Je m’étais attachée à l’inspecteur Lessard à ma lecture de Il ne faut pas parler dans l’ascenseur. Puis, l’auteur est intrigant, un avocat possédé par la passion d’écrire des histoires morbides. Et le mot « morbide » n’est pas de trop, ni le mot « violence ». Le résultat ? Une Venise qui prend un an avant de se décider à plonger dans cette Chorale du diable.
Je ne le regrette pas, c’est une bonne histoire et les amateurs de romans policiers seront comblés. Je pense à ceux qui aiment ces histoires touffues où un fil en arrache un autre et entraine avec lui trop de morceaux, qu’il faut ensuite placer, les mains pleines de sang. De ces histoires qui se déroulent avec des êtres perturbés à en être enfermés, et qui ne le sont pas.
Ça commence par une scène de tuerie familiale, à la hache, qui sera classée par l’équipe d’enquêteur comme un « banal » drame familial où le père disjoncte et tue femme et enfants. Pas pour Victor Lessard cependant qui doute de cette conclusion, et de lui-même, qui a vécu semblable expérience étant jeune. D'ailleurs, le spectre de son frère Raymond l’accompagnera pour le lui rappeler.
Dans ce second tome, Martin Michaud pousse encore plus loin le profil de l’inspecteur imparfait, allant jusqu’à en faire un être perturbé, carte qu’il jouera tout au long du récit. Cet enquêteur, un héros comme vous pourriez l’être, en autant que vous acceptiez de risquer, pas seulement votre carrière, mais votre vie, à n’en faisant qu’à votre tête, vous foutant de l’autorité pour traficoter par en-dessous. Pourquoi ce comportement un peu suicidaire ? Supposons que c'est pour prouver que vous êtes normal, à vos yeux et à ceux des autres. En même temps, et là est le jeu du roman policier à personnage vedette comme Lessard, le lecteur tremble pour lui, tout en sachant pertinemment que l’auteur ne le fera pas mourir.
Fait intéressant, une enquêtrice est le pendant féminin « à la Lessard » aussi irrévérencieuse, aussi rebelle mais plus violente. Le duo travaille chacun de leur côté, empêtré dans l'écheveau de meurtres familiaux et d’enlèvement de jeune fille. La détective en veut horriblement à Lessard pour une vieille histoire. Un duel entre êtres trop semblables.
Lessard reste un être vulnérable à l’amour, ce qui contribue également à le rendre humain. Il a changé, il fait maintenant attention à sa santé, ne bois plus de café et de malbouffe pour vraisemblablement mieux se conserver, d’où le paradoxe avec son agissement si téméraire que quasiment suicidaire. En passant, j’ai toujours de la difficulté à croire à ses histoires d’amour, potentielles ou réelles. De le trouver attachant est une chose mais de l’imaginer séduisant est une autre. Rien ne le laisse supposer.
Secte, religion, dieu/diable, bien/mal, parapsychologie, prédation sexuelle, pédophilie, délinquance, être possédé, si vous aimez les histoires complexes à démêler, sur fond noir foncé et rouge clair, si vous êtes capable d’en prendre, allez-y gaiement.... j’ai presque envie de dire, vous allez vous amuser !
Pour ma part, après toutes ces pages lues avec attention et intérêt, je réalise que je ne suis pas une bonne lectrice de polars. Je manque d'enthousiasme pour jouer à trouver le coupable, je mets aucune énergie à démêler le comment du pourquoi. Un peu comme si c’était tellement gros pour un si petit concentré de temps que je n’embarque pas. Quand je lis habituellement, j'aime ouvrir grand mon esprit pour englober les personnages, les chérir, tandis qu’avec du polar noir foncé, je reste sur mes gardes. On ne sait jamais quand on peut se faire surprendre, et voir une scène insoutenable. Ma réaction réflexe est de me fermer.
Nota bene : Martin Michaud est le gagnant du Prix Saint-Pacôme 2011 du roman policier. Si vous êtes intéressé à mieux le connaître, il tient un site web.
La chorale du diable, Martin Michaud, Éditions Goelette, février 2011
11 commentaires:
J'avais aimé le premier, et celui-ci est sur ma liste. Pas eu le temps de "monter" sur Paris, encore. :)
Moi, j'aime beaucoup le noir foncé et avec les aventures de Lessard, je suis vraiment comblé! Bien hâte de lire le troisième opus, ce prochain automne, j'espère...
Curieusement, moi, je me laisse porter par le roman, même policier.
Boulimique de livres comme j'étais,
j'ai aussi lu beaucoup de policiers
quand j'étais plus jeune.
En plus, ceux-ci, se passent par chez-nous.
Je n'avais pas détesté son premier et je vais aussi lire celui-ci.
Anne : Tu en auras encore plus pour ton argent et ton énergie alors. Pour les amateurs, c'est touffu et oserais-je dire, c'est du bonbon !
Pierre : Je te comprends tout à fait d'avoir hâte au troisième. Ce n'est pas parce que je ne suis pas la lectrice cible que je n'ai pas conscience combien c'est bon dans le genre.
Ginette : C'est un fait que c'est un PLUS que ça se passe par chez nous. Vous faites bien de l'apporter à notre attention, Ginette.
Suzanne : Je me souviens de ta critique du premier. J'ai hâte de lire, vraiment hâte, ta critique de La Chorale du diable.
Bien heureux d'enfin connaître ton opinion. Bravo pour ton honnêteté, malgré ton constat final! Snif snif : j'aime bien, moi, quand tu commentes du policier!! Mais, si tu n'aimes pas plus ça que ça, tu serais bien cruelle de t'en imposer... Avec la pile que tu as à lire, aussi bien y aller avec des trucs qui te font réellement envie! ;-)
Cher Pierre-Greg : Imagine-toi donc que je ne suis pas prête à abandonner le polar. J'y trouve quand même mon compte. Mon unique problème est le temps. Le budget "temps", parce que nous en avons tous un n'est-ce pas !
J'avoue, oui j'avoue, que le fait que mon analyse ait beaucoup plu à Martin Michaud m'a ébranlée. Je me dis que malgré le fait que je n'y trouve pas la même chose que les autres n'est pas une raison pour ne pas continuer d'en lire, tout en restant pas mal certaine que ça ne deviendra pas mon genre de prédilection.
L'affaire est qu'on devient curieux des performances d'un écrivain, et c'est un piège dans lequel je compte me jeter ;-)
Tu apportes de telles nuances dans tes propos que ça me donne (encore) le goût de lire cet auteur, ne serait que pour voir si j'aurai la même opinion. Mais me semble que ce n'est pas une raison pour lire un livre, faudrait que je lise pour lui-même et non pour voir si on en pense la même chose.
Publier un commentaire