Jeudi, comme plusieurs dames (un seul homme dans l’assistance !), j’ai été rencontré Louis Hamelin à la bibliothèque d’Eastman. De la grande visite, me direz-vous ! Bien vrai. La Constellation du lynx était à l’honneur, son petit-dernier qui fait l’actualité. Je dis « petit », une manière de parler, le projet est d’envergure, ce dont je suis encore plus convaincue après cette causerie.
Après la lecture de quelques extraits sélectionnés et lus par une Nicole Fontaine débordante d’admiration pour le style de l’auteur, celui-ci a tenté de nous exposer sa démarche. Si je dis « tenté » c’est qu’il y a de quoi se perdre dans le dédale d’un projet né en 2002, dont le travail de recherche, d’enquête et de tâtonnement étalé sur huit années a débouché sur une œuvre fictive. La question n’est plus de savoir si le projet lui tenait à cœur mais plutôt pourquoi. Et pourquoi avoir choisi une œuvre fictive pour un arrière-fond historique si bien étayé.
Comme il est très généreux, il a commencé à la genèse du projet et a tenté (j’y tiens au « tenté » !) de nous édifier sur chacune des étapes, en s’égarant parfois dans de longues et passionnantes parenthèses. De là, le faufilage certain d’un discours historique, intéressant en soi j’en conviens, mais qui n’a pas sustenté ma faim d’entendre parler du pendant littéraire de l’aventure. Ça ne signifie pas qu’il n’a pas su défendre sa fibre de romancier qui rendait incontournable l’option de donner des noms fictifs à ces personnes qui ont écrit notre Québec en ces jours de crise. Pour jouir d’une pleine liberté bien sûr. Pour naviguer sans entraves sur une extrapolation se rapprochant de la réalité plus que certains palabres d’où le plausible grince sur les roues arrière. Qu’il y ait eu magouille, et pas à peu près, la conclusion est définitive aux yeux du détective acharné qu’il a été. Je pense que Louis Hamelin, pour sa conviction profonde que les Québécois se sont fait passer un sapin centenaire, tenait à aller au fond de cette affaire. Son talent de romancier a fait le reste. Autrement dit, expédions cette brique à Tokyo, et elle va être lue comme un roman à part entière. Notre Histoire est un roman et le roman est une histoire !
J’ai supposé que Louis Hamelin s’est tant fait asticoter par les journalistes autour de cette question, le faut du vrai, qu’il en a développé le réflexe de faire la part du réel et de l’imaginaire, comme s’il le fallait absolument. Faut dire que tout le long de son projet, il a eu à jongler entre réalité et fiction, puisqu’il a commencé à écrire des chapitres sans même connaître le déroulement, celui-ci dépendant du fruit de son enquête pointilleuse. Il nous a d’ailleurs révélé avoir adoré éplucher les minutes des archives pour le menu détail servi sur plateau d’or. Attention, on retrouve 42 personnages principaux, ce n’est pas rien ! Certains disent avoir pris des notes pour s’y retrouver, tenant à identifier la personne dans la « vraie » vie. Pour ma part, je compte l’aborder comme un roman, mettant de côté un moment ce pan de notre histoire. C’est mon désir, vais-je y arriver ? Ce que l’on veut et ce que l'on fait, c’est souvent deux histoires bien différentes !
Chose certaine, je suis repartie avec une envie encore plus forte de le lire. Je n’ai malheureusement pas pu lui demander une dédicace, j’en avais déjà une ! Par contre, j’ai été le voir pour lui poser une question à laquelle je tenais : Quelle était son attitude avant la sortie, ressentait-il plus de trac qu’à une de ses œuvres antérieures ? J’ai eu le plaisir de l’entendre répondre qu’il croyait que le côté « politico-historique » passerait inaperçu. Ça me fait plaisir qu’il ait été déjoué de la plus belle façon. Quand tu investis huit années de ta vie, il serait raisonnable de vivre des attentes plus élevées, plus intenses, plus sournoises aussi. Une belle surprise pour l’auteur ...
J’ai fréquemment entendu dire que la maison d’édition avait bien planifié son coup de sortir ce bouquin en même temps que la commémoration des 40 ans de la Crise d’octobre. Monsieur Hamelin a été clair là-dessus, son éditeur lui recommandait plutôt de ne pas appuyer sur le côté politico-historique de la Constellation du Lynx. Une belle surprise pour l’éditeur ...
Et maintenant, à moi d’être surprise ! On s’en reparle après ma lecture.
Nota bene : Première photo, sur le mur, les laminés exposés sont les 5 lettres gagnantes du concours de la Poste Restante de la dernière édition (8e) des Correspondances d'Eastman.
15 commentaires:
Très intéressant ton billet! Ce livre figure parmi mes cadeaux de Noël non lus, tu me donnes le goût de le commencer moi aussi. Heureusement, parce que je ne peux pas dire malheureusement, lors du dernier club de Bd je suis parti avec plusieurs séries à lire, il devra attendre un peu lui et les fantômes de Rachel Leclerc qui trainent sur ma table de chevet.. Entre quelques BD un roman à toujours sa place! Et puis heu.. Bonne fête!
Tout d'abord, deux bonnes bises sur les joues à l'occasion de cette journée que j'espère formidable.
Ce livre m'interpelle, alors ! Donc, une fiction historique, si j'ai bien compris, mais assez sérieusement documentée pour qu'on y apprenne quelque chose de votre histoire, alors ?
Quoi ! Vous n'étiez quasiment que des dames ? Les hommes ne lisent-ils pas ? Ils ne prennent pas intérêt à ces rencontres avec les auteurs ?? Je suis surprise !
ça veut dire quoi, "les Québécois se sont fait passer un sapin centenaire " ?
C'est chouette, que les lettres soient encore exposées quelque part, et lues, peut-être....:)
J'ai lu ton billet deux fois, ce qui n'est pas rare. Non point parce que tu n'écris pas de façon limpide, non, non pas du tout, même si tu as ton style à toi, je comprends toujours, mais pour des raisons qui ont affaire avec ce livre et cet auteur. J'y suis tellement réfractaire, repoussée comme le contraire d'une force d'attraction, qu'il faut venir me chercher bien loin dans mes intérêts pour que j'accepte de m'approcher de ses livres.
Cette fois, dans ton billet, ce que je retiens ce n'est pas l'envie de lire un roman sur la crise d'octobre ou un roman sur Louis Hamelin, ce que je retiens (et tu es la deuxième à me le dire en deux jours), c'est que la recherche qui précède l'écriture, la "vérité" qui est sous la vraisemblance ne t'intéresse pas vraiment en tant que lectrice. Si l'auteur a choisi d'écrire un roman plutôt qu'un essai, tu veux entendre parler du roman et non des faits réels? C'est bien ça?
Si donc un jour je donne une conférence (je dis bien si!) au sujet de mon roman Les Têtes rousses, je devrai parler plus du roman que de mes ancêtres irlandais? Plus des personnages et de leurs émotions, de leurs difficultés plutôt que de la recherche du bateau, de la quarantaine, du typhus, de la famine en Irlande.
Finalement, je pense que je vais écrire un billet sur ce sujet: qu'est-ce qu'un lecteur attend d'une rencontre avec un auteur? Qu'est-ce qu'un lecteur attend d'une conférence? Qu'est-ce que tu aimes qu'un auteur te dise?
Venise,
Drôle de hasard, j'ai jasé ce weekend avec une cégepienne qui a dû lire le roman de Louis Hamelin, car il fait partie du Concours des cégepiens. Elle m'a dit que tout le temps de la lecture, elle a détesté le livre, mais qu'une fois qu'elle l'a eu terminé, elle s'est rendue compte qu'elle l'avait beaucoup aimé... Étrange mais vrai.
De mon côté, ce roman ne m'a pas accroché... j'ai été impressionnée par la somme énorme de recherches et par les talents descriptifs de Louis Hamelin, mais l'histoire est trop longue, trop confuse, trop de personnages, trop d'aller retour mêlants, trop de digressions... Dommage, car s'il y avait 200 pages de moins, je crois que le livre n'en aurait été que meilleur...
Andrée
Je suis d'sccord avec Claude. Je trouve sa question très pertinente: si un écrivain donne une conférence, est-ce que ce n'est pas d'écriture dont nous avons envie d'entendre parler ? De la place de ce dernier livre dans son évolution d'auteur,pas de la recheche historique qui a pris 6ans !
La conférence de Louis Hamelin m'a ennuyée. Je comprends mainenant pourquoi.
Venise, as-tu reconnu la jolie blonde, sur ta troisième photo, celle qui se fait dédicacer son roman?? Si je me fie à la photo que j'ai vue dans la revue Le Libraire de février-mars 2011, c'est Michèle Plomer, l'auteure de HKPQ !!! Je trouve curieux que tu n'aies pas relevé sa présence dans ton billet. Il me semble que tu as bien apprécié son roman, non?!
Bonjour Venise,
J'ai apprécié la lecture de ton billet et les questions de ClaudeL. Hâte de voir les réactions que suscite son questionnement et celui de Denise. Par contre, je dois dire que je suis un peu coupable - simplement parce que j'avais demandé à Louis de nous parler de la place qu'à pris sa recherche dans son travail de romancier; lui qui est si «littéraire» habituellement. Le l'ai toujours senti porté par le «romantisme» (au sens large, i.e. paysages, femmes, étant toujours amoureusement dépeints dans ses romans)... C'est aussi un gars qui a la «révolte créatrice» et j'admire cela au plus haut point. Son cheminement ne se résumait pas en 15 minutes... reste que l'exercice se défend bien.
Arsenul : Je ne sais pas comment tu fais, moi à force de lire de courts romans, aussitôt qu'il s'en présente un de l'ampleur de La Constellation du Lynx, j'en ai un peu peur. C'est un engagement plus consistant. Quand je dis, je ne sais pas comment tu fais, c'est que les bandes dessinées c'est en général des formats de moins de soixante pages, ça fait tout un contraste !
Anne : Je continue à me demander pourquoi les hommes sont si peu présents dans la chose littéraire. Même chose aux Correspondances d'Eastman, ils sont moins nombreux (quoique le pourcentage soit meilleur qu'à la conférence LH) et parfois j'ai même l'impression qu'ils accompagnent leur femme. Heureusement, il arrive qu'ils se fassent prendre au jeu.
Est-ce que de votre côté, les hommes sont aussi présents que les femmes dans la littérature romanesque ?
Anne, c'est un pan de notre histoire. Une crise cependant et toute crise est assez déterminante dans l'Histoire. Par contre, la crise ciblée est d'une couple d'années. Je ne pense pas que ça couvre beaucoup plus d'années - dans le détail je veux dire.
Oui, j'étais si fière de regarder les panneaux de ces lettres que toute personne peut lire. C'est inspirant dans une bibliothèque.
Moi aussi ClaudeL j'ai lu ton commentaire deux fois ! On est quittes. Ton commentaire pousse ma réflexion et me stimule à préciser ma pensée publiquement.
Je réalise que ce n'est pas si coupé au couteau que ça, j'aime aussi quand un auteur me parle de la réalité de laquelle il est partie pour développer sa fiction. C'est intéressant ou en tout cas, ça peut être intéressant.
Je ne me suis d'ailleurs pas ennuyée à cette conférence, même si la démarche était laborieuse. Il y avait une enquête en bonne et due forme sous la démarche, et Louis Hamelin tentait de rendre sa réalité comme un juriste, sans rien oublier. Ça l'a rendu, à mon avis, moins ouvert à l'environnement, à saisir certains moments, à capter son assistance. Voilà. C'est surtout ce qui est arrivé à mes yeux.
Si un jour tu as une conférence à rendre, mon seul conseil serait de rester ouverte, rester connectée comme dans une conversation, l'autre étant tout simplement une assistance.
Andrée : Tu exprimes justement ce qui me fait peur, plusieurs m'ont parlé du foisonnement des allers et retours, du côté un peu mêlant. Serais-je une lectrice paresseuse, j'appréhende l'effort ! Mais l'étudiante de qui tu fais allusion résume tout ; l'effort faut la peine, mais effort il y a.
De ton côté, avec le retrait de 200 pages, tu exprimes passablement la même chose.
Denise : Tu es claire que cette conférence n'a pas répondu à tes attentes. J'aime les personnes claires :-), aucun effort pour les comprendre !
Ma supposition est que tu n'as pas été la seule. J'ai senti l'intérêt se disperser un peu à la longue, par des signes de nervosité, et un désir franc d'aller vers lui, ne serait-ce que par des questions qui lui faisaient justement perdre le fil. Il semblait suivre un fil conducteur. L'exercice n'était pas évident, rendre compte de tant d'années de recherches. Il l'a bien fait, même si ce n'était peut-être pas l'attente de l'assistance.
Line : Ton avis ajoute un éclairage que je n'avais pas, et que personne n'avait en fait. Il a bien répondu à ce qu'on lui a demandé. Peut-être trop bien répondu, qui sait. Il avait à coeur de bien exposer, expliquer. Le temps était restreint pour résumer une enquête de cette ampleur, c'est un retour dans le passé, il a commencé par nous parler du début en 2002 ! La racine était profonde à déterrer.
Je me dis qu'il y a tant à dire sur son oeuvre, sur l'écrivain qu'il est, qu'il s'agit tout simplement de l'inviter à nouveau ! Il est un sujet inépuisable à mon avis.
Eh bien, Venise, je ne sais pas te répondre, parce que je ne sors jamais. Je ne vais jamais nulle part, parce que je n'ai pas le permis de conduire, que Monsieur l'Homme travaille souvent tard,et qu'il n'y a pas moyen d'aller où que ce soit le soir sans ton propre véhicule ; et dans la journée, les bus sont quasi inexistants, et sont à presque 1 h à pied de chez moi. Et il n'y a pas beaucoup ce genre de conférences ici....Quand il y en a, c'est souvent loin, c'est le soir, et j'avoue que je n'en suis pas même informée !
Pierre-Greg ! J'ai sauté ton nom, mon ami, je m'en excuse infiniment !
Certainement que j'ai reconnu la belle blonde puisque j'étais assise à ses côtés ! Je l'ai même présentée à Louis Hamelin qui ne la connaissait pas. Deux écrivains en face à face, je trouvais cela insupportable qu'il ne sache pas qui elle est. Si je n'ai pas mentionné son nom, c'est par discrétion, me disant que peut-être voulait-elle rester incognito. Mais pas d'incognito avec ton ....oeil de LYNX ! (Hi Hi !)
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