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vendredi 1 octobre 2010

J'ai eu peur d'un quartier autrefois - Patrick Drolet

J’étais intriguée. Un comédien qui me fascine dont on dit que la facture du roman est spéciale. Et très spéciale, selon les dires d’une Christiane Charrette. Quelque chose dans l’intonation de CC est venu me chercher ; spécial comment ? Pour être tout à fait franche, ne pas avoir lu ces mots de Tristan Malavoy-Racine : « Ouvrir ce très réussi petit livre, c'est accepter de passer une heure ou deux en compagnie d'un être qui nous ressemble, au fond, la carapace en moins » ; aurais-je accepter d’entrer dans le monde de ce comédien qui incarne assez souvent d’étranges personnages ? Comme j’atteins rapidement (trop ?) mon quota d’étrangeté, le « qui nous ressemble » de Tristan M.-R. m’a rassuré assez pour m’y aventurer.

Et quelle aventure ! Je suis entrée dans l’étrangeté par une voix qui arrive à mettre des mots sur l’anxiété, la peur, l’angoisse d’un personnage. L’angoisse est une émotion si intime qu’elle est difficile à décrire. Et il y arrive haut la main. Chaque angoisse laisse une empreinte unique sur la peau fébrile d’un esprit. C’est le roman le plus anti-cliché sur la peur que j’ai lu jusqu’à date !

Matériellement parlant, qu’est-ce qui est rassurant dans la vie ? Sa niche, sa maison, son quartier. Le narrateur voit les menaces rôder, voit la mort errer, voit les esprits malins vagabonder autour de la maison voisine de la sienne. Qu’est-ce qui a brisé son équilibre : son voisin est décédé à l’intérieur de cette maison. Depuis ce moment, il nourrit la peur et la peur se nourrit de lui, il vit dans la terreur sans la fuir. Il reste, observe, scrute, puis compile ses observations dont il nous fait part avec une minutie du détail qui nous revoie à un imaginaire inquiétant. On perd donc pied, nous aussi, spectateurs de son monde.

Ce traqueur des ombres de la mort se sonde. Cette introspection le pousse impulsivement à sortir de son quartier, quitter une certaine sécurité, à la quête d’une réappropriation de son enfance. Il cherche à renouer avec un frère qui lui a enseigné et avec qui il a eu un échange épistolaire déterminant.

J’ai tenté pour vous de rendre un peu le fond de cette histoire qui est finalement rien sans sa forme. La forme prime, la *texture* se densifie et certains phrasées m’ont ramenés à la même émotion que j’éprouve devant un texte poétique. Une poésie d’action rebelle et dynamique.

J’ai été dépassée par le fond et impressionnée par cette forme :

La moustiquaire servait de rideau de fer contre les vents hurlants et leurs ombres. Je devais attendre, m’étais-je dit. Après plus d’une quarantaine d’heures, le sang, la neige, le sperme du désespoir et le corps du voisin dormaient devant chez moi.
[...]

Après avoir été témoin du sacrifice, j’avais passé quelques heures sous la douche. J’avais voulu tremper la vision arrêtée de la dernière respiration de mon voisin. Rien ne disparaissait sur ma peau. J’avais emmagasiné le long-métrage, dans l’éternité de mon corps.

J'ai eu peur d'un quartier autrefois, Patrick Drolet, Hurtubise, Collection *Texture*, 94 p.

15 commentaires:

Anonyme a dit...

Just found this forum via google. Joyful to connect you. I came here to learn your lingo . thanks all.

ClaudeL a dit...

Ce que tu en dis nous donne une meilleure idée que les quelques mots glissés par Tristan Malavoy.

Suffisamment en tout cas pour décider si on lira ou non.

Karine:) a dit...

Tiens, tu dis bizarre mais bien et moi, je note tout de suite! Je pense que ça peut me plaire!!

Venise a dit...

En effet, Claudel, Tristan Malavoy pratique l'art de la concision :-)

Venise a dit...

Karine : Bizarre, étrange, déroutant ... si tu as une envie de ce vent-là qui aère les mécanismes bien huilées, c'est pour toi.

Il faut aimer déguster la forme aussi, parce que la trame de fond du roman est extrêmement mince.

Suzanne a dit...

Hum je prends en note mais je ne sais encore si je lirai. Je verrai.

Venise a dit...

Suzanne, il faut filer pour ça, disons ! Si l'occasion se présente, à ne pas oublier que le roman ne fait même pas 100 pages.

PG Luneau a dit...

Plus j'avançais dans la lecture de ton billet, plus je me disais que cette plaquette n'était pas pour moi. Mais quand je suis arrivé au passage où tu compares ta réaction face au style si particulier de l'auteur à celles que tu as lorsque tu lis de la poésie, j'ai eu confirmation de ce que je subodorais : vade retro, roman que je détesterais!
(Ceci étant dit, je suis très heureux qu'il t'ait plu à toi, car j'aime bien monsieur Drolet le comédien!)
P.S.: Bravo pour ton nouveau lecteur anglo!! Dommage qu'il soit anonyme: j'aurais aimé lire ta réponse ;-)

Venise a dit...

Pierre-Greg, tu m'aurais dit que tu veux le lire, je te l'aurais prêté avec plaisir. Tu aurais pu prendre une chance, une très mince chance en considérant tes goûts. Mais dans ce genre-là, c'est extrêmement bien écrit. Cet homme est sûrement unique en son genre !

Venise a dit...

Ah oui, Pierre-Greg, je reçois énormément de commentaires en anglais mais ce sont presque tous des spams. Mais pas celui-ci. Lingo ? Ça veut dire langage ?

amicalsupport a dit...

«To learn your lingo», il a dit. Je suis éclairée, si j'ai envie de le lire le livre je vais savoir où je vais. Est-ce qu.il écrit vraiment si bien, cet auteur?

anne des ocreries a dit...

Ah, j'aime bien l'extrait, ça c'est un livre à dévorer (mais peut-être pas la nuit.....quoique ?) d'une traite, je le sens.

amicalsupport a dit...

C'est exact, Anne, je devrais me fier à l'extrait; mais cet extrait ne parvient pas à me démontrer que le style de l'auteur vaut le détour. On va prendre ça dans le bon sens, dire que ça me laisse le choix.

aBeiLLe a dit...

Contrairement au commentaire plus haut, l'extrait pique ma curiosité. J'aime beaucoup Patrick Drolet l'acteur, et je trouve qu'en entrevue il est très intéressant.

Venise a dit...

ABeille : Tu me vois ravie d'avoir tenu cette fois à offrir un extrait. Si c'est pour t'intriguer assez pour que tu ailles vérifier. La forme est délectable, ce Patrick Drolet est un amoureux des mots, ça parait !