Ce Café littéraire “La Filiation” avec Monique LaRue, Jean-François Beauchemin et Jean Barbe m’a laissé une forte impression et cela, toujours sans papier et sans crayon.
Danièle Bombardier avait à cœur que Monique LaRue fouille les liens de filiation de ses personnages, le père, la sœur, les deux frères si différents qu’ils se détestent, l’œil de l’immigrant juif. Et l’auteure d’expliquer chaque détail, avec plus de mots que pas assez. Ce qui me laisse conclure que rien n’est laissé au hasard dans L’œil de Marquise, chaque choix est pensé, évalué, analysé même. Son auteure a la parole facile, réfléchit beaucoup et sait quoi répondre quand on lui demande pourquoi un livre politique amenant le passé du Québec au présent. La question politique revenant souvent sur le tapis, elle finit par préciser que c’était plus un roman social que politique. Je ne me souviens pas des arguments qu’elle a apportés mais dame Bombardier a cessé de l’affubler du qualificatif « politique ». Monique LaRue a quand même déclaré trouver nécessaire d’écrire un roman « je me souviens ». Je retiens les compliments de Jean-François Beauchemin sur son style, duquel il a dit qu'il faisait penser à celui de Gabrielle Roy ... Pas à moi, pas du tout ! Mais enfin, à chacun ses opinions. Je retiens de cela la belle générosité de celui qui ne se sent pas en compétition avec l'autre.
Jean-François Beauchemin s’est fait discret ou bien mon impression vient du contraste avec les deux personnalités qui l’entouraient ? Deux personnalités, plus un chien. Je l’ai peu entendu, mais vu beaucoup. Il habite chaque instant de sa vie, comme il habite chaque virgule de ses textes. Je me souviens de peu de questions, à part celles sur le deuil de sa mère, le thème du dernier opus de la trilogie « Aujourd’hui, s’envole ma jeunesse » et celles tournant autour de la motivation à écrire de l’autobiographique. Le qualificatif « pudique » a été rajouté à deux reprises par l’auteur, qui y tient, et je le comprends, cette écriture intime qui réfléchit ses ressources intérieures n’a rien à offrir aux férus de sensationnel.
Un extrait a été lu, un très beau passage sur un chien dans un cimetière où se dégage une paix qui apaise le vague de l’âme. L’extrait tombait dans mes oreilles et je regardais le chien de Jean Barbe s’approprier de sa liberté en courant sur la pelouse.
Jean Barbe était en forme. À chaque fois qu’il a pris la parole, ses mots résonnaient forts. Il a parlé de son père, a fait des confidences sur son émotion face à l’absence du père qu’il a senti dès l’âge de cinq ans. Père remplacé par rien de moins que les livres où il a puisé du paternel. Les livres, des compagnons, ces êtres chers qui ont remplis les creux de sa vie. Il a bien sûr parlé du « Travail de l’huître » ; comment naît un personnage invisible qui donne ce roman philosophique fouillant une notion poussée dans ses extrémités ; comment vivre si on ne reçoit rien de l’extérieur ? Ce personnage invisible, en chair de vie, en fait l’expérience pour nous. Arrive-t-on à donner, quand on ne reçoit pas ? Il a parlé d’un livre instinctif où les choix n’ont pas été filtrés par le rationnel mais tout de même solidement ancrés par les fils de la technique, par exemple « faire saigner celui qui l’approche » est une astuce pour le garder coupé du monde.
Chez Jean Barbe, il y avait ces propos posés, concentrés, et il y avait son chien fier et fou, dérangé d’être confiné à s’affaler sur l’estrade, sous un toit de terrasse quand l’herbe attendait ses gambades.
Pour conclure, je n’oublierais pas de si tôt la question d’une participante du Club de lecture d’Eastman à Jean-François Beauchemin. Cette dame lui demanda sur un ton à la fois tendre et indigné « Comment se fait-il que je ne vous reconnais pas dans votre roman « Le jour des corneilles » ? Je vis alors Jean-François se pencher vers la dame, s'allumer, et lui expliquer. Beau moment.
13 commentaires:
ça donne envie de n'en rater aucun, de ces cafés ! J'adorerais cette ambiance !!!
Je crois que ce fut le café où le contraste entre les trois auteurs a été le plus fort. En plus du chien de Jean Barbe qui attirait mon regard donc dérangeait mon oreille.
C'est avec ce café que j'ai compris pourquoi j'étais allé aux Correspondances, ce que j'étais venue y chercher.
Vraiment les photos cette année!
Un seul mot: professionnelles.
Je te voyais les prendre et j'avais hâte de voir le résultat.
Vive le zoom. Tu as le zoom des mots aussi.
Les Correspondances pourraient monter un grand babillard avec toutes les photos, je suis certaine que les tiennes y seraient à l'honneur.
Très beau billet mais tu ne peux pas me laisser sur cette fin! :D
Please, please, please, résume-moi la réponse de Jean-François Beauchemin.
"il habite chaque instant de sa vie" bien dit ! J'avais adoré le premier livre de Beauchemin, notamment l'éloge qu'il faisait à son chien.
Je n'ai pas lu ses autres livres, tu me donnes envie...
en fait c'est "La Fabrication de l'aube" que j'ai lu. Ça m'a rentré dedans.
C'était avant que j'aie Internet à la maison. Je ne lis presque plus de livres maintenant.
(une autre tranche de vie à la Rainette).
C'est sûr, Anne, que tu adorerais. J'aimerais t'y voir. En fait, je t'y vois. Dans l'imaginaire :-) ... pour le moment.
CLadeL : D'après ce que tu en dis, tu aimes les contrastes entre les auteurs puisque c'est à ce moment que tu as compris pourquoi tu étais aux Correspondances. Ceci dit, ça me fait bougrement plaisir, imagine que tu n'aies pas aimé, je me serai senti un peu mal. Un tout petit peu mal.
J'ai tout adoré des Correspondances, même les petites minimes déceptions.
Si j'ai laissé croire un seul instant le contraire, veuille m'en excusez, chère correspondante d'Eastman.
ClaudeL : "Tu as le zoom sur les mots aussi". Tu me prends par les sentiments là ! Tu veux me charmer :-) ?
J'ai mis toutes mes photos à la disposition de la directrice. Justement, j'aimerais qu'elles servent, selon le besoin. Merci des compliments, je m'en fais un bouquet !
Karuna : Ô secours ! J'ai couru après hein ? J'avais tellement peur qu'une personne me pose la question !
C'est que je m'en souviens vaguement, l'ambiance a pris le dessus sur les mots, surtout que j'ai pris des photos, et de la dame, et de J.F.B (c'est d'ailleurs la photo ci-dessus). Quels mots a-t-il employé pour rassurer la dame, essayant de la convaincre que même si l'histoire lui apparaissait dure, il était le même auteur ... ah, m'en souviens plus, Karuna. Seul l'auteur le sait ! Je me suis même dit, il faut que je lise cette histoire, peut-être que ça me reviendrait.
Je te promets, Karuna, que si ça me revient ou si un samaritain(e) vient me le chuchoter à l'oreille ou dans mon courriel, je t'en fais part. Je suis pardonné ?
Eh bien j'espère, Rainette, que je te donne envie ! Aujourd'hui s'envole ma jeunesse parle beaucoup de son chien et est un baume sur la turbulence humaine. C'est à peu près le seul auteur qui me fait entendre du silence, sans m'ennuyer.
J'aime tes visites Rainette, gênes-toi pas de revenir, même pas obligée d'essuyer tes pattes palmées !
Merci Venise, "fait entendre du silence, sans m'ennuyer" c'est exactement ce que ça me fait, bien dit.
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