“À la première femme qui parce qu’elle est la première devient la dernière femme » - Cet exergue donne un indice révélateur ; ce roman autofictif parle plus d’amour que de mort.
Sous ce titre, Gil Courtemanche, journaliste et romancier reconnu pour son franc-parler et son côté dénicheur de réalités méconnues, fait plus que s’épancher, il se confesse. Et je vous prie de me croire que je n’abuse pas du mot « confesser ».
Il recevra le congédiement de celle qui l'aime depuis huit ans, par courriel. Ça donne un choc : « La mort est plus subtile, c’est un cancer qui s’annonce, un courriel qui dit « Je te quitte ». Et quelques raisons suivent. Elle est en Afrique, moi en Europe. Je croyais que nous étions heureux et me voici mort ou presque par un simple courriel. » Cet homme, qui a reçu sa première condamnation par courriel, en recevra une autre : cancer du larynx. C’est à prendre ou à laisser ! L’option de « prendre ou laisser », il la jaugera tout au long du roman divisé par chapitres qui alternent entre la vie et la mort. Peu de différences entre les deux qui se côtoient intimement dans sa situation d’homme réalisant dans la souffrance l’ampleur de l’amour qu’il portait pour Violaine.
C’est la déclaration d’amour la plus troublante que j’ai lue jusqu’à date, puisque je n’y ai trouvé aucune culpabilité malsaine, ou ton plaintif, ou état de victime à défendre. S’entend le cri douloureux de l’éveil de l’homme réalisant combien il a raté d'occasions d’exprimer l’intensité de son amour, et pour toutes sortes de raisons sottes ... qu’il confesse sans se ménager. Je me suis bien sûr demandé si cet acte de lucidité et d’humilité n’était pas un dernier cri lancé à l’aimée. Qu’elle entende au moins la clameur vibrante de son amour qui survit, et même grandit, à son départ.
Le récit s’intensifie de cette bataille pour garder sauve sa vie, tandis que Gil Courtemanche n’y tient pas. Voici le cœur même du drame. « Car, dans ce testament, je ne veux léguer qu’une chose : cet amour absolu qu’elle n’a jamais compris. [...] Des mots, même inspirés par la mort qui rôde autour du stylo, ne seront toujours que des mots qu’elle ne lira qu’après mon décès. Peut-on léguer une douce caresse, un regard admiratif, l’ennui d’un parfum ? »
Eh bien, oui, on le peut, monsieur Courtemanche, on le peut, puisque vous l’avez fait. Cependant, votre lègue ne sera peut-être pas relevée par la personne visée, mais à d’innombrables autres. Et je l’espère, pas seulement aux femmes, aux hommes aussi. « Le besoin n’est pas la dépendance, ma chérie, c’est la reconnaissance de la force et de la richesse de l’autre. Ce n’est pas non plus un jugement négatif sur soi, un aveu de faiblesse, c’est l’acceptation du fait qu’exister seul et sans besoin d’un autre est une forme de pauvreté ou d’orgueil mal placé. »
Et sa déclaration d’amour posthume de continuer de vivre au-delà du temps :
« Avant toi, je ne savais pas que l’on pouvait mourir du souvenir d’une crème du matin au parfum d’amande. Je ne savais pas que le bruit des pas qui reviennent à la maison pouvait enchanter plus que toutes les récompenses et les prix du monde ».
Et c’est un homme qui en a reçus qui l’affirme.
19 commentaires:
Ah, un livre à lire, je vois....en s'attendant à se prendre un direct au foie, en plus.
Alléchant......!
Moi,à part ses chroniques dans Le Devoir, j'ai lu Un dimanche à la piscine à Kigali.
J'ai beaucoup aimé.
J'hésitais à lire ce livre car son titre me dérangeait un peu, trop mélo à mon goût.
À vous lire, j'en ai envie.
J'ai des frétillements dans le coeur... tes billets sont toujours persuasifs, mais celui-ci est très émouvant et je pense que je devrais l'ajouter à mon défi québécois!
Anne : Il t'intriguait et t'intrigue encore celui-là ! Je te comprends donc. Quand je pense qu'un jour je te le remettrais peut-être en mains propres... hein ?
Ginette : J'ai tout de suite été voir ses chroniques au Devoir dans l'espoir de le contacter. Dans le fond, le message principal que je voulais lui transmettre est "Merci pour ce livre écrit sous le sceau de l'humilité, la lucidité et la sincérité"
Jules : Moi, si j'étais la Mère Noël, je te l'offrirai :-)
J'avais souligné le même passage que toi à la page 131.Je le répèt, mais la fin de la page 114 est le genre de page à mettre sur une carte postale ou un chandail. Courtemanche a le don d'assembler les mots pour dire les vraies choses.
Arsenul : Je viens de découvrir qu'il sera au Salon du livre de Montréal en même temps que le lancement de Marsi (Partie de pêche), je vais donc aller le voir pour le remercier de ce livre.
J'en ai la fièvre qui monte quand j'y pense, Venise ! hihi !
C'est incontestable, au moment où la mort nous prend, nous partons seul. Je trouve que cet exercice manque de pudeur et qu'il est très égocentrique. J'espère comme tu dis que ce livre pourra à tout le moins éveiller d'autres personnes à se rendre compte qu'il faut nourrir l'amour pendant qu'il est là. Mais surtout, pauvre fille qui a tout ça sur les épaules. Quand le bourreau devient une victime... une histoire qui se répète malheureusement trop souvent.
Ne t'en fais pas chère Venise, je vais me transformer en maman Noël pour moi-même, ça me changera de maman tout court!!
Comme un écho à ma lecture... Je pense qu'il continuera de nous habiter un moment, celui-là...
Ouch! Celui-là aussi je l'inscrit dans ma liste et il rejoindra ma PAL, comme tu me l' appris, elle pousse à la vitesse du vent chaque fois que je viens te lire...
Commandé chez pantoute, je n'ai pas pu attendre, tant pis si tout cela est déraisonnable, la vie et les livres le valent bien!
Si tu viens voir Anne , fait donc un crochet aussi par chez moi, le Berry ce n'est pas le Nord mais les ceours y battent avec la même intensité du moins le sien et le mien!
Merci encore pour ce magnifique billet.
Amitiés.
Hélène
Il fallait être attentif pour vous voir dans Tout sur moi. Heureusement qu'on peut retourner en arrière et figer l'image. En tout cas, vous sembliez très heureuse de l'arrivée des éboueurs. L'épisode était plutôt sympathique, à l'image de la série.
Réjean : Ne pas avoir su que j'étais là, je ne me serais même pas vue ! Comme j'ai reconnu la ruelle dès la première scène où elle arrête son vélo et croit voir des extra-terrestres, nous avons commencé à enregistrer et j'ai pu, comme vous, figer l'image !
Six heures de tournage pour ce petit bout ! Bien entendu, qu'ils ont conservé quelques flashs seulement.
En tout cas, vous êtes bon d'avoir reconnu la scène, comme ils ne nous racontent pas toute l'émission, je ne vous avais parlé que de l'attente de l'éboueur.
Émission joyeusement absurde !
helenablue : Tu peux dire que tu me titilles la curiosité là ! J'ai une grande envie d'entendre (entendre tes mots écrits !)sur ce récit. Toi qui aimes les personnes qui plongent dans leurs émotions avec lucidité, il me semble que tu vas être servi, mais comment en être certaine !
Si tu n'aimes pas, au moins, j'apprendrais à mieux connaître la lectrice que tu es :-)
Ah oui, Réjean, j'ai oublié de vous dire que Marc et moi passons une audition mercredi pour l'émission Le Cercle. Ah ces quiz, de vraies subventions aux artistes !
:-)
N'oubliez pas de nous en avertir. Et pas à la dernière minute !
Il me fait peur, celui-là. Mais je finirai par le lire car j'ai beauocup aimé les thèmes des deux livres que j'ai lus de Courtemanche. Et les thèmes n'étaient pas les plus faciles non plus.
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