J’ai lu Ru. Ce livre dont on parle tant. Cette fois, je ne sais pas pourquoi, je m’étais imaginé que ça ne pouvait être aussi « grandiose » que ce que les gens en disaient. Peut-être parce que je mettais l’engouement sur le dos du spectaculaire, sur l’inédit du témoignage, plus que sur le récit talentueux par son fond et par sa forme. Surtout que les quelques personnes avec qui j’ai échangé le qualifiaient d’un « suberbe ! » , je voyais briller leurs yeux, se gonfler leurs thorax pour finalement qu’en sorte un autre « superbe ! ».
Ils étaient sans mot pour le dire, je le comprends maintenant. Comment rendre ce que j’ai vécu et ressenti par cette lecture ? Ce coup de cœur ne m’a pas transportée, mais transpercée.
Ce récit de l’auteure, une réfugiée arrivée par ce qu’on appelait les « boat people » n’est pas présenté d’une manière spectaculaire, pas du tout. J’en ai conclu que cette histoire de vie est trop bien assimilée, trop connectée à l'intériorité pour « tomber » dans le sensationnalisme. Une histoire jonglée, mûrie, réfléchie. Du temps s’est écoulé avant de l’écrire. L’ingrédient « temps » fait lever les anecdotes en douceur, en légèreté. On dit que le temps fait son œuvre, eh bien, avec Ru, il en a fait une œuvre de grande qualité.
Je me demande encore comment il est possible de décrire certaines horreurs sur un ton réaliste, presque détaché ? Je dis « détaché » mais je ne suis pas certaine que ce soit le mot juste. Je peux dire que ce n’est pas un ton sublimé, ni idéalisé, plutôt enjoué qui mène à des anecdotes portés par une grâce surprenante. Je vois en Kim Thùy une vraie conteuse. Elle a le don. Elle sait où exagérer, où tirer pour que le fil du tragique s’allonge jusqu’aux sourires. Elle sait aussi admirablement bien boucler ses anecdotes.
On dit souvent que la beauté physique est un cadeau, qu’une personne ne fait rien pour être belle, à ce compte-là, peut-on dire qu’un auteur ne fait rien pour être profond, que c’est un cadeau ? J’ai trouvé Kim Thùy d’une profondeur rare, ou en tout cas avec une manière de voir la vie qui me plait beaucoup.
Il y a de la matière à réfléchir dans ce livre. Sur la reconnaissance, la débrouillardise, l’endurance, les liens familiaux, la solidarité, les différences, le silence, l’éducation de parents aux enfants, l’exil bien sûr, les mœurs des vietnamiens. La seule matière qui se réfléchit moins bien est la méchanceté issue de l’abus de pouvoir. On aurait beau y réfléchir jusqu’aux maux de tête, c’est à n’y rien comprendre.
La forme est intéressante sous ses aspects ; l’organisation du récit et le style. Le récit découpé par ce qu’on pourrait quasiment appeler des chroniques non chronologiques, plutôt tissés par des liens intelligents, plus que la simple avancée du temps.
Et le style ? Le style ?! Vous vous demandez, comment j’ai trouvé le style ? ... Superbe ! Vraiment, vraiment ... euh .... Superbe !
P.R (Petite Remarque) : L'objet livre est élégant, d'un esthétisme ciblant le sujet. La couverture de bonne qualité, avec une texture particulièrement agréable à toucher, un format facile à tenir. Tous ces points donnent le goût de le conserver dans sa bibliothèque pour un jour le relire.
15 commentaires:
Donc, je lis, il faut acheter ce livre.
Je savais qu'il vous plaisait, juste à la vitesse de lecture.
Tu m'achève, je vais le lire aussi!
Oups! Pas fort achèves avec un "s"!
Je suis toujours en attente de ce livre qui devait servir d'échange avec le prix Médicis de Laferrière. reçu à mon anniversaire. Pourquoi je sens que je vais préférer Ru?
Faut que je parvienne à le lire avant de rencontrer l'auteure aux Correspondances.
Comment résister à un tel commentaire? J'avais hâte de lire ce roman. Maintenant je suis devenue impatiente de le découvrir.
Ah, j'ai beaucoup aimé. J'ai lu le livre un peu avant la "vague", après une très belle critique dans Le Devoir. Mais il a tant fait parler de lui que je n'ai pas osé en rajouter. Je suis très contente de lire ton billet. C'est un très beau livre, certaines réflexions m'ont fait monter les larmes aux yeux, l'émotion m'est restée dans la gorge, comme celle où il est question de l'héritage reçu de ses parents: "des pieds pour marcher jusqu'à nos rêves"...
Vos commentaires me font un immense plaisir ; mon message a passé ! Plus de personnes le liront, mieux il en sera.
Ginette, vous êtes très attentive, bravo pour le point de la lecture rapide !
Julie GravelR : C'est certain que je vais le relire un jour. Pour m'arrêter un peu plus à certaines de ces phrases justement.
Viens-tu aux Correspondances finalement ?
Suggestion au sujet des Correspondances: quelques jours avant, tu pourrais peut-être publier la liste des blogeuses et blogueurs qui y seront et on pourrait se donner un point de ralliement, essayer de se rencontrer quand toi tu auras une petite demi-heure livre.
Qu'en penses-tu et qu'en penses les autres. Moi j'aimerais bien rencontrer Julie Gravel de Québec, entre autres.
Oui, Claudel, pourquoi pas ?!
Je publierai les noms ... avec leur consentement !
Une idée rassembleuse.
Je viens de le recevoir dans le swap SLAT et j'ai tellement hâte de le lire ... puis de rencontrer Kim Thuy en août ... ahhh tellement hâte !
J'ai vu ça, Kikine, que tu l'avais reçu. J'en étais toute heureuse pour toi. Un livre que tu vas avoir le goût de conserver précieusement... encore plus s'il est dédicacé ! (j'ai une tablette spéciale pour mes romans dédicacés)
Drôle d'aventure pour moi avec ce livre que j'ai trouvé... superbe ! Mais, par la suite, j'ai eu l'occasion d'assister à une rencontre avec Kim Thuy dans une bibliothèque et j'ai trouvé la personne beaucoup moins sincère que son livre et loin d'être superbe. Déception. Ce n'est pas banal, mais cela arrive. Depuis, je me méfie un peu des rencontre avec des auteurs...
Marion : Vous me voyez là très étonnée. J'ai assisté à quelques causeries entourant Kim Thùy où elle prenait la parole avec vivacité et un esprit fin. Assez même qu'aussitôt qu'une occasion se présente de l'entendre, je la saisis. J'oserai croire qu'elle n'était pas en forme la journée où vous l'avez rencontrée.
À quoi avez-vous repéré son manque de sincérité ?
Bonsoir Venise,
En fait, plusieurs questions avaient été posées par des personnes dans l'assistance et Kim Thuy n'y avait pas véritablement répondu. Elle suivait son propre cheminement et j'avais plus la sensation d'assister à un «show » qu'à un réel échange.
Mais, vous avez raison, il s'agissait peut-être d'un mauvais jour. Nous en avons tous, les auteurs également bien sûr.
Je profite de l'occasion pour vous souhaiter un très joyeux noël.
Au plaisir,
Marion
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