J’avais hâte bien sûr. Quand un des romans a été un coup de cœur (HKPQ), tu attends le prochain de l’auteur, assis sur le bout de ta chaise. Tu appréhendes aussi la différence possible.
De la différence, il y en a de Dragonville à HKPQ* (Prix France-Québec 2010), mais pas tant que ça pour la thématique, les chapitres 1910 se déroulant à HK et les 2010 au PQ, ceci en alternance. On se doute qu’il y aura un pont entre les deux siècles, et continents. D’ailleurs, l’auteure s’emploie à nous y préparer, doucement, progressivement. L’histoire se monte pierre après pierre, latte après latte, découverte après découverte. Voici déjà une différence d’avec HKPQ qui déboulait comme un roman à « un tome ».
Comme pour n’importe quel début de saga, l’apprivoisement des personnages est important puisque l’action rebondit moins vite. Surtout pour les chapitres « 2010 » où il est question de s’attacher à Sylvie arrivant de Chine et qui a comme seule ambition d’ouvrir un magasin pour y proposer des importations asiatiques. Elle revient dans sa ville natale, Magog, tout en ayant encore l’esprit ailleurs. C’est ainsi que j’explique son manque de fougue et de flamme du début. L’installation dans les nouveaux lieux est décrite avec moult détails. On l’accompagne dans ses retrouvailles, empreintes de culpabilité, avec un compagnon d’école qui l’aide à renipper le local du futur magasin. Ou au motel, puisqu’elle refuse d’habiter la maison ancestrale dont elle a pourtant héritée. Les lieux revêtent une grande importance : local, motel, rues, restos, aires de stationnement, nouveaux développements, maison ancestrale.
En 1910, il en est autrement, l’action se précipite. À moins que ce ne soit le lecteur qui, jeté hors de ses habitudes et de ses mœurs, les deux pieds enfoncés dans l’inconnu, en a l’impression. Nous voilà en voyage et pas en voyage organisé ! On ne nous présente pas les plus beaux endroits, on ne nous fait pas assister à une réalité contrôlée pour plaire à notre œil de touriste. En fait, le mystère est si dense que, au départ, je me suis demandé si je comprenais tout ce qu’il y avait à comprendre. Ce jeune homme, Li, trop beau pour exister, qui se damne à l’ouvrage et qui envoûte un être ... Une femme ? Rien n’est moins sûr. On ne marche pas sur le plancher des vaches, je vous l’assure ! Heureusement, la curiosité se faisant plus grande que la sensation d’être dépassé, on accepte d’avancer dans cette histoire abracadabrante qui tiendra ses promesses, je le précise.
À mesure que l’on avance en pages en 1910, les rebondissements s’amplifient, passant par d’innombrables personnages pour le moins colorés, événements et êtres mystérieux. Enquête policière, sang, meurtre, brutalité, misère, opium, dépendance, prostitution, rapt défilent sous nos yeux. Si parfois étourdie par ces chapitres, je comptais sur mon retour en 2010 pour accompagner Sylvie, cet être rassurant par sa gentillesse, et retrouvant du coup mes repères familiers. Cette femme à la vive curiosité, j’ose croire aussi curieuse que le lecteur, qui aime gratter les couches pour aller au fond des choses.
Les deux siècles et continents - en attendant le pont ! - sont unis par ce fond de reconnaissance au passé, aux géniteurs, je dirais même plus, à tout ce qui nous précède.
L’alternance des chapitres 1910 -2010, où on abandonne un siècle pour un autre entraine une saine frustration, du même genre que lorsque la bobine lâche en plein milieu d’un film palpitant et que le projectionniste doive procéder à l’ajustement. Ce qui fait que lorsque l’auteure nous pointe sa « fin » de la dernière page, définitivement, on trépigne d’impatience.
Trépignement qui persistera jusqu’à la parution du deuxième tome.
DRAGONVILLE, Porcelaine t.1 (trilogie) - Michèle Plomer, 313 p. Éditions Marchand de feuilles.
3 commentaires:
Ah pis moi, là, maintenant que j'ai dégusté la prose de l'auteure, c'est rien de dire que ma curiosité s'est allumée ! c'est pas une lampe de poche, c'est un phare de marine !
Oh, vivement la téléportation, bon sang !
Aaaaah sirop que j'ai hâte de pouvoir le découvrir à mon tour.
Je viens de le terminer. Et je suis fascinée par le talent de conteuse de cette auteure, qui vient toucher, bien sûr, à ma fibre voyageuse asiatique...
Le plus drôle? La maison qu'elle décrit à Magog, je navigue souvent devant elle, fascinée et habitée par sa beauté et son élégance...
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