnages et son histoire, il y a bien des chances que nous le soyons nous aussi.
Je me souviens de l'atmosphère, du style, mais pas des détails... mais quel univers! Il faudrait bien que je relise un autre titre de l'auteur.
Tout à fait d'accord avec Lucie ainsi qu'avec toi.
L'atmosphère de ce livre est ce qui fait toute sa puissance ainsi que la force des images créées par le style de l'auteur. C'est un de mes plus beaux moments de lecture à vie. :)
J'ai beaucoup aimé et ses autres romans sont à découvrir également.
@ Lucie : C'est justement ce que je me dis, un rendez-vous avec un autre titre. Je tiens un filon !
@ Frisette : On là là ! C'est quelque chose. Cette lecture t'a vraiment laissé une empreinte. En plus, que l'auteur qui vient très simplement s'informer sur "qui est Frisette", j'ai trouvé ça tout simplement charmant !
@ Suzanne : Si tu le dis, je te crois !
Il doit être sous une pile quelque part à prendre la poussière. A te lire, je vais y remédier de ce pas !
J'ai vraiment, vraiment le goût de le lire, celui-là. J'espérais qu'on le choisisse pour le club de lecture de septembre mais bon, je vais devoir le lire par moi-même :)
Il y a encore et toujours beaucoup trop de livres "non-lus" pour me consacrer à nouveau à un "déjà lu", sauf qu'à toutes les fois où un lecteur commente ce livre-là, j'ai le goût de m'y replonger immédiatement. Assez troublant comme lecture...
@ Karine : N'attends plus, on est jamais mieux servi que par soi-même. Vraiment, ce roman vaut la peine d'être lu. Je n'ai pas encore entendu quelqu'un y être indifférent.
Épicure : Il y a de ces livres, ou de ces films, qu'on aimerait dont ne pas encore avoir lus, seulement pour le plaisir de les découvrir. J'avoue que ce roman m'a prise par surprise, m'a traversée et bouleversée, que le lire une deuxième fois un jour, je suis loin de dire non.
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