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jeudi 28 juin 2007

La critique littéraire (suite)


Enfin, je peux continuer cette réflexion sur l'évaluation d'une oeuvre littéraire. Que sorte de ma tête – pour se transférer dans celle des autres :) ... un certain tourment qui m'habite à ce sujet. Avant de m'y étendre, je complète ma transcription d'une évaluation de Pierre Monette que je prends comme modèle pour le moment, le temps qu'il me projette à un autre modèle qui lui, m'amènera à un autre ... et ainsi se suit l'évolution si on s'ouvre à elle !

« Chacune de ces nouvelles rappelle que la plupart de nos existences se résument aux rares moments où l'ordinaire fait des histoires où les événements échappent au ronron de la routine. La mort, évidemment, a le don de nous faire comprendre que nous sommes bien peu de chose : « On meurt et ça continue sans nous. » Et c'est tout ça, finalement, qui compte vraiment : « l'inépuisable respiration de la mer »; le redoux qui n'est qu'une trêve, une trahison de l'hiver, un piège »; avoir « la tête dans le bruissement des feuilles »; apercevoir « dans le pâturage [...] des stries vertes d'été, d'autres roux sombre d'automne et, plus loin encore, aux pieds des arbres, des nébuleuses de givre ». Et c'est ça qui compte dans ces récits : une langue savoureuse, une écriture qui porte la signature de Robert Lalonde. La construction de chacun des textes n'est pas toujours des plus heureuse, la narration ne roule pas toujours aussi rondement qu'on l'aimerait : on dirait, parfois, des débuts de romans qui ont tourné court (« Le meilleur ami de l'homme » est l'exception : la meilleure des nouvelles rassemblées dans l'ouvrage). Mais les personnages qui habitent ces pages ! Et surtout le ton, le style ! Ils se font de plus en plus rares, ils sont comme en voie de disparition, les écrivains qu'on reconnaît à la tournure de leurs phrases, qu'on lit moins pour ce qu'ils racontenent que pour leur manière de le raconter, qui n'écrivent pas seulement en français (ou en québécois, si ça se trouve...), mais en Ferron, en Anne Hébert, en Miron, en Marie-Claire Blais, en Beaulieu, en Lalonde. Si, comme le veut l'adage, le style, c'est l'homme, alors Robert Lalonde est tout un homme. »

Voyez-vous un peu mieux ce que j'ai aimé ? Ce commentateur a l'audace de son honnêteté. Il en faut tout de même pour déclarer avec assurance ce que l'on a pas aimé : « la construction de chacun des textes ... pas toujours des plus heureuse, la narration ne roule pas aussi rondement qu'on l'aimerait ... ». C'est le style, le ton, les personnages, la signature unique qu'il a apprécié au point de nous donner le goût de fouiller ces "Espèces en voie de disparition". Et comme il a particulièrement été impressionné par le style, il nous en fait une belle démonstration (vous aurez compris que les guillements à l'intérieur des guillements sont du Lalonde).

Il est certain qu'on aime connaître ses modèles. J'ai donc demandé à Google qu'est-ce qu'il savait de ce Pierre Monette et j'ai découvert, à ma surprise, qu'il a été au centre d'une polémique suite à la publication de son « Pour en finir avec les intégristes de la culture » (Boréal, 199 p.) :

J'en ai jusque-là! Plein mon casque des chroniqueurs et niqueuses pressés de placer leur mot, qui débattent de mes propos sans se soucier de référer à ce que j'ai écrit. Je fais désormais partie, en compagnie de Mordecai Richler et René Daniel Dubois, de ces auteurs dont on parle sans les avoir lus, et qu'on dénigre sans les nommer.
[....]
Qu'on soit d'accord ou pas avec mes positions, peu m'importe: qu'on lise son livre avant d'en parler, c'est tout ce qu'un auteur est en droit de demander.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il a déjà goûté à la saveur amère de la critique lancée haut et fort sans l'assise honnête et responsable qu'est la lecture d'une oeuvre au complet avant de la critiquer vertement.

Et là, on atteint le coeur de mon tourment. Je suis à lire un roman et ma première impulsion aurait été de l'abandonner « au plus sacrant » ! Je le lis jusqu'au bout, en rouspétant. Avec la mauvaise attitude justement. C'est un exercice que je m'impose. Je le vois ainsi, pigeant dans ma réserve d'humilité (j'en garde toujours une bonne réserve, cela peut être si utile parfois!) pour déclarer que je ne suis pas prête à évaluer ce roman. Mon évaluation ressemblerait beaucoup trop à une critique.

Ce qui fait que je devrais critiquer ma critique, et puis critiquer la critique de ma critique. Et là, je ne serai pas sorti du bois .... et comme j'y habite !

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